In memoriam #Arno – Notre Gainsboerreke

Je me souviens, il y a presque vingt ans, alors que j’étais porte-parole des évêques de Belgique, d’une discussion avec le cardinal Danneels concernant la scène musicale belge. « Arno est sans doute notre chanteur vivant le plus doué », lui disais-je. Le prélat me contempla étonné – Arno étant une référence inhabituelle dans le clergé. Il  ajouta avec un petit sourire amusé : « il a une voix particulière, mais je reconnais qu’il est doué ». 
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Confessons-le d’emblée: Arno était davantage pilier de comptoir que pilier d’église. Cet Ostendais de Bruxelles était un personnage breugelien, qui cachait sa timidité sous une épaisse couche de provocation et d’humour décalé, le tout imbibé de bière locale. Il suffisait cependant de gratter un peu, pour découvrir derrière le showman, l’artiste au grand coeur et à la bienveillance tout-terrain. 
Et puis surtout, le sieur Hintjes possédait une bonne dose de génie. Jane Birkin, qui lui était si proche, ne s’y trompa pas: quelque chose de l’esprit de Serge Gainsbourg coulait dans ses veines. Il suffit d’écouter leur reprise à deux voix d’ « Elisa » pour s’en convaincre: 
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Terrassé par un vilain cancer, Arno a connu son grand passage. Je ne connais pas ses convictions religieuses, mais  récemment, après avoir chanté « Les Yeux de ma mère », il confia au public qu’il allait bientôt aller la rejoindre « là-haut ».
Désormais, il découvre qu’il y a aussi une Lumière dans les yeux de notre Père.
A-Dieu Arno. Et merci. 

«  Notre jumeau » – 2° dimanche de Pâques, Année C

« Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu !» (Jean 20, 19-31)

Le prénom Thomas signifie « jumeau ». Et de fait, l’apôtre Thomas est un peu notre frère jumeau : comme lui, nous aimerions bien « un peu voir », histoire d’« un peu plus croire ».

Mais il s’agit d’un piège : celui qui voit, est convaincu. Il ne devient pas, pour autant, plus croyant. La foi chrétienne est une adhésion du cœur bien plus que de l’intelligence. Elle met en mouvement et transforme une vie. Ainsi, celui qui déclare « croire en quelqu’un », ne dit pas tant qu’il est convaincu que cette personne existe, mais bien qu’il pense que cette personne est digne de confiance. De même, la foi chrétienne n’implique pas tant de « croire que Dieu existe ». D’ailleurs beaucoup disent : quand je vois ce monde qui ne tourne pas rond – même s’Il existe – à quoi ce Dieu me sert-il ? Non – la foi donne avant tout de saisir dans son cœur que « j’existe pour Dieu » : Depuis ma conception, ce Dieu de l’alliance marche avec moi. En Jésus, Il a donné Sa vie par amour pour moi.

Ce n’est que cette assurance qui donne de tomber à genoux comme l’apôtre Thomas et de s’écrier : « mon Seigneur et mon Dieu ! »

«  Une vie avant la mort » – Nuit et jour de Pâques, Année C

« Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, Il est ressuscité. » (Luc 24, 1-12)

La mort biologique est la seule certitude humaine que nous ayons. Tous nous allons mourir. Même Jésus, le Verbe divin fait homme, a connu la mort. Et la mort horrible et injuste de la croix. Cependant, la mort n’est pas une réalité ultime. Tel est le credo de Pâques que les chrétiens proclament à la face du monde depuis plus de 2000 ans. Mais les baptisés ne se contentent pas de croire en une vie après la mort. Ils annoncent aussi une vie avant la mort. L’Esprit du Christ rend vivant. Dans un monde qui insidieusement nous transforme en zombies – enfermés dans les tombeaux de l’avoir, du pouvoir et du valoir – l’Esprit souffle sur notre âme et nous éveille à la Vie : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? »  

Pâques signifie « passage ». Passage par la mort vers une vie plus vive – une vie en Dieu. Tel est le grand signe de la résurrection du Christ, prémisse et gage de notre propre résurrection. Dés maintenant ne laissons pas la peur, l’égoïsme et les ténèbres prendre pied dans nos vies. Vivons en enfants de la résurrection et de la lumière. « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, Il est ressuscité. » Alléluia !  

Perspectives d’avenir pour le Christianisme – La Libre p.35

En ce vendredi saint 15 avril, est parue ma chronique du mois dans le quotidien La Libre en p.35.
Il s’agit de la troisième d’une série de quatre, intitulée « perspectives d’avenir »:  pour l’humanité (février); pour la religion et la spiritualité (avril), pour le christianisme (avril), pour l’Eglise catholique (mai).
Merci à La Libre de m’offrir cet espace d’expression. 

In memoriam François-Xavier Nève de Mévergnies

En ce saint vendredi de la passion de Notre Seigneur, j’apprends avec émotion le décès hier – au terme d’une longue maladie – de François-Xavier Nève. 
Homme de lettres autant que de foi, François-Xavier fut professeur de linguistique à l’Université de Liège. Il vivait ses profondes convictions religieuses sans ostentation, mais aussi sans fausse pudeur. A l’époque où je faisais partie de l’aumônerie de l’enseignement supérieur, il était toujours disposé à venir en témoigner et à participer à des activités pour nous soutenir. Il me confia ainsi qu’un jour des étudiants malicieux avaient changé les lettres du panneau indiquant l’entrée de son « laboratoire de linguistique » en « oratoire de linguistique ». 
Avec l’éméritat, François-Xavier était devenu un fidèle producteur d’émissions sur la radio RCF, mais aussi un auteur de fort bons ouvrages de vulgarisation théologique chrétienne (ce qui est le plus difficile), publiés aux éditions Mols « Confiance dans l’azur » (dont il me demanda de rédiger la postface) ; « Dictionnaire passionné des racines chrétiennes de l’Europe » et « Chrétiens crétins »? 
Il signa également de beaux livres sur le patrimoine, illustrant son amour du pays de Liège. 
 
François-Xavier était la personne la moins naturellement snob que je connaisse. Cet académique était doté d’un caractère original, voire même fantaisiste. Ce petit côté professeur Tournesol lui était naturel et confinait à l’esprit d’enfance, dont parle le Christ. 
Il était aussi un chrétien en lequel la vertu spirituelle de « joie » était fort manifeste, et ce en toute circonstance. Non pas la fausse joie bruyante qu’offre le monde avec ses artifices, mais cette joie profonde de celui qui rend grâce pour sa vie telle qu’elle est. Une joie comme un petit ruisseau qui coule…. Ruisseau semblable à l’Oûrlaine, qui chante en bas de sa jolie maison, appelée « Pamplemousse ».  
 
En ce soir du Jeudi saint, François-Xavier a rejoint ses chers parents dans la Pâque éternelle du Sauveur. A son épouse Yolande et à ses filles, ainsi qu’à ses frères et à sa soeur, je présente mes plus chrétiennes condoléances et l’assurance de ma prière. 
Il va nous manquer, mais veillera sur chacun dans la communion des vivants en Christ. 

« Ils ne savent pas ce qu’ils font » – Dimanche des Rameaux et de la Passion, Année C

« Et il disait : ‘Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne.’ Jésus lui dit : ‘Amen, je te le déclare, aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis.’ » (Luc 22, 14-23, 56. Luc 23, 1-49)

Avec le dimanche des Rameaux débute la « Semaine Sainte », c’est-à-dire la sainte semaine des chrétiens. La semaine qui résume notre foi en un Dieu qui aime l’humanité de façon déraisonnable. Un Dieu crucifié par amour, qui pardonne les péchés jusqu’à son dernier souffle, car « ils ne savent pas ce qu’ils font ». De cet Amour fou, les rameaux qui orneront les crucifix de nos maisons, sont le rappel tout au long de l’année.

Ne vivons pas cette semaine de façon distraite. Participons dans la mesure du possible aux offices de la semaine sainte et (si vous le pouvez) au chemin de croix dans les rues (ainsi : à Liège, le soir du vendredi saint). Ainsi, nous retrouverons-nous pour célébrer la Pâques du Christ avec un cœur de ressuscité.

#Boutcha : Apocalypse Now…

Le film de Coppola remonte à presqu’un demi-siècle, mais garde toute son acuité. Il décrit la descente aux enfers d’un officier exemplaire, que la guerre du Vietnam a fait régresser au stade de fauve blessé. Un bête féroce et cruelle, qui massacre sans états d’âme. 
L’image sombre du colonel Kurtz nous parle de la guerre et de ce qu’elle fait aux hommes. Comment des soldats russes peuvent-ils en 2022 en être réduit à prendre des civils – hommes, femmes, enfants – pour de la chair humaine, que l’on torture et que l’on achève? Des humains dont les corps pourrissent dans les rues, au milieu d’une odeur de putréfaction, de sang séché et d’urine? La guerre rend fou… 
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Je m’imagine ces fiers guerriers russes, savourant déjà la victoire facile de leur glorieuse armée venue « dénazifier » l’Ukraine. Et voilà que les choses dérapent. Des snipers abattent les officiers. Des lance-roquettes explosent les tanks. Des partisans tuent de jeunes conscrits, à peine sortis de l’adolescence. 
Côté russe, c’est la peur et la rage qui prend le dessus. Les officiers ne se contrôlent plus et ne contrôlent plus. Les passions les plus basses sortent de l’ombre et se déchainent. C’est désormais une rage aveugle qui a assume le commandement et donne les ordres. Des civils sont broyés au hasard et tombent – hommes, femmes et enfants.
Un jour – d’ici quelques semaines, ou quelques mois – ces soldats russes rentreront chez eux, l’âme maculée de sang, pour embrasser femmes et gosses. Avec quels fantômes, avec quels cauchemars vivront-ils pour le restant de leur vie ? La guerre rend fou… 
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Que le Dieu crucifié par la folie des hommes, nous ait en pitié…  

Miséricordieuse vieillesse… – 5e dimanche de Carême, Année C

« Ils s’en allaient l’un après l’autre, en commençant par les plus âgés » (Jn. 8, 1-11)

L’histoire de la femme adultère révèle toute la finesse psychologique de Jésus. Au lieu de plaider l’acquittement de la coupable « car il faut bien être chrétien – n’est-ce pas mon bon Monsieur ? », Jésus met une condition à sa lapidation : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre ».

Avec humour, l’évangéliste note : « Ils s’en allaient l’un après l’autre, en commençant par les plus âgés ». La vieillesse a cela de bon, qu’elle rend souvent l’homme plus lucide sur lui-même… Et parfois même, plus miséricordieux envers les autres.

D’autant plus qu’un chrétien sait que Celui qui est sans péché, ne jette – Lui – jamais la pierre : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »     

Ceci n’est pas un poisson… 

Chaque année, ce blog fait paraître un poisson d’avril. 

En ce 1er avril 2022, et pour une raison que je n’arrive pas à m’expliquer, un canular burlesque me trotte dans l’esprit.
Il s’agit de faire croire à une incursion surprise de la part du diocèse de Liège, dans ses anciens territoire historiques de Tongres, Maastricht, Aachen et Namur. Et ce, en vue de les re-annexer. 
Cette invasion aurait été baptisée « opération spéciale » visant à dénazifier les régions à reprendre.
Il va de soi que les Liégeois y seraient accueillis en libérateurs, vu qu’ils mènent là une guerre sainte pour protéger les valeurs éternelles de la Cité ardente. 
Un peu gros comme poisson d’avril, me direz-vous… Une chose à ce point invraisemblable n’arrive jamais. 
Vous avez raison. Cette farce grotesque ne ferait rire personne. 
Evitons donc de retrouver ce genre de poissons dans les eaux de la Meuse… ou du Dniepr. 

«  Miséricordieuse patience » – 3e dimanche de Carême, Année C

« Seigneur, laisse-le encore cette année… Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir » (Luc 13, 1-9)

La patience n’est pas une vertu facile. Quand notre entourage se méconduit, cela nous déçoit. Et nous pensons que Dieu ferait bien de montrer qu’Il n’est pas content, Lui non plus. Voilà pourquoi, quand arrive une catastrophe, beaucoup y lisent la « main de Dieu ». Comme on disait jadis aux gosses : « Le petit Jésus t’a bien puni ». Ceci, malgré le livre de Job qui explique que le juste souffre autant que le coquin.

Au temps de Jésus, la vision archaïque d’un « Dieu punisseur » était encore fort répandue. Le Christ s’en distancie avec vigueur : Ces gens massacrés par Pilate, ou écrasés par une tour ? Cela pourrait être chacun de nous. Raison de plus pour ne pas les juger coupable de quoi que ce soit, ou de nous croire innocent de tout. « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez de la même manière ». Puis, le Fils de l’homme explique que son Père – lui – prend patience. Tel ce jardinier qui demande au propriétaire d’un figuier stérile de lui laisser sa chance. « Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir ».

A méditer en ce temps de carême : Ne pas voir en l’autre ce qu’il est (ou n’est pas), mais bien ce qu’il pourrait devenir sous le souffle de l’Esprit. Car c’est ainsi que le Père nous regarde.