Réaction de l’Eglise : une impatience à géométrie variable

Belle unanimité entre les édito’s du Soir et de La Libre de ce WE (lire ci-dessous). Je la résume comme suit: « Qu’est-ce que l’Eglise attend pour réagir – favorablement s’entend – aux propositions de la Commission parlementaire à ériger un tribunal arbitral » ? Je suis bien évidemment d’accord que les responsables catholiques doivent continuer à prendre leurs responsabilités dans le dossier des abus sexuels. Cependant, pourquoi une telle impatience? La Commission Lalieux a travaillé pendant plusieurs mois. Peut-on au moins laisser aux évêques et responsables religieux quelques semaines pour saisir les contours juridiques des recommandations parlementaires? Faut-il rappeler que l’Eglise avait réagi – bien avant que le monde politique se saisisse du dossier – en instituant la Commission Adriaenssens ? Que celle-ci a été foudroyée en plein vol par des perquisitions déclarées depuis illégales(*) ? Que, puisque les parlementaires ont reconnu que la défunte commission ecclésiale faisait un excellent travail, et ceci en toute indépendance, ils peuvent comprendre que ces perquisitions ont freiné la prise en charge du dossier « abus sexuel » par les responsables catholiques? Que comme on ne leur a pas facilité la vie, un peu de temps peut donc être accordé à ces responsables pour répondre à l’offre des élus de la Nation? Enfin, que puisque les recommandations de la Commission parlementaire s’adressent également à d’autres milieux qui s’occupent de l’enfance, il est tout de même un peu curieux de seulement exiger de l’Eglise catholique qu’elle réagisse dans l’urgence ? Franchement, je trouve qu’il y a là une impatience à géométrie variable.

Ricardo Gutierrez – édito du Soir : «(…) C’est pourquoi l’Eglise belge, à l’instar du Pape, n’a plus à tergiverser. Les élus de la nation lui demandent d’instaurer un tribunal arbitral pour réparer les crimes commis par ses prêtres et ses religieux. La société civile ne peut se contenter des déclarations de bonnes intentions des évêques Harpigny et Bonny. Il est temps que la conférence épiscopale sorte enfin de son mutisme. Elle ne peut à la fois condamner la morgue du pédophile Vangheluwe et adopter ce même dédain à l’égard des centaines de victimes de la loi catholique du silence. »
Pierre-François Lovens – édito de La Libre : « (…) Quant à la Conférence épiscopale de Belgique, qui s’est à nouveau retranchée derrière un communiqué bien impersonnel, on en attend davantage. Car si le cas Vangheluwe n’est plus de son ressort, le silence de nos évêques sur les conclusions de la commission parlementaire dite “abus sexuels” –dont la proposition de créer un tribunal arbitral– ne contribue pas à apaiser les esprits. Ce mutisme devient même embarrassant. Il serait donc temps, là aussi, que nos évêques se prononcent avec clarté et esprit de responsabilité ».

(*) Pour rappel : La chambre des mises en accusation a estimé une première fois, le 13 août 2010, et une seconde fois, le 22 décembre dernier après cassation, que ces saisies étaient illégales. La chambre des mises avait estimé que le juge ne pouvait saisir car, en agissant de la sorte, il allait au-delà de sa saisine et aurait dû se faire accompagner d’un médecin.

6 réflexions sur « Réaction de l’Eglise : une impatience à géométrie variable »

  1. Merci, cher Eric, tu confirmes mon intuition: il est important que nos évêques prennent du temps pour répondre adéquatement à cette sollicitation. Merci de remettre, à nouveau ici, les pendules à l’heure! Bonne fête des Rameaux!

  2. Le principe d’un tribunal arbitral me laisse perplexe.

    La commission dite « Lalieux » part du principe d’une responsabilité de la hiérarchie catholique lorsqu’un clerc a commis des actes à connotation sexuelle avec des enfants. Je pourrais comprendre qu’on en rende l’Église responsable s’il y a eu délibérément une volonté de cacher ces actes et d’ignorer ceux-ci. Mais, la plupart du temps, tout laisse à supposer que ces faits sont restés secrets. Sur quelle base l’Église est-elle considérée comme autorité devant indemniser les victimes ? Ne risque-t-on, pas d’éluder la responsabilité du coupable ?

    J’ai eu vent il y a quelques années d’un professeur de morale qui a eu un comportement similaire, la commune où il donnait cours devrait-elle aussi indemniser les victimes ? On pourrait sans doute multiplier les exemples à souhaits, au niveau des clubs sportifs, des mouvements de jeunes …. Ces organismes seront-ils aussi concernés par un tribunal arbitral ?

  3. Cher Eric,

    L’impatience se justifie par les faits: un an après les aveux d’un évêque pédophile, l’Eglise continue à tergiverser sur son sort, alors qu’il continue à causer un tort considérable aux centaines de victimes d’abus sexuels commis par des prêtres et des religieux.

    Puisque tu cites une partie de mon édito, il importe que tes lecteurs puissent juger sur l’intégralité de l’argumentation. Voici donc le point de vue du « Soir »:

    Le prêtre pédophile qui met l’Eglise à l’épreuve

    « Désormais, je me retire »… Ce sont les derniers mots de l’évêque de Bruges, Roger Vangheluwe, voici un an, alors qu’il renonçait à sa charge, admettant avoir « abusé sexuellement d’un jeune de mon entourage proche ».

    L’Eglise catholique, qui a jugé bon de préserver l’état clérical de l’abuseur, sait désormais qu’elle fait face à un menteur, un manipulateur, un psychopathe qui présente, aujourd’hui encore, tous les travers du pédophile ordinaire.

    Ce prêtre indigne ne s’est pas contenté de renier le serment de « retrait » qu’il formulait solennellement, le 23 avril 2010. En avouant publiquement, jeudi soir, à la télévision, avoir abusé d’un second neveu, Roger Vangheluwe a aussi reconnu un impardonnable mensonge par omission : la victime qu’il avait niée, voici un an, a eu droit à un déballage impudique et blessant. En direct.

    Résumons, sans prétendre à l’exhaustivité. Voici donc un prêtre pédophile en aveux. Qui trahit ses engagements. Qui ment. Qui banalise ses crimes. Qui salit ses victimes. Qui détruit sa famille. Qui ridiculise la justice vaticane. Et qui écœure tout un Royaume.

    Que faut-il de plus au pape et au Saint-Office pour les convaincre d’infliger à M. Vangheluwe, comme ils l’ont infligé fin 2009 à l’archevêque Milingo, la sanction maximale que permet le droit canonique, sa « réduction » à l’état laïc ?

    Certes, les crimes de M. Vangheluwe sont prescrits, tant aux yeux de la justice civile qu’à ceux de la justice ecclésiale. Mais en le maintenant dans sa qualité de prêtre, l’Eglise absout le pédophile, alors même qu’il continue à causer un tort considérable à ses victimes, et aux centaines d’autres, en Belgique, qui ont subi le même calvaire.

    C’est pourquoi l’Eglise belge, à l’instar du Pape, n’a plus à tergiverser. Les élus de la nation lui demandent d’instaurer un tribunal arbitral pour réparer les crimes commis par ses prêtres et ses religieux. La société civile ne peut se contenter des déclarations de bonnes intentions des évêques Harpigny et Bonny.

    Il est temps que la conférence épiscopale sorte enfin de son mutisme. Elle ne peut à la fois condamner la morgue du pédophile Vangheluwe et adopter ce même dédain à l’égard des centaines de victimes de la loi catholique du silence.

    Ricardo Gutiérrez, « Le Soir » du 16 avril 2011

    1. Cher Ric,
      Tout d’abord, merci d’intervenir, une fois de plus, sur mon blog.
      Ensuite, mon intervention ne traite pas de l’ex-évêque(mon ‘post’ précédent en parle). C’est de lui que la plus grande partie de ton édito parle et je ne l’ai pas cité pour cette raison. D’ailleurs, tous mes lecteurs, j’en suis sûr, te lisent ;-)…. Le sort de l’ancien évêque est entre les mains du Vatican . Je trouve également que la réponse à son sujet prend du temps, mais je reste prudent, n’ayant aucune connaissance du dossier. La justice profane n’est pas, non plus, toujours rapide.
      Mon ‘post’ parlait de la réponse des évêques et responsables religieux de Belgique aux recommandations du Parlement. C’est de cela que traite la partie de ton édito que j’ai citée. Ici – et pour les raisons évoquées – je pense qu’un peu de temps doit être laissé à l’Eglise de Belgique. Je pense qu’ils prennent les recommandations au sérieux et qu’ils réfléchissent à une réponse adéquate aux attentes des élus de la Nation. Mais pas dans la précipitation.
      Je signale, enfin, que des deux quotidiens, ton édito était selon moi le plus nuancé. Mon écrit n’était donc certainement pas destiné à en critiquer le contenu. Simplement à demander un peu de patience pour l’Eglise de Belgique, en rappelant qu’elle avait pris le problème à bras-le-corps bien avant le Parlement. Mais que des perquisitions avaient mis une fin brutale à cela. De par ma fonction de l’époque, je fus un témoin direct et privilégié de cela. C’est un aspect du dossier sur lequel je souhaitais donc m’exprimer.
      Bonne semaine de montée vers Pâques à toi et aux tiens.
      Eric

  4. Patience, je veux bien l’admettre, mais on a trop longtemps attendu une parole ferme et claire de la part des responsables religieux, alors je comprends que les chrétiens s’impatientent. Pourquoi ne pas apporter un soin prioritaire à répondre aux demandes des parlementaires, c’est-à-dire du peuple belge, plutôt que de laisser les médias s’époumoner à critiquer encore et encore l’institution cléricale. Avec tous ceux qui se posent des questions, j’attends des décisions fortes et sans ambiguïté.
    J’aime mon Eglise, mais je suis parfois irrité par la manière dont ses responsables réagissent ou, le plus souvent, ne réagissent pas. Mes seigneurs, il est temps de prononcer haut et fort une parole évangélique à l’attention des victimes et des bourreaux impliqués dans les faits de pédophilie. Nous sommes nombreux à attendre ce genre de discours trop souvent absent des déclarations diffusées dans les médias.
    Qui ne dit mot consens et le public attend largement que l’Eglise du Christ s’exprime
    avec authenticité et humilité.

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