Il est 21h et je sors de réunion. Je n’ai pas vu « tout ça ne nous rendra pas le Congo » (« la Une » RTBF-TV) qui nous livrait ce soir son regard décalé sur les jeunes pro-vie. J’ai dû me contenter des vidéos « bonus ». Impossible, dès lors, de réagir à l’émission. Je ne serais cependant pas surpris qu’Antony, Michel et même Mgr Léonard auront souri, malgré le probable sentiment de s’être senti piégé. Car – oui – les Cathos ont le sens de l’auto-dérision.
Mais qu’il me soit permis de poser à mon tour un regard décalé sur ce genre d’émission. Mon attention a été attirée par l’interview que la journaliste, Safia Kessas, donna il y a quelques jours au journal « Le Soir » (4 décembre). « Tout ça ne nous rendra pas… » venait de diffuser deux émissions se moquant gentiment des Musulmans fondamentalistes. « Le Soir » demandait: « S’agit-il d’une croisade anti-musulman »? Madame Kessas s’en défend. Vient l’argument-massue: « Et puis on n’a aucun tabou, on touche à tout : la semaine prochaine, on tape sur des catholiques opposés à l’avortement ! » Qu’il me soit permis de trouver le raisonnement quelque peu bancal. Le fait d’aussi « taper sur » d’autres ne justifie pas en soi que l’on « tape sur » les premiers. Cela ressemble à ce dictateur à qui on reprocherait de persécuter les politiciens de gauche et qui se justifierait en disant: « Je n’ai aucun tabou. Mes prisons sont également pleines de libéraux ». Bref, la seule réponse, journalistiquement valable que Safia Kessas avait à donner, était qu’elle considérait que c’était une info qui méritait diffusion.
Plus fondamentalement, c’est l’expression « taper sur » qui me… tape sur les nerfs. Elle est usuelle dans les couloirs des rédactions. Quand j’étais porte-parole des évêques, il m’arrivait de l’entendre dans des discussions en ‘off’ avec certains journalistes. Ceux-ci se défendaient d’un reportage trop sévère sur les catholiques – que je leur reprochais – en disant: « Mais vous savez, on ne tape pas que sur vous ». Question: Pourquoi certains journalistes utilisent-ils un vocabulaire de casseurs, quand ils parlent d’informer le public?…
Les jeunes apparaissaient plutôt sympathiques et Mgr Leonard aussi, alors que des contremanifestant(e)s étaient d’une vulgarité et d’une grossièreté qui ne plaidaient pas en leur faveur.
Par contre la présentation du mouvement qu’en avait faite « La Libre Belgique » (ex journal catholique non chrétien qui n’est plus rien du tout) était nettement plus partisane et corrosive.
La presse n’a cure de la vérité ; lâchement, elle renvoie dos à dos la vérité et le mensonge. Pilate a libéré une crapule nommée Barabbas et condamné à mort l’innocent nommé Jésus : pourquoi ? Parce que la foule le demandait. La presse fait la même chose mais en pire, car c’est elle qui forme l’opinion de la foule…
ça c’est une belle image, M. Mélon !
… et une réflexion qui vaut d’être propagée.
Votre réflexion est très pertinente, vous mettez le doigt là où ça fait mal: la qualité de la presse dans nos sociétés modernes et leur rôle vis à vis de l’opinion publique. Certes, nous ne sommes pas dans une dictature stalinienne et nos médias ne sont pas des pravda, mais ne devons-nous pas nous étonner lorsque une chaîne ou un journal se met à ressembler d’avantage à un organe de propagande idéologique qu’à un service d’information professionnel. Bref, ne devrions-nous pas nous interroger sur les trois piliers qui font la qualité de l’information, à savoir l’indépendance par rapport à tout pouvoir, l’objectivité quant aux faits et le pluralisme quant aux opinions?
J’ai (courageusement, il m’a vraiment fallu du courage) regardé la première partie de cette émission, que j’ai trouvée absolument sans intérêt pendant 90% du temps. Les 10% restant ne brillaient ni par les réflexions, ni par les images; triste, triste émission, et donc triste reflet d’une société bien triste par de tels aspects, la télé n’en sort pas grandie!