« Alors, de nouveau, Il se retira tout seul, dans la montagne ». (Jean 6, 1-15)
Ce Jésus n’est vraiment pas doué en matière de marketing… Il vient de faire un coup d’éclat en multipliant les pains. Les foules raffolent et en redemandent. Mieux : elles veulent en faire leur roi. Et lui, au lieu de prendre la balle au bond, que fait-il ? Il se retire, seul, dans la montagne pour prier son Père. Ses disciples – qui n’attendaient que de le voir triompher – n’ont pas dû comprendre.
Et pourtant, si Jésus multiplie les pains, ce n’est pas pour annoncer la fin des famines. L’Evangile n’est pas une assurance de gagner au win-for-life, mais une invitation à prendre le dur chemin de la conversion. La multiplication des pains annonce que le Royaume du Père est source d’abondance spirituelle et de partage fraternel. Mais le cœur humain est lent à comprendre ce que son âme pressent. Quand passe un gourou qui annonce un bonheur aussi trompeur que facile – nous sommes séduits. Tandis que le Verbe de Dieu, que les foules voulaient couronner pour de mauvais motifs, finira couronné d’épines sous les regards amusés.
Depuis Reimarus au 18ième siècle, les récits de la multiplication des pains ont suscité des commentaires empreints de bonne volonté. Il faudrait y lire un appel de Jésus à la solidarité entendu par ses auditeurs les plus prévoyants qui se seraient mis à ouvrir leurs musettes. Le problème est que les évangélistes tirent de tout autres leçons , par exemple en rapprochant ce miracle du don du pain de vie offert à la Cène. Alors on rentre dans la vérité religieuse, quelque part entre le mythe et le récit historique, vérité sans cesse offerte à notre apprentissage.