#Avortement – Chronique du P. Charles Delhez. Réplique de quatre mandataires politiques.

Le 30 août, le P. Charles Delhez SJ publiait une chronique s’adressant à ces « amis socialistes » dans le quotidien La Libre. Elle était intitulée: « Ne banalisez pas le drame de l’avortement ». Ce 5 septembre, quatre mandataires PS lui répondent en publiant: « Droit à l’avortement: le combat continue, restons vigilantes ». Il est intéressant de mettre ces deux interventions en parallèle, pour en tirer quelques conclusions.


1. Deux tons. J’invite chacun à relire les deux chroniques et à comparer le registre de discours. Le ton du P. Delhez se veut une invitation au débat et à la réflexion. La réponse des politiques est cinglante. C’est toute la différence entre le monde des académiques et celui des politiques. Les premiers invitent au débat et à la réflexion. Les seconds veulent emporter la conviction à force d’arguments qui décrédibilisent « l’opposant » du jour. Il est tellement rare d’entendre un politicien dire à son contradicteur: « là, je vous rejoins partiellement » ou même « je ne suis pas d’accord, mais j’admire votre sincérité ».  

2. Deux anthropologies. Dans sa chronique, le P.Delhez invite à limiter l’avortement, en agissant en amont, « par l’éducation à l’affectivité et à la sexualité pour éviter des amours peu matures, ludiques et sans maîtrise » . Réponse des mandataires: «  Nous laissons à l’auteur le choix du ton paternaliste et de la conception culpabilisante de la sexualité. Mais nous lui rappelons que nous, socialistes, avions rendu la pilule gratuite pour toutes les filles jusqu’à 18 ans et avons permis d’étendre la mesure, l’année dernière, jusqu’à 25 ans. Nous avons aussi rendu la pilule du lendemain gratuite pour toutes les femmes quel que soit leur âge. » Nul paternalisme chez Charles Delhez, mais une anthropologie « personnaliste » qui voit en la sexualité un langage qui atteint sa plénitude quand il accompagne une communion des êtres. A l’inverse, les quatre mandataires défendent une anthropologie « individualiste »: chacun fait de son corps ce que bon lui semble et toute indication quant au sens profond de la sexualité, est une intrusion paternaliste.   

3. Deux langages. Catholiques et laïques partagent une approche nullement irréconciliable face à l’avortement. Je ne connais aucun catholique sérieux, désireux de stigmatiser une femme ayant avorté. Je ne connais aucun laïque responsable, trouvant l’avortement un « truc génial ». Chacun reconnaît qu’il s’agit d’une décision grave et difficile et que la femme devant faire face à une grossesse non-désirée, mérite écoute et respect. S’ils ne se comprennent plus, c’est parce que – face à l’avortement – catholiques et laïques ne parlent plus le même langage. Là où le catholique évoque la « défense de la vie à naître », le laïque rétorque « droit de choisir de la femme ». Ainsi, la chronique du P. Delhez énonce: «  Par l’avortement, ce projet (de vie) unique et autonome, (…), est brutalement interrompu » et les mandataires politiques répliquent : « Réduire l’IVG à un échec, c’est retirer aux femmes le droit d’opérer leurs propres choix de vie. »

4. Un enjeu philosophique. Ce que l’on cherchera en vain dans la chronique des mandataires politiques, c’est une évocation de l’enjeu philosophique du débat. En effet, si le foetus humain n’a aucun poids éthique, pourquoi maintenir un délai légal pour l’interruption de grossesse? Le fait qu’il y ait délai, signifie que la décision de la femme est mise en balance avec la dignité d’une vie humaine à naître. On ne peut réduire le foetus à un « amas de cellules » et puis déclarer que – pouf! – par magie apparaît un beau jour un bébé. La vie à naître mûrit dans le ventre de la femme. On peut ne pas être d’accord sur les conséquences politiques d’un tel débat, mais faire l’impasse sur l’enjeu philosophique et donc éthique fondamental que charrie la question de l’avortement, c’est vivre dans le déni. 

13 réflexions sur « #Avortement – Chronique du P. Charles Delhez. Réplique de quatre mandataires politiques. »

  1. Salut Eric,

    je suis entièrement d’accord avec ton analyse. Le premier article était respectueux, les propos étaient mesurés, il y avait une ouverture vers la discussion.
    La réponse reçue est tout le contraire. Elle est agressive. Je retiens notamment cet extrait : « En Hongrie, en Pologne, les conservateurs soutenus par l’Église ne pensent pas la femme comme individu mais comme pilier de la famille. » C’est une accusation grave et aucunement argumentée.
    Tu le soulignes, le débat se positionne encore et toujours avec d’un côté la « défense de la vie à naître » et de l’autre côté le « droit de choisir de la femme » ce qui empêche toute communication et toute compréhension.
    Or la discussion pourrait néanmoins se poursuivre si les pro-vie s’engageaient sur le terrain des pro-choix. En effet j’estime, moi, que le positionnement des pro-vie montre bien plus de respect pour la femme que le positionnement pro-choix. Concentrons-nous un instant sur la femme dans cette problématique. C’est bien le rôle de mère qui nous préoccupe. N’en déplaise au PS, il n’est pas question de réduire la femme à l’état de « pilier de la famille », mais dans la problématique de l’avortement c’est bien de son rôle de mère dont il est question et pas de sa vie professionnelle ou de ses loisirs. Or être pro-choix, n’est-ce pas réduire ce rôle à une décision programmée, contrôlée, réversible, égoïste ? Je ne parle pas ici de la contraception (où pourtant il y a aussi programmation et contrôle), je parle bien de l’avortement. La différence étant que dans le second cas, il n’est plus question d’une éventualité mais d’un fait. Qu’on considère qu’elle soit déjà mère ou pas, le processus est lancé. On n’est plus dans la planification mais dans l’action. On peut s’imaginer qu’elle n’est pas encore mère, mais si les choses suivent leur cours normal, elle finira par l’être.
    Mais voilà que les vaillants défenseurs de la femme interviennent et lui susurrent à l’oreille (comme le fit un jour un serpent dans un beau jardin) que la décision lui revient encore, qu’elle peut se débarrasser de cet être importun et redevenir la jeune fille fraîche, belle et libre qu’elle était avant d’être mère temporaire et que tout redeviendra comme avant. Mensonge! Comme si l’on pouvait se « dé-parentiser » (idée tellement impensable qu’aucun terme n’existe). Comme s’il suffisait de supprimer les preuves, effacer toute trace et faire comme si rien ne s’était passé. Non, rien ne sera plus jamais comme avant.
    Reconnaître la beauté d’être mère peut se faire sans la réduire à ce rôle et à rien d’autre.
    La mère n’est-elle pas synonyme de tendresse ? N’est-elle pas la consolation dans la douleur, le rocher dans la tourmente ? N’est-ce pas la mère qui essuie les pleurs, panse les plaies, écoute sans juger, comprend d’un regard ? N’est-ce pas la mère, plus que quiconque, qui aime d’un amour inconditionnel ? Que reste-t-il de tout cela si l’amour devient soumis à conditions ? Si la mère ne brûle plus d’un amour ardent mais devient frileuse et indécise ?
    Est-ce vraiment offenser sa liberté que d’oser parler de la beauté d’une mère ? Mais qu’y a-t-il d’admirable chez une mère inconstante qui renonce ?
    Sommes toutes, cette situation s’inscrit parfaitement dans le contexte actuel. L’homme ne supporte plus la moindre contrainte. La liberté doit être totale. Liberté illusoire cependant. Pour chaque chaîne dont il se débarrasse, il s’en forge deux, et son ignorance coupable ne l’excuse pas. D’où l’avortement, d’où l’euthanasie, d’où l’explosion du nombre de divorces, d’où la destruction de la planète.

    (Je tiens à souligner que mes propos sont purement théoriques et parlent de la femme et non d’une femme. Loin de moi l’idée de juger une personne ou une situation concrète. J’ai d’ailleurs complètement mis de côté les grossesses dues à des conditions dramatiques, statistiquement elles sont de très loin minoritaires dans les causes des avortements)

  2. Personnellement, en tant que femme et mère de famille nombreuse, je n’ai qu’une question (qui ne trouve que rarement de réponse argumentée) : est-ce qu’on considère vraiment qu’avorter est un progrès, tant du point de vue moral que psychique ?
    Est-ce que la promotion de TOUS les moyens contraceptifs n’est pas de loin préférable (il y en a pour tous les cas), conservant alors l’avortement pour les situations les plus douloureuses et, pour conclure, qui peut imaginer de recourir à l’avortement plusieurs fois dans sa vie, ce qui nous ramène au point de départ : la contraception et/ou la maîtrise de soi ?
    Parce que, comme femme, j’ose prétendre que le « droit de disposer de mon corps » commence là : ne pas permettre que ce corps soit soumis à ce qu’il ne désire pas, ici, la grossesse !

  3. Il me semble en tant que médecin et démocrate qu’il est de mon devoir de rappeler deux faits:

    Le premier est une réalité, un fait scientifiquement prouvé et établi depuis plus d’un siècle et que rigoureusement aucun scientifique ne met en doute : c’est le moment du début de la vie individuelle. Ce moment intervient lors de la télophase(la fin) de la fusion des noyaux du spermatozoïde avec celui de l’ovocyte. L’individu humain existe en tant que tel, en tant que fait scientifiquement prouvé dès ce moment. C’est à dire bien avant les avortements les plus précoces.
    Par conséquent l’avortement supprime inéluctablement la vie d’un individu humain.

    Cela m’amène au deuxième point : en tant que démocrate , j’estime que tous les humains doivent respecter les Droits de l’Homme. Or l’article 3 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme stipule que « Tout individu a droit à la vie… »

    Par conséquent l’avortement , qui supprime délibérément et avec préméditation un individu humain , contrevient frontalement et dans tous les cas aux Droits de l’Homme..

    Je mets au défi toute personne qui pourrait démontrer l’inexactitude de ce qui est mis ci-dessus.

    Cela dit , la responsabilité de fait de cette action qui tue délibérément et avec préméditation est très inégalement partagée.

    Pour moi, en tant que médecin j’estime que la femme avortée est la seconde victime de ce crime. Elle tue en même temps que son descendant, son enfant à naître et sa propre maternité. Cela beaucoup de femmes avortées s’en rendent compte, hélas après coup.

    De plus elle est victime d’un enseignement et d’une éducation dévoyés quand a la responsabilité que devraient avoir les jeunes et les légèrement moins jeunes quant aux implications qu’entrainent l’acte sexuel.

    Par contre la responsabilité tant des politiciens, des médecins, des éducateurs et des parents est bien plus importante, souvent même capitale.

    Finalement, ce n’est pas parce que les catholiques sont , dans ce domaine souvent plus respectueux des Droits de l’Humme que certains autres (heureusement pas tous),qu’il faille en faire une

    1. Mon dernier paragraphe étant incomplet et ayant été bousillé, je le remets ci-dessous :
      ======================
      Finalement, ce n’est pas parce que les catholiques sont , dans ce domaine souvent plus respectueux des Droits de l’Homme que certains autres (heureusement pas tous),qu’il faille en faire une question de débat entre catholiques et non-catholiques.
      J’estime que c’est au delà de l’honnêteté d’oser le faire.

  4. Nulle part on ne parle de la souffrance vécue tant avant le choix a faire ou les difficultés ou pressions insurmontables que certaines personnes peuvent vivre…pourquoi ne pas faire plus de prévention et d ecoute ou de soutien à aider les femmes qui vivent ce dilemme de vie et de maternité…l Asbl Souffle de vie offre ce soutien et cette aide ….

  5. Il y a un déni ontologique à croire ou penser, qu’une date « fatidique » imposée par la loi, départagerait entre deux statuts (amas de cellule, un bébé) le cheminement de la maternité. Une femme sait qu’elle est enceinte et jamais elle ne se dit d’emblée : je suis enceinte d’un « amas de cellule ». J’ose penser, moi, personnellement, qu’un enfant à naître est inscrit de toute éternité, dans un royaume dont l’entendement nous dépasse, et que c’est lui, cet enfant, qui vient frapper à la porte des mères. La maternité est une porte, un passage; nos ventres d’ailleurs ont tout de la symbolique de ce processus pratiquement alchimique, de la création, de la mise au monde d’un être unique, précieux, sacré. L’appel, si nous lui disons oui et en cela, l’histoire de Marie, visitée par l’Ange, et son « Oui » est un chef d’œuvre de compréhension lumineuse de la maternité, avant même la conception, est clair.Nous ne faisons que participer et quelle extraordinaire participation. Mais il n’y a aucun péché (dans le sens ontologique encore) à dire non. Car ce non,(souvent inclus dans le choix d’une contraception) est compris, dans ce processus extraordinaire qui précède l’avènement d’un enfant, bien avant sa conception, par l’enfant lui-même. Dans ce cheminement de compréhension, que dire, que penser, comment intervenir, dans les débats actuels concernant l’avortement.? premièrement mon expérience personnelle concernant les confidences de mes sœurs les femmes et parmi elles certaines, qui sont passées par l’avortement: aucune, l’ayant vécu, je dis bien aucune, n’en ressort indemne, même après des années. Toutes désirent avoir le choix de dire oui, ou non. Avant d’être enceintes. Alors, pourquoi l’avortement ? quelles sont les causes évoquées ? je n’ai pas dans mes connaissances, de femmes voulant avorter pour cause de viol donc je ne saurais parler de cette cause précise et je n’ai pas non plus dans mes connaissances de femmes ayant du avorter pour raisons médicales. Ce que j’entends le plus souvent, c’est l’absence du père de l’enfant, ou un père là mais qui ne veut pas d’enfant; quelle pression !c’est la peur du « qu’en dira t on », à l’école, aux études , au boulot, c’est l’absence de moyens matériels (ah cette société qui a « oublié » de dire aux jeunes filles qu’on peut construire sa vie même quand c’est « matériellement » difficile); c’est l’absence d’une vraie « politique » en ce qui concerne la contraception, pour les femmes mais aussi pour les hommes ! c’est la pauvreté de l’accompagnement psychologique, moral, spirituel; c’est la pression partout entendue, que l’avortement c’est une solution rapide, socialement admise , qu’il est plutôt de « bon ton » de ne pas la remettre en question…etc. Que de souffrances pourtant, dans les paroles échangées sur ce sujet..Souvent, très souvent, aussi, des regrets, des manques douloureux, de la culpabilité qu’elles ne savent où placer. On dit aux femmes qu’elles sont reines, de leur corps, de leur vie, dans une société moderne, libre. Personne pour leurs expliquer, leurs ouvrir les portes de ce mystère qu’est la féminité réelle, ontologique, sacrée , qui seule, les fait véritablement Reine, chacune, dans ce Domaine de la Maternité. L’avortement est un échec. Un échec de nos sociétés.

  6. On dirait, par moments, que la petite fille Espérance de Charles Peguy a tenu la plume du Père Delhez. Une petite fille Espérance entourée de toutes les futures mamans désenfantées pour n’ avoir pu exprimer leurs sentiments profonds dans un milieu à l’ idéologie pure et dure où on s’exprime par slogans.
    Peut on parler de libre choix dans ce vacarme de mots idéologisés ?
    Car un libre choix ne peut se faire qu ‘ après de longs temps de silence. Dans ce cas ci , seule avec l’ enfant à naître.
    Le libre choix exige aussi que la future maman soit informée de tout ce que des personnes bienveillantes envers la vie sont prêtes à faire pour l’aider.
    Le libre choix exige du temps.
    En ramenant le délai de réflexion à 48h. l’hypocrisie, le vide de l’ expression  » libre choix  » saute aux yeux.
    Courage, Père Delhez, ne lâchez pas la main de la petite fille Espérance.
    Nous sommes nombreuses à nous tenir à vos côtés.

  7. Oui, Viviane, l’ avortement est un échec de nos sociétés . Comme le suicide ( 6 par jour, en Belgique, un record ).
    Pourtant le socialisme nous avait habitué à une analyse plus philosophique de nos aliénations. De ces libres choix qui n’en sont pas vraiment.
    Il nous avait montré que l’ homme aliéné par nos sociétés., devenu étranger à lui même, étranger à la vraie vie qui est en lui , n’est pas vraiment libre de ces choix.
    ( Ainsi l’ouvrier qui a femme et enfants n’est pas libre de dire zut à un patron ( qui l’exploite outrageusement ou le fait chanter avec le spectre du chomage ) et d’aller vivre sous les ponts.
    L’ouvrier sous payé malgré ses 12 h de travail harassant par jour n’ était pas libre d ‘envoyer ses enfants à l’ école plutôt qu’ à l’usine.
    Sans enseignement obligatoire pour tous, éducation à l’esprit critique pour tous, nos choix elctoraux n’ont rien de démocratique;
    Et ces faux libre coix existent encore aujourd’hui dans les pays où nous avons délocalisé nos usines).
    Dans le cas qui nous occupe, sommes nous capables de dire oui à une vie qui s’annonce sans faire peser les chaines destructrices d’un plan de carrière, d’ une course au diplome, d’une société de consommation, d’une image de famille idéale sans enfant handicapé ?

    1. En un mot : nos sociétés sont aliénantes, elles nous rendent étrangères à nous mêmes, étrangères à la vraie vie qui est en nous. A fortiori, étrangères à une nouvelle vie qui s’annonce.
      Nos sociétés engendrent une peur de la vraie vie . Peur à laquelle nous réagissons par un excès de controle pour une illusion d’autonomie.

  8.  » Je veux rentrer à la maison « . de Christiane Collange. 4 fils et 25 ans de journalisme ( Le Vif, Europe 1, « Elle « ).

  9. « Le printemps des grand’ parents  » de Segolène Royal.
    Ces deux livres montrent bien que c’est la société qui nous aliène et non pas la naissance d’un enfant.
    Ils n’ont pas pris une ride.

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