« C’est l’Esprit qui fait vivre, la chair n’est capable de rien ». (Jean 6, 60-69)
L’Evangile de ce dimanche se situe à un moment de crise spirituelle. Beaucoup de contemporains avaient suivi Jésus, pour des raisons humaines (ce que l’Evangile appelle « la chair ») : le prophète de Nazareth parlait bien et touchait les cœurs, Israël avait besoin d’un réformateur, ses guérisons impressionnaient, etc. Mais trop – c’est trop. En se présentant comme Pain de Vie, Jésus s’attribue une qualité divine. La réaction du public est immédiate : « ce qu’Il dit est intolérable, on ne peut pas continuer à l’écouter ! » Et Jésus de répondre : « Personne ne vient à moi, si cela ne lui est pas donné par le Père ». Or ce que donne le Père à ceux qui le Lui demandent, c’est l’Esprit. Aujourd’hui encore, nous commençons souvent à être chrétien pour des raisons bien humaines : « c’est mon éducation, il faut des valeurs, cela éduque nos gosses, etc. » Arrive cependant un moment où ces motivations terrestres ne suffisent plus. Parce qu’on est déçu par son Curé, parce qu’on n’accepte plus la morale catholique, parce qu’on est choqué par certains comportements, etc. etc. C’est la crise spirituelle. Ne reste alors que le disciple à qui l’Esprit donne de comprendre que toutes ces raisons trop humaines ne suffisent pas pour rester durablement fier de son baptême. « C’est l’Esprit qui fait vivre, la chair n’est capable de rien ». Seul l’Esprit fait entrevoir la vraie raison – celle qu’exprime saint Pierre : « Seigneur, vers qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle ».
Ne serait ce pas , en fin de compte , le cas pour la plupart des Catholiques , aussi ceux qui vont encore ou de nouveau à la Messe ?
Oui, on peut être déçu par son curé, par la « morale catholique » et on a pu être choqués par certains comportements mais tout cela vient des hommes et ils sont loin d’être parfaits. Ce qui compte, ce sont ces « paroles de la vie éternelle », les paroles qui me tiennent debout, qui m’aident à vivre, qui me comblent ce sont par exemple les béatitudes (mais pas seulement). C’est le message du Christ qui compte, bien plus que tous les rites et rituels…
Cette épisode dont Jean nous parle est, dans mon esprit, extrêmement difficile à comprendre, dès que nous nous mettons dans la peau des contemporains du Christ qui l’entendent prononcer pour la première fois ces paroles très opaques: « je suis le Pain de la Vie » ou encore « Personne ne vient à moi, si cela ne lui est donné par le Père ». Ces disciples qui L’ont suivi jusque là, Juifs comme le Christ lui-même, monothéistes dans l’univers polythéiste de l’empire Romain, comment ont-ils pu « internaliser » ces paroles dans le cadre établi d’une religion qui leur promettait bien sûr un Messie, mais pas un « Fils de Dieu », un concept très difficile à concevoir pour un peuple dont l’identité était (et est toujours) étroitement liée au monothéisme du Dieu d’Abraham.
Je ne prétendrai pas, bien entendu, que la Trinité Père-Fils-Esprit est une forme de polythéisme, mais n’oublions pas que le mystère du Dieu Unique en trois Personnes n’avait pas encore été révélé aux nombreux disciples contemporains du Christ.
En fait, il a fallu plusieurs siècles à l’Eglise pour mettre fin aux luttes intestines sur la nature divine-humaine du Christ et sceller le tout au concile de Nicène…
Donc, lorsque nous, catholiques trempés dans une Foi qui nous a été transmise de génération en génération, croyons comprendre parce qu’il est « évident » que le Christ est Pain de Vie, puisqu’on Le reçoit à la Communion le dimanche et que le Père et l’Esprit sont bien là puisqu’on les connait depuis nos premiers cours de catéchisme…
nous passons à côté de la plaque: ce n’était pas la perspective des premiers disciples et il est tout à fait compréhensible que beaucoup ont eu peur de participer à un blasphème.
Alors que faire?
Pour ma part, je pense que nous devrions creuser davantage l’angle judaïque de la vie du Christ et de l’environnement spirituel dans lequel il évoluait. Comment cela a formé le langage qu’Il a tenu et comment ses paroles ont été recues par ses contemporains.
A chacun de savoir si la peine en vaut la chandelle.
je partage votre point de vue, après avoir lu de Simon Malka » Jésus rendu aux siens », j’ai été intriguée par David Flusser et voulu connaître ce qu’il avait écrit : son livre intitulé Jésus est fascinant et bourré de références…je le lis très lentement avec attention….
Merci de m’introduire à David Flusser.
Je viens d’acheter la nouvelle version de son ouvrage, éditée par Steven Notley après la mort de Flusser pour incorporer l’évolution de sa pensée depuis 1968.
Vous lisez lentement? C’est la seule facon!