L’avenir des églises

Le dossier paru ce jeudi 29 mars dans les pages du quotidien « l’Avenir » traite avec pertinence de la gestion des bâtiments d’église.
Il s’agit d’une question délicate et brûlante. En la matière il est à peu près impossible de proposer quelque chose sans se faire critiquer. Entre le « moi vivant, rien ne changera » et le « virez-moi tous ces curés qui pompent l’argent public », il y a pourtant nombre de nuances à manier.

Constats :
Oui – Entre 1800  et 1960, le nombre d’églises a triplé en Belgique. Il s’agissait d’accompagner l’évolution démographique d’une population qui comptait encore, jusqu’en 1968, 95% de baptisés catholiques.
Oui – la pratique du culte régulier est en baisse dans l’église catholique et les églises sont donc moins utilisées.
Non – une église ne sert pas qu’à célébrer des Eucharisties. Elle est un lieu de prière, de mémoire, de silence – voire de simple respiration hors du brouhaha quotidien.
Non – une église n’est pas réservée aux catholiques pratiquants. Elle accueille tous ceux et celles qui y entrent : catholique ou non, croyant ou mécréant, jeune ou vieux, etc.

La sécularisation et le pluralisme religieux changent la donne quant au patrimoine immobilier catholique. Il est donc normal que le sujet fasse débat et que le pouvoir politique s’en saisisse. Surtout en temps de récession économique, où chaque denier d’argent publique doit être justifié. Mais le faire en lorgnant exclusivement vers les statistiques de pratique dominicale, est totalement hors propos.

Reste une question d’importance : une église qui reste fermée en-dehors des heures de culte, est une église qui sommeille. Il faut donc tout faire pour les garder ouvertes. Si elles ont un sacristain rémunéré ou bénévole, cela est évidemment plus facile. A défaut, pourquoi ne pas créer une chaine de pensionnés bénévoles, assurant des permanences de surveillance ? Avec un fond de musique religieuse pour que les passants se sentent accueillis, je peux assurer que les visiteurs ne manqueront pas. Il existe des associations qui peuvent aider les communautés paroissiales à faire vivre leurs lieux de culte. Ainsi, www.eglisesouvertes.be – qui fait un travail remarquable.

Distinction entre les églises:
En schématisant à l’extrême, je dirais qu’il existe trois types d’églises :
Il y a les églises qui recèlent un patrimoine artistique exceptionnel. Dans l’unité pastorale au cœur de Liège dont je suis le curé, il y a quatre collégiales millénaires. Elles font la fierté des Liégeois et sont un des arguments majeurs de l’attrait touristique de la Cité ardente. Si elles n’étaient plus, du moins partiellement, consacrées à leur raison d’être – qui est le culte – elles perdraient une bonne part de cet aura. Bref, sauf situation exceptionnelle, désacraliser de tels joyaux serait néfaste pour les finances publiques. Les désaffecter impliquerait de devoir continuer à les entretenir pour un rayonnement moindre. Cela coûterait donc plus cher en rapportant moins. Sauf arguments idéologiques anticléricaux, comment justifier pareille option ?

A l’autre bout de la chaine, il y a les églises de villages. Elles forment le cœur géographique d’une communauté humaine. Les détruire ou les désaffecter, éventrerait l’urbanisme campagnard. Bonne chance à celui qui voudrait convaincre les villageois de le faire. Tout au plus, peut-on songer en concertation avec la fabrique d’église, à ce qu’elles accueillent avec prudence d’autres activités, respectueuses du culte. Et si une église de village trop endommagée doit être démolie, je pense qu’il convient d’y reconstruire ne fut-ce qu’une petit chapelle.

Enfin, il y a toutes les « autres » églises. Il s’agit, soit de lieux de culte appartenant à un collège ou à un couvent, soit d’églises de faubourgs. La plupart sont néogothiques et datent du 19° siècle ou de la première moitié du 20° siècle. Certaines aussi, ont été construite dans le style « froid béton » de la seconde moitié du 20e siècle. Ici, une discussion peut s’engager. Si elles n’ont plus d’utilité pastorale et que leur état est déficient, faut-il toutes les garder ? Personnellement, je suis d’avis que – si une église est devenue un fardeau et n’a plus de réelle utilité religieuse – le mieux est de la démolir. La réaffectation ne s’impose que quand le bâtiment garde un caractère architectural suffisant et que la nouvelle utilisation ne choquera pas. Pour ce type d’église, la politique du pourrissement ou du fait accompli, est néfaste. Au contraire, une vaste concertation entre les autorités publiques, l’évêché et les populations concernées s’impose.

Une ultime remarque cependant : la culture latine est plus sensible aux symboles que les pays germaniques ou anglo-saxons. Il s’agit d’en tenir compte en cas de réaffectation d’un lieu de culte. Une église devenue bibliothèque – cela passe sous nos contrées. Une église transformée en bar – comme en Ecosse ou aux Pays-Bas – choquera. Petite expérience personnelle : j’ai été curé d’une paroisse où une grange avait jadis servi de chapelle. Une fois l’église paroissiale construite, cette grange était devenue la salle paroissiale. A chaque fête de mouvement de jeunesse, je recevais les remarques acerbes de voisins qui ne fréquentaient jamais la paroisse et ignoraient donc qu’il ne s’agissait plus d’un lieu de culte. C’étaient inlassablement  les mêmes doléances : « j’ai beau ne pas être croyant et même anticlérical, cela me choque qu’une église serve de salle de bal ! » Messieurs les élus du peuple, si vous tenez à garder vos électeurs, n’oubliez pas mon conseil : soyez prudents avant d’accepter un projet de réaffectation de lieu de culte.  

Fabriques d’église :
Les responsables catholiques ne me semblent pas opposés à une modernisation de la législation sur les fabriques d’église. Une certaine fusion des fabriques d’église (par commune ?) pourrait être une piste de solution. Pareil regroupement serait utile pour aider nombre de petites fabriques qui aujourd’hui sont déficientes par manque de bénévoles. Cela permettrait, en outre, là où cela s’impose, d’engager un régisseur, payé sur le budget de fabrique. Ceci, en vue d’une gestion plus efficace et moins lourde pour les trésoriers de fabrique. Enfin, si certaines églises sont devenues une charge inutile, une fabrique regroupée sera la plus apte à suggérer la désacralisation, en dialogue avec les autorités ecclésiales et communales.
Cependant, si on ne veut pas former un mammouth déconnecté de la population locale, il est tout aussi important de conserver le caractère de proximité du soin pour les églises. Donc, toute centralisation des fabriques doit être intelligemment dosée avec des antennes locales. La force publique perdrait sinon l’engagement efficace et généreux de nombreux bénévoles. Et les remplacer par des fonctionnaires payés, ferait exploser le budget des cultes.

Je pense que le politique se tromperait en privant les fabriques du pouvoir de décision sur le budget des églises, au profit des administrations communales. Si le bourgmestre – ou son échevin délégué – siège au conseil de fabrique, comme cela est prévu (mais peu mis en œuvre), l’autorité communale a les moyens de faire connaître ses priorités au conseil de fabrique. De plus, les décisions des conseils de fabriques sont soumises à la tutelle conjointe de la Province et de l’Evêché, sans oublier les autorisations particulières à demander à la Région pour des actes de gestion extraordinaire. Changer ce mode de fonctionnement qui responsabilise les fabriques d’église, serait faire un mauvais calcul. Le rôle d’un conseil de fabrique peut, en effet, être comparé à celui d’un Pouvoir Organisateur (PO) dans une école du réseau libre. Or, le système de gestion d’une école par un PO a démontré son efficacité et son caractère économe. Il en va de même pour les fabriques d’église : comme les PO, elles reposent sur l’engagement bénévole de citoyens et représentent donc une économie substantielle pour les finances publiques.

Une réflexion sur « L’avenir des églises »

  1. merci pour cette synthèse bien pertinente… et pour les pistes données… reste qu’il y a comme une empreinte de prière dans les églises même désertées par les fidèles et qui ne peut pas facilement être traduite par les Fabriques en termes économiques, social ou culturel ni par les institutions publiques …
    D’autre part la question du « Mobilier liturgique » – est aussi complexe …et souvent oubliée dans la problématique de désaffection…. verra-t-on la translation de reliques d’un nouvel ordre ?
    Certes l’église c’est d’abord l’assemblée et le trésor le coeur de ceux qui mettent leur espoir dans la miséricorde… mais nous avons tant besoin de matérialiser pour durer dans la prière…

    Bonne et sainte semaine en Eglise…

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