Hommage à Philippe Grollet – jeudi 29 septembre – Centre d’Action Laïque

Ce jeudi 29 septembre eut lieu au CAL (Centre d’Action Laïque, situé sur le campus de l’ULB), une cérémonie d’hommage laïque à Philippe Grollet. Elle fut digne et belle, ressemblant bien à celui qui était commémoré. J’ai particulièrement été touché par la sincérité et la profondeur de ses deux enfants, qui ont rendu hommage à leur père. Philippe était fier de sa progéniture – à juste titre. J’ai également été honoré par la demande de sa famille, qui a souhaité que je prenne la parole à cette occasion – dans le prolongement de mon billet publié sur ce blog. Voici donc le texte de ma prise de parole:

Mon cher Philippe,

Tu ne t’attendais sans doute pas à ce qu’un Curé prenne la parole lors de tes funérailles – et cela, de surcroît au sein de ton cher bâtiment du CAL. En apprenant qu’il s’agit de moi, tu te serais sans doute exclamé : « Eric, tu es incorrigible ! Une fois de plus, tu t’arranges pour avoir le dernier mot ».  Mais non, Philippe. Cette fois, ce n’est pas moi qui ai le dernier mot, mais bien l’amour et l’amitié. L’amour de ta compagne Anne-Françoise, de Liliane – ta complice de toujours – et de Gaëlle et Bruno, tes enfants. Ils ont souhaité me laisser prendre la parole en ce jour, afin que toutes les facettes de ta personnalité soient ici évoquées. L’amitié, aussi – celle qui unit les hommes – par-delà les frontières idéologiques. C’est d’ailleurs une expérience assez particulière que d’éprouver de la sympathie pour quelqu’un qui n’appartient en rien à votre famille philosophique. La relation qui se construit n’est alors, en effet, parasitée par rien de ce qui fait la complexité des relations entre proches : rivalité, jalousie, lien d’autorité ou de subordination. Rien de tout cela entre toi et moi, Philippe. Tu ne me devais rien, pas plus que moi, je ne te devais quelque chose. Nous appartenions à deux planètes philosophiques différentes : Tu étais l’avocat de l’autonomie souveraine du sujet. Moi, je me voulais le chantre de l’homme en relation – face à son Créateur et ses frères. Et pourtant… A force de débattre et de polémiquer, nous avions fini – comme ces vieux couples impossibles – à nous respecter, puis même à nous apprécier. Je me souviens de la première fois que je suis entré dans ce beau bâtiment du CAL. Nous étions à l’époque déjà devenus copains et tu étais toujours président de la laïcité. A la fin d’une conférence commune à l’ULB, je t’ai dit : « Philippe, je ne l’ai jamais vu le bâtiment que tu as fait construire ». « Aucun souci », me répondis-tu, « on y va.». Il n’était pas loin de minuit et voilà que tu m’introduisis dans l’immeuble complètement désert, que tu me fis visiter avec une certaine fierté. Je me rappelle que tu me désignas une pièce du 1er étage, comme le lieu stratégique où se débattaient les décisions. Observant qu’il s’y trouvaient des valves, j’y épinglai ma  carte de visite de porte-parole des évêques, en y ajoutant un smiley et un commentaire blagueur du genre : « Dieu vous regarde ». Tu étais enchanté, en t’imaginant la tête de tes collaborateurs le lendemain. Ce côté potache nous rassemblait. Derrière l’avocat passionné et polémiste se cachait un être joyeux et sensible. Un homme fidèle aussi : plusieurs fois, Anne-Françoise et toi m’avez invité à un repas – et ceci, par pure sympathie.

D’ailleurs, tout ne nous séparait pas – loin de là. Plusieurs combats nous étaient communs : la défense de la démocratie contre le repli populiste ou identitaire ; l’opposition à toute confusion entre foi et science – comme c’est le cas avec le créationnisme – et puis aussi la lutte contre l’injustice sociale. Poursuivant ton œuvre, ton successeur Pierre Galand proposa ainsi au cardinal Danneels de signer un appel commun pour la régularisation des sans-papiers – appel qui fut suivi d’effets.

Mais, Philippe, ni toi, ni moi, n’aimions le consensualisme plat. Notre mutuelle sympathie n’effaça jamais nos profondes différences. Celles-ci culminaient dans notre approche de la mort, à laquelle nous donnions une signification fondamentalement différente. Cette mort, nous rassemble désormais. Par ton décès inopiné et prématuré, tu m’as précédé sur un chemin, qu’un jour aussi j’emprunterai. Ce jour-là – que ce soit un Dieu d’amour qui nous accueille, comme je le crois – ou que seul le néant soit notre compagne, comme tu le pensais – nous serons pleinement frères de destin. C’est cela, Philippe, qui est si beau avec les hommes : ce qui les oppose durant la vie, les rassemble dans la mort. Alors « à – Dieu Philippe ». Si je le dis en deux mots – « à-Dieu » – d’autres ici, le prononcent en un seul – comme tu le faisais. Mais qu’importe : la sincérité et l’émotion sont la même. Adieu donc, Philippe. Et merci.

Remerciements suite à mon installation comme Curé-doyen par Mgr Jousten

Eglise Saint-Jacques – samedi 24 septembre 2011

En premier lieu, c’est le Seigneur que je remercie pour mes 20 années de prêtrise et pour ce nouveau défi pastoral qu’il m’offre à vivre au cœur de notre Cité ardente.

Ensuite, je vous remercie, Monseigneur, pour la confiance que vous me faites en me nommant curé de l’UP Saint-Lambert-au-cœur-de-Liège et doyen de la rive gauche. Nous avons fêté la semaine dernière vos dix années d’épiscopat. Parce que vous êtes un évêque « sans chichis », un pasteur proche des gens et un chef qui descend sur le terrain, beaucoup de catholiques et de non-catholiques voient en vous l’image du bon Berger. Pour cela, je rends grâce au Christ, unique bon Pasteur.
Je voudrais joindre à mes remerciements mon prédécesseur, le chanoine Joseph Bodeson. Avec tout son cœur, il a posé les fondations de notre unité pastorale – ainsi que du doyenné rive-gauche – et il s’est dépensé sans compter. Aujourd’hui, il accepte de rester dans l’équipe, afin de poursuivre son travail au milieu de nous.

Je  salue aussi ma famille et toutes les personnes qui me sont proches et qui ont fait le déplacement. Parmi eux, certains sont très cathos, d’autres « moyennement » cathos, d’autres… « pas très » cathos. Sachez que votre présence et affection à tous m’est vraiment précieuse. Merci d’être là.

Je salue également mes nouveaux collaborateurs de l’UP et du doyenné : prêtres, diacres, consacrés et laïcs. Merci d’accepter de faire équipe avec moi. Vous apprendrez bien vite à mieux me connaître, avec mes quelques inévitables qualités, mais aussi mes charmants petits défauts. Ainsi, si vous me croisez le matin, avant que j’aie bu mon café ou lu mes quotidiens du jour… Méfiez-vous !
Je remercie tout particulièrement ceux qui ont permis l’organisation de la célébration d’aujourd’hui, ainsi que de la réception qui suivra – et où j’espère pouvoir vous rencontrer un peu plus longuement. Parmi ces organisateurs, il y a les équipes de Saint-Jacques – qui nous accueillent dans leur splendide église, mais aussi les membres de toutes les autres paroisses qui forment l’UP et le doyenné. Merci aux différents présidents de fabriques d’église et à toutes et tous pour ce beau travail collectif.

Je m’adresse maintenant à tous mes frères et sœurs qui sont membres des paroisses qui forment l’UP Saint-Lambert – ou les autres paroisses du doyenné rive-gauche. Vous vous demandez sans doute, avec mon arrivée, à quelle sauce vous allez désormais être mangés : Certains d’entre vous connaissent mon admiration pour le grand Churchill. Le jour où il devint premier ministre, il ne promit qu’une chose : « du sang, du labeur, des larmes et de la sueur ». Au moment où j’entame ma mission, je ne vais peut-être pas aller jusque-là… Mais il est vrai que la tâche qui s’annonce ne sera pas facile et que chaque baptisé de l’UP et du doyenné sera mis à contribution. Rassurez-vous, le changement pour le changement, ce n’est pas mon truc. Par contre, je ne souhaite pas, non plus, faire « fonctionner les choses comme elles ont toujours fonctionné… parce qu’on a toujours fait comme ça ». Notre objectif à tous doit être de transmettre au mieux à vos enfants et petits-enfants le trésor de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. S’il faut changer des habitudes pour mieux transmettre l’Evangile, ensemble nous les changerons – tout en conservant ce qui doit l’être. Je ferai de mon mieux pour réaliser cela au milieu de vous et avec vous, bien conscient qu’une chose est de recevoir symboliquement les clefs de vos églises, une autre est de trouver la clef qui ouvre la porte de vos cœurs.

Je salue aussi chaleureusement mes frères chrétiens d’autres confessions, de traditions anglicane, orthodoxe, ou protestante. Nous vivons du même baptême. Je m’engage donc à collaborer avec vous pour défendre à Liège les idéaux et défis communs à tout disciple de Jésus-Christ.

Je souhaite enfin dire un mot aux représentants des autorités politiques, civiles et militaires présents dans cette église : Madame la Ministre, Monsieur le Gouverneur, Madame la député européenne, Mesdames et Messieurs les Députés provinciaux, Mesdames et Messieurs les Echevins, Mesdames et Messieurs en vos titres et qualités, croyez bien que votre présence, en ce jour, honore toute la communauté catholique de notre ville. Vous manifestez, de la sorte, la place non-négligeable qu’occupent les différentes sensibilités religieuses et philosophiques au sein de notre Cité.
Parmi ces communautés, les catholiques n’ont pas la nostalgie du passé : personne ici ne rêve de voir notre évêque à nouveau couronné prince ! Au contraire, nous voulons être présents à Liège comme des citoyens éveillés aux nombreux défis que nous lance ce début de XXIe siècle : Défi du besoin de profondeur et de spiritualité de tout homme – qu’il soit croyant ou non. Défi de l’éducation de notre jeunesse, en vue de préparer l’avenir. Défi de l’entretien et de la mise en valeur de notre splendide patrimoine religieux – afin que nos églises demeurent belles et accueillantes pour tous ceux qui y entrent : les croyants, les amoureux du beau, les chercheurs de silence, les touristes,…. Enfin, défi de la lutte contre la pauvreté toujours plus grande en ces temps de crise financière. Mesdames et Messieurs les représentants politiques, civils et militaires, vous pouvez être fiers : Notre Cité ardente retrouve sa place de grande métropole au cœur de l’Euregio et j’espère, comme vous et avec vous, que l’expo internationale de 2017 viendra couronner ces efforts. Mais le « Liège qui gagne » doit se mettre au service de ces liégeois qui perdent. Croyez bien que les catholiques liégeois ont à cœur d’être solidaires envers les plus démunis. Je pense, entre autre, au merveilleux travail de terrain que fait l’Accueil Botanique, en totale collaboration avec les services de la ville et les autres associations, mais aussi à « la Fontaine » et à tant d’autres initiatives.

Mesdames et Messieurs les représentants politiques, civils et militaires en vos titres et qualités, chers paroissiens de l’UP, chers membres du doyenné, chers famille et amis, soyez tous remerciés pour votre présence, pour votre confiance  et pour la qualité de votre accueil. Les défis que nous aurons à relever comme catholiques et comme citoyens dans notre bonne ville de Liège sont nombreux mais –  ensemble nous pourrons soulever des montagnes. Je m’engage à contribuer à cet effort collectif sous la paternelle direction de notre évêque et en étroite collaboration avec mon confrère l’abbé Jean-Pierre Pire, doyen de la rive-droite de Liège. Comme l’énonce une célèbre pub : « Et avec toute mon équipe, je m’y engage ».

In memoriam Philippe Grollet

C’est avec émotion que j’ai appris cet après-midi le décès inopiné de Philippe Grollet, le past-président du Centre d’Action Laïque (CAL).
La vie est parfois étonnante. En réel avocat qu’il était, Philippe avait l’art de pratiquer l’excès et l’ironie dans nombre de ces débats télévisés – surtout à l’égard du monde catholique. Mon premier contact avec lui dans ma fonction de porte-parole des évêques, fut donc de me dire : « ce type est un fou furieux ». Puis, j’appris à le pratiquer comme partenaire de débat… un peu comme on s’habitue à un adversaire régulier au tennis. Nous commencions à mieux nous connaître et à nous respecter. Un soir, après un solide débat à l’ULB, nous avions été prendre ensemble quelques verres de bière. Et là, à un moment donné, j’ai vu Philippe changer de regard. Je ne l’avais pas converti, non… mais il voyait désormais l’homme en moi et non plus simplement l’adversaire idéologique. Tout naturellement, nous nous sommes mis à nous tutoyer et depuis lors, notre relation est devenue amicale – ce qui n’empêcha nullement la poursuite vigoureuse de nos échanges publics.

Je découvris, depuis lors, en Philippe Grollet un homme passionné par ses combats et délicat dans ses attentions. Ainsi, lors de sa passation de pouvoir comme président du CAL à Pierre Galand, il insista pour m’inviter et me cita dans son allocution… tout en décochant par après quelques flèches à l’égard des catho’s – histoire de faire bonne mesure :-)…
Plus tard, alors que je me débattais en pleine opération « calice », il m’invita à manger un bout avec lui au restaurant que tenait Anne-Françoise, sa compagne – afin de me remonter le moral durant ces heures sombres. Il refit cela à plusieurs reprises, même quand je n’étais plus porte-parole. Anne-Françoise – sachant que c’était un de mes péchés mignons – me faisait alors goûter ses nouveaux champagnes. Toutes ces attentions m’ont vraiment touché.

Lors d’une de nos dernières rencontres, je lui lançai en boutade : « Philippe, je serai toujours gagnant sur toi. En effet, nous allons tous les deux mourir un jour. Or, si Dieu n’existe pas – comme tu l’affirmes – je n’en saurai rien. Par contre, s’Il existe comme je le crois, j’aurai l’éternité pour te rappeler que c’est bien moi qui avait raison ». Philippe sourit et me répondit : « Voilà bien une version particulièrement malveillante du pari de Pascal…. », avant de conclure par un habituel : « mais qu’espérer de mieux avec ces curés de malheur ».
Eh bien, Philippe, tu m’as devancé sur ce chemin. Tu ne m’en voudras pas – je suis incorrigible – de prier pour toi. A Anne-Françoise et à tes enfants, je présente toute ma sympathie. Tu étais un honnête homme et un être plein de délicates attentions. Je te dis donc « adieu » ou « à Dieu » – là, nous n’étions pas d’accord – mais je te le dis en amitié. Adieu, cher Philippe – et merci.

Rentrée académique à l’ULG (université de Liège)

Redevenu liégeois, j’ai assisté aujourd’hui à la rentrée académique de l’ULG. J’ai apprécié le plaidoyer du recteur Bernard Rentier pour une forme de sélection des étudiants au début de leur parcours de bachelier – non pas pour créer de l’élitisme, mais afin de prévenir l’échec plutôt que de le guérir. Je sais que le sujet est sensible et délicat, mais dans ma vie, j’ai trop vu d’étudiants psychologiquement abîmés par des échecs à répétition à l’université, parce qu’ils s’étaient lancés dans des études qui ne leur convenaient pas, ou qu’ils y étaient mal préparés. Je pense qu’un minimum de canalisation « intelligente » à l’entrée des parcours universitaires, permettra de mieux aiguiller chacun. Aujourd’hui, le taux d’échec en première année d’université, se situe – selon les calculs – entre 36% et 50%. Ce qui est beaucoup. Je me rappelle la blague que nous faisaient certains profs, alors que j’entrais en droit : « Regardez votre voisin de gauche et votre voisin de droite… Avec un peu de chance, un de vous trois sera en deuxième l’année prochaine… » Est-ce vraiment cela l’esprit que nous souhaitons insuffler aux étudiants ?

Le docteur honoris causa de l’ULG cette année, fut Abdou Diouf. Un grand Monsieur… et pas que physiquement. Ce ancien président musulman du Sénégal est démocrate et humaniste. Il est, depuis 2002, Secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie. Il tint un vibrant plaidoyer pour que notre Occident se guérisse des tentations populistes en « ré-enchantant » son regard sur la politique et la démocratie. Chapeau-bas, Monsieur le Président !

Le Soir pp.6&7 : « Islamisation des jeunes : l’intégrisme l’emporte »

Un intéressant dossier est à lire en pp.6&7 du quotidien bruxellois « le Soir » de ce lundi 19 septembre, sous la plume de Ricardo Gutierrez. Il commente une thèse de doctorat de l’ULB, qui démontre que – parmi les jeunes musulmans de Bruxelles – ont le vent en poupe les prédicateurs Néosalafistes (tendance saoudienne : interprétation littérale du Coran) et Fréristes (les frères musulmans prônent une citoyenneté moderne fondée sur l’islam, mais avec une lecture interprétative du Coran), ainsi que les féministes musulmanes.

Mon commentaire est double :

  • Le croyant que je suis, ne peut que comprendre et approuver que des jeunes cherchent à donner un sens à leur vie, à partir de sa dimension spirituelle. Cela vaut tout de même mieux – et est autrement plus durable – que de baser toute son existence sur le cours de la bourse.
  • Sans dramatiser – car la jeunesse est souvent excessive dans sa recherche de repères identitaires –  le démocrate que je suis, invite nos élus politiques – surtout ceux qui sont de souches musulmanes – à la vigilance et à l’éducation de la jeunesse. A cet égard, je rappelle mon propos, tenu le samedi 13 novembre 2010, au cours d’un colloque qui se tint à l’ULB. Je le résume comme suit : en démocratie, il y a une « ligne rouge » à ne pas dépasser et cette frontière doit être clairement établie dans tous les esprits. Le texte de mon intervention se trouve ci-dessous et est repris dans mon récent ouvrage : « Credo politique » (éditions Fidélité/Avant-Propos) :

 

Islam et démocratie : un regard de théologien à partir de l’expérience catholique.

 

Angle d’approche
« Le jour où l’Islam sera majoritaire, appliquera-t-on la Sharia dans les rues de Bruxelles ? » C’est la question qui fâche. Combien de fois ne l’ai-je pas entendue dans la bouche de concitoyens inquiets, qui n’étaient nullement islamophobes. A tort ou à raison, l’Islam apparaît à de nombreux observateurs comme une pensée globalisante – une pensée qui s’adapte à la modernité et à l’économie de marché, mais qui ne serait pas soluble dans le pluralisme. L’Islam serait une religion dont le projet intrinsèque serait politique : l’aboutissement de la foi musulmane serait l’établissement d’une société régie selon les principes coraniques. « Tu verras », me disent ces voix, « tant qu’ils sont minoritaires, les musulmans se plient à notre tradition politique, mais le jour où ils deviendront majoritaires, les non-musulmans seront réduits en dhimmitude ».
Je souhaite ici étudier succinctement cet enjeu du point de vue théologique. La question que je pose est : Quels critères théologiques rendent possible qu’une religion adopte la démocratie comme projet politique – un projet qui inclut pleinement la notion de liberté religieuse? Je ne m’occuperai donc pas ici des critères sociopolitiques permettant l’intégration d’une population immigrée : accès à l’éducation et émergence d’une classe moyenne, etc. Je ne parlerai pas, non plus, de la question des « accommodements raisonnables » qu’une société doit ou non faire pour faciliter l’intégration des adeptes d’une religion. Je ne traiterai pas plus de la difficulté psychologique avec laquelle est confronté celui qui possède une double racine nationale : le fils d’un immigré originaire de Rabat se sentira-t-il plus Belge ou Marocain ? Je rappelle simplement que le dilemme de la double racine n’est pas propre à nos concitoyens musulmans. Je connais dans ma bonne ville de Liège des petits-fils d’immigrants italiens qui, quand la Belgique rencontré l’Italie dans un match de foot, ne se privent pas de crier dans les rues de la cité ardente : « Viva Azzuri ! » La question du sentiment de double appartenance nationale n’est donc pas avant tout liée à la religion. Enfin, mon propos ne traite pas davantage de la légitime influence exercée par une population dominante sur la société. Ainsi en 1830, 98% de la population belge était catholique. Le poids du catholicisme était donc tout naturellement important dans le pays, mais jamais celui-ci ne devint religion d’état. Dans un même ordre d’idée, si en 2030 les croyants de religion musulmane forment une majorité à Bruxelles, il serait naturel que ceci influe la vie de la capitale. A condition toutefois que cela ne fasse pas du Coran la nouvelle constitution de la région bruxelloise.

Evolution catholique
« Charité bien ordonnée commence par soi-même »… Pour illustrer mon propos, je voudrais partir du Catholicisme. En un siècle le regard que la religion à laquelle j’appartiens a posé sur le pluralisme politique a fondamentalement évolué.
En 1864, le pape Pie IX énumère encore dans un texte officiel – nommé « le Syllabus » – 80 erreurs de notre temps. Il y condamne une série de contre-vérités concernant notamment la démocratie, la liberté de religion, la séparation de l’Église et de l’État, le rationalisme, le socialisme etc. Ainsi trouve-t-on dans le syllabus parmi les propositions condamnées, la thèse suivante : « A notre époque, il n’est plus utile que la religion catholique soit considérée comme l’unique religion de l’État, à l’exclusion de tous les autres cultes. Aussi c’est avec raison que, dans quelques pays catholiques, la loi a pourvu à ce que les étrangers qui s’y rendent y jouissent de l’exercice public de leurs cultes particuliers » (propositions 77-78).
Le raisonnement sous-jacent au Syllabus était encore le suivant : la religion chrétienne est porteuse de vérité. Or, il est dans l’intérêt de tous les hommes de découvrir la vérité. Donc, dans un état dont la population est à majorité catholique, seul le catholicisme doit être promu par les instances publiques et recevoir en conséquence le statut de religion d’état. Les autres religions ou convictions politiques seront tolérées, à condition de ne pas chercher à se propager. Même si la portée de ce texte fut fort adoucie par l’interprétation qu’en firent la plupart des évêques de par le monde qui trouvaient déjà à l’époque son contenu dépassé, la position que le Syllabus défend était à peu près celle qu’on retrouve aujourd’hui dans un régime islamique. Ici aussi, le point de vue défendu est que le Coran révèle à l’homme sa vérité la plus profonde et que – dans une société à dominante musulmane – la Sharia doit donc s’appliquer. Les autres religions sont tolérées à condition de ne pas être prosélyte.
En 1965, soit un siècle et un an plus tard, le pape Paul VI promulgue la déclaration du concile Vatican II sur la liberté religieuse. Fruit d’une lente évolution de la pensée théologique « Dignitatis humanae » défend une position bien différente en matière de pluralisme politique : « Ce Concile du Vatican déclare que la personne humaine a droit à la liberté religieuse. Cette liberté consiste en ce que tous les hommes doivent être exempts de toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu’en matière religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres. Il déclare, en outre, que le droit à la liberté religieuse a son fondement réel dans la dignité même de la personne humaine telle que l’ont fait connaître la Parole de Dieu et la raison elle-même. Ce droit de la personne humaine à la liberté religieuse dans l’ordre juridique de la société doit être reconnu de telle manière qu’il constitue un droit civil ». (Dignitatis humanae n°2)
Qu’est-ce qui a permis l’évolution qui donne à l’Eglise catholique de décréter aujourd’hui que la liberté religieuse et le pluralisme politique sont non seulement légitimes, mais en plus nécessaires ? Il s’agit d’une prise de conscience « théologique » que 14 siècles de religion d’état avaient fait perdre de vue : le fait qu’une vérité spirituelle ne peut jamais s’imposer par la contrainte. Il est normal et naturel que pour un croyant la religion se veuille la principale boussole de son existence. Cependant, il s’agit également de rappeler que cette boussole perd le nord dès qu’elle s’exerce sous la contrainte. La laïcité politique, ou séparation entre religions et Etat, trouve ici sa justification théologique: dans l’espace public chaque citoyen doit jouir d’une totale liberté de conscience, afin de pouvoir authentiquement chercher la vérité spirituelle qui donnera sens à sa vie. Toute alliance entre le sabre et le goupillon, non seulement dévoie la politique mais, en outre, pervertit la religion.

Religions et libre-examen dans l’espace public
Cela revient-il à dire que dans un état de droit les convictions religieuses sont à reléguer dans le domaine de la vie privée ? Je me suis toujours opposé à cette façon de voir, car elle me semble philosophiquement erronée. Il est au contraire normal et sain que les convictions profondes d’un homme influent sur sa vie de citoyen et son engagement politique. Personne ne songe à demander à un libre-exaministe de ne pas appliquer le libre-examen dans son action politique. De même, il serait vain de demander à un catholique de ne pas faire de la politique en catholique, ou à un musulman à ne pas faire de la politique en musulman. Une démocratie saine ne se construit pas sur le gris de l’absence de convictions philosophiques, mais sur un patchwork de couleurs convictionelles différentes.
Les religions et convictions n’appartiennent pas au domaine du privé, mais à celui de l’intériorité : C’est par un acte de foi porté par une expérience religieuse qu’un homme se reconnaît chrétien ou musulman. Cela fait partie de son intériorité. De même, c’est par une foi en la raison qui se suffit à elle-même, porté par une conviction philosophique, que l’on devient libre-exaministe. Cela aussi, fait partie de l’intériorité. Au nom de la liberté religieuse, tout homme a droit au libre choix de son intériorité. Pareil choix repose sur une expérience « intérieure » – expérience dès lors toujours quelque peu incommunicable. En effet, personne ne peut prouver pourquoi il croit en Dieu ou pourquoi il n’y croit pas.
La démarche spirituelle diffère de celle qui prévaut dans l’espace public ou cohabitent des citoyens de toutes convictions. « L’homme est un animal politique », enseignait Aristote, « parce que l’homme est un animal qui parle ». La vie politique se fonde sur le langage, qui implique l’échange de communication. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le cœur de la démocratie s’appelle un « parlement ». Or, se parler n’est possible que si l’on possède un langage commun. Comme les convictions religieuses et philosophiques sont de l’ordre de l’intériorité – et donc du domaine de ce qui toujours quelque part incommunicable –  celles-ci ne peuvent servir de langage commun pour fonder une société laïque. L’apport majeur des Lumières à notre civilisation est d’avoir rappelé que le seul langage capable de fonder une démocratie, est le langage de la raison. Non pas la raison procédurale, qui se borne de constater que les formes ont été respectées dans la prise de décision, mais la raison intelligente qui cherche à comprendre ce que l’autre me dit afin de lui répondre. Sa grammaire logique et sa visée critique font en sorte que seul ce type de raison permet à des personnes de convictions différentes d’écouter l’autre sans a priori en vue d’arriver avec lui à prendre une décision politique commune en vue du bien de la cité.
Voilà pourquoi en démocratie – même si tous les citoyens partagent la même conviction religieuse – aucune révélation ne peut servir de « base constitutionnelle » à l’Etat. En effet, dans ce cas-là il y aurait deux catégories de citoyens : ceux qui adhèrent à la religion officielle et qui seraient citoyens à part entière et ceux qui n’y adhèrent pas et qui deviendraient, de par ce fait, des citoyens de seconde catégorie. Autrement dit, même si demain Bruxelles devient à 99% catholique ou musulmane, il n’y aurait de démocratie véritable que si le pourcent de non-catholiques ou de non-musulmans jouit des mêmes droits politiques que tous les autres citoyens. L’enjeu se vérifie dans des questions bien concrètes qui ont trait à la liberté religieuse : le droit de sortie et le droit de faire entrer. Dans un état de droit, chaque citoyen doit pouvoir apostasier sa foi sans être inquiété politiquement et doit  être en droit de – non seulement célébrer publiquement sa religion – mais également de pratiquer un prosélytisme paisible visant à faire de nouveaux adeptes.

Islam et démocratie
Une prise de conscience théologique permit à l’Eglise catholique de se réconcilier avec la laïcité politique au cours des XIXe et XXe siècles, au point d’en devenir aujourd’hui un fervent avocat. Il s’agit de savoir où la théologie musulmane se situe sur ce chemin. La question se pose avec une acuité particulière à l’heure où, après l’échec de la mouvance nationaliste et socialisante qui avait dominé les nations arabes au cours de la guerre froide, un certain « réveil de l’Islam » prône une conception moderne mais globalisante de la religion. De plus, pour l’Islam les données du problème diffèrent en deux points par rapport au christianisme. Premièrement, la révélation divine n’y est pas concentrée dans une personne – comme le Christ pour les chrétiens – mais bien dans un écrit, le Coran. Secondement, là où le christianisme se veut une religion de la grâce – l’homme ne naît pas chrétien, mais le devient pas le baptême et la foi – l’Islam se présente davantage comme la religion naturelle de l’humanité : tout homme naît musulman, mais nombre d’entre eux perdent cet héritage par des conditionnements socio-historiques.
L’option est donc la suivante : Soit le théologien musulman considère que, puisque le Coran et les enseignements du Prophète présentent le projet de Dieu sur l’homme mais aussi sur la société, leurs prescrits se doivent d’être appliqués « en direct » à toute société où la foi musulmane est majoritaire. Dans ce cas, nous retrouvons une théologie comparable à celle du Syllabus de Pie IX, une théologie qui prêche l’alliance du sabre et du croissant. C’est ce que l’on nomme le courant islamiste. Soit le théologien musulman considère que le Coran – comme parole de Dieu – est la source première d’où découlent les principes éthiques dont vivent les croyants, mais que ceci ne dispense pas de respecter l’autonomie d’un espace politique laïque – un espace où domine la raison. Dans ce cas, l’Islam peut se marier avec la démocratie avec le même bonheur que le christianisme. Cette dernière option est défendue par des théologiens comme Fazlur Rhaman, qui écrivait : « Les prescrits du Coran ne peuvent être appliqués littéralement dans le contexte d’aujourd’hui, car ceci aurait pour effet de pervertir le but même du Coran ». (The Impact of Modernity on Islam, p.127, Journal of Islamic Studies, vol.5 n°2, Juin 1966, pp.112-118).
Le courant démocratique en Islam est-il aujourd’hui aussi minorisé que d’aucuns le prétendent ? Je ne suis pas assez expert pour répondre, mais je peux comprendre la difficulté : adopter le projet démocratique implique de revenir sur une longue tradition de pensée théologique fondée sur la religion d’état. Rompre avec pareille tradition doctrinale séculaire exige une profonde remise en question de l’Islam, comme ce fut le cas pour le Catholicisme au cours des XIXe et XXe siècles. La réalité du terrain démontre pourtant que la plupart de nos concitoyens de religion musulmane sont de paisibles démocrates. Dans un pays comme les Philippines, il existe même un parti politique nommé « les démocrates chrétiens et musulmans ». Pourquoi pas ? Je rappelle que deux questions servent de « test » pour vérifier la compatibilité démocratique  d’une religion : l’apostasie et le prosélytisme. Un Islam démocratique enseignera haut et fort que, dans le Coran, aucun châtiment terrestre n’est envisagé contre ceux qui apostasient ou changent de religion, pas plus qu’envers les non-musulmans qui annoncent librement leur foi. Que les avertissements du Coran ne relèvent que du domaine spirituel et de la vie dans l’au-delà. Seul pareil enseignement rend la théologie musulmane compatible avec l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme sur la liberté religieuse : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites ». Mieux encore, seule cette voie me semble concilier la démarche du croyant musulman avec le prescrit du verset 256 de la Sourate 2 (La vache, Al-Baqarah) : « Nulle contrainte en religion » !

 

 

 

Messe télévisée (Eurovision) – 18 septembre 2011

Eglise Saint-François, Louvain-la-Neuve – 25° dimanche dans l’Année A

« Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ? » « Parce que personne ne nous a embauchés » (Mt 20, 1-16)

Les dictons reflètent la sagesse populaire. Mais cette sagesse n’est pas forcément celle de l’Evangile. Ainsi le dicton : « Il faut bien gagner son paradis ». Comprenez : « A force de bonnes actions, nous finirons bien par obtenir le ticket d’entrée pour nous assurer une bonne petite place là-haut ». Eh bien non. Voyez l’Evangile de ce dimanche – la parabole des ouvriers de la 11° heure : ceux qui ont sué toute la journée, ne reçoivent pas un meilleur salaire que ceux qui n’ont travaillé qu’une toute petite heure. Message de la parabole : Il n’y a pas de paradis à gagner. Le paradis est offert. Gratuitement. Par amour. Tout est Grâce.

« Ca, c’est un peu facile » murmure la sagesse populaire, en ajoutant : « Dans ce cas, pourquoi faire des efforts ? Pourquoi encore chercher la vertu ? Autant se laisser aller comme tous ces égoïstes ». Ma réponse est : « Si vous voulez vivre n’importe comment, allez-y. Dieu aime les pécheurs… Il ne vous aimera pas moins, mais »… – car il y a un « mais »… « Mais, ce faisant, vous condamnez votre âme à lentement étouffer. A devenir l’ombre d’elle-même ». Oui, les égoïstes ont une vie plus facile que les personnes vertueuses. Ils profitent. Mais ils ne sont pas heureux. Regardez notre monde occidental : Nous n’avons jamais eu tant de biens de consommation. Pourtant, l’homme du XXIe siècle n’est pas plus heureux que celui de l’époque du Christ. L’homme a besoin de pain pour vivre, mais l’homme ne vit pas que de pain (Matthieu 4,4).

Croyez-moi, la situation des ouvriers de la 11° heure n’est pas enviable. Evidemment, ils se sont reposés, alors que les ouvriers de la première heure se sont tués à la tâche dans la chaleur du jour. Mais ces soi-disant profiteurs, qu’ont-ils fait de leur journée ?  « Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ? » leur demande le maître de la vigne. « Parce que personne ne nous a embauchés », soupirent-ils. Ils ont perdu leur journée. Les égoïstes perdent leur vie à se centrer sur eux-mêmes. Leur âme étouffe. Et cela est pathétique.

Alors, oui. Heureux les artisans de la vigne de la première heure. Ceux qui triment sous la chaleur du soleil. Ils ne le font pas pour gagner un meilleur salaire. C’est le même salaire pour tous. Ils ne le font pas pour « gagner leur paradis ». Le paradis est gratuit. Ils le font parce qu’ils sont heureux d’œuvrer à la vigne, afin que celle-ci porte du fruit. Leur seul salaire, est d’entendre la voix du maître leur dire, le soir tombé : « Toi, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi ; mais il faut se réjouir » (Luc 15, 31-32) pour ces ouvriers de la 11°heure qui ont – eux aussi – enfin trouvé le chemin de la vraie vie.

Si les parents aiment leur enfant – que celui-ci leur obéisse ou pas – combien plus le Père céleste nous aime-t-il inconditionnellement ? « C’est un peu facile » ? Non, c’est ce qu’il y a de plus exigeant : vivre – non pas en comptabilisant ses mérites – mais par pur amour. Souvenons-nous d’une des dernières paroles du Christ à ses disciples : « Voici mon commandement : aimez-vous les uns les autres »… Mais Seigneur, aimer comment ? « Inconditionnellement ».  Mais Seigneur, aimer dans quelle mesure ? « Sans mesure ». « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ». (Jean 15,12) Un peu facile ? Non, c’est ce qu’il y a de plus exigeant. Trop exigeant ? Oui, pour l’homme seul. Mais à celui qui le prie, Dieu envoie un « coach » : Son Esprit. Et l’Esprit enseigne comment aimer comme le Christ –  car telle est notre vocation de baptisés. Amen.

Quelles nouvelles destinées pour des églises désaffectées? (RTBF radio Première)

Emission radio du vendredi 16 septembre « le Forum de Midi » (RTBF radio Première, animé par Fabienne VANDE MEERSSCHE) : réécouter sur http://www.rtbf.be/lapremiere/emission_le-forum-de-midi?id=2202

Eglises transformées en boîtes de nuit, en hôtels ou en théâtres… Des lieux de culte désaffectés connaissent en effet, ici et là, de nouvelles destinées. Faut-il restaurer, désacraliser et réaffecter les églises classées pour en faire des logements en Wallonie ? L’idée circule… On en parle ensemble dans le Forum de Midi.

Nos invités:
* Abbé Eric DE BEUKELAER, doyen à Liège
http://ericdebeukelaer.be/
* Freddy JORIS, administrateur général de l’Institut du Patrimoine wallon
www.institutdupatrimoine.be/
* Isabelle SIMONIS, présidente du groupe PS au Parlement wallon, bourgmestre de Flémalle
http://www.isabellesimonis.be/accueil

 

 

 

Bande de pistonnés!

(Introduction à l’évangile de dimanche prochain – Mathieu 20,1-16 –  reprise sur le feuillet paroissial « cœur de Liège » au dimanche prochain, Matthieu 20, 1-16)

Ah, l’Evangile des ouvriers de la 11° heure… Ils ont à peine travaillé une petite heure et ils reçoivent le même salaire que ceux qui se sont crevés à la tâche toute la journée. « Quelle bande de pistonnés ! » entendrait-on râler dans nos rues de Liège.
A vrai dire, je me sentais un peu comme ça dimanche dernier, lors de l’Eucharistie de remerciement de mon prédécesseur – Joseph Bodeson. Il reçut éloges et cadeaux – bien mérités après tant d’années de labeur. Et moi, qui n’avait encore rien fait… voilà que je reçois également des présents de bienvenue. Etais-je à mon tour devenu un pistonné ? Mais non. C’était une façon pour les paroissiens de l’Unité paroissiale de me dire qu’ils m’accueillaient avec joie et confiance. Il ne s’agissait pas de salaire – ni pour Joseph, ni pour moi. Il s’agissait d’un signe d’amour gratuit. On appelle cela « un cadeau ».
Il en va de même avec Dieu. Il ne paie pas de salaires. Il fait un cadeau. Gratuitement et sans compter. Le même pour celui qui bosse depuis des années, que pour celui qui vient d’arriver : son Amour infini. Et cet Amour a un nom. Il s’appelle Jésus. Avec Lui, pas de pistonnés. Que des frères.

Vriendjespolitiek !

(Inleidingtekst voor het parochieblad ‘Hart-van-Luik’ op het evangelie van volgende zondag, Matheus 20, 1-16)

We kennen allemaal het Evangelie van de arbeiders van het elfde uur. Ze hebben amper een uurtje gewerkt en krijgen evenveel geld als zij die de hele dag gezwoegd hebben. “Da’s echt vriendjespolitiek”, zouden vele Vlamingen mopperen.
Eigenlijk voelde ik me een beetje zo, vorige zondag – gedurende het afscheidsfeest van mijn voorganger als deken van het centrum van Luik. Hij kreeg lof en kadootjes. Ruim verdiend. Maar toen kreeg ik ook geschenkjes, al had ik nog niets gepresteerd. Was dat nu ook geen vriendjespolitiek? Helemaal niet. Het was een teken van vertouwen en liefde, net zoals voor mijn voorganger.
Zo gaat het ook met God. Hij betaalt geen salarissen. Hij schenkt zijn liefde. Evenveel aan de trouwe parochiaan, als aan de bekeerling van het elfde uur. En die liefde heeft een naam: Jezus. Met Hem bestaat er geen vriendjespolitiek. Alleen maar broederlijkheid.