Ce samedi, le philosophe Michel Serres, donnait une interview dans les colonnes du quotidien bruxellois « La Libre » (pp.50-51). A la question : « Alors, on a le retour des religions? », ce vieux penseur du XXIe siècle répondit à contre-courant: « C’est vrai qu’il y a un retour aux intégrismes, corollaire à la chute des autres appartenances (partis, etc.). Des intégrismes restés très antiques. Mais la papauté m’intéresse depuis quelques années. Voilà l’émergence d’un pouvoir “doux”, sans armée ni force économique, sans puissance temporelle (comme Merkel ou Obama) et, pourtant, c’est Jean-Paul II qui a damé le pion à Moscou. Il ne s’agit pas de juger ici du bon ou du mauvais, mais d’évoquer l’émergence de ce pouvoir “doux”. Si j’étais jeune et ambitieux, je choisirais d’être pape plutôt que président des Etats-Unis. » Par-delà de la boutade, Michel Serres affirme donc que le soft power ou « pouvoir doux » a l’avenir devant lui…
Ce lundi, une anecdote m’a fait repenser à l’affirmation du philosophe. Je passais « place Cathédrale » à Liège, quand m’apparut la silhouette familière d’un de nos politiciens de premier plan. Bien que nullement Liégeois, il semblait battre la campagne en Cité Ardente. Comme il était seul, je le saluai. Privilège d’avoir jadis été quelque peu médiatisé en tant que porte-parole des évêques, l’homme me reconnut et se lança dans un discours chaleureux : « Vous savez bien que je suis laïque, mais cela ne m’empêche pas de respecter le rôle des religions. Je surprends souvent mes collègues, en leur disant que Mgr Léonard est dans son rôle quand il rappelle certaines choses – et puis – (ajouta-t-il comme en confidence) plus d’une fois, il n’a pas tort ». Je sais bien qu’un politicien en campagne manie la bienveillance avec plus de facilité que d’ordinaire. Cependant, il n’y avait aucun témoin à notre échange. Et l’homme, connu pour son intelligence, avait dès les premiers mots sous-entendu qu’il pensait ne pas me compter parmi ses électeurs. Je pense donc que cette confidence allait dans le même sens que Michel Serres. Bien sûr que le monde a besoin d’une Europe forte face à la crise Ukrainienne et à la déstabilisation du Sahel. Mais un corps puissant sans âme, reste une masse inerte. Il faut donc surtout une âme à l’Europe. Non pas tissée d’intégrisme ou de fondamentalisme. Mais bien de profondeur et de hauteur. Bref – comme l’énonçait Michel Serres – un soft power constitué de spiritualités authentiques, dont le christianisme. Ceux qui jadis proclamaient la mort de Dieu, se sont apparemment trompés d’avenir.