Douce nuit…

Noël est passé. Les médias ont fait leur possible pour parler de « l’esprit de Noël ». Force est cependant de constater que l’exercice n’est pas évident pour les rédactions: Bien sûr, on reçoit l’Archevêque. Mais c’est pour l’interroger sur les sujets polémiques du moment, plutôt que de le laisser parler du mystère religieux de la Nativité. On présente aussi de beaux élans solidaires au sein de la population. Ou encore, il y a le témoignage d’un curé qui a de très (trop?) nombreuses célébrations… Fort bien, car cela a du sens. Mais l’approche se cantonne dans l’ordre du « faire ». Il semble plus délicat d’aborder le domaine intime: celui de « l’être ».  Reste donc la question: « En ce début du XXIè siècle, pourquoi la fête de Noël touche-t-elle encore tant le cœur des hommes? »
Dans le centre de Liège, il y eut cette année beaucoup plus de monde que l’année dernière, à participer aux célébrations de Noël. Ce n’est pas dû à un célébrant particulier: ils étaient différents. Peut-être la météo clémente a-t-elle encouragé des personnes âgées à sortir de chez elles, mais cela n’explique pas tout. Surtout la présence importante de jeunes. Alors? Le soulagement d’avoir échappé à la fin du monde – comme me le glissait en plaisantant un paroissien? Je pense – quant à moi – que dans un  monde en crise,  nos contemporains retournent à l’Essentiel. Et à Noël, Celui-ci se fait Nouveau-Né.

Le début d’un monde nouveau – Nativité du Seigneur, Année C

« Aujourd’hui vous est né un Sauveur. » (Luc 2, 1-14)

Apparemment, le calendrier Maya s’est trompé : la fin du monde n’est pas advenue. Partie remise ? La date de l’apocalypse, personne n’en maîtrise ni le jour, ni l’heure. Nous ne connaissons donc pas la fin de l’histoire. Par contre, avec Noël nous en saisissons le plus bouleversant des débuts. Le début d’un monde nouveau.  Un monde où l’homme n’est plus jamais totalement seul. En l’Enfant de la Crèche, Dieu fait une alliance de chair avec l’humanité. Désormais, le Très-Haut verra le monde avec nos yeux, sentira les odeurs avec nos narines et goûtera les saveurs avec notre langue. Il partagera nos joies et nos peines, l’amitié comme la trahison, la vie comme la mort. Et de son premier cri de nouveau-né jusqu’à son dernier souffle de supplicié, c’est d’Amour infini qu’Il embrassera la terre. Cette nuit-là, à Bethléem, un monde nouveau est né. Un monde qu’aucun apocalypse ne pourra défaire. « Qui nous séparera de l’amour de Christ ? Sera-ce la tribulation, ou l’angoisse, ou la persécution, ou la faim, ou la nudité, ou le péril, ou l’épée ? (…) J’ai l’assurance que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni les choses présentes ni les choses à venir, ni les puissances, ni la hauteur, ni la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur. » (Romain 8, 35-39) Avec Noël, est né un monde qui a la solidité de Dieu. « Aujourd’hui vous est né un Sauveur. »       

Noël intérieur – 4e dimanche de l’Avent, Année C

« Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » (Luc 1, 39-45)

A moins qu’advienne d’abord la fin du monde prédite par le calendrier Maya, ce sera bientôt Noël… :-) Certains vivent cette période dans l’agitation, car ils reçoivent à la maison leurs enfants et petits-enfants. Il y a un repas à préparer, une dinde à commander, un sapin à décorer et des cadeaux à trouver. D’autres vivent ce temps dans une relative solitude. Peu de gens viendront les voir et ils ne sont guère attendus. Dans un cas comme dans l’autre, essayons de ne pas vivre Noël « du dehors », mais bien « de l’intérieur ». Prions Marie. Elle nous y aidera. Alors – chut… – faisons un instant silence. Afin que notre cœur devienne une crèche intime. Une crèche où l’Esprit pourra faire naître l’Enfant-Dieu. Comme cela s’accomplit d’une façon unique pour la Vierge. Afin que l’on puisse dire de nous, ce qui est proclamé à son sujet : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »   

Esprit de Noël, es-tu là?

J’ai de la sympathie pour Roland Duchatelet. Tout d’abord parce qu’il est né au nord d’Anvers, mais avec un solide ancrage liégeois – un peu comme moi. Ensuite, parce qu’il est le propriétaire du plus formidable club de football de l’univers – ceci dit, sans la moindre ombre de chauvinisme, bien entendu. Enfin, et surtout, parce qu’il s’agit d’un entrepreneur dynamique, qui n’est pas hostile à sauvegarder une protection sociale pour les personnes en situation de précarité (Il se dit libéral de gauche).

Cependant, je ne puis le suivre quand il déclare, vendredi dernier, lors d’une interview au quotidien « La Libre » (p.5) (avant de poursuivre en affirmant que – si nécessaire – il s’exilerait fiscalement en Suisse, comme Gérard Depardieu le fit en Belgique.): « Un système développé sur une base non réaliste ne survit pas, car l’homme n’est pas naturellement altruiste et solidaire. Il suffit donc de savoir que les gens sont égocentriques pour éviter les erreurs. »  Roland Duchatelet n’est pas la première personne riche que j’entends affirmer cela. Un peu comme si l’argent troublait le regard en faisant projeter sur toute l’humanité, la cupidité qui préside à la recherche obsessionnelle de biens. Je comprends donc mieux la lamentation du Christ: « Pauvre de vous les riches! » (Luc 6, 24)

Oui, Monsieur Duchatelet, l’homme est un être spirituellement blessé et donc faible face à la tentation. Et la tentation de ne « vivre que de pain » (Matthieu 4, 4) est puissante – surtout dans un monde matérialiste. Mais non, Monsieur Duchatelet, l’homme ne se réduit pas à cela. Lors de l’horrible massacre de Newtown ce WE, des institutrices ont fait de leur corps un rempart pour tenter de sauver la vie de leurs élèves. Comment peut-on entendre cela et affirmer que l’homme n’est pas capable d’altruisme et de solidarité?

Ce dimanche, j’étais au centre de Liège. Les commerces étant ouverts, il y avait donc autour de moi pas mal de comportements matérialistes. Mais j’ai également assisté à de beaux concerts de Noël. L’un d’entre eux, était mené par une chorale de personnes non-voyantes. J’ai également vu des jeunes de la Communauté de l’Emmanuel et des Béatitudes faire de l’évangélisation dans la cathédrale et au pied de la statue de la Vierge de Delcour. C’était beau et fort. Alors non – je ne pense pas que les « gens sont égocentriques ». Mais je constate qu’ils le deviennent quand on anesthésie la part spirituelle qui sommeille en eux. En ce temps de Noël, puisse cette part se réveiller dans de nombreux cœurs croyants, agnostiques ou athées. « Paix aux hommes de bonne volonté » (Luc 2,14)

Gaudete… – 3e dimanche de l’Avent, Année C

« Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu. » (Luc 3, 10-18)

Le troisième dimanche de l’Avent est surnommé ‘Gaudete’ – dimanche de la joie. Pour nombre de nos contemporains, il y a peu de joie en ce temps de fin d’année. Notre société de consommation a fait de Noël la fête de la réussite : belle famille, bonne santé, nombreux cadeaux. Beaucoup n’ont pas cela. Le mois de décembre leur rappelle donc plus cruellement encore, l’échec de leur vie. Jean Baptiste invite à un autre chemin vers la joie : celui du partage et de la droiture. Celui de l’attente, surtout : « Il vient Celui qui est plus puissant que moi. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu ». Le feu de l’Esprit réchauffe les cœurs et éveille à une autre joie. Pas une joie qui se mesure à notre niveau de réussite, non. Une joie qui se réchauffe dans l’étincelle du regard de notre prochain. « Être capable de trouver sa joie dans la joie de l’autre : voilà le secret du bonheur », écrivait Bernanos 

Fusillade de la place St-Lambert, Méditation de Mgr Jousten

Ce 13 décembre à 20h, il y eut en la collégiale Saint-Barthélemy,  une prière commémorative à l’occasion du premier anniversaire de la fusillade de la place Saint-Lambert, au coeur de la ville de Liège. Elle fut animée par la communauté Sant Egidio et Mgr Jousten y fit la méditation suivante, à partir de l’Evangile des béatitudes:

« Quand Jésus vit la foule, il gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent.Alors, ouvrant la bouche, il se mit à les instruire. Il disait :« Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux ! Heureux les doux : ils obtiendront la terre promise ! Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés !Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés ! Heureux les miséricordieux : ils obtiendront miséricorde ! Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu ! Heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu ! Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux ! … Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. » (Mt 5 1-10. 14-16)

* * *

Chers amis jeunes et moins jeunes, chers parents et amis des victimes de la tuerie du 13 décembre 2011,

J’ai choisi ces versets d’Évangile tirés du discours sur la montagne. Jésus l’adresse à ses disciples.

Ce soir, dans les paroles de Jésus, j’entends des paroles qu’il nous adresse ici et maintenant. En même temps, je les entends comme des paroles que Jésus adresse aux victimes de la tuerie et aussi aux autres jeunes.

Les événements d’il y a un an nous ont tous remués, attristés, révoltés. Qu’en est-il aujourd’hui, un an plus tard ? Nous sommes encore touchés, certains sont même encore choqués. Sommes-nous devenus un peu autres ?

Il y a deux mois, j’ai visité, revisité le mémorial Yad Vashem à Jérusalem. Plus d’un million et demi d’enfants ont été tués par les Nazi dans les chambres à gaz.

Chez nous aussi, chaque semaine des parents se retrouvent dans la souffrance et le deuil parce qu’un fils ou une fille meurt dans un accident de circulation. Et que dire de la mort de cette étudiante lors de la St-Nicolas des étudiants ?

Les absurdités, les atrocités, les questions de sens sont là. Pourquoi tous ces malheurs, pourquoi la souffrance, pourquoi le mal ? À quoi bon ? On ne peut le justifier ou l’expliquer sur le plan humain.

Est-ce tout ce que nous avons à dire, ici dans cette église ?

Les paroles de Jésus que nous venons d’entendre, n’expliquent rien non plus. Mais, face aux tragédies du 20ème siècle, du 13 décembre 2011 et de l’année 2012, ces paroles résonnent dans mes oreilles comme une contestation de Dieu contre le comportement inhumain de l’homme qu’il a créé à son image.

Il veut nous dire : Ce n’est pas le monde tel que je le conçois. J’ai envoyé mon Fils. Il vous a montré dans ses paroles et par ses actes qu’il veut que les hommes vivent dans un monde où règnent la justice, la paix, la réconciliation, la douceur, la miséricorde. Je veux un monde fraternel où la violence, la haine et la vengeance n’ont pas leur place.

Les paroles de l’Évangile proclamant les béatitudes sont ainsi un encouragement ; elles réveillent en nous le meilleur de nous-mêmes. Jésus nous invite à nous laisser transformer par l’amour qui vient de Dieu et à agir en conséquence ; il nous invite à laisser surgir en nous et autour de nous les fruits de l’Esprit Saint. Saint Paul leur a donné des noms : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, humilité et maîtrise de soi. Si nous nous laissons conduire par l’Esprit, nous serons la lumière qui éclairera tous ceux qui sont dans la maison. Jésus nous fait grande confiance, il compte sur nous quand il dit : Que votre lumière brille devant les hommes : alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux.

Chers amis, surtout vous les jeunes, sommes-nous prêts à construire un monde, notre monde dans cette perspective ? J’ose dire que si nous nous engageons dans cette direction, les jeunes qui sont morts ou qui ont été blessés il y a un an ne sont pas morts ou n’ont pas été blessés en vain, parce qu’alors leur sang aura été comme le blé qui meurt et qui porte du fruit. Le don d’organes que les parents de Laurent ont voulu est un de ces fruits. Laurent vit désormais dans d’autres corps. Laurent permet ainsi à d’autres – jeunes et adultes – de vivre. À nous tous il appartient maintenant, en décembre 2012 et au-delà, de ne pas nous décourager, mais d’apporter notre pierre pour que la ville de Liège soit vraiment un lieu de paix et de solidarité.

+ Aloys Jousten, Évêque de Liège

Liège – un an après

Il y a un an, Liège était frappé en son cœur. Sur la place Saint-Lambert, un homme à bout de raison tira à l’aveugle sur la foule, faisant 5 victimes et de nombreux blessés. Quelque 1307 après le martyr de saint Lambert, patron du diocèse, cette place voyait à nouveau couler le sang. Un an plus tard, Liège n’a pas oublié. La cérémonie officielle de ce midi, en présence de la Reine et des familles de victimes, mais aussi de nombreuses personnalités politiques – dont le Premier Ministre, Le Ministre-Président de la Région, le Gouverneur et le Bourgmestre – fut sobre et digne. Ce soir à 20h, l’Evêque de Liège présidera une veillée de prière en la collégiale Saint-Barthélemy. Si vous pouvez vous libérer, soyez les bienvenus. Sinon, unissez-vous à nous par la pensée et – pour les chrétiens – par la prière, afin que la paix de Noël puisse régner dans les cœurs.

Tout ça… (suite)

Suite à mon dernier ‘post’, la journaliste RTBF Safia Kessas m’a contacté. Elle m’a invité à voir le sujet en question, désormais accessible sur internet, en m’assurant qu’elle n’avait jamais eu l’intention de piéger qui que ce soit. J’ai visionné son documentaire et je dois reconnaître que son travail journalistique est honnête. J’ai surtout apprécié le passage de la manifestation devant un centre d’avortement, où les jeunes pro-life se font arroser de tomates par des contre-manifestants – tout en restant calmes et dignes. Je maintiens cependant que le regard décalé d’une émission telle que « Tout ça ne nous rendra pas le Congo », n’est pas idéal pour traiter avec justesse et délicatesse d’une question aussi grave que l’avortement. Mais d’autres objecteront que tout est bon à prendre pour faire passer son message dans les médias.

Lors de notre conversation téléphonique, Madame Kessas a surtout voulu affirmer qu’elle ne se reconnaissait pas dans l’expression « taper sur… » Cette déclaration de sa part se retrouvait dans un article du quotidien « le Soir » et m’avait fait réagir. La journaliste RTBF a précisé qu’elle n’avait pas donné d’interview au « Soir », mais que cette phrase était sortie du contexte d’une conversation informelle avec une consœur. Madame Kessas m’expliqua que pareille expression ne reflétait nullement sa conception du journalisme – bien au contraire.
Comme ce blog a pour objectif de permettre le débat d’idées dans le respect des personnes, je me suis engagé à informer les lecteurs de ce blog de sa réaction, que je salue. Mon plus cher souhait est que l’expression « taper sur » – et plus encore, l’attitude agressive dont elle est le reflet – disparaisse des rédactions.

Tout ça ne nous rendra pas… l’information

Il est 21h et je sors de réunion. Je n’ai pas vu « tout ça ne nous rendra pas le Congo » (« la Une » RTBF-TV) qui nous livrait ce soir son regard décalé sur les jeunes pro-vie. J’ai dû me contenter des vidéos « bonus ». Impossible, dès lors, de réagir à l’émission. Je ne serais cependant pas surpris qu’Antony, Michel et même Mgr Léonard auront souri, malgré le probable sentiment de s’être senti piégé. Car – oui – les Cathos ont le sens de l’auto-dérision.

Mais qu’il me soit permis de poser à mon tour un regard décalé sur ce genre d’émission. Mon attention a été attirée par l’interview que la journaliste, Safia Kessas, donna il y a quelques jours au journal « Le Soir » (4 décembre). « Tout ça ne nous rendra pas… » venait de diffuser deux émissions se moquant gentiment des Musulmans fondamentalistes. « Le Soir » demandait: « S’agit-il d’une croisade anti-musulman »? Madame Kessas s’en défend. Vient l’argument-massue: « Et puis on n’a aucun tabou, on touche à tout : la semaine prochaine, on tape sur des catholiques opposés à l’avortement ! » Qu’il me soit permis de trouver le raisonnement quelque peu bancal. Le fait d’aussi « taper sur » d’autres ne justifie pas en soi que l’on « tape sur » les premiers. Cela ressemble à ce dictateur à qui on reprocherait de persécuter les politiciens de gauche et qui se justifierait en disant: « Je n’ai aucun tabou. Mes prisons sont également pleines de libéraux ». Bref, la seule réponse, journalistiquement valable que Safia Kessas avait à donner, était qu’elle considérait que c’était une info qui méritait diffusion.

Plus fondamentalement, c’est l’expression « taper sur » qui me… tape sur les nerfs. Elle est usuelle dans les couloirs des rédactions. Quand j’étais porte-parole des évêques, il m’arrivait de l’entendre dans des discussions en ‘off’ avec certains journalistes. Ceux-ci se défendaient d’un reportage trop sévère sur les catholiques – que je leur reprochais – en disant: « Mais vous savez, on ne tape pas que sur vous ». Question: Pourquoi certains journalistes utilisent-ils un vocabulaire de casseurs, quand ils parlent d’informer le public?…