Je suis fan de « Mediatic », le billet matinal d’Alain Gerlache sur la radio RTBF Première. Ce matin, voici le début de son billet:
« Il a suffi d’un message posté sur Twitter quelques heures après le tremblement de terre pour déchainer les passions : «Si vous voulez vous sentir mieux après ce séisme, faites une recherche sur le nombre de morts à Pearl Harbor».
Décodage. Pearl Harbor, c’est une base militaire américaine à Hawaï attaquée par surprise par l’armée japonaise en 1941, alors que les Etats-Unis n’étaient pas encore entrés en guerre. 2500 morts, la destruction d’une grande partie de la flotte du Pacifique. Aujourd’hui encore, c’est un traumatisme dans la conscience collective américaine. L’associer au désastre qui a frappé le Japon, c’est donner au tremblement de terre la dimension d’un châtiment. Ce message a d’autant plus marqué les esprits que son auteur est une personnalité des médias américains, le scénariste de Family Guy, un dessin animé à l’humour controversé et il est suivi par 160 mille personnes sur Twitter. Même s’il s’est excusé par après, son tweet a en quelque sorte fait sauter le bouchon : c’est un véritable déferlement de haine anti-japonaise qui a suivi au milieu des messages de compassion et de solidarité. En réaction, il y a eu énormément de messages d’autres américains condamnant ces propos et mettant en pièce cette notion archaïque de justice immanente. Un des tweets les plus repris dit ceci : « Si le tremblement de terre est la punition pour Pearl Harbor, alors je me demande ce qui nous attend pour Hiroshima… » C’est signé « SuperAthée ». Une autre image de l’Amérique ». http://alaingerlache.be/post/3873768498/twitter-pour-le-meilleur-ou-pour-le-pire
La suite vaut la peine, allez la lire sur son site. Ce qui m’intéresse, c’est l’utilisation erronée du terme: la « notion archaïque de justice immanente »… un mot qui a fait récemment couler beaucoup d’encre en Belgique… pour désigner en fait l’idée archaïque et même païenne d’une soi-disant « justice divine » qui punirait par des catastrophes naturelles nos ennemis. Une notion rejetée par Jésus qui rappelle que son Père « fait lever son soleil sur les mauvais et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes ». (Matt 5, 45) Bref, quand l’humoriste américain dont parle Alain Gerlache pense que ce qui arrive au Japon est une punition pour Pearl Harbor, il vise la païenne notion de punition divine et non la « justice immanente ». Cette dernière se traduit plutôt en terme contemporain: le « risque systémique ». Exemple: Si on construit des centrales nucléaires sur un terrain sujet aux tremblements de terre, le risque est plus grand qu’une secousse et/ou un tsunami endommage une centrale. Ca, c’est la « justice immanente » ou le « risque systémique ». Dieu n’a rien à voir avec ça et Pearl Harbor, non plus… Dieu merci.
Ceci étant rappelé, portons le courageux Japon dans la prière.
15.03.11 #mediaTIC est diffusé dans Matin Première du lundi au vendredi à 08:30 #Matin1
Il y a une théologie des catastrophes naturelles. Dans Luc 13,4, on interroge Jésus sur l’écroulement accidentel de la tour de Siloé, fait divers de l’époque. Sa réponse est claire : pas de lien direct entre la catastrophe et la volonté divine, MAIS un rapport analogique : « Si vous ne voulez pas vous repentir, vous périrez tous de même ». La « seconde mort » comme disait S. François d’Assise est pire que la première. Ceci dit, il ne faut pas sous-estimer non plus la capacité de nuire du « prince de ce monde »…
Bonjour Eric,
D’abord, merci pour vos encouragements. Ça aide à se lever très tôt tous les matins…
Je prends bonne note de vos remarques.
Quelques observations en retour.
Ce n’est pas parce que l’expression « justice immanente » a fait l’objet d’une polémique dans les circonstances que l’on sait, qu’elle est préemptée à tout jamais, et que l’utiliser y fait nécessairement référence. Je n’ai d’ailleurs fait aucune fait allusion à la religion catholique ou aux cultes païens dans cette chronique, ce n’est pas mon propos.
Cette citation venait du fait que de nombreux messages sur Twitter reprenant la thématique de punition faisaient appel à la notion de « Karma », décliné aussi sur sa forme adjective « karmatic » que j’ai tenté, il est vrai de façon qui peut paraitre lapidaire aux spécialistes – mais c’est la loi du genre – d’exprimer par les mots que j’ai utilisés et qui vous ont fait réagir.
Bien à vous.
Alain Gerlache.
Merci, cher Alain, pour cette réaction. Il n’a jamais été dans mes intentions de prétendre que vous faisiez, ne fut-ce qu’indirectement, allusion à la polémique autour des paroles de l’archevêque. Le but de mon « post » était de souligner que, parce qu’on avait pas compris l’utilisation de ce mot au cours de la polémique, « justice immanente » est désormais souvent utilisé de façon inappropriée. Je le répète, le terme est traduit aujourd’hui par « risque systémique », soit les risques inhérents à toute action dans un contexte particulier. Le concept est donc étranger à celui de « punition », vu que celle-ci implique une influence externe (quelqu’un ou quelque chose qui punit). En fait, dans le cadre de la corrélation punitive que ce (mauvais) humoriste américain posait entre Fukushima et Pearl Harbor c’est de « justice transcendante ou externe » qu’il s’agit de parler, ou plus populairement de « l’arroseur arrosé ». Merci pour le dialogue et bonne poursuite dans vos excellentes chroniques!
Monsieur Gerlach,
Même si l’intention n’y était pas, cela a tout même fait mouche chez un certain nombre d’auditeurs. Ce que l’on comprend est plus important que ce que l’on dit.Et malheureusement, votre présente justification est du domaine du spécialiste( sur le grandes ondes, ne faut-il pas se faire comprendre le plus largement possible?) , diffusée de manière très restreinte alors que votre intervention de départ a été très largement entendue.
Avec tous mes respects