Une nouvelle fusillade a eu lieu à 13h dans un supermarché casher dans l’est de Paris, porte de Vincennes . Au moins deux personnes ont été tuées et cinq civils pris en otages. Selon toute vraisemblance, il ne s’agit pas d’un « gros coup organisé » comme à l’époque des twin towers, mais de jeunes fanatisés et entrainés – qui se décident de se venger du grand Satan occidental. Le pseudo-calife de Daech avait appelé à s’en prendre aux nations qui le combattent. C’est fait. Une guerre sainte 2.0, en quelque sorte. Elle prend les services de renseignements à rebours, car comment espionner tout jeune qui se connecte à internet et risque de se transformer en bombe humaine ? La modernité a transformé notre monde en un village. Ce qui se passe en Syrie, fait désormais des victimes à la porte de Vincennes. Il faut regarder la réalité en face et oser le dire : plus personne n’est à l’abri.
Comment réagir ? Fermeté et unité. La phrase du grand Churchill, prononcée en pleine crise de 1941, me trotte en tête comme un mantra : « United we stand. Divided we fall ». Fermeté et unité donc, mais avec sang-froid. Si nous commençons à chercher des boucs-émissaires, nous jouons le jeu de nos adversaires : marginaliser les musulmans, afin qu’ils se radicalisent. Oui – personne n’est à l’abri. Oui – je n’exclus même pas que demain un jeune fou entre dans une église de Liège pour abattre un de mes confrères, ou moi-même. Non – je ne suis pas rassuré. Mais à choisir, je choisis de vivre debout. Les yeux ouverts. Sans haine. Il ne suffit pas de crier « je suis Charlie ». Il faut essayer de s’en montrer digne. Gardons notre sang-froid. La démocratie est attaquée, parce qu’elle est grande et belle. « United we stand. Divided we fall ».
L’invasion de la barberie
La troisième guerre mondiale est commencée depuis quelques années. Jusqu’ici, elle se faisait ailleurs. Maintenant, elle pénètre de plus en plus dans nos espaces jusqu’ici épargnés. Brutalement, sans avertissement, – comme cela se fait ailleurs, – la nouvelle guerre nous laisse désarmés, déstabilisés, fortement ébranlés.
Les autres guerres étaient ailleurs et elles étaient la guerre des autres. Celle-ci, plus sournoise, sophistiquée, imprévue, frappe… un peu partout, sans trop savoir d’où elle vient, qui la finance, qui la promeut, qui la suscite, qui l’organise.
La troisième et dernière guerre est ciblée. Elle est systématiquement centrée sur un objectif: créer une pensée unique, commune, englobant toute l’humanité. Elle force à la conversion, à la mutation des usages, à l’abdication des traditions, à la destruction de coutumes millénaires.
La troisième guerre a été préparée dans l’invisible. Elle n’échappera personne puisqu’elle vise la totalité. Elle détruira. Elle déchiquètera l’univers. Elle la mettra en lambeaux. Elle sera féroce parce que justement nous l’avons laissée fourbir ses armes; nous l’avons laissée organiser des réseaux, encourager, par nos silences et nos innombrables soubresauts d’épaules, nos innombrables gestes cousus d’indifférence.
La troisième guerre est déjà dans nos murs. Elle attend. Elle frappera inévitablement. L’ennemi qu’elle combattra sera surpris de son attaque. Elle sèmera la panique. Elle dispersera les façons de faire. Elle engendrera la soumission forcée ou la mort calculée.
Le cœur humain ne peut se libérer des idéologies. Il croit à tout pourvu qu’on lui présente le paradis perdu. Il n’y a qu’un moyen de faire taire tous ces actes inhumains, meurtriers, dégradants: le retour à ce qui nous a fait; la conscience de ce qui a été perdu ou bafoué; le ciment de nos idéaux et de nos espoirs.
La violence a des maîtres: la perversion et la domination. Les deux sont le fruit de l’orgueil, le résultat d’un désarroi personnel et collectif. Ne sachant plus où notre société va, d’autres s’imposent pour devenir nos guides. Et personne ne sait s’ils atteindront leur but. S’ils les atteignent, notre monde occidental sera transformé à tel point qu’il sera méconnaissable. Et il l’aura mérité puisqu’il aura trahi sa propre histoire de l’intérieur.
Nestor Turcotte
Matane
Québec
Jusqu’ici, l’Occident était une partie très homogène de la planète. L’Orient l’était tout autant. Les humains de là-bas vivaient sans trop se soucier des humains d’ici. Ceux d’ici vivaient sans trop se soucier des humains de là-bas.
Les moyens rapides de communication ont transformé la planète en un immense village: on sait tout de suite ce qui se passe là-bas et là-bas, on sait tout de suite ce qui se passe ici. L’Australie est dans mon téléviseur; l’Inde pénètre dans mon foyer; le Japon et la France s’invitent sans que je ne le sache.
Il n’y a plus plusieurs mondes dans ce monde: il n’y a maintenant plus qu’un monde qui engloble ce monde. Les traditions, les coutumes, les courants d’idées, les religions se croisent, s’entrecroisent, ont tendance, ou à s’imposer par la force, ou à partager avec l’autre ce qu’il a de commun avec nous.
Il nous faudra apprendre – ce qui ne sera pas facile – à vivre ensemble ou accepter de s’engouffrer dans la spirale d’une violence indescriptible, perpétuelle, sans fin. Tout en maintenant ce que nous sommes, le défi est d’accepter de vivre avec l’autre dans sa différence. Il faudrait bien que la différence accepte aussi qu’elle n’a pas à imposer ses diktats à une majorité qui décide de ne pas vivre comme elle.
Nestor Turcotte
Matane (Québec)
Merci Monsieur Turcotte, vous avez mis le doigt sur ce qu’il faudrait.
Et cela vaut pour les 2 camps… « accepter de vivre avec l’autre dans sa différence », cela impliquerait sans doute aussi pour Charlie Hebdo de ne pas publier certains dessins.
Je ne vois pas enquoi accepter de vivre dans la différence impliquerait le devoir de se taire.
S’il y a des assaillants se battant contre la démocratie, on va se demander comment lutter contre eux.
Et je crains fort la réponse de nos sociétés matérialistes occidentales nous enfoncent dans le problème en n’apportant que des solutions conjoncturelles: d’une part le politique va renforcer l’aspect sécuritaire et d’autre part les media et les intellectuels vont surenchérir dans la défense de la laïcité.
Quant à l’Islam.
– Quelle grande famille de l’Umma a renvoyé l’ultimatum rituel (Islam, tribut ou sabre) dans les oubliettes de l’histoire ?
– Combien de Fatwas récentes et solennelles ont été (ou seront) prononcées contre l’Etat islamique ? Et/ou contre les auteurs d’attentats à Paris ou à Liège (place St Lambert), à Bruxelles ou ailleurs ?
Quant à Charlie-Hebdo.
– Si Voltaire a été généralement anti religieux et quelquefois pornographe… Dans ces deux disciplines, la rédaction de C. H. a régulièrement égalé voire dépassé son maître.
– Cela suffit-il pour faire de ces victimes (tristes mais provocatrices) des représentants de « nos valeurs » ou de « la démocratie » ? Permettez qu’on pose la question.
Que Dieu leur pardonne à tous, mais… barbarie mortifère des uns et barbarie provocatrice des autres, c’est ensemble qu’elles nous conduisent à la guerre.
Analyse objective et que je partage !
sans fautes c’est mieux:
S’il y a des assaillants se battant contre la démocratie, on va se demander comment lutter contre eux.
Et je crains fort que la réponse de nos sociétés matérialistes occidentales nous enfonce dans le problème en n’apportant que des solutions conjoncturelles: d’une part le politique va renforcer l’aspect sécuritaire et d’autre part les media et les intellectuels vont surenchérir dans la défense de la laïcité.
Tout ça est un abominable gâchis; des vies brisées, des gens qui exerçaient un métier « à risque » (depuis l’affaire Salman Rushdie, on le savait), des gens qui étaient là pour « faire leur travail », et des policiers morts ou gravement blessés …
Et tout ça pour quoi ?
Pour venger l’honneur du prophète à cause de petits dessins ? Je n’arrive pas à m’imaginer le raisonnement qui se trouve là-dessous … Un peu comme si je devais tuer quelqu’un parce qu’il a insulté Jésus ou la Vierge Marie…
Ce n’est plus de la religions et ce n’est même plus de la politique : pour moi, c’est de la folie à l’état pur !
Je suis d’accord avec Marie-Madeleine Clobus
Nos amis musulmans y gagneront des vierges en quantité vu la période des soldes , les cathos leur vie éternelle . Tout le monde y retrouve-t-il son compte alors ?
Oublions la religion un temps et passons à la vie telle qu’on la vit .Un peu moins agressifs , moins de nanas et plus de convivialité.
ts ?
« Un peu comme si je devais tuer quelqu’un parce qu’il a insulté Jésus ou la Vierge Marie… »
Peut-être pas par vous, mais c’est arrivé Mme Clobus…
@ Paxomin
Il est injuste de dire cela. C’est arrivé dans une autre époque où l’Eglise catholique était partout, dans les « sociétés » du temps. Et si on veut évoquer cela, l’honnêteté commande de ne pas voir alors que l’action négative de l’Eglise catholique dans l’histoire.
Ici on parle d’un assassinat à l’ère de la modernité, où l’esprit dominant dans les sociétés développées occidentales est la rationalité matérialiste. Ce n’est pas dans l’air du temps en occident, alors que les tueries moyenâgeuses au nom de Dieu l’étaient…
Mais où et quand cela a-t-il pu arriver ? Parce que, moi, je parle d' »ici et maintenant », tout comme les attentats ont eu lieu « ici et maintenant » !
En fait je parlais aussi de l’ici et maintenant Mme, à ma façon.
Tout d’abord, pour dénouer une confusion, je ne parlais pas du moyen-âge que j’adore M.Colas (et le jour où je voudrais parler de l’église en ce temps, je lirais d’abord le livre de M.le doyen à ce sujet) mais des pogröms qui ont beaucoup déraciné.
Je ne voulais pas attaquer l’église en un espace que M.le doyen m’offre, mais je pense que a souffrances des jeunes musulmans déracinés et qui deviennent de fanatiques littéralistes quand ils retrouvent leur religion ressemble à celle de tous les déracinés du monde.
Ceux qui ont été déracinés il y a peut-être longtemps, souffrent « maintenant », pour toutes les cultures c’est la même chose.
On devrait en ce qui concerne les musulmans essayer de répérer, et de mettre en avant ceux qui s’occupent d’eux dans le bon sens.
Car ils évitent à beaucoup de devenir des fanatiques littéralistes qui s’accrochant de toutes leurs force à des textes dont il n’ont pas extrait la substance spirituelle, deviennent dangereux pour eux, pour nous, et pour nos voisins.
***
Pour « l’ici », quelqu’un de ma famille était à dix minutes près dans le quartier du premier attentat.
Une raison supplémentaire pour moi d’essayer de comprendre les musulmans de France que je fréquente au quotidien.
Je ne voulais pas vous mettre sur la défensive, et le fait est que votre question « pourquoi ? » était une bonne question. Je propose ma réponse mais j’espère que vous n’abandonnerez pas votre questionnement.
Je voudrais ajouter deux choses :
Tout d’abord, nous avons comme en France une importante immigration provenant des pays du Maghreb et de la Turquie, ce qui fait que les jeunes de ces communautés ne sont pas des inconnus pour nous; par ailleurs, nous avons également connu un drame à Bruxelles en mai dernier, acte de terrorisme visant la communauté juive de notre pays.
Ensuite, des difficultés existent en effet mais je me souviens pourtant d’une immigration des années 70 qui s’était parfaitement intégrée et adaptée. Il a dû se passer quelque chose entre-temps… mais quoi ?
Nous vivons une période particulièrement difficile en termes de chômage et d’emploi et les jeunes peu formés en font évidemment les frais MAIS c’est valable pour tous, citoyens de souche ou issus de l’immigration.
Quoi qu’il en soit, il y a pour moi une différence fondamentale entre « se réfugier dans une religion prise au sens littéral » et assassiner de sang froid de parfaits inconnus sous le prétexte que …
Bien entendu, il faut aider ceux qui veulent aider mais
Selon moi c’est un problème différent … D’où ma question « pourquoi » ?
pardon : Bien entendu, il faut aider ceux qui veulent aider mais on voit bien que tous les jeunes, même réfugiés dans la religion ne se tournent pas vers l’extrémisme… et c’est heureux .