Maroy… So what ?

Ce matin, la RTBF sortait son scoop « maison » : Olivier Maroy, le présentateur de Mise au Point (émission de débat politique du dimanche midi sur la chaine de TV publique en Belgique francophone), quittait le journalisme pour se présenter sur une liste MR (parti libéral) comme 4° candidat à la Région. L’analyse des confrères spécialisés en politique, n’est pas franchement à l’unisson. Comme quoi – ce sont les cordonniers, qui sont toujours les plus mal chaussés.

Johanne Montay, journaliste politique à la RTBF énonce : « Olivier Maroy passe de l’autre côté de la barrière. La barrière de corail qui sépare le journalisme, de l’action politique ; l’investigation, de la communication ; le regard critique, de la loyauté au parti. Pas le premier, pas le dernier. S’engager en politique est un acte respectable. Mais irrévocable. Et un de plus… Frédérique Ries, Anne Delvaux, Jean-Paul Procureur, Florence Reuter : des noms connus du petit écran passés de l’autre côté du miroir. Cette fois, c’est Olivier Maroy qui se laisse tenter par le pays des MRveilles. Un lapin blanc est venu le chercher et il a choisi de le suivre. Toute personne a le droit de s’engager en politique. C’est un droit démocratique donné à tous, de vouloir s’investir dans un projet de société. C’est aussi une forme de choix courageux quand il correspond à une motivation citoyenne. Dans le cas d’un journaliste, c’est néanmoins un pas transgressif, pour deux raisons. Première raison : le passage d’un journaliste en politique révèle au grand jour ses préférences politiques. Il jette donc la suspicion légitime sur l’indépendance de son travail jusqu’ici. (…) Deuxième raison qui explique le caractère transgressif du passage d’un journaliste en politique : ce n’est pas un grand saut à l’élastique. Il n’y a pas de rebond possible. Celui qui s’enfuit du bateau ne remonte plus à la barre. Une fois en politique, plus de retour en journalisme. Un retour dans les médias est toujours possible, dans une autre fonction, après 6 mois de « purgatoire ». Mais l’indépendance, ce n’est pas comme les cheveux : ça ne repousse pas. » 

Pierre Havaux – journaliste politique au Vif/l’Express – réagit : « Johanne Montay, rédactrice en chef de la cellule info politique de la RTBF, a pris acte de ce « pas transgressif » en se pinçant un peu le nez. Ce qu’Olivier Maroy vient de commettre « jette la suspicion légitime sur son indépendance du travail jusqu’ici.» Cela doit suffire à rendre impossible tout retour en arrière. Bon vent, Olivier : pars, mais surtout ne reviens pas. … C’est faire peu de cas du sens de la famille cultivé par la RTBF jusque dans son règlement. La chaîne publique se doit de reprendre à son service ceux et celles qui lui ont été infidèles pour l’une ou l’autre raison professionnelle ou politique. Elus, mais aussi attachés de presse de ministres, de présidents de partis, de groupes parlementaires ou de clubs sportifs, ou encore transfuge dans une chaîne télé au nord du pays : elle est longue, la liste des brebis égarées revenues au bercail ou susceptibles d’y revenir en cas de revers. Cela aide à franchir des « pas transgressifs », quand on se sait assurer d’une position confortable de repli. Il suffirait peut-être de commencer par couper ce cordon ombilical pour refroidir certaines ardeurs à tenter l’aventure… » 

L’intéressé, lui-même, commente : « Je ne suis pas un attrape-voix, une starlette de la téléréalité: je pense avoir une expertise. J’ai envie de me mouiller pour l’avenir de la Wallonie, parce qu’elle a du talent et qu’elle a dix ans pour se redévelopper. J’ai fait un choix de conviction, je n’aurais pas pu m’engager dans un autre parti ».

So what ?

Chacun a un peu raison – bien entendu. Tout d’abord Olivier Maroy. Qu’un critique musical ait, un bon matin, envie de se lancer dans la chanson, ne surprend personne. Pourquoi un analyste de la chose politique, n’aurait-il pas un jour le goût sincère « de se lancer dans le grand jeu » ? So what ? Que je sache, ce n’est tout de même pas comparable à un criminologue qui deviendrait tueur psychopathe. Si la politique est le théâtre de la démocratie, alors il faut encourager tout nouvel acteur. Surtout, si celui-ci vient avec une belle expérience professionnelle. Et le téléspectateur se déclarant choqué en découvrant qu’un présentateur-vedette a des opinions politiques, a un petit côté Tartuffe. Heureusement qu’un journaliste politique a des convictions – comme tout citoyen responsable. Croire, pour autant, qu’au cours des débats de Mise au Point, Maroy ait secrètement favorisé – toutes ces années durant – « ses petits copains », est aller un peu vite en besogne. A ce prix, tout juge étiqueté comme proche d’un parti politique, ne serait pas un magistrat probe et impartial. (Pensons au Procureur émérite Michel Bourlet, désormais sur les listes Ecolo ou le juge à la retraite Christian Panier, sur les listes PTB-go!). A contrario, je ne connais pas un journaliste « chimiquement neutre ». Combien de fois n’ai-je pas ressenti chez certains hommes de presse, une forte allergie – ou, au contraire, de la fascination – par rapport à la religion en général, et au catholicisme en particulier ?

Ceci étant dit, Johanne Montay note à juste titre qu’il y a un « avant » et un « après ». Difficile de redevenir arbitre de foot en pro-league, si on a accepté la présidence du fan-club du Standard de Liège. Quant à Pierre Havaux, il souligne que le pas vers la politique est plus confortable pour un journaliste du service public, qui – contrairement à ses confrères du privé – pourra être recasé en cas d’échec. D’accord, mais le risque n’en reste pas moins bien réel. La bientôt ex-députée européenne CDH Anne Delvaux en sait quelque chose – elle qui a choisi de ne pas revenir au journalisme, après sa sortie de politique professionnelle. Il existe toutefois de « glorieuses exceptions ». Churchill se voulait un journaliste atypique, au service du politicien qu’il était. Derrière la fumée dégagée par son cigare, le Grand Homme déclarait avec aplomb: « L’histoire sera indulgente avec moi, car j’ai bien l’intention de l’écrire ».

2 réflexions sur « Maroy… So what ? »

  1. Un avis tout à fait personnel : je n’ai jamais ressenti notre radio-télé nationale comme « neutre », au contraire ! Simplement, il me semble qu’il y a une « prise de position » considérée comme bonne et naturelle et toutes les autres qui ne le sont pas.

  2. Retenons « le pas vers la politique est plus confortable pour un journaliste du service public, qui – contrairement à ses confrères du privé – pourra être recasé en cas d’échec ».A méditer !
    Outre le « timing » imposé par OliM (peu respectueux de la déontologie…le timing, pas OliM, quoique), on reste dans la politique « spectacle »…C’est pourquoi, je reste un nostalgique de la démocratie représentative, avec ses « piliers », ses idéologies, ses hérauts et ses « gens de terrain »…La notoriété télévisuelle est plus importante que celle de la radio…A méditer …et ne pensons pas que Facebook et ses « like » sont une alternative…
    (ps : EDB : où en est Marianne Belgique ?)

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