Reconnaissance du bouddhisme: la réponse d’André Lacroix à Carlo Luyckx

André Lacroix est un intellectuel qui anime le débat et je salue la chose.
Ci-joint sa réponse à Carlo Luyckx, président de l’Union des Bouddhistes de Belgique, qui est la figure emblématique de la demande des bouddhistes de Belgique à être reconnus comme « philosophie non confessionnelle », plutôt que comme « religion ». Ce qu’André Lacroix considère comme une pathétique « blague belge ». 
 
Sa lecture du traitement des Ouïghours ou du Tibet, n’est pas celle de nos démocraties occidentales, pour utiliser un euphémisme. S’il n’est pas d’accord avec moi sur ce constat, qu’il le dise.
 
Ceci explique sa vision pour le moins négative de toute religion. Je cite son petit courrier:  

«  Dans ma petite brochure, j’ai relevé pas moins de dix tares que le bouddhisme partage avec les autres religions et qui, à ma connaissance, ne concernent que très peu la franc-maçonnerie :

1) Prosélytisme allant parfois jusqu’à la violence contre les non-adhérents
2) Compagnonnage avec la droite et même l’extrême droite
3) Violences internes
4) Pratiques sexuelles aberrantes
5) Misogynie
6) Obsession de l’enfer et des châtiments post mortem
7) Récompenses promises après la mort contre espèces sonnantes et trébuchantes
8) Financement douteux
9) Prises de position rétrogrades, voire abjectes
10) Formalisme hypocrite. »

Ayant écrit un ouvrage sur les erreurs commises par l’Eglise catholique au cours de son histoire, je ne suis pas suspect de nier les failles de tout système religieux. Cependant, une religion, ce n’est pas que cela – bien au contraire. Souffrez donc, Monsieur Lacroix, que je ne partage pas votre lecture des choses. 

Plus fort encore, comme mon intervention dans ce dossier s’est confiné à l’argumentation juridique dans ce dossier, soulignant l’avis unanime du Conseil d’Etat, il est significatif de voir comment monsieur Lacroix considère le droit: comme un simple avis. Je cite son courrier: « même s’ils sont d’un grand poids, les avis du Conseil d’État n’ont pas de force juridiquement contraignante. La constatation – souligne Carlo Luyckx à la p. 3 – que « cet avis (…) a été adopté à l’unanimité en Assemblée générale, section législation, toutes chambres réunies » n’y change rien. » 

Et surtout: il encourage le pouvoir de l’Etat à intervenir dans les affaires religieuses. A la Chinoise… Je cite toujours son courrier:  « la tendance à restreindre le droit de l’État d’intervenir dans une question philosophique, théologique ou morale est peut-être dans l’air du temps ; elle n’en est pas moins contestable. » 

Je suis admiratif des réussites de la république populaire de Chine. Elle me semble bien plus adroite et efficace par sa politique d’occupation du marché pour devenir leader mondial, que les estocades de l’actuel président américain. Une visite du récent salon de l’auto de Bruxelles, est significative à cet égard: roulez en Volvo ou en MG et vous roulez chinois. 
Cependant, je pense également que la dérive de plus en plus centralisatrice du régime est son talon d’Achille. Sa (non-)gestion de l’épidémie du COVID en est la plus éclatante preuve.
Si notre Belgique vivait sous un régime équivalent à celui qui domine la Chine, il y a fort à parier que je me trouverais actuellement dans un camp de rééducation. Dans le meilleur des cas. Au pire… 
Et donc, je ne suis pas trop demandeur de pareil « évolution ».
Et donc, oui, contrairement à monsieur Lacroix, je suis attaché au poids objectivant du droit, garant d’un Etat de droit, sans intervention idéologique du politique.
En ce compris dans le dossier de reconnaissance des bouddhistes. 

3 réflexions sur « Reconnaissance du bouddhisme: la réponse d’André Lacroix à Carlo Luyckx »

  1. Monsieur l’abbé,

    Je vous soutiens pour ce billet salutaire. L’état n’a pas à s’immiscer dans les discussions sur ce qui est philosophique, moral ou religieux . Il le fait déjà bien trop quand on voit le nombre d’associations engagées qui sont soutenues par l’état. Ceci ne veut pas dire que l’état ne devrait pas soutenir ce qui est moral.
    La vision de la religion répandue par Monsieur Lacroix est fausse, et l’amalgame des religions qu’il en fait est mensonger.

  2. Monsieur le Vicaire Général de Liège,
    Cher Monsieur de Beukelaer,

    Ad hominem et Chine

    Je suis passablement déçu par la réponse à mon article publiée sur votre blog (https://ericdebeukelaer.be/). D’entrée de jeu, vous tentez de me disqualifier en me traitant de « grand admirateur de la Chine » et me reprochant d’avoir sur « le traitement des ouïghours et du Tibet » une lecture qui « n’est pas celle de nos démocraties occidentales ».

    Sans pour autant être un inconditionnel de la Chine ‑ confrontée à d’énormes défis ‑ je suis effectivement admiratif de ses énormes succès et du soutien de son peuple qui doivent faire pâlir d’envie et de honte nos politiciens « démocratiques ». Si vous désirez approfondir la discussion sur la Chine et notamment sur « la dérive de plus en plus centralisatrice du régime », je suis à votre disposition.

    Quant au sort des Ouïghours et des Tibétains, ça ne ferait pas de mal que vous vous informiez davantage. Si vous désirez approfondir la discussion sur ces sujets, je suis à votre disposition.

    Religions : à boire et à manger

    Vous me reprochez de ne voir dans les religions que leurs aspects négatifs. Or je me suis limité dans mon argumentation à signaler que le bouddhisme partage avec les autres religions un certain nombre de tares. Où avez-vous trouvé que je n’avais qu’une « vision pour le moins négative de toute religion » ?

    S’il est vrai que, au terme d’une longue vie de recherche, j’en suis arrivé à préférer Hypatie à saint Cyrille, Lucrèce à Tertullien, Spinoza à Maïmonide, etc., si j’en suis arrivé à me méfier de toutes les religions, notamment dans la mesure où elles sont très largement instrumentalisées à des fins de domination politique, économique, sociale ou familiale, je n’en ai pas moins du respect pour les valeurs prônées par certains maîtres spirituels, qu’on en ait fait ou non des fondateurs de religion.

    Je n’ignore pas non plus que les religions offrent à bien des humains un remède à leur angoisse existentielle et une consolation dans la « vallée de larmes », qu’elles constituent un lien social fort, parfois le seul qui reste dans certaines situations chaotiques, et aussi, et surtout peut-être, qu’elles ont inspiré d’innombrables chefs-d’œuvre : que serait le Potala sans la foi bouddhique ? Que seraient nos cathédrales sans la ferveur catholique et Jean-Sébastien Bach sans sa foi protestante ?

    Rôle de l’État

    Quant à l’avis du Conseil d’État, vous ne pourrez nier, en tant que juriste, qu’il n’est pas contraignant. Point à la ligne.

    Quant au « pouvoir de l’État à intervenir dans les affaires religieuses » (renforcé par le système en vigueur chez nous de subventionnement des cultes), lui dénieriez-vous le droit et même le devoir, par exemple, de protéger les citoyens des dégâts des sectes nuisibles ? À ce propos, j’aurais aimé que, dans son programme, au chapitre « Justice », le nouveau Gouvernement belge s’engage à redonner vie au CIAOSN (Centre d’information et d’avis sur les organisations sectaires nuisibles), dont les missions pourtant essentielles sont scandaleusement rendues impossibles par manque de moyens (voir https://www.rtbf.be/article/le-centre-de-surveillance-des-sectes-suspend-ses-activites-par-manque-de-personnel-11383509).

    On en revient à la Chine

    « Si notre Belgique vivait sous un régime équivalent à celui qui domine la Chine, écrivez-vous, il y a fort à parier que je me trouverais actuellement dans un camp de rééducation. Dans le meilleur des cas. Au pire… ».

    Ce type de déclaration à l’emporte-pièce me paraît indigne d’un intellectuel, et davantage encore, d’un membre de la hiérarchie catholique, semblant ignorer que le catholicisme (et aussi le protestantisme) sont des religions reconnues en Chine, comme l’ont été, depuis des siècles, le taoïsme d’abord et puis, dans l’ordre, le bouddhisme et l’islam.

    Les liens entre la Chine et le catholicisme ne datent pas d’hier, souvenez-vous des contacts fructueux amorcés par l’arrivée à la Cour des Ming, au tout début du 17e siècle, du Père Matteo Ricci et ses compagnons : un dialogue prometteur entre l’Orient et l’Occident auquel le pape Benoît XIV a mis fin en 1742, en statuant sur la Querelle des Rites.

    Qu’au 19e siècle les dirigeants chinois aient continué à supporter tant bien que mal le christianisme (catholique et protestant) est d’autant plus remarquable que les missionnaires arrivaient souvent, qu’ils le veuillent ou non, dans les bagages des forces coloniales occidentales en train de dépecer leur empire.

    Et aujourd’hui, on peut, certes, comprendre les frictions entre la RPC soucieuse de son indépendance et l’Église catholique romaine, plus particulièrement le Vatican, qui est aussi un État, un État qui de plus est un des rares à maintenir des relations diplomatiques avec Taïwan. Il n’empêche que le catholicisme continue à être une des religions reconnues par Pékin. Pékin sait faire la différence entre religions, en tant qu’institutions garantes de la foi de leurs fidèles, et sectes, comme Falun Gong, qui menacent l’ordre public et qui de ce fait sont interdites et combattues par le Pouvoir.

    Que, dans cette matière comme dans d’autres, la Belgique fasse aussi bien que la Chine, c’est mon souhait. Oui, trois fois oui, à la reconnaissance de la religion bouddhiste !

    Bien à vous,

    André Lacroix
    (06/02/2025)

    1. Cher Monsieur,

      J’ai bien lu votre réponse.
      Nous allons en rester là: mon propos ne se voulait nullement une attaque ad hominem, mais une réaction à partir de « qui parle ». Ce que vous faites également me concernant, me situant comme membre de la « hiérarchie catholique ».
      En ce qui concerne la Chine, malgré les accord avec le Vatican, encore récemment des évêques sont « nommés » par les autorités politiques, en l’absence de mandat du Pape. Ceci est contraire à toute saine séparation entre Eglise et Etat. Ce n’est pas Taiwan ou le fait que le Vatican qui soit un « Etat », qui pose question: c’est la volonté de contrôler le fait religieux. Et cela, je ne le laisserai JAMAIS faire. Donc, oui, je serais inquiété si j’étais un prêtre chinois.
      Belle journée,
      EdB

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