Suite à mon dernier ‘post’, la journaliste RTBF Safia Kessas m’a contacté. Elle m’a invité à voir le sujet en question, désormais accessible sur internet, en m’assurant qu’elle n’avait jamais eu l’intention de piéger qui que ce soit. J’ai visionné son documentaire et je dois reconnaître que son travail journalistique est honnête. J’ai surtout apprécié le passage de la manifestation devant un centre d’avortement, où les jeunes pro-life se font arroser de tomates par des contre-manifestants – tout en restant calmes et dignes. Je maintiens cependant que le regard décalé d’une émission telle que « Tout ça ne nous rendra pas le Congo », n’est pas idéal pour traiter avec justesse et délicatesse d’une question aussi grave que l’avortement. Mais d’autres objecteront que tout est bon à prendre pour faire passer son message dans les médias.
Lors de notre conversation téléphonique, Madame Kessas a surtout voulu affirmer qu’elle ne se reconnaissait pas dans l’expression « taper sur… » Cette déclaration de sa part se retrouvait dans un article du quotidien « le Soir » et m’avait fait réagir. La journaliste RTBF a précisé qu’elle n’avait pas donné d’interview au « Soir », mais que cette phrase était sortie du contexte d’une conversation informelle avec une consœur. Madame Kessas m’expliqua que pareille expression ne reflétait nullement sa conception du journalisme – bien au contraire.
Comme ce blog a pour objectif de permettre le débat d’idées dans le respect des personnes, je me suis engagé à informer les lecteurs de ce blog de sa réaction, que je salue. Mon plus cher souhait est que l’expression « taper sur » – et plus encore, l’attitude agressive dont elle est le reflet – disparaisse des rédactions.
Merci pour la mise au point. J’emploie aussi parfois des tournures « informelles » qui sont rarement heureuses. Bien sûr, les miennes ne sont jamais publiées. En tout cas, tout ce qui va dans le sens du respect mutuel me plaît. Cette mise au point y contribue.
J’ai vu ce reportage en ne m’attendant pas à des révélations ou des prises de position d’un côté comme de l’autre et, en tant que simple spectateur, chrétien, j’ai été outré par les propos et les tomates… Dans quel pays vivons nous ? Et à quel siècle ? Ne peut-on pas respecter les convictions des uns et des autres ? Vers quel radicalisme se dirige une partie ( j’espère minoritaire ) de notre jeunesse ? J’ émettrai seulement un bémol quant à la manière dont se rendent « visibles » les opposés à l’avortement. C’est parfois à la limite de la caricature, ce qui donne matière à moqueries et colibets de la part des autres.
Bravo pour la dignité des premiers sous les tirs de tomates, mais attention de ne pas donner raison à la partie adverse par une attitude « pieuse » plutôt qu’une discussion franche, peut-être même devant un verre de bière. Je reste donc partagé et « mal à l’aise ». Je ne me reconnais pas tellement dans ces chrétiens là, ou alors c’est que le reportage a délibérément grossi leur faits et gestes, ce qui est possible. Voilà, je reste dubitatif quant à la manière de faire et de se présenter en tant que chrétien : je suis moins chaud pour les « marches » que pour des , colloques, ou autres qui mettent en présence toutes les personnes susceptibles de s’exprimer sur une question aussi délicate ( et il y en a d’autres …). Mais personne n’est parfait, nous tentons seulement de vivre en accord avec l’Evangile, dans un monde souvent hostile. Essayons de montrer l’exemple, ce serait déjà un grand pas. Et n’hésitons pas à émettre clairement un avis publiquement quand l’occasion se présente. Bien cordialement.
Richard Leidgens
Safia Kessas dit qu’elle n’avait jamais eu l’intention de piéger qui que ce soit. Son travail journalistique est quand même d’une honnêteté très relative . Le reportage commence par se présenter comme une illustration du péché d’orgueil. Ce qui donne directement une orientation péjorative à l’ensemble de ce qu’on verra. Mettre la séquence où l’américain anticipe comme une certitude qu’Obama va perdre les élections alors qu’on sait très bien maintenant qu’il l’a gagnée, rien de tel pour discréditer l’ensemble de son propos. Ensuite conclure avec ce monsieur participant à la manifestation qui parle de « …Satan qui met la main sur la femme… » alors qu’on sait très bien que ce type de langage est complètement imbuvable pour la toute grande majorité des téléspectateurs, n’est vraiment pas faire preuve d’objectivité.
Merci pour ces précisions, même si elles n’enlèvent rien à la pertinence d’un questionnement légitime au sujet des méthodes douteuses souvent mises en œuvres par les médias, dont ils ne sortent pas grandis.
C’est bien de la part de cette journaliste d’avoir pris contact avec toi et de ne pas avoir répondu par voie de presse, c’est digne. Et ton nouveau post reflète ton souci d’objectivité et de respect des personnes: merci de contribuer de manière aussi positive aux débats, cher Eric!
« je dois reconnaître que son travail journalistique est honnête »
Monsieur l’Abbé,
Merci pour votre mise au point, mais il semble que tout le monde n’ait pas la même conception de l’honnêteté que vous. Voici la réaction du principal intéressé sur belgicatho.be .
Cordialement,
F.Willems
Antony Burckhardt répond aux questions soulevées par la diffusion d’une émission (« Tout ça ne nous rendra pas le Congo ») que Safia Kessas a consacrée aux jeunes organisateurs de la Marche pour la Vie :
»Le temps des cerises » est sorti il y a une semaine, reflète-t-il fidèlement vos actions ou relève-t-il de la désinformation ?
Comme vous le savez, un sujet journalistique (reportage, documentaire, JT) n’est jamais un miroir de la réalité. Quel que soit son parti pris il est toujours et avant tout une construction. Pour réaliser ce sujet Madame Kessas et son équipe ont dû élaborer un scénario. En fonction de celui-ci ils ont ensuite procédé à des coupes. Ce qui était inévitable dans la mesure où ce documentaire dure 20 minutes tandis que sa réalisation s’est étendue sur un an ! Comme vous j’ai découvert le scénario en question quelques jours avant la diffusion, sur le site de la Rtbf : nous sommes des croisés qui militons contre tous les vices que compte la société belge, et je suis une illustration vivante du péché d’orgueil. A partir de ce moment l’affaire est pliée : tout ce qui accrédite ce scénario sera diffusé à l’écran, le reste ira aux oubliettes…
Avez-vous des exemples concrets qui révèlent le parti-pris de la Rtbf ?
Ils sont nombreux, mais je vais me limiter à trois. Commençons par la première séquence ou nous sommes filmés distribuant des tracts rue Neuve à Bruxelles. Comme vous avez pu le constater j’essuie plusieurs refus consécutifs. Bien sûr, Mme Kessas et son équipe n’ont pas inventé ces images… Mais en ne diffusant que celles-ci ils laissent croire que nos campagnes de rue ne reçoivent qu’indifférence ou hostilité. Pourtant, en six mois, c’est près de 15 000 tracts couleurs qui ont été distribué et des centaines de dialogues engagés ! Deuxième exemple : Safia Kessas a totalement zappé les visites que nous avons effectuées auprès du grand rabbin de Bruxelles et auprès de l’imam de la mosquée du cinquantenaire. A-t-elle jugé ces images indignes des ultras que nous sommes ? Enfin, que penser de la conclusion du documentaire qui met en scène un monsieur tenir un discours imbuvable pour le spectateur belge ? J’ai constaté que c’est la troisième fois que cette personne apparaît dans les reportages des chaînes francophones.. Est-ce vraiment un hasard ?
Ce n’est pas la première fois que la Rtbf tape sur les cathos… Alors pourquoi avoir accepté ce documentaire ? Pourquoi avoir pris le risque de tomber dans ce piège ?
Quand Madame Kessas a pris contact avec moi, suite à la deuxième Marche pour la Vie, elle m’a fait part de son désir de réaliser un documentaire sur notre mouvement. J’ai accepté, croyant qu’elle était une journaliste sincèrement attachée à une certaine forme d’objectivité, comme peut l’être un Ricardo Gutierrez. Au fil des mois, malgré d’inévitables bisbilles, un climat de confiance mutuel est né entre elle, son équipe et nous. Aujourd’hui j’ai le sentiment que Madame Kessas nous a trahi. A-t-elle joué une comédie durant un an ? Je préfère plutôt croire qu’elle a subi des pressions de la part de sa direction…
La Marche pour la Vie est-elle pilotée depuis les Etats-Unis comme la vue de ce documentaire pourrait le laisser croire ?
Madame Kessas m’avait dit être impressionnée par le charisme de Bryan Kemper, l’orateur pro-vie qui apparaît à plusieurs reprises dans le film. Je la comprends ! Cet homme, abusé par un membre de sa famille durant son enfance, est revenu de l’enfer de la drogue, de la prostitution et de la prison, autrement dit de la culture de mort, pour consacrer sa vie à la défense de la Vie ! Pour autant Bryan Kemper n’a jamais été l’initiateur ou le coach de la Marche pour la Vie de Bruxelles ! Mais que voulez-vous des petits belges qui se font téléguider par une star américaine c’est tellement croustillant…
Pourquoi avoir menti en annonçant 4000 participants lors de la dernière MPV ?
Ce n’était pas un mensonge mais une estimation liée au chiffre de la police ! En France l’écart entre le taux de participation annoncé par les organisateurs d’une manif et les forces de l’ordre va bien au-delà du double ! Le 25 mars dernier la police a annoncé 3400 participants. Nous avons donné le chiffre de 4000. La presse a avancé celui, ridicule, de 1900 !
Que s’est-il vraiment passé lors de la manifestation devant le centre de Planning Familial ?
Nous avions demandé et obtenu l’autorisation de manifester devant ce centre. Mais une fois arrivés sur place nous avons été accueillis par un rassemblement sauvage et extrêmement violent. Des individus cagoulés ont détruit nos panneaux, tandis que des militantes féministes nous balançaient des projectiles. Une femme venue témoigner de son avortement, et des regrets qui ont suivi celui-ci, a été attaquée à coups de tomates. Finalement un escadron de police anti-émeute a été dépêché depuis Matongue (c’était la période des émeutes liées à la réélection contestée de Joseph Kabila) pour contrer les pro-IVG.
Etait-ce une vraiment une bonne idée de mêler Mgr. Léonard à cette histoire ?
Remettons les choses dans leur contexte : la rencontre avec Mgr. Léonard s’inscrivait dans les contacts noués avec l’ensemble des responsables religieux belges, rabbin et Imam compris. Contrairement à ses engagements Mme Kessas a choisi de diffuser uniquement la rencontre avec l’archevêque. Néanmoins, le soutien de Mgr Léonard à la MPV ne constitue pas un scoop ! L’archevêque a participé aux deux premières MPV au cours desquelles il a pris la parole publiquement, face aux caméras.
En vous laissant filmer dans une église et en vous signant face aux caméras n’avez-vous pas pris le risque d’apparaitre comme « trop » catho ?
Je ne sais pas ce que cet adjectif « trop » veut dire… Ce que je sais par contre c’est qu’il y a plus de 2 milliards de chrétiens sur terre ! Je sais également que la Belgique ne serait pas ce qu’elle est sans l’apport pluriséculaire du catholicisme. Et enfin je ne crois pas me tromper en disant que les deux grandes idéologies meurtrières du 20e siècle, le nazisme et le communisme, n’étaient pas « cathos » mais intrinsèquement athées. Donc, je ne vois aucune raison de cacher notre Foi. Bien au contraire, nous sommes fiers d’être catholiques et toute la Belgique peut le savoir !
On vous entend parler d’en finir avec le drame de l’avortement en dix ans ! Franchement, l’accusation d’orgueil n’est-elle pas méritée ?
A titre personnel je veux bien confesser avoir succombé à cette tentation. Je remercie donc la Rtbf de m’indiquer de quel côté je devrais chercher mes résolutions pour 2013, bien que cela ne mérite pas vraiment un documentaire ! Mais cet objectif d’en finir en dix ans avec le drame de ces enfants assassinés n’est pas de l’orgueil, ni même de l’ambition mal placée… C’est une nécessité ! Si le nombre annuel d’avortements reste le même que celui de ces dernières années, dans dix ans 200 000 enfants à naître auront été supprimés ! C’est notre devoir à tous de tout faire pour que cela cesse au plus vite. Si nous avions eu le même désir concernant les crimes racistes, les violences conjugales ou je ne sais quel fait divers sordide, qui aurait osé parler d’orgueil ?
Quel bilan tirer de cette aventure ?
Il y a d’abord une immense déception. Nous avons ouvert nos portes à la télévision afin qu’un vrai débat de fond s’engage sur le drame de l’avortement en Belgique. 20 000 victimes chaque année faut-il le rappeler… Au lieu de cela nous avons eu un documentaire superficiel et caricatural, enchaînant les séquences insignifiantes. Safia Kessas a loupé une occasion de prouver son indépendance face au microcosme bruxellois. Nous de briser certains clichés et d’ouvrir le débat sur de vraies questions. Plus que jamais le développement de médias alternatifs apparait donc comme une nécessité !