Dans un courrier adressé à la rédaction du Vif/l’Express et publié en p.104 de l’édition du 3 juin, le Président fédéral des « Scouts » a réagi à un article du 22 avril qui laissait entendre que cette fédération aurait laissé tomber son identité catholique « en catimini ». Le Président des « Scouts » récuse cela en écrivant : « Cette réflexion sur la place de la dimension spirituelle et sur le nom de notre fédération a débuté en 2004. Et depuis, par les différentes étapes du processus de réflexion que le mouvement a vécues, ces deux questions ont été abordées régulièrement avec les personnes directement concernées : les animateurs avant tout, mais les responsables d’unités et les aumôniers également. L’aboutissement de ce chantier fut une première décision prise par les jeunes, animateurs du mouvement, pour une nouvelle position en matière de développement spirituel. Cette assemblée d’animateurs d’octobre 2006 mandatait logiquement notre assemblée générale pour mettre l’étiquette de notre mouvement en cohérence avec cette décision et la pratique de nos 420 unités. C’est donc dans cette logique claire et transparente que l’assemblée générale a pris la décision de modifier en septembre 2008 le sous-titre de notre fédération ».
C’est un dossier que je connais un peu. J’ai eu à le suivre, étant à l’époque porte-parole des évêques. Ma position – ainsi que celle des évêques – était de ne pas mettre de l’huile sur le feu et de laisser la Fédération « les Scouts » gérer ce dossier comme elle l’entendait. J’ajoute que je suis un ancien du scoutisme et que mon parcours a débuté dans une unité indépendante anversoise, pour passer par les scouts d’Europe et puis également servir comme responsable d’une troupe d’éclaireurs (pédagogie 12-15 ans) chez « les Scouts » (à l’époque, la « FSC »). Comme prêtre, j’ai depuis accompagné plusieurs unités appartenant à la fédération « les Scouts ». Je donne également des coups de main dans d’autres mouvements de jeunes, tel Jeunesse et Santé. J’ai horreur des guéguerres de tranchées entre fédérations ou mouvements, car je suis d’avis que partout où se trouvent des jeunes à animer, il y a du bon boulot à faire. De plus, je trouve qu’il est contreproductif d’obliger une institution à encore se nommer « catholique », si telle n’est plus son désir ou la réalité vécue en son sein. Tout ceci pour bien préciser que je n’ai aucun état d’âme avec le fond de la décision que « Les Scouts » ont prise en 2008.
Là où je tique, c’est quand je lis sous la plume de son Président que « Les Scouts » auraient pris pareille décision dans une « logique claire et transparente ». Tel n’est pas mon ressenti. D’après mes informations, la question de l’identité du mouvement fut posée lors d’une assemblée « Sensaction » du 26 novembre 2005. 77 animateurs y participaient, ainsi que 48 cadres du mouvement. Il y fut posée la question du maintien de la référence catholique dans le nom de la fédération. A cette interrogation, 40 animateurs répondirent « oui » pour 26 « non » et 11 abstentions. Par contre, 25 cadres du mouvement dirent « non » contre 12 « oui » et 11 abstentions. Le désir de supprimer la référence catholique émanait donc – à l’époque, en tout cas – principalement des cadres du mouvement et non pas des animateurs. En chiffres absolus le maintien l’emportait d’ailleurs d’une voix (52 « oui » pour 51 « non »). Cependant, l’arithmétique n’est pas importante dans cette histoire. Ce que je regrette, c’est que ceci n’ait pas encouragé les responsables du mouvement à entamer auprès de toutes les unités sur le terrain, une grande consultation sur la question de l’identité catholique. Baden-Powell, fondateur du mouvement, disait souvent aux chefs scouts qui se trouvaient face à des choix délicats : « Ask the boy »… « Demandez aux jeunes ». Franchement – et je le dis sans aucun esprit polémique – je n’ai pas le sentiment que cela ait été fait par la fédération « Les Scouts ». Je pense donc qu’une belle occasion fut ainsi manquée d’appliquer concrètement la pédagogie du scoutisme.
Je suis également mal à l’aise avec l’argumentaire qui fut envoyé aux animateurs d’unité en juillet 2008 pour justifier la décision de supprimer la référence catholique. Je puis, à la rigueur, souscrire au premier argument : « Dès lors, l’impact de la présence de l’adjectif dans notre sous-titre peut être lu autrement que comme un héritage historique et être interprété comme un choix identitaire fort. Ce n’est pas la réalité de notre mouvement ». Par contre, je reste perplexe face au second argument : « Les responsables de dossiers qui nous mettent en rapport avec le monde extérieur (partenaires, monde politique, publics différents) pointent le risque de frein d’avancement de ces dossiers ». Si je comprends bien, le fait de se dénommer « catholique » constituerait un frein pour l’obtention de subsides. Cela fait réfléchir au pluralisme convictionnel, tel qu’il est parfois pratiqué par d’aucuns. De plus, cela signifie que la décision de supprimer la référence catholique, aurait aussi été une question de sous. Je sais bien que l’argent est le nerf de la guerre, mais… il n’est pas un des moteurs de l’idéal scout.
Il y a quelques jours – comme je l’ai déjà écrit sur ce blog – je concélébrais les funérailles d’un ancien animateur. Il avait été scout dans une unité se trouvant dans un quartier populaire de Liège – unité nullement ultra-catho ou chic-bourgeois. Pourtant, quand a résonné le traditionnel « cantique des patrouilles », les scouts en uniforme ont entouré le cercueil et ils se sont agenouillés en chantant : « Vois au bois silencieux, tes scouts qui s’agenouillent. Bénis-les, ô Jésus dans les cieux ». Ces jeunes – comme tant d’autres aujourd’hui – ne sont pas fort pratiquants et leur rapport à l’Eglise catholique est plutôt distant. Pourtant, je m’interroge : qu’auraient-ils dit, si on leur avait posé la question du maintien ou non de l’identité catholique ? « Ask the boy », les gars… « Ask the boy ».
Quand la tête est malade, tout le corps souffre.
A force de ne pas vouloir mettre de l’huile sur le feu, on n’aura plus de feu du tout!
C’est vrai que c’est la mode -pour l’instant- de renier son identité catholique, ce qui me chagrine énormément. Si telle fédération décide de supprimer ses références catholiques -pourquoi pas-, il devrait dans la même ligne être possible à un curé de paroisse de changer également sa fédération, en s’associant à une fédération restée catholique, vous en avez cité une au moins dans votre article!
A ce titre, je fulmine contre certains prêtres: il y a quelques années, mon fils faisait partie des scouts d’une paroisse bruxelloise. Il leur arrivait même d’avoir une réunion, ou de participer à un WE. Et, consciencieusement, le prêtre de la paroisse leur rendait visite, généralement le dimanche. Pour la messe, croyez-vous? Non, bien sûr, pour leur parler de l’analyse transactionnelle par exemple. Mais de grâce, pas de messe ni de formation religieuse, pas catholique en tout cas! Jamais!
A la suite de quoi j’ai contacté le prêtre, qui n’a jamais réagi à mes sollicitations; puis je me suis adressé au secrétariat de l’évêque auxiliaire, sans citer de nom, mais en demandant qu’on fasse passer le message parmi les prêtres: s’il vous plaît, aidez-nous à donner une éducation religieuse à nous enfants, nous ne pouvons rien sans vous!
La secrétaire de l’évêque auxiliaire m’a gentiment fait savoir que le message serait transmis. L’a-t-il été? De tout évidence, non, puisque la situation est à l’heure actuelle inchangée.
Et on pourrait en dire autant de la plupart des écoles « catholiques », où on dilue tellement la foi que les jeunes y deviennent au mieux indifférents, au pire allergiques… J’en ai discuté il y a quelques temps avec le sous-directeur d’une école « pignon sur rue ». Il m’a simplement répondu qu’avec les religieux qui dirigeaient l’école en ce moment, il était impossible de faire plus!…
Encore une fois, nous attendons aussi les religieux, les prêtres et leurs évêques pour faire changer les choses. Et je constate que, lorsqu’on en parle avec les parents, qui sont loin d’être tous catholiques, ils sont pratiquement tous d’accord pour dire que la transmission de la foi est peu convaincante et qu’ils ne seraient pas choqués qu’on en fasse davantage!
Permettez-moi donc de vous souhaiter avec un jour d’avance une joyeuse fête de Pentecôte, la fête du Feu de l’Esprit!…
Vous avez remarquablement bien résumé le problème. De fait cette décision a bel et bien été prise en catimini, en comptant sur le fait que les animateurs n’y verraient que du feu ou bien n’oseraient pas réagir – ce qui était le cas de la plupart d’entre eux.
Pour ceux qui vivent, comme moi, le scoutisme sur le terrain c’est un affront. Un petit groupe a pris une décision fondamentale, qui touche à notre identité, sans nous consulter. C’est d’ailleurs tout le fonctionnement de la Fédération qui serait à repenser…
Quant au fond, je trouve dommage de masquer son identité (voire la renier) alors que ce fameux ‘C’ n’a pas empêché l’expansion de la fédération et que personne ne s’y sentait obligé d’être chrétien, loin de là…
Triste époque où on veut couper tout ce qui dépasse, gommer les différences. Je pense qu’on ne peut être tolérant, accueillant, que si on est conscient et clair de qui on est, et qu’on ne craint pas de l’affirmer.
Salut est-il possible d’avoir cette lettre car comme ancien aumônier je me sent interpeller par des jeunes et leurs familles
Union de prière
Pax et Bonum
fr Antonio
Importance de l’identité : savoir qui on est. Sans cela, quels sont les repères ?
Avoir une identité et la connaître, puis l’affirmer, signifie que des différences apparaîtront par rapport à d’autres. Mais différence ne postule pas systématiquement « opposition ». Différence peut tout aussi bien postuler « complémentarité », et aussi : choix.
Cet article m’a rappelé le mot d’un professeur au collège, qui disait qu’un drapeau replié et mis dans sa poche, ce n’était plus un drapeau, mais un mouchoir.
Le pire, c’est de faire part d’une masse informe et sans goût, influençable et honteuse de toute expression ou idée propre.