Voici le billet d’humeur de Marc Metdepenningen, paru en p.8 du quotidien « le Soir » de ce 29 janvier. Ma réponse lui fait suite:
Le burn-out des nonnes, témoin du machisme d’une Eglise hors des temps modernes
Les 649.000 religieuses de l’Eglise catholique qui travaillent dans des couvents ou des institutions à travers le monde sont des esclaves de prêtres et d’évêques pour lesquels elles effectuent des prestations ménagères non rémunérées et sans contrat d’emploi. Elles sont aussi parfois victimes d’abus sexuels que la honte leur impose de ne pas révéler.
Le magazine Femmes Eglises du monde , inséré dans L’Osservatore romano , l’organe officiel du Saint-Siège, rendait compte récemment de la situation dégradée et anachronique des nonnes, réputées être chacune épouse de Jésus (qui n’est pourtant pas réputé polygame). Elles sont aussi victimes de burn-out lié à l’amplification des tâches qui leur sont imposées. Les travaux ménagers dans les couvents ou au bénéfice des desservants mâles de l’Eglise se sont accrus en parallèle de la décroissance de leurs effectifs (-10 % au cours de la décennie écoulée et jusqu’à -21 % aux Etats-Unis). La distribution des tâches dévolues aux religieuses s’est amplifiée, à raison de l’appauvrissement des vocations. Elles sont en outre assumées par des nonnes de plus en plus âgées qui n’ont plus le même rendement.
Cette situation de burn-out et de stress amplifié, constatée récemment par l’Union internationale des supérieures générales qui chapeaute plus de 1.900 congrégations, réduit aussi à peau de chagrin la finalité des nonnes dont la vocation, certes volontaire, est celle de la prière ou de la médiation, supplantée de plus en plus par les services à rendre aux « hommes de l’Eglise », qui leur refusent par ailleurs l’accès à la plénitude de leur engagement religieux en leur refusant l’accès à la prêtrise.
Les « femmes de l’Eglise » sont des « sous-hommes ». Les vœux de pauvreté qu’elles formulent à leur entrée dans les congrégations les privent de salaire, de droits sociaux. Rome a pris conscience du problème. L’abandon de la vie religieuse laisse ces femmes sans droits à une existence sans ressources. Une maison pour religieuses défroquées a été ouverte par le Vatican. Des ex-nonnes ont été contraintes à des pratiques de « prostitution de survie », selon le cardinal Joao Braz de Aviz.
Le burn-out des nonnes révèle une fois de plus le déphasage total de l’Eglise en regard du siècle dans lequel elle se doit d’évoluer. Leur cause est aussi un défi social, comme un cri contre le machisme structurel qui persiste au sein d’une Eglise vieillotte et devenue incompréhensible dans son respect des droits fondamentaux.
Marc Metdepenningen
Ma réponse à ce billet d’humeur:
J’ai de la sympathie pour Marc Metdepenningen, bon journaliste et intervenant régulier sur ma page FaceBook. Cependant – comme je le lui ai écrit – son billet d’humeur du jour dans le quotidien « le Soir » est tellement caricatural, qu’il en devient insignifiant. Et manque donc sa cible.
Que l’Eglise – comme tant d’autres pans de la société – doive continuer à se guérir du patriarcat, je ne puis le contester. Que le statut des religieuses mérite une actualisation, est une réalité, régulièrement discutée dans le monde du droit canonique, auquel j’appartiens. Il s’agit, en effet, de traiter sur un total pied d’égalité, les consacrés masculins et féminins, sans que ces dernières vivent une forme de tutelle des premiers. Que via un mouvement #Meetoo dans l’Eglise, des religieuses commencent à secouer le cocotier de prélats dominants et indignes, est salutaire et à encourager. Que la précarité économique de certaines religieuses soit dénoncée, toujours d’accord.
Cependant, parler de « déphasage total » de l’Eglise, est injuste. Il existe une évolution dans l’Eglise, quant à la place des femmes en général et des religieuses, en particulier. Exemple: comme Vicaire épiscopal, membre du conseil de l’évêque, j’ai plusieurs collègues féminines. Impensable, il y a 25 ans. Le chemin à parcourir est encore long – je suis d’accord… Mais cela ne vaut pas que pour l’Eglise. Le patriarcat a-t-il complètement disparu du monde de l’entreprise, de la politique, voire même de la presse? Le burn-out est-il propres aux religieuses? Ne le rencontre-t-on pas tout autant chez des prêtres, évêques, businessmen, journalistes, etc.
Mais surtout – décrire les religieuses du monde entier comme des « esclaves de prêtres ou d’évêques etc. etc », est une insulte à toutes ces femmes consacrées, dont beaucoup vivent une vocation solaires et inspirantes, dignes héritières en cela des Hildegard von Bingen, Thérèse d’Avila, mère Theresa et soeur Emmanuelle. Réduire a priori toutes les « nonnes » au rang de victimes sans aucune prise sur leur choix de vie et épanouissement, me semble de la part de l’auteur de ce billet d’humeur, une attitude paradoxalement fort… machiste.