L’édito de jeudi dernier, paru dans le quotidien « le Soir » est de la plume de Ricardo Gutierrez. Comme souvent, il explique avec intelligence et un détachement de bon aloi la raison des récentes perquisitions dans chaque évêché du royaume. J’invite chacun à le lire.
Une remarque : C’est un édito que je salue et que je pourrais signer. A une exception près. Quand je lis : « Il faut saluer l’engagement récent de l’Eglise catholique belge à assumer pleinement sa responsabilité morale », je trouve que c’est faire un peu trop l’impasse sur le travail remarquable de la Commission Adriaenssens. A l’époque, une certaine presse murmurait que cette commission n’était pas suffisamment indépendante. Pourtant, son rapport fut salué par tous – à commencer par la commission parlementaire. Donc – oui – cette Commission ecclésiale travaillait en toute indépendance (j’en ai été témoin). Ceci démontre que l’Eglise assumait déjà sa responsabilité morale. Que l’actuelle démarche de dédommagement aille plus loin et qu’il faille s’en réjouir, est également vrai. (lire « Soutien à nos évêques ») Mais cela ne signifie pas que rien n’était mis en place avant.
Une question : pourquoi de nouvelles perquisitions ? Pourquoi ne pas simplement demander les dossiers recherchés aux évêchés ? Le juge a certainement ses raisons et – comme le dit Ricardo –il n’agit pas en cow-boy solitaire, mais sous contrôle du procureur fédéral Delmul. Mais moi, je ne comprends pas. Mis à part le fait que l’info a ouvert les JT, trois jours en suivant, quel avantage y avait-il à débarquer à l’improviste dans un évêché pour demander des dossiers que les responsables catholiques auraient pu préparer s’ils en avaient reçu la demande ?
Une inquiétude : oui, la justice doit rechercher jusqu’au bout les éventuelles responsabilités. Elle le doit aux victimes. Elle le doit aussi à l’Eglise : ce n’est que si la justice enquête jusqu’au bout, que celle-ci sera éventuellement lavée du soupçon d’encore cacher des cadavres dans ses placards de sacristie. L’instruction enquête à charge et à décharge, mais avec toute cette médiatisation, ceux qui ont en charge l’instruction ont-ils encore le recul nécessaire pour arriver à la conclusion – le cas échéant – que la justice n’a personne à inculper ? Vu les attentes créées, la tentation ne deviendra-t-elle pas très forte de faire en sorte que – coûte que coûte – un procès voie le jour?
Tu as raison, Eric. Mais il faut aller jusqu’au bout de l’innommable. Il faut que l’Eglise – dans les lieux d’éducation, dans … les familles – boive le calice jusqu’à la lie. C’est insupportable et impossible de faire entendre une voix authentique, une voix évangélique, une voix de vie si l’on n’a pas évacué ce qui pourrit la crédibilité de son propre discours. Une institution qui s’est tue a participé à la structure même de la pédophilie qui, elle, choisi la loi du silence.
Une relation de confiance entre magistrat et ecclésiastique? Mais certainement pas. Par contre, il faut – jusq’au bout – que le silence s’efface au profit du parler vrai.
C’est très exactement le point de vue que je défends. Quant à l’allusion à l’engagement « récent », il doit s’entendre au regard de la longue période de silence, des années 40 à aujourd’hui. Les évêques eux-mêmes ont largement témoigné, lors de leur audition par la commission parlementaire Lalieux, d’une culture du silence qui s’est traduit, notamment, par de de rares démarches de dépôt de plainte en Justice. L’Eglise a annoncé, jeudi dernier, que la plainte, désormais, serait systématique. « Désormais ». Ce qui suppose bien que ce n’était pas la norme auparavant. Donc, oui, je maintiens: l’engagement est « récent » face à des crimes perpétrés au moins depuis près de 80 ans…
Merci de cette réaction, Ric. Ma remarque voulait simplement souligner le travail du professeur Adriaenssens et de son équipe. Le fait que ce travail au service des victimes ait été « foudroyé en plein vol » comme je le déclarai lors d’un « chat » au Soir, est quelque chose que j’espère ne pas voir oublié dans l’opération vérité sur toute cette affaire.
Le juge d’instruction est franc maçon, selon la rumeur publique, une affiliation parfaitement honorable mais qui est souvent considérée comme un geste d’hostilité envers l’Eglise catholique. Son appartenance, si la rumeur dit vrai, devrait peut-être l’inciter à la discrétion. Cela éviterait que son impartialité puisse être mise en doute.