Cours de citoyenneté : De si apparentes convergences laïques

Rouleau compresseur
Ce dimanche, les responsables de tous les cultes reconnus en Belgique et de la laïcité philosophique, ont marché ensemble pour la paix. J’ai personnellement remercié Henri Bartholomeeussen, président du Centre d’Action Laïque (CAL), pour sa présence et ses paroles ce jour-là. L’amitié que j’ai pour de nombreux laïques philosophique ne m’empêche cependant pas de rester lucide, face à l’actuel forcing, déployé pour remplacer les cours de religions et de morale laïque par un cours de citoyenneté. La tactique utilisée, est identique à celle qui fut jadis appliquée pour faire avancer les grands dossiers éthiques : Surfer sur l’actualité (drame « Charlie Hebdo » – relire ma chronique « Au diable les cours de religion ? »), recours citoyens devant la justice, relais politiques à droite comme à gauche et campagne médiatique bien orchestrée. Il y a quelques mois, j’avais prévenu divers responsables religieux que les prochaines « avancées » du monde laïque se feraient dans le domaine de l’enseignement. Je ne m’étais pas trompé. Nous assistons au déploiement d’un réel rouleau compresseur, destiné à bouter les cours confessionnels hors du champ scolaire – pour les remplacer par un cours neutre. Paraphrasant un article du directeur de la Cellule « Étude et Stratégie » du Centre d’Action Laïque à l’époque du débat sur l’euthanasie des mineurs (« De si étranges convergences religieuses »),  j’évoque ici « de si apparentes convergences laïques ».

Arrêt « providentiel »
Que des parents lambda ne souhaitent pas voir leur enfant s’inscrire à un cours de morale laïque, « trop engagé pour être neutre » et saisissent le Conseil d’état – qui pourrait le leur reprocher ? Que le Conseil d’état pose une question préjudicielle à la Cour Constitutionnelle – quoi de plus normal ? Que cette Cour suprême dise le droit – que demander d’autre ? Mais que la maman de l’enfant à l’origine du fameux arrêt de la Cour Constitutionnelle, soit par ailleurs la responsable de la Régionale de Bruxelles de la FAPEO, association représentative des parents de l’enseignement officiel et une des associations fondatrice du même Centre d’Action Laïque, dont… sa démarche en justice vise à récuser les cours de morale laïque – voilà qui devient singulièrement schizophrénique. Ou au contraire – bien orchestré. Planification que confirme d’ailleurs son conjoint – à l’annonce du verdict de la Cour – en rappelant que le but final de son initiative « est que tous les enfants puissent bénéficier d’un réel cours de philosophie, de droit et de citoyenneté. » Et avertissant qu’il est attentif à l’éventuel détournement de la décision de la Cour constitutionnelle.: « Il ne faudrait pas que le seul cours de morale laïque soit remplacé par un cours de philosophie, mais que cela concerne tous les élèves. » Qu’aucun média ne relève que les requérants ne sont pas des citoyens lambda, mais bien des militants engagés d’une cause, voilà qui me trouble. Dès que l’arrêt tombe, les partis politiques embrayent en chœur – sauf un – taxé par des journalistes de « conservatisme » et le CAL applaudit, en déclarant que désormais les cours de religion sont facultatifs. (Faux : L’arrêt de la Cour Constitutionnelle ne parle que d’une possibilité pour les parents de demander la dispense de ces cours). Pour tout commentaire, on invite sur les plateaux médiatiques – outre les politiques – la maman requérante, ainsi que le directeur de la cellule « Etude et Stratégie » du CAL. Grands oubliés des rédactions : les parents vraiment « lambda » et les professeurs de religion, ou de morale laïque. Débat ouvert ? Non – dossier bouclé.

 Hors du libre-examen… point de salut ?
Le CAL m’objectera qu’il ne souhaite nullement supprimer les cours de religions de l’enseignement officiel, mais à les rendre facultatifs (ces cours sont prescrits par la Constitution). A l’heure où les enveloppes budgétaires de l’enseignement sont fermées, un tel argument n’a pas de prise sur le réel. Avec la mise en œuvre d’un cour commun « neutre » sur le fait religieux, les cours philosophiquement dédicacés seront marginalisés, avant de disparaître via une adaptation de la Constitution à la réalité scolaire. Dont acte – mais il y a la suite, qui ne s’énonce qu’à demi-mots : Selon l’avis du CEDEP (Centre d’étude et de défense de l’école publique), qui représente la laïcité philosophique dans l’enseignement, ce nouveau cours de citoyenneté « neutre » ne pourra pas être donné par les actuels professeurs de religion. En effet, il ne seraient pas formés dans ce but. « Leur rôle est d’enseigner une option philosophique particulière et on ne peut en même temps attendre d’eux qu’ils enseignent les différentes manières de penser, de façon équilibrée, neutre et impartiale ». Curieusement, le CEDEP n’inclut pas dans son jugement les profs de morale laïque, qui – moyennant un petit complément de formation – seraient donc parfaitement idoine pour le job. Comme je l’écrivais déjà ce 19 juillet dernier : L’argument laisse pantois, car il sous-entend qu’un professeur de religion ne serait pas un enseignant à part entière, mais une espèce de prosélyte masqué. Un catholique convaincu ne pourrait-il donc pas enseigner ce cours à la citoyenneté? Si oui – qu’est-ce qui l’empêcherait d’également donner cours de religion? Si non – cela signifie-t-il que seul un laïque philosophique serait apte à donner le cours de citoyenneté? Il y a quelque temps, un ami franc-maçon m’offrit un stylo en forme de « pavé symbolique », un damier blanc-noir qui représente en maçonnerie la dualité, l’harmonie et l’équilibre. Force est de constater que le projet éducatif, tel que déployé actuellement par le CAL, n’a guère intégré cet idéal. Hors de l’approche libre-exaministe… point de salut ?

 

 

12 réflexions sur « Cours de citoyenneté : De si apparentes convergences laïques »

  1. Mais un prof de religion n’est pas un enseignant à part entière (sauf les AESS en sciences religieuses et les AESI d’une autre matière ayant reçu un complément de formation pour enseigner la religion). Pour les autres, ce ne sont pas des enseignants, être enseignant est un métier, et un métier qui s’apprend dans une haute école, pendant trois ans, avec de vrais enseignants, des stages, des cours de pédagogie! Je trouve dommage que ce ne soit pour l’instant qu’une option, car si j’ai inscris mes enfants au cours de religion catholique par choix, quelle déception de contenu! Et j’ai sérieusement pensé que si un cours de morale avait été organisé dans l’école j’y aurais probablement mis mon enfant à la rentrée suivante, car le cours de religion oublie bien souvent qu’il est censé être un cours à part entière et pas deux heures de récréation et de bricolage! Voilà ce qui arrive quand monsieur et madame tout le monde, en quelques heures, devient professeur de religion!

    1. A Liège, tous les professeurs de religion doivent avoir le visa de l’évéché pour enseigner et donc la formation qui va avec, que je sache. Ceci dit, la plus admirable des formations ne vous garantit pas des profs admirables.

    2. Que d’inepties encore une fois ! Bien sûr qu’un enseignant de religion est un enseignant à part entière, avec une solide formation derrière lui. Allez voir ce que contiennent les cours en sciences religieuses à l’UCL ou dans les CDER et puis on en reparlera.

  2. Excellente chronique mon père, et sur des faits objectifs de plus ! La RTBF publiait la semaine dernière une réaction d’un enseignant de morale laïque qui se félicitait de cet arrêt qui allait permettre ‘l’instauration d’un cours réellement commun à tous les élèves sur le fait religieux », dont on pouvait supposer au vu de sa jubilation qu’il s’agirait principalement du cours de morale laïque un petit peu adapté… en bref, un cours « neutre » mais qui serait plutôt un cours de dogmatisme nihiliste que neutre, comme le rabbinisme du CAL et de l’ULB nous le rappellent régulièrement.

    Vous le dites très bien, il y a lieu de vraiment s’inquiéter d’un comportement hégémonique de la part du camp laïcard. Dans un monde ou on n’accepte plus de norme, de bien commun ou n’importe quelle forme de vérité, c’est ceux qui disent qu’il n’y pas de Vérité qui détiennent paradoxalement « la Vérité »… ou qui en tout cas se comportent comme tel en agissant de manière prosélyte vis à vis de « leur » Vérité, qui n’est en fait rien de plus qu’une religion sans Dieu. Ce n’est qu’un stratagème absurde, mais j’ai entendu bien peu de monde le dénoncer. Merci de le faire !

    On peut déplorer le niveau très médiocre des cours de religion catholique en général, mais tenter de les marginaliser de cette manière au profit d’une sorte de religion laïque est inacceptable.

  3. Bonjour à tous,

    Qu’il y ait ou non agenda caché, cette évolution future telle que décrite ici me conviendrait parfaitement. La situation actuelle dans l’enseignement officiel est insatisfaisante depuis bien longtemps, qui cloisonne les élèves tout en coûtant extrêmement cher du fait de la démultiplication des cours.
    Selon moi, l’essentiel ne sera pas tant de savoir qui assurera les cours, mais plutôt comment former ces enseignants et comment assurer une réelle neutralité. En effet, si les cours de morale laïque actuels ne sont pas reconnus comme neutres, on comprend bien que la chose ne sera pas simple à réaliser. Après tout, le principe de laïcité est le garant de la coexistence des croyances et le libre-examen un gage d’indépendance et d’émancipation indispensable au citoyen.
    Bonne journée

    1. Que ce soit en philosophie, en histoire, en sociologie, en psychologie ou autre, je doute fort que la « neutralité » ait jamais existé.
      Le tout, c’est de le savoir.

  4. Je pense quant à moi que la majorité des parents « lambda » ne suivent pas cette démarche et que la situation actuelle leur convient bien, ce qui me fait supposer qu’il n’y aura pas beaucoup de défections … Mais l’occasion était belle pour le CAL de tenter de marquer des points et je doute fortement de la possibilité d’un cours vraiment neutre, qu’on l’appelle « philosophie » ou « citoyenneté »; je pense d’ailleurs que la neutralité totale ça n’existe pas, chacun venant avec son bagage, sa mentalité, son éducation familiale et ses sentiments personnels, etc. … quant au libre-examen, si c’est celui qui est revendiqué notamment par l’ULB, j’ai encore davantage de doutes dans la mesure ou cette université le présente comme quelque chose lui appartenant alors que chacun peut être libre-exaministe dans sa sphère spirituelle personnelle !

  5. D’accord avec votre analyse. Même si un jour on parlait d’un cours de philosophie, je doute qu’un licencié/master en philosophie de l’UCL puisse enseigner dans l’Officiel…

    1. Je pense que AV a bien cerné et …résumé le problème …

      Petit aide-mémoire…en 1966, mon épouse ,(j’étais officier dans une unité d’Aie en R FA ) postule pour un poste d’enseignante primaire dans l »Ecole belge locale…

      Le directeur au vu de l’expérience de mon épouse( diplômée dans une école normale « libre »,j’allais dire « lépreuse » et ayant assuré des cours dans diverses écoles communales ,libres pendant plus de six ans )la recommande vivement mais mon épouse s’est fait exclure de ce recrutement par le préfet de l’Athénée de Rösrath ,grand maître en la matière
      avec le commentaire ,pas de nonne chez moi !!!…

      Nil novi sub sole ,comme le dit très justement notre hôte ,déjà à ce moment-là ,il n(y avait de bon et parfait que les « élus »(parlons-en de l »enseignement officiel..)

      Plus tard ,elle a enseigné les cours de religion catholique dans l’enseignement officiel, en région bruxelloise où une autre forme de ségrégation a vu le jour avec les prof de religion islamique débarquant de tous les pays sauf de Belgique…et qui vu leur manière de recruter des élèves pour leurs cours( menaces physiques et autres sur les parents ont vu leur « autorité » se faire jour de plus en plus( entre 1973et1993….

      La conclusion est facile à découvrir ::c’est celle de la laïcité

  6. La conclusion pour moi est : l’enseignement libre catholique ! Jusqu’à ce que de mauvaises pensées s’en prennent à lui également :-(

  7. Je suis professeur de morale NON CONFESSIONNELLE comme l’indique l’intitulé du cours que je donne et le programme que je suis. Il m’arrive d’évoquer dans mes cours les philosophes les plus divers dont Jésus Christ. J’ai en face de moi des élèves de toutes obédiences religieuses ou philosophiques et j’exige de tous qu’ils expriment avec respect pour eux-mêmes et pour les autres. Je vous invite à lire le programme du cours de morale avant d’en parler. Vous ne confondrez plus morale laïque et non confessionnelle ni les professeurs de morale NON CONFESSIONNELLE avec les membres du CAL même si certains en sont membres. Je comprends cette confusion, les professeurs de religion sont désignés/proposés par une instance religieuse. Rien n’impose aux professeurs de morale NON CONFESSIONNELLE d’être membres du CAL, ce n’est pas le CAL qui désigne les professeurs de ce cours!
    Merci.

    1. Merci pour ce commentaire. Mais vous vous trompez de cible. C’est une représentante de la Fapeo qui a introduit le recours, qui a abouti à l’avis de la Cour Constitutionnelle, en arguant qu’elle ne souhaitait plus que sa fille suive le cours « non-confessionnel », car pas suffisamment neutre à ses yeux. Et c’est le CAL qui s’en est réjoui. Personne, dans le monde catholique, n’a songé à attaquer les cours que vous donnez. C’est donc bien à ces instances qu’il faut adresser vos reproches. Merci.

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