La petite phrase prononcée ce dimanche par Louis Tobback lors de l’émission de la VRT, « De Zevende Dag » mérite d’être méditée bien au-delà de la crise institutionnelle que traverse notre pays. Selon ce vieux sage de la politique, la Belgique serait devenue une dépendance de l’Allemagne sur le plan économique et de la France pour sa politique énergétique. Ceci fait écho à la vraie-fausse boutade que le ministre Magnette avait sortie en octobre 2010 : « Si on doit se rattacher un jour, ce sera plutôt avec l’Allemagne. C’est plus dans l’intérêt industriel de la Wallonie ». Joignons à cela une dépêche annonçant ce matin que les exportations allemandes sont les plus élevées depuis 1950, notre grand voisin n’étant que dépassé par la Chine.
Quel intérêt tout ceci a-t-il pour les francophones de Belgique ? Loin de moi l’idée d’évoquer ici un quelconque plan A, B ou C… Une fois de plus, je ne souhaite pas entrer dans le domaine de la politique politicienne, car tel n’est pas mon rôle. A chacun ses options. Mon propos est de souligner une réalité qui doit être mise en avant, quel que soit l’avenir politique des francophones de Belgique : ils sont les Latins habitant le plus au nord de l’Europe. Notre cœur lorgnant tout naturellement vers Paris (TF1 est la chaine de TV la plus regardée chez nous…), la tentation est grande de considérer notre localisation périphérique comme une calamité. Nous serions des Francs encerclés par les hordes germaniques, bataves, saxonnes, etc. Pour résister, il s’agirait donc de se replier en accentuant une francophonie d’autant plus exclusive qu’elle se voudrait défensive. Ce serait une colossale erreur, même – et surtout – en cas d’hypothétique rattachement à la France. En effet, une des forces vitales qui anime l’Europe est la rencontre entre cultures multiséculaires. Et l’atout-maître de la Belgique est de se situer – comme l’Alsace-Lorraine – à un des croisements constitutifs de l’identité européenne : celui qui départage la latinité de la germanité. S’ils veulent se déployer sur l’échiquier européen, les francophones de Belgique ont dès lors pour vocation naturelle de devenir les meilleurs ambassadeurs de l’axe Paris-Berlin – la colonne vertébrale de l’Europe – sans oublier Londres et Rotterdam – les fenêtres sur l’Atlantique. En cela, Wallons et Bruxellois se retrouvent alliés naturels de la Flandre et – plus largement – du Benelux. Concrètement, cela implique que les jeunes francophones de Belgique soient éduqués dans un amour sans complexe de la francophonie, mais pas pour autant dans le mépris des langues et cultures voisines. Pour exister, ils se doivent d’être naturellement polyglotte et curieux de mieux connaître leurs voisins. La connaissance passive du néerlandais et de l’anglais sera bientôt dans nos contrées un minimum vital sous lequel guettera l’analphabétisme socio-économique. Et pour les cadres, une bonne connaissance du néerlandais et de l’anglais est dès maintenant un réel passeport d’avenir, sans négliger la maîtrise de l’allemand.
Utopie ? Allez voir les Luxembourgeois ou les Germanophones de Belgique et vous verrez que cela rien du rêve, mais de l’état d’esprit. Un état d’esprit qui fait la différence entre un territoire qui doute de son identité et une région consciente que sa place sur la carte européenne est un atout à ne pas gaspiller. En ce jour où la RTBF célèbre son implantation liégeoise au centre commercial « Mediacité », il est intéressant de se pencher sur l’origine du chiffre d’affaire de ce nouveau pôle. Les achats par cartes de crédit démontrent que la majorité des clients y sont allemands et néerlandais. Que viennent-ils donc chercher dans la Cité ardente, alors que la riche Maastricht et l’historique Aachen se trouvent à un jet de pierre ? Ils viennent prendre un bain de latinité, tout près de leurs frontières. Voilà un exemple qui montre la voie aux francophones de Belgique. Les Latins du Nord ont une chance unique. Pour nous – et bien plus encore pour les générations à venir – ce serait vraiment idiot de ne pas jouer de notre maître-atout. Un peu comme ce personnage de l’Evangile qui s’en excusait par ces mots : « j’ai eu peur, et je suis allé cacher ton talent dans la terre » (Matthieu 25, 25)
Voilà un message à la fois interpellant et plein d’optimisme !