Naufrage…

Les images du naufrage du Concordia sont troublantes. Outre le drame humain avec ses victimes et le risque environnemental, il y a quelque chose d’irréel à contempler ce seigneur des mers couché sur son flanc – et ce, tout près de côtes paradisiaques. Quand un avion se crashe, ne restent que des débris. C’est également des amas de tôles froissées et fumantes qui marquent un accident de voiture ou de train. Rien de tel avec le Concordia. Tout semble s’être passé « en douceur »… sans choc, ni violence. Simplement voilà : la ville flottante semblait invincible et puis – en quelques heures – la voilà devenue le jouet des flots.

Et le souvenir du Titanic nous revient en mémoire. J’ai affiché chez moi une grande photo du puissant navire quittant Southampton. Elle fut prise par le plus grand photographe marin de sa génération, Beken of Cowes. Le titan britannique semblait – lui aussi – insubmersible. Rien ne pourrait lui arriver. Puis, il y eut un banal iceberg. Aujourd’hui, ce naufrage nous apparaît comme une cruelle prophétie pour la vieille Europe, colonisant alors la terre entière et confit de confiance en sa supériorité culturelle – avant que deux guerres mondiales lui rappellent sa fragilité.

Pareillement, le naufrage du Concordia, ce géant des croisières touristiques, nous dit quelque chose sur la société de consommation. Cette société de loisirs semble éternelle. Mais il suffit d’une coupable imprudence et d’un rocher pour que les évidences apparemment insubmersibles fassent naufrage.
Mes pensées et prières vont tout naturellement vers les victimes de ce drame marin et vers leurs familles. Je pense surtout à ces familles qui vivent encore dans l’incertitude, car le corps de leur proche n’a pas été retrouvé. Mais, je ne puis non plus me détacher du symbole de ce naufrage. Puisse-t-il rappeler à notre société de consommation qu’elle est fragile et éphémère. Ce rappel ne sert pas à distiller la peur, mais à nous recentrer sur les valeurs non-périssables. Comme aimait à le répéter le Christ:  « Veillez ! » (Marc 13, 33)

« Jésus fait autorité » – 4e dimanche de l’Année, Année B

« On était frappé par son enseignement, car Il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes ». (Marc 1, 21-28)

C’est une remarque fréquente dans les Evangiles. Quelque chose frappe les esprits de ceux qui écoutent Jésus plus encore que ses miracles : le Nazaréen ne parle pas comme les scribes qui commentaient les écritures en se référant à d’autres scribes. Non, Il parle en homme qui a autorité : « On vous a dit… Eh bien, moi je vous dis » (Matthieu 5, 21). Sa parole ne sort pas des livres, mais du plus profond de ses entrailles.

Il a autorité, cela veut dire qu’Il est « auteur » de sa parole. La raison de ceci, Il la donne lui-même : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, Parce qu’il m’a oint pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres; Il m’a envoyé pour guérir ceux qui ont le cœur brisé, Pour proclamer aux captifs la délivrance, Et aux aveugles le recouvrement de la vue, Pour renvoyer libres les opprimés » (Luc  4,18).

Nous ne sommes pas le Christ, mais – en tant que baptisés – nous avons part à son Esprit. Demandons donc à l’Esprit de nous remplir de l’autorité du Seigneur. Non pas pour devenir « autoritaires », mais pour – à notre tour – annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres.

L’intolérance… de l’autre – dans l’hébdo « Dimanche » p.3

« Etat d’âme », chronique paru dans l’hebdo catholique « Dimanche » du 29/01 p.3

Il y a quelques jours, je donnais une conférence avec un jeune journaliste du quotidien « La Libre » sur un thème d’actualité : « politique et populisme ». Vint le moment des questions. Et là – sans surprise – les interpellations tournèrent autour de l’islam. N’étions-nous pas trop naïfs en pensant que les musulmans pourraient un jour « vraiment s’intégrer » à notre société occidentale – pétrie de tolérance? Je ne nie pas les difficultés, les risques et l’inquiétude devant le fanatisme islamique qui semble séduire nombre de jeunes belges musulmans. Bref, halte à l’intolérance ! D’accord, évidemment.

Il n’empêche… Le journaliste qui animait la soirée avec moi, prit la parole à ce moment précis du débat pour témoigner. Sa maman est africaine, ce qui lui donne un look un peu café au lait, que cache son nom européen : « Je cherchais il y a quelques années un appartement à Bruxelles pour emménager avec ma femme et mes enfants. Au téléphone, avec mon nom – pas de souci. Une fois que les propriétaires virent ma tête, j’eus plusieurs fois pour réaction « ah, c’est vous ? » Soudainement, la location n’était plus possible pour quelque motif fumeux ». Ce journaliste conclut : « je comprends que de jeunes musulmans qui vivent cela presque quotidiennement, n’aient ensuite pas trop envie de vraiment s’intégrer».

Un témoignage qui donne à méditer – nous qui pensons si facilement que l’intolérant, c’est forcément l’autre. Voilà pourquoi je salue le fait que l’université Al-Azhar, la plus haute autorité de l’islam sunnite, vient d’adresser aux Égyptiens un document dans lequel elle souligne la nécessité de respecter les libertés fondamentales du peuple. Au nombre de ces libertés figurent la liberté de religion, d’opinion, de recherche scientifique et de créativité artistique. Même si le document n’aborde pas le problème essentiel du « droit à la conversion », je trouve que c’est une bonne nouvelle. La preuve que l’intolérant n’est pas toujours l’autre.

 

Réponse amicale à un récent billet d’humeur

Certains cathos s’en étonnent, mais c’est ainsi : J’éprouve une sincère sympathie pour Pierre Galand, président du Centre d’Action Laïque, tout comme j’en avais pour son prédécesseur Philippe Grollet. Chez Philippe, je m’amusais de son intelligence vive et taquine qui aiguisait nos débats. Chez Pierre, je salue l’engagement de longue date du militant humanitaire. Ainsi, c’est lui qui me fit découvrir et rencontrer Stéphane Hessel, avant que son « indignez-vous » n’en fasse la coqueluche des médias. Voilà pour les fleurs. Maintenant les épines : la sympathie n’empêche pas les désaccords. Jeudi dernier 19 janvier, Pierre Galand avait trempé sa plume dans le picrate avant de publier un billet d’humeur particulièrement corsé dans les pages de La Libre (« Tant va la foi au moulin »). En toute amitié, j’aimerais lui répondre sur deux points :

Premier point : A propos du dernier livre de Mgr Léonard, Pierre Galand écrit dans son billet d’humeur: « Le voici qui s’attaque à présent au Parlement, l’enceinte ultime de la représentation du peuple souverain, coupable à ses yeux de se montrer indocile aux préceptes spirituels chers à son dogme. Reconnaissons que les réactions outrées ont été quasi unanimes, même parmi ceux supposés être « de son camp ». »  De quoi s’agit-il ? Mgr Léonard a écrit dans son livre « Agir en chrétien » (publié en français il y a plusieurs mois déjà) qu’il regrettait que « le Parlement s’attribue le droit de décider par vote majoritaire du sens de la sexualité, de la différence du masculin et du féminin, de la signification du mot ‘mariage’, du rapport métaphysique de l’être humain à la finitude et à la mort, de la qualité des embryons méritant ou non d’être respectés, etc ».

Je rappelle, une fois de plus, ce qu’écrivait à ce sujet le 7 janvier dans les colonnes du Soir – un journal pas forcément aux ordres de l’Eglise – le journaliste Ricardo Gutierrez,:  « Non, André Léonard ne « s’en prend » pas au Parlement. Il invite, au contraire, les chrétiens aux « convictions fortes » à peser sur le débat politique. Oui, le prélat a raison quand il écrit que « dans une société séculière et pluraliste », les croyants doivent pouvoir exprimer leurs opinions, influer sur le débat public qui n’est pas le monopole des athées et des agnostiques. Oui, le prélat a le droit, comme tout citoyen d’un Etat démocratique, de critiquer le Parlement et même d’estimer qu’un vote légitime des élus du peuple « ne suffit pas à fonder le droit ». C’est sa perception ».

Et puis, un peu de mémoire : en décembre 2009, c’est Pierre Galand qui lançait un tonitruent « le Sénat me déçoit ! », suite au retrait de la proposition de loi Mahoux sur la neutralité de l’Etat. Était-ce de la part du Président du CAL une attaque contre « l’enceinte ultime de la représentation du peuple souverain, coupable à ses yeux de se montrer trop docile aux préceptes spirituels » ? Non bien sûr. Pierre Galand s’exprimait au titre de la société civile et cela était tout à fait honorable et respectable. L’archevêque serait-il donc le seul citoyen du royaume à ne pouvoir publiquement s’indigner ?

Second point : Pierre Galand dénonce le lobbying religieux et puis répond au reproche que l’on pourrait faire au CAL d’être au moins aussi « lobbyiste » que les cultes : « Bien sûr, certains auront beau jeu de stigmatiser le « laïcisme » – néologisme visant à désigner les « intégristes de la laïcité » – et de dénoncer notre lobbying, comme une atteinte à la séparation des « Eglises » et de l’Etat. Trop facile ! Ce postulat ne résiste pas à l’analyse : la laïcité n’est en aucune façon une religion et ne propose aucune mesure sociétale partisane ». Que la laïcité philosophique ne soit pas une religion – personne ne le conteste. Que le CAL ne soit pas un acteur philosophiquement engagé et donc « partisan », c’est cela qui ne résiste pas à l’analyse. Le Centre d’Action Laïque a été fondé, non comme une agence gouvernementale chargée de vérifier la neutralité de l’Etat, mais bien comme un organe représentatif des citoyens se reconnaissant des principes de la laïcité philosophiques. Il est donc un acteur important – je dirais même indispensable – du compromis à la Belge, mais non moins partisan pour la cause. Sa vigilance concernant les « accommodements raisonnables » demandés par certains cultes, n’en reste pas moins un réel apport au débat démocratique. Mais, pour qu’il y ait débat, il faut que la liberté de parole soit entière pour tous les acteurs de ce débat, et cela veut dire – Mgr Léonard inclus.

« Jésus embauche » – 3e dimanche de l’Année, Année B

« Aussitôt, laissant là leurs filets, ils le suivirent. » (Marc 1, 14-20)

Dimanche dernier, nous recevions comme Evangile le récit de l’appel des premiers disciples d’après Saint Jean. C’est sans doute la version la plus historique : Ils étaient disciples du Baptiste et puis ont suivi Jésus. Ce dimanche, nous entendons la version de Saint Marc (assez proche de celle de Matthieu et de Luc). Les disciples sont en train de pêcher – c’est leur métier – et « paf ! » Jésus passe par là et les recrute pour devenir des « pêcheurs d’hommes ». Du coup, ils plantent là leur père et leurs filets et ils le suivent.

Cet épisode correspond sans doute davantage à une expérience spirituelle. En découvrant Jésus, les disciples ont saisi que plus rien ne serait comme avant. « Hareng-boulot-dodo », c’était bien. Mais l’Evangile, c’est la vie. Du coup, leur existence bascule. Il y a un avant Jésus et un après.

Les baptisés d’aujourd’hui ne sont pas tous appelés à lâcher leur profession – les vocations à se consacrer entièrement à l’Evangile restent l’exception – mais une fois que l’on a croisé le regard du Christ, plus rien ne doit être comme avant. A sa manière, chaque baptisé est appelé à être un « pêcheur d’hommes ». Sur les sentiers de l’Evangile, il n’y a pas de chômage, de pause-carrière ou de pension. Avec Jésus, c’est le plein-emploi au service du Royaume de l’Amour.

Opération « Calice » et nouvelles perquisitions : une remarque, une question, une inquiétude aussi

L’édito de jeudi dernier, paru dans le quotidien « le Soir » est de la plume de Ricardo Gutierrez. Comme souvent, il explique avec intelligence et un détachement de bon aloi la raison des récentes perquisitions dans chaque évêché du royaume. J’invite chacun à le lire.

Une remarque : C’est un édito que je salue et que je pourrais signer. A une exception près. Quand je lis : « Il faut saluer l’engagement récent de l’Eglise catholique belge à assumer pleinement sa responsabilité morale », je trouve que c’est faire un peu trop l’impasse sur le travail remarquable de la Commission Adriaenssens. A l’époque, une certaine presse murmurait que cette commission n’était pas suffisamment indépendante. Pourtant, son rapport fut salué par tous – à commencer par la commission parlementaire. Donc – oui – cette Commission ecclésiale travaillait en toute indépendance (j’en ai été témoin). Ceci démontre que l’Eglise assumait déjà sa responsabilité morale. Que l’actuelle démarche de dédommagement aille plus loin et qu’il faille s’en réjouir, est également vrai. (lire « Soutien à nos évêques ») Mais cela ne signifie pas que rien n’était mis en place avant.

Une question : pourquoi de nouvelles perquisitions ? Pourquoi ne pas simplement demander les dossiers recherchés aux évêchés ? Le juge a certainement ses raisons et – comme le dit Ricardo –il n’agit pas en cow-boy solitaire, mais sous contrôle du procureur fédéral Delmul. Mais moi, je ne comprends pas. Mis à part le fait que l’info a ouvert les JT, trois jours en suivant, quel avantage y avait-il à débarquer à l’improviste dans un évêché pour demander des dossiers que les responsables catholiques auraient pu préparer s’ils en avaient reçu la demande ?

Une inquiétude : oui, la justice doit rechercher jusqu’au bout les éventuelles responsabilités. Elle le doit aux victimes. Elle le doit aussi à l’Eglise : ce n’est que si la justice enquête jusqu’au bout, que celle-ci sera éventuellement lavée du soupçon d’encore cacher des cadavres dans ses placards de sacristie. L’instruction enquête à charge et à décharge, mais avec toute cette médiatisation, ceux qui ont en charge l’instruction ont-ils encore le recul nécessaire pour arriver à la conclusion – le cas échéant – que la justice n’a personne à inculper ? Vu les attentes créées, la tentation ne deviendra-t-elle pas très forte de faire en sorte que – coûte que coûte – un procès voie le jour?

Semaine de Prière pour l’Unité des Chrétiens: « Ce que l’Esprit dit aux Églises » (Apocalypse, 2, 11)

Ce 18 janvier s’ouvre la semaine de prière pour l’unité des chrétiens – une initiative lancée en 1933 par l’abbé Couturier et parrainée par le Conseil œcuménique des Eglises. Elle se clôture le 25 janvier – fête de la conversion de Saint Paul, l’apôtre des nations. Pourquoi l’œcuménisme ? Des siècles durant, catholiques, orthodoxes et protestants se sont forgés une identité par opposition à l’autre. Ainsi, depuis le XVIe siècle, le mot « catholique » signifie pour beaucoup: « ni orthodoxe, ni protestant ». Depuis près de cent ans, le mouvement œcuménique renverse cette tendance et aplanit les oppositions entre chrétiens, inspiré en cela par la parole du Christ : « qu’ils soient un comme nous, Père, sommes un » (Jean 17, 22). Les résultats ne se sont pas fait attendre : les chrétiens de toutes dénominations se reconnaissent désormais comme frères et le baptême conféré par les différentes confessions est reconnu par tous comme valide. Après avoir engrangé de réelles avancées, le travail œcuménique bute cependant aujourd’hui sur des obstacles d’ordre dogmatique et disciplinaire : sens des sacrements, culte marial, communion des saints, rôle du pape, critères d’accès aux ministères ordonnés, etc. Je ne vois pas comment ces divergences théologiques pourraient être surmontées – du moins pour l’instant. Pour ne pas faire du surplace, l’élan œcuménique est donc invité à également explorer d’autres chemins.

Parmi ces chemins, il y a celui du « discernement œcuménique ». Il consiste à se mettre à l’écoute de l’unique Esprit pour déceler « ce qu’Il dit aux Eglises » (Apocalypse 2, 11) et en quoi ce qu’Il enseigne ailleurs peut enrichir ma propre tradition ecclésiale. Du point de vue catholique romain, je résumerais pareil discernement œcuménique par la formule suivante : « un catholique sera d’autant plus catholique, qu’il sera authentiquement protestant et réellement orthodoxe ». Comprenons-nous bien : je ne prône pas un syncrétisme qui créerait l’unité chrétienne sous la forme d’un melting pot, empruntant quelque chose à chaque tradition. Il s’agit plutôt pour chaque baptisé de se mettre en condition d’accueil et d’émerveillement devant d’autres réalités chrétiennes et de se laisser ainsi convertir par ce que l’Esprit y révèle. En tant que catholique romain, je crois que la plénitude de l’Esprit subsiste dans mon Église, mais cela ne signifie pas que pareille plénitude y soit toujours à l’œuvre. En scrutant avec discernement la vie des autres Églises et communautés chrétiennes, je pourrais fort bien découvrir de vastes trésors spirituels que le poids des habitudes ou du péché a fait oublier au catholique que je suis. Ce serait donc mes frères protestants et orthodoxes qui me rendraient plus catholique,… et vice versa.

Concrètement? Chacune des trois grandes traditions chrétiennes met davantage en relief certains aspects de la vie en Esprit. A nous de les découvrir et d’en tirer les leçons qui s’imposent.

  • La force de la Réforme protestante est de se centrer sur le cœur du message chrétien. «Back to basics », nous lancent les protestants de tous bords : « revenons à l’essentiel qui est la rencontre spirituelle avec le Christ et l’accueil de son Évangile qui sauve ». La confrontation avec le protestantisme peut aider les catholiques et les orthodoxes à jauger leurs traditions, si vénérables soient-elles. En effet, ce n’est pas le Christ qui doit se mettre au service de la tradition, mais la tradition qui reçoit son sens du Christ.
  • Les Églises orthodoxes ont pour point fort de célébrer le christianisme plutôt que de le raisonner. Avec eux, la vie chrétienne est louange au Père par le Christ dans l’Esprit et la foi se vit comme une grande liturgie. De ceci résulte une remarquable intégration entre toutes les facultés humaines : raison et imagination, corps et esprit, justice et miséricorde, art et prière, prédication et célébration,…  La rencontre avec l’orthodoxie rappelle aux occidentaux – tant catholiques que protestants – que la vie chrétienne prend l’intégralité de notre humanité pour l’unifier. On est chrétien avec tout son être – corps, cœur et esprit – afin de louer le Père. Il n’y a pas d’une part la théologie et de l’autre la vie de prière ; d’une la justice et de l’autre la miséricorde ; d’une part la parole et de l’autre la liturgie. Ce ne sont pas des compartiments étanches, mais les éléments d’une unique dynamique de foi, d’espérance et de charité.
  • Chez les catholiques-romains, c’est davantage l’aspect « structurel » de la vie en Église qui est accentué, afin que chaque baptisé trouve sa juste place dans l’Église et reçoive la mission qui lui convient. Ce que les chrétiens orthodoxes et protestants peuvent apprendre des Romains que nous sommes, est que le droit peut se mettre au service de l’Esprit afin de combattre les forces centrifuges si propre aux communautés humaines. Rome a le charisme de l’unité et rappelle aux protestants multiples et aux orthodoxes pluriels (Grecs, Russes, Serbes,…) que – sans pour autant devenir monolithique – le christianisme ne peut se vivre éclaté.

Appliquons le discernement œcuménique à notre situation concrète de catholiques occidentaux. Je trouve que – trop souvent – nous nous épuisons dans un débat sur les structures. Combien de fois est-ce que je n’entends pas dire : « je rêve d’une Eglise plus démocratique ? ou – au contraire – plus centralisée autour de Rome » ? A cela, je réponds : « Je rêve d’une Eglise où tout baptisé se sent acteur de l’Evangile, où les laïcs prient en famille, partagent la Parole de Dieu, demandent à leur clergé : parlez-nous de Dieu… et où ce clergé répond à cette légitime demande ». La fréquentation de nos frères protestants nous rappelle que toute vie chrétienne trouve sa source dans la rencontre spirituelle avec le Ressuscité, aidé en cela par la rumination de l’Ecriture sainte. La rencontre de nos frères orthodoxes nous enseigne que pareille expérience conduit à la célébration et à l’adoration du Dieu trois fois saint. Avec les protestants, apprenons donc à d’abord « rechercher le Royaume de Dieu et sa justice » (Matthieu 6, 33) ; avec les orthodoxes « poussés par l’Esprit, crions vers le Père en l’appelant : Abba! » (Romains 8, 15) et ceci avec notre corps, cœur et esprit. Bref, en écoutant ce que l’Esprit dit à nos frères protestants et orthodoxes, peut-être découvrirons-nous mieux ce que l’unique Esprit murmure en ce début de XXIe siècle, aux catholiques occidentaux que nous sommes. « Celui qui a des oreilles, qu’il entende ce que l’Esprit dit aux Églises »  (Apocalypse, 2, 11).

 

« Page Facebook de Jésus » – 2e dimanche de l’Année, Année B

« Que cherchez-vous ? » Ils lui répondirent : « Rabbi, où demeures-tu ? » Il leur dit : « Venez et vous verrez. » (Jean 1, 35-42)

Le temps de la Nativité se termine et – jusqu’au début du carême – nous commençons le cycle des dimanches, dits « ordinaires ». Les prêtres et diacres portent des vêtements liturgiques verts – couleur de l’espérance. Ce n’est donc pas par hasard que l’Evangile de ce dimanche parle de l’appel des premiers disciples, car les nouveaux disciples que Jésus appelle en ce début d’année 2012 – c’est chacun de nous.

Que faire pour ressentir l’appel du Christ ? Le chercher – comme les deux premiers disciples. Mais chercher ne suffit pas. Lorsque nous ressentons Sa présence spirituelle, il s’agit de prendre du temps pour mieux le connaître. C’est ce que permet la prière, la lecture de la Bible, ou encore la pratique dominicale de l’Eucharistie.

Quand des jeunes (ou des moins jeunes) se cherchent sur « Facebook », ce n’est pas avant tout pour connaître l’adresse internet de l’autre, mais bien pour mieux découvrir qui est cet autre. Cependant, rien ne remplace une rencontre. C’est ce qui arrive avec les premiers disciples. Jésus leur demande : « Que cherchez-vous ? » Ils lui répondirent : « Rabbi, où demeures-tu ? » Ce faisant, ils ne demandent pas son adresse, mais cherchent à découvrir qui Il est. Alors, Jésus leur dit : « Venez et vous verrez. » (Jean 1, 35-42)

Soutien à nos Evêques

Une souffrance cachée
Ce jeudi 12 janvier, les évêques de Belgique et supérieurs des Religieuses et Religieux ont donc rendu public un document intitulé : « Une souffrance cachée – Pour  une  approche globale des  abus  sexuels  dans  l’Eglise ». Ce faisant, nos pasteurs lancent une nouvelle initiative, qui succède – en en gardant l’esprit – à ce qu’avait entrepris la Commission interdiocésaine présidée par le professeur Adriaenssens (jusqu’aux perquisitions de juin 2010). Mais la présente initiative est plus ambitieuse, mieux encadrée, et les points de contacts sont beaucoup plus nombreux. Le fonctionnement de ces derniers sera supervisé par une Commission interdiocésaine pour la protection des enfants et des jeunes qui sera opérationnelle en juillet 2012. Composée d’experts académiques de diverses disciplines et impliquant des victimes d’abus, cette commission émettra aussi des propositions d’action préventive à la Conférence épiscopale, suivra les initiatives prises dans d’autres pays et produira un rapport annuel.

Communion avec nos évêques
Comment ne pas saluer la détermination de nos évêques ? Mais cela ne suffit pas. Il y a des années, la conférence épiscopale avait commencé à réagir au scandale des abus sexuels en lançant un point de contact téléphonique. Il fut objecté que c’était trop peu. Vint donc la commission ecclésiale. On entendit alors murmurer qu’elle n’était pas vraiment indépendante. Et ce furent les perquisitions qui torpillèrent l’initiative. Il fut dès lors reproché aux évêques de ne plus rien entreprendre…
Le passé est le passé. Ce n’est pas le moment d’épiloguer à son sujet. Bien d’en tirer une leçon. La modernité cultive l’attitude critique face aux autorités de tous bords. En digne fils de leur époque, nombre de fidèles catholiques – tant progressistes comme conservateurs – ont répété à l’envi, telle une mantra, que les évêques n’étaient pas à la hauteur, qu’ils ne faisaient pas ce qu’il fallait, etc. etc. Plus d’une fois – alors que j’étais leur porte-parole – j’ai donc ressenti la solitude de nos pasteurs. Ces critiques étaient d’autant plus percutantes que, comme toute institution humaine, la conférence épiscopale a ses limites et points faibles. Mais en rester à la critique est une attitude adolescente.
En chrétiens adultes, soutenons donc nos évêques dans leur actuelle détermination à mener à bien cette nouvelle initiative. Je suis fort reconnaissant envers tous ces juristes, pédopsychiatres et autres professionnels qui les entourent de leur expertise. Je pense aussi à ces nombreux bénévoles qui feront vivre les points de contact. Sans ces bonnes volontés, les évêques seraient démunis. Quant à nous, accompagnons pareille entreprise de nos prières et de nos encouragements. Et faisons-le savoir à nos évêques. Comme chacun de nous, ils ont parfois besoin de se sentir soutenus.