Belgique – un an de crise politique : « C’est quand qu’on va où? » (Renaud – air connu)

Voilà un an que la crise politique perdure au Royaume de Belgique. A ce sujet, je conseille de lire le blog de François De Smet, philosophe et chroniqueur à la RTBF. Dans un de ses derniers ‘posts’ – intitulé « Au nord, c’était les colons » – il explique une des raisons qui fait que les francophones de la périphérie flamande ne sont pas naturellement désireux de s’adapter à la culture de la communauté qui les accueille : leur projet n’est pas tant de s’installer en Flandre, que de se loger non loin de Bruxelles, la capitale francophone où ils travaillent. D’où le raidissement d’une Flandre marquée par un complexe d’infériorité culturelle, ce qui explique ses crispations identitaires face à la « tâche d’huile », cette zone d’influence francophone qui grappille le territoire néerlandophone. La mentalité d’assiégés de l’opinion flamande est plus émotionnelle que rationnelle.
Cependant, il est tout aussi irrationnel pour nombre de francophones de Belgique de vouloir vivre dans un pays sans maîtriser la langue de 60% de ses habitants et – quoi qu’il arrive avec l’avenir de ce pays – du principal partenaire commercial de la Wallonie et de Bruxelles. Au complexe d’infériorité culturelle du flamand économiquement fort correspond un complexe de supériorité linguistique du francophone financièrement faible. Quand on vous disait que ce pays a inventé le surréalisme…

Je sais bien que les mentalités francophones changent – tard, mais elles changent – et que les écoles d’immersion en néerlandais se multiplient au sud du pays. Cependant, ce processus de découverte qu’il existe une autre Belgique – une Belgique non-francophone – est loin d’être parachevé. Le professeur UCL Philippe Van Parijs écrit en p.15 du Soir et p. 24 du Standaard de ce mardi : « En Wallonie, les élèves n’apprennent le néerlandais qu’en secondaire, la moitié d’entre eux après l’anglais et certains pas du tout. Seuls 14 % des Wallons disent pouvoir le parler de manière plus qu’élémentaire, comparé à 51 % des Flamands pour le français ».
Oui, le complexe de supériorité culturelle des francophones diminue, mais il ne disparaît pas pour autant. Un exemple ? Sur radio « Eén » (VRT), environ une chanson sur 7 est une chanson française. Sur la « Première » (RTBF), la seule émission qui « ose » passer des chants en néerlandais s’appelle « le Monde est un village ». Il s’agit d’un programme de musique du monde. Tout un symbole. Pourtant, les Willem Vermandere, Eva De Roovere et autres Raymond van het Groenewoud ont du talent – un réel talent. Mais qui les connaît au sud du pays ? Dommage. Il y a quelques jours, la « une » (RTBF-TV) faisait pourtant la publicité du chanteur Daan, mais c’était parce que celui-ci raillait le leader nationaliste flamand, Bart De Wever. N’y a-t-il pas d’autres motifs de s’intéresser à la culture flamande ? Autre exemple ? Il y a quelques jours, je commandais un livre dans une grande librairie du Brabant wallon. Le livre existe en néerlandais chez un éditeur du nord du pays et en anglais chez un éditeur canadien. Comme je lis les deux langues, je dis à la libraire que tout dépendra du prix, pensant que l’exemplaire flamand en sortirait avantagé. Sa réponse me sidéra : « Je puis vous commander le livre chez l’éditeur canadien, mais il ne nous est pas possible de commander celui en néerlandais. Aucun accord n’existe avec l’éditeur flamand ». Je le répète : quand on vous disait que ce pays a inventé le surréalisme…

Voilà un an que la crise politique perdure au Royaume de Belgique. Dans tout autre pays, ceci aurait fait monter la tension entre les deux blocs. Pas en Belgique. Tous les partis politiques continuent à bien s’entendre et octroient généreusement au gouvernement démissionnaire de larges pouvoirs pour gouverner. Mais pour ce qui est de se comprendre… Le soir des élections, Louis Tobback (socialiste flamand) – un sage de la politique belge – avait prédit un accord rapide. Il disait que les deux grands gagnants des élections – les socialistes francophones et les nationalistes flamands – ne pouvaient que s’entendre, malgré leurs différences de programme. Vu leurs avantages électoraux respectifs, ils avaient une marge de manœuvre suffisante pour faire les nécessaires compromis. Je l’ai cru, car c’était de bon sens. Mais il se trompait. Et moi avec lui. Ce n’est pas que nos politiciens manquent de bon sens. Non, ils ne se comprennent plus. Voilà pourquoi, il n’y a pas de conflit. Pour se disputer, il faut au moins s’accorder sur son désaccord. Mais ici, ce n’est pas un conflit entre « A » et « B », mais une opposition entre une poire et une girafe. Et pourtant, la grande majorité de la population des deux côtés de la frontière linguistique, souhaite le maintien de la cohabitation belge. Une fois encore : quand on vous disait que ce pays a inventé le surréalisme…

Des pistes de solutions ? Quelques balises : Les francophones doivent accepter la logique de la frontière linguistique et d’une plus grande autonomie financière des régions. Les flamands doivent reconnaître sans ambiguïté la réalité de Bruxelles comme région à part entière – car telle est la volonté des habitants de la capitale – et permettre à cette région de recevoir des moyens financiers adaptés à son rôle de moteur économique du pays. Pour le reste, toutes les options restent ouvertes. La première est celle d’une Belgique « relookée ». J’aime mon pays, qui symbolise en miniature la réalité multiculturelle européenne. Je dis donc : « chiche ! » La deuxième option est – en cas de blocage permanent – celle d’un divorce à l’amiable, même contre la volonté de la majorité de la population. Avec d’une part une Flandre indépendante et de l’autre, soit une « mini-Belgique » francophone résiduelle (Wallonie-Bruxelles), soit une Wallonie française et une région de Bruxelles « European District ». La fin de la Belgique n’a pas ma préférence, mais peut-être cela va-t-il dans le sens de l’histoire. Je l’ai déjà écrit : la Belgique n’est pas un dogme et – comme toute réalité de ce monde – elle est mortelle. Il existe également une troisième piste, évoquée cette semaine dans l’hebdo le Vif/l’Express en pages 32 à 36. Elle envisage une sortie de crise « par le haut », en renouant avec l’idée des « Pays-Bas bourguignons ». C’est la piste d’une Belgique formant avec les deux autres états du Benelux (Pays-bas et Luxembourg) une entité fédérale, représentée en alternance par ses trois familles royales (comme en Malaisie ou aux Emirats Arabes Unis). C’est le chemin le plus audacieux. Les francophones de Belgique se retrouveraient minorisés dans pareil ensemble, mais – bien négocié – ceci se transformerait, selon moi, en réel avantage économique. C’est ce que j’exprimais déjà dans mon post du 9 mai Le maître-atout des Latins du Nord. De plus, ces « nouveaux Pays-Bas » pourraient former avec l’Allemagne et la France l’embryon d’une Union européenne passant à la vitesse supérieure… une « Europe 2.0 », en quelque sorte.

Voilà pour les pistes. Qu’en sera-t-il réellement ? Rendez-vous dans un an pour faire le bilan. En attendant, je rappelle ce proverbe dans la langue de Vondel… que tous mes lecteurs parlent, n’est-ce pas ? « Waar een wil is, is een weg ».

 

Pentecôte – le goût de Dieu

« Sans le Saint-Esprit, personne n’est capable de dire : Jésus est le Seigneur ». (1ère lettre de saint Paul aux Corinthiens 12, 3b. ) Chacun peut parler de DSK, Bart De Wever, Lady Gaga… Mais une chose est de parler de quelqu’un parce qu’il s’agit d’un personnage public, une autre est d’en parler parce qu’on partage quelque chose avec cette personne. Nous sommes des êtres de relation. Dans la mesure où nous entrons en contact avec quelqu’un – dans la mesure où nous pouvons dire « je connais cette personne » – nous en parlons avec une connaissance intérieure. Il en va de même pour le Christ, comme Verbe du Père. Chacun peut gloser à l’infini sur Jésus de Nazareth et passer des années à étudier la théologie ou à la réfuter, mais sans l’Esprit il s’agit d’un discours extérieur et abstrait. Seul l’Esprit donne d’entrer en relation avec Celui qui a dit : « qui me voit, voit le Père » (Jean 14, 9). Un jour, une amie expliquait aux petits enfants en éveil à la foi : « Vous aimez le chocolat, n’est-ce pas ? Pourtant, il n’y en a pas ici. Mais vous pouvez néanmoins me dire que vous aimez le chocolat, parce que vous connaissez le goût du chocolat. Eh bien, l’Esprit est Celui qui nous donne le goût de Dieu ».

Scoutisme et identité catholique – ‘Ask the boy’

Dans un courrier adressé à la rédaction du Vif/l’Express et publié en p.104 de l’édition du 3 juin, le Président fédéral des « Scouts » a réagi à un article du 22 avril qui laissait entendre que cette fédération aurait laissé tomber son identité catholique « en catimini ». Le Président des « Scouts » récuse cela en écrivant : « Cette réflexion sur la place de la dimension spirituelle et sur le nom de notre fédération a débuté en 2004. Et depuis, par les différentes étapes du processus de réflexion que le mouvement a vécues, ces deux questions ont été abordées régulièrement avec les personnes directement concernées : les animateurs avant tout, mais les responsables d’unités et les aumôniers également. L’aboutissement de ce chantier fut une première décision prise par les jeunes, animateurs du mouvement, pour une nouvelle position en matière de développement spirituel. Cette assemblée d’animateurs d’octobre 2006 mandatait logiquement notre assemblée générale pour mettre l’étiquette de notre mouvement en cohérence avec cette décision et la pratique de nos 420 unités. C’est donc dans cette logique claire et transparente que l’assemblée générale a pris la décision de modifier en septembre 2008 le sous-titre de notre fédération ».

C’est un dossier que je connais un peu. J’ai eu à le suivre, étant à l’époque porte-parole des évêques. Ma position – ainsi que celle des évêques – était de ne pas mettre de l’huile sur le feu et de laisser la Fédération « les Scouts » gérer ce dossier comme elle l’entendait. J’ajoute que je suis un ancien du scoutisme et que mon parcours a débuté dans une unité indépendante anversoise, pour passer par les scouts d’Europe et puis également servir comme responsable d’une troupe d’éclaireurs (pédagogie 12-15 ans) chez « les Scouts » (à l’époque, la « FSC »). Comme prêtre, j’ai depuis accompagné plusieurs unités appartenant à la fédération « les Scouts ». Je donne également des coups de main dans d’autres mouvements de jeunes, tel Jeunesse et Santé. J’ai horreur des guéguerres de tranchées entre fédérations ou mouvements, car je suis d’avis que partout où se trouvent des jeunes à animer, il y a du bon boulot à faire. De plus, je trouve qu’il est contreproductif d’obliger une institution à encore se nommer « catholique », si telle n’est plus son désir ou la réalité vécue en son sein. Tout ceci pour bien préciser que je n’ai aucun état d’âme avec le fond de la décision que « Les Scouts » ont prise en 2008.

Là où je tique, c’est quand je lis sous la plume de son Président que « Les Scouts » auraient pris pareille décision dans une « logique claire et transparente ». Tel n’est pas mon ressenti. D’après mes informations, la question de l’identité du mouvement fut posée lors d’une assemblée « Sensaction » du 26 novembre 2005. 77 animateurs y participaient, ainsi que 48 cadres du mouvement. Il y fut posée la question du maintien de la référence catholique dans le nom de la fédération. A cette interrogation, 40 animateurs répondirent « oui » pour 26 « non » et 11 abstentions. Par contre, 25 cadres du mouvement dirent « non » contre 12 « oui » et 11 abstentions. Le désir de supprimer la référence catholique émanait donc – à l’époque, en tout cas – principalement des cadres du mouvement et non pas des animateurs. En chiffres absolus le maintien l’emportait d’ailleurs d’une voix (52 « oui » pour 51 « non »). Cependant, l’arithmétique n’est pas importante dans cette histoire. Ce que je regrette, c’est que ceci n’ait pas encouragé les responsables du mouvement à entamer auprès de toutes les unités sur le terrain, une grande consultation sur la question de l’identité catholique. Baden-Powell, fondateur du mouvement, disait souvent aux chefs scouts qui se trouvaient face à des choix délicats : « Ask the boy »« Demandez aux jeunes ». Franchement – et je le dis sans aucun esprit polémique – je n’ai pas le sentiment que cela ait été fait par la fédération « Les Scouts ». Je pense donc qu’une belle occasion fut ainsi manquée d’appliquer concrètement la pédagogie du scoutisme.

Je suis également mal à l’aise avec l’argumentaire qui fut envoyé aux animateurs d’unité en juillet 2008 pour justifier la décision de supprimer la référence catholique. Je puis, à la rigueur, souscrire au premier argument : « Dès lors, l’impact de la présence de l’adjectif dans notre sous-titre peut être lu autrement que comme un héritage historique et être interprété comme un choix identitaire fort. Ce n’est pas la réalité de notre mouvement ». Par contre, je reste perplexe face au second argument : « Les responsables de dossiers qui nous mettent en rapport avec le monde extérieur (partenaires, monde politique, publics différents) pointent le risque de frein d’avancement de ces dossiers ». Si je comprends bien, le fait de se dénommer « catholique » constituerait un frein pour l’obtention de subsides. Cela fait réfléchir au pluralisme convictionnel, tel qu’il est parfois pratiqué par d’aucuns. De plus, cela signifie que la décision de supprimer la référence catholique, aurait aussi été une question de sous. Je sais bien que l’argent est le nerf de la guerre, mais… il n’est pas un des moteurs de l’idéal scout.

Il y a quelques jours – comme je l’ai déjà écrit sur ce blog – je concélébrais les funérailles d’un ancien animateur. Il avait été scout dans une unité se trouvant dans un quartier populaire de Liège – unité nullement ultra-catho ou chic-bourgeois. Pourtant, quand a résonné le traditionnel « cantique des patrouilles », les scouts en uniforme ont entouré le cercueil et ils se sont agenouillés en chantant : « Vois au bois silencieux, tes scouts qui s’agenouillent. Bénis-les, ô Jésus dans les cieux ». Ces jeunes – comme tant d’autres aujourd’hui – ne sont pas fort pratiquants et leur rapport à l’Eglise catholique est plutôt distant. Pourtant, je m’interroge : qu’auraient-ils dit, si on leur avait posé la question du maintien ou non de l’identité catholique ? « Ask the boy », les gars… « Ask the boy ».

 

Coupable d’innocence (le Soir p.17)

Je salue l’initiative du quotidien « le Soir » qui donne ce jeudi la parole sur une pleine page (p.17) à 5 anciens directeurs et enseignants d’un grand collège bruxellois. Ceux-ci avaient été accusés de pédophilie et furent, depuis, totalement blanchis par la justice… Mais à quel prix. Je les cite : Ainsi, dans deux attendus remarquables, le jugement du 15 mai 2002 concluait : « Attendu qu’après sept ans d’enquêtes et de débats, après d’innombrables devoirs, l’audition de très nombreux témoins, l’intervention de deux juges d’instruction et de deux équipes d’enquêteurs, l’envoi d’une commission rogatoire à Paris, malgré toutes les perquisitions menées au collège et chez tous les prévenus, malgré les inlassables pressions exercées sur le juge d’instruction par les parties civiles (c’est nous qui soulignons), aucun des actes de pédophilie dénoncés au collège n’a pu être établi ». Quant au dommage considérable que nous avons subi, le tribunal note par ailleurs : « Qu’il ressort du dossier que ces événements considérables eurent de graves conséquences pour la santé, la vie professionnelle, sociale et privée de toutes les personnes concernées, pour leur honneur, pour leur entourage et leur famille ; que le fonctionnement harmonieux du collège et sa mission éducative furent gravement perturbés et sa réputation gravement compromise ; que le coût social et personnel est immense, y compris l’image des enseignants dans l’esprit fragile des enfants et celle de l’autorité des institutions ».
Ces 5 enseignants ont voulu comprendre ce qui leur avait valu ces accusations. Ils ont donc, à leur tour, porté plainte contre leurs accusateurs. Mais après plusieurs autres années, la chambre du conseil conclut ce 19 mai par un non-lieu. D’où la présente lettre ouverte : « Accusés depuis huit ans, cloués au pilori des médias, nous sortions de cette épreuve profondément meurtris, marqués de manière indélébile par la vaste campagne de dénonciation publique orchestrée par des parents en mal de vengeance. Qui était responsable de ce gigantesque fiasco médiatico-judiciaire ? Une enquête en cours depuis des années, dans laquelle des centaines de devoirs avaient été effectués par la police judiciaire, et qui débouchait… sur le néant ! (…) Cet « Outreau belge » révèle à nos yeux l’absence cruelle de toute forme quelconque de compensation pour tous ceux qui ont été littéralement traînés dans la boue avant d’être disculpés une fois pour toutes. Sous prétexte que nous n’avons jamais été détenus (c’est à peu près la seule avanie qu’on nous a épargnée), nous devrons continuer à vivre comme si rien ne s’était jamais passé. L’injustice de cette situation méritait à nos yeux que le plus large public en soit informé. Et que chacun médite à l’avenir sur son attitude lorsqu’il s’agit d’embrayer aveuglément sur les accusations portées sur qui que ce soit tant que la démonstration de sa culpabilité n’est pas faite ! »

Il y a selon moi trois volets à cette affaire :
Le premier est d’ordre moral – une morale tant individuelle que collective. Ces innocents, plus sévèrement punis que de nombreux coupables, nous rappellent que la rumeur et les ragots sont des juges aussi impitoyables que pitoyables. Les « on dit que… », « il paraît que… », « tout le monde pense que… » ; les « cela ne m’étonne pas… », « je me disais bien que… », « il n’y a pas de fumée sans feu »… ; les « je vous l’avais bien dit… », « une fois de plus… », « si je le croise, je l’écrase… » etc. etc. Chaque fois que nous participons à ce genre de chant macabre, c’est un peu de poison social que nous diffusons. Et ceci, avec d’autant plus de bonne conscience que nous le faisons en nous cachant derrière une créature sans visage. Elle se nomme l’opinion.
Le deuxième volet est judiciaire. Je sais bien que les tribunaux sont engorgés, mais que pareille affaire dépasse la décennie de procédure, semble assez terrifiant. De plus, je ne comprends pas qu’une compensation symbolique n’est pas prévue dans pareil cas. Les victimes d’Outreau ont été reçues par les plus hautes instances de la République. Dans le cas présent, une réception publique chez le Ministre de la justice, voire une audience médiatisée auprès d’un membre de la famille royale, n’aurait rien coûté à la collectivité, mais aurait aidé à cicatriser bien des meurtrissures.
Enfin, il y a le volet médiatique. Je sais bien que les trains qui arrivent à l’heure font moins vendre que le TGV qui déraille. Je comprends donc qu’une accusation de pédophilie lancée contre 5 enseignants d’un prestigieux collège – catholique de surcroît – est plus médiatique que leur réhabilitation. Dans la presse écrite l’accusation fera la « une », là où l’innocence sera traitée en page intérieure. Je serais donc assez favorable à une loi qui permette aux personnes innocentées d’exiger de chaque média, un temps de diffusion ou un espace de publication équivalent à celui qui servit à rendre publique leur mise en cause. Cela forcerait une plus grande sobriété – voire discrétion – dans le traitement médiatique des affaires judiciaires. Ce n’est pas le travail des chroniqueurs de justice qui est ici à blâmer, mais bien les intérêts mercantiles – dont nous sommes tous complices – qui font dériver l’information vers le sensationnalisme. Imaginons qu’un jour cette dépêche en « une », qui sans pudeur aucune ébranle une réputation à vie, concerne un parent, un conjoint, ou un enfant… Comment vivrions-nous cela ? Demandez-le donc aux familles de ces 5 enseignants.

 

Wordt “sorry” een gevaarlijk woord?

Vorige week leidden advocaten Walter Van Steenbrugge en Christine Mussche een burgerlijke vordering in bij de rechtbank van eerste aanleg in Gent tegen de Heilige Stoel, de Belgische bisschoppen en de hogere oversten van de Belgische religieuzen, in naam van een groepering van slachtoffers van seksueel misbruik in de kerk. Ik maak mij bedenkingen bij deze procedure, maar mijn diploma in de rechten is te ver weg om daar met de nodige bevoegdheid over te debatteren. Wat het kerkelijk recht betreft, heeft professor Torfs gezegd wat diende gezegd te worden.
Het enige dat ik bij deze nog herhaal en zal blijven zeggen, is dat slachtoffers er veel beter voor zouden staan, indien de Commissie Adriaenssens haar helend werk had kunnen afronden. Ik ben dus nog steeds heel kwaad over het verplichte stopzetten van haar werkzaamheden, omwille van de – inmiddels onwettige verklaarde – inbeslagname van al haar dossiers door Operatie Kelk. Ik hoop de komende arbitrageprocedure voor de slachtoffers een vreedzamere ervaring zal worden.

Waarover ik wel commentaar kwijt wil, is over hetgeen meester Van Steenbrugge bijna een jaar geleden, met name op 15 juli 2010 in de krant De Morgen (p.15) schreef, toen hij voor het eerst uitkwam met zijn zgn. ‘class action’. Ik citeer: “Op grond van deze leer kan de verjaringstermijn dus pas een aanvang nemen vanaf het ogenblik dat het slachtoffer duidelijkheid heeft verkregen over wie en wat. In de huidige Belgische context is die duidelijkheid pas écht aan de orde ingevolge de pastorale brief van 19 mei 2010 uitgaande van de Belgische bisschoppen en administrators van België, waaruit volgende passages dienen te worden onthouden: « We moeten bekennen dat kerkelijke verantwoordelijken de ernst van het misbruik van kinderen en de omvang van de gevolgen ervan onvoldoende hebben onderkend. Door te zwijgen werd voorrang gegeven aan de goede naam van het kerkelijk instituut of een kerkelijke persoon boven de waardigheid van het kind als slachtoffer. Daders kregen een nieuwe kans, terwijl slachtoffers door het leven gingen met kwetsuren die niet of nauwelijks konden genezen. Aan wie slachtoffer werden van misbruik vragen wij om vergeving, zowel voor het misbruik zelf als voor de onzorgvuldige behandeling ervan. » (…) « Tegelijk weten we dat de wortels van het misbruik dieper reiken dan de persoonlijke problematiek van individuele personen. Seksueel misbruik in de kerk heeft onder meer te maken met de manier waarop gezag wordt uitgeoefend. Daarom moet de kerk eerlijk naar zichzelf durven kijken en vormen van gezagsuitoefening willen veranderen die mee aanleiding kunnen geven tot het misbruik van kinderen. Dit zal zowel moed als nederigheid vragen, vooral van de bisschoppen en de andere verantwoordelijken in de kerkgemeenschap. »
En meester Van Steenbrugge concludeert: “Een schuldbekentenis die kan tellen en definitief het deksel van de pot heeft opengetrokken. (…)Voor het bekomen van een schadevergoeding, is de pastorale brief van 19 mei 2010 het kroonbewijs van de fout en is het causaal verband tussen die fout en de schade van het slachtoffer snel gelegd. Indien een falend beleid van de kerkelijke autoriteiten wordt aangeduid als medeoorzaak van de schade spreekt men van een voortdurend onrechtmatige daad, met voortdurende schade. In die situatie loont de doofpot niet, en kan geen garen worden gesponnen van de verjaringstermijn, wat overigens maar rechtvaardig is en aansluit bij de bedoeling van de wetgever ”. Einde citaat.

Mijn commentaar:
Eerst goed nieuws: Er is dan toch nog iemand die zich herinnert aan de moedige pastorale brief van onze bisschoppen. Ik heb na mei 2010 zoveel mediacommentatoren en politici horen klagen dat de Kerk zelfs niet om vergeving had gevraagd. Gelukkig heeft advocaat Van Steenbrugge een beter geheugen.
Dan het minder goed nieuws: Wat ik erg vind, is dat de advocaat een symbolische geste omtovert tot een gerechtelijke bekentenis. Indien hij daarin gevolgd wordt, dan wordt “sorry” een gevaarlijk woord. Erkennen ouders bepaalde misstappen in hun opvoeding? Naar de rechtbank ermee. Zegt de Premier dat België in de Kongo, of nog gedurende de Rwandese genocide, niet altijd de gepaste beslissingen heeft genomen? De regering naar Den Haag. Vraagt burgemeester Janssens vergiffenis voor wat de Antwerpse politie de Joden heeft aangedaan gedurende de laatste wereldoorlog? Klacht tegen de Sinjorenstad indienen… “Dangerous game”.

De slachtoffers van kindermisbruik hebben recht op erkenning. De komende arbitrageprocedure zal tevens beslissen over eventuele vormen van extralegale vergoeding. Voor de rest heeft iedere burger het recht zich te wenden tot een rechtbank. Indien er kan bewezen worden dat een kerklelijke leider in een bepaald dossier effectief schuldig verzuim heeft gepleegd, dan kan het gerecht hem daarvoor rekenschap vragen. Maar een collectieve morele verantwoordelijkheid met gerechtelijke schuld verwarren is m.i. helemaal uit den boze. De bisschoppelijke brief van mei 2010 is een symbolische akte van spijt voor een pijnlijk verleden, uitgesproken in naam van een collectiviteit. Indien een rechtssysteem daarvan een gerechtelijke bekentenis van schuld maakt, dan wordt een poort breed geopend voor een koele en kale samenleving. Een wereld waar het woord “sorry” gevaarlijk wordt.

 

Blog : bilan du mois de mai

Ce blog a été ouvert le 11 mars 2011. En mars, il recevait 1467 visites et 2383 pages avaient été vues. Du 3 avril au 3 mai, il recevait 3689 visites et 5483 pages étaient visionnées. Du 1er mai au 31 mai, il a reçu 3322 visites et 5626 pages étaient visionnées. Ce blog a donc atteint une vitesse de croisière. Merci à vous, les lecteurs, et tout particulièrement à ceux d’entre vous qui me laissent des commentaires.

Le mois dernier, plus de la moitié des visiteurs consultaient mon blog via ma page Facebook (55%). En mai, cette part est tombée à 44%. Désormais, plus de 20% des lecteurs entrent immédiatement sur le blog. Sans doute, est-ce le signe que ceux-ci sont devenus des habitués. Le lectorat reste majoritairement belge (avec une baisse de 3%, peut-être due au fait que – par manque de temps – j’écris moins souvent en Néerlandais et perds de ce fait des lecteurs de Flandre). La France progresse de 32% avec plus de 250 visites. Loin derrière, la 3° place est occupée par les Etats-Unis.

La moyenne de fréquentation est d’environ 150 visites par jour, avec des pics aux alentours de 350 visites. Par rapport au mois dernier, il y a moins de pics de consultation, mais une plus grande régularité d’utilisation quotidienne. Encore un signe que ce blog s’installe dans les habitudes de lecture de certains.

Le podium du mois des articles les plus consultés est le suivant : 1. « Michelle Martin- quand le pardon semble inhumain » (10 mai) 2. « La croix sans la bannière » (22 mai) 3. « Eglise catholique et abus sexuel : la loi du silence perdure ? » (17 mai). Ce dernier post m’a valu un bel échange de vue avec le journaliste du Soir, auteur de l’article qui m’avait chatouillé. Je salue la conscience professionnelle de celui-ci : un journaliste qui accepte de descendre dans l’arène d’un blog pour s’expliquer, fait preuve d’une belle simplicité.

La suite au mois prochain…

 

Fais ton âge – Tu le vaux bien !

“ Anna, 41 ans. Et pas une ride ”, vante la publicité pour une célèbre crème. Pas une ride, effectivement. Anna ne fait pas ses 41 ans, car le mannequin de la pub… n’en a même pas trente. Interviewée par le magazine Trends, la directrice du marketing et de la communication de la marque de crème, a déclaré : “Il s’agit de la perception qu’ont d’elles-mêmes les femmes de 35 à 45 ans. Quand elles se regardent, elles voient une femme de cinq à dix ans plus jeune ”. Curieux tout de même cette manie que les hommes et les femmes ont jusqu’à 18 ans de vouloir paraître « plus que leur âge », puis de revendiquer entre 18 et 25 ans de « faire leur âge », pour ensuite passer le restant de leur vie à essayer de sembler « moins que leur âge ». Et si, nous essayions tout simplement de vivre chaque âge et de le vivre pleinement ?

Ce matin, j’ai assisté aux funérailles d’un jeune homme de 29 ans. Il y a quelque jours, sans un mot, il s’est ôté la vie. Aimable, inséré socialement, mais timide et réservé. La semaine dernière, je concélébrais au cours du mariage d’un de ses meilleurs amis. Avec d’autres anciens chefs scouts, il avait animé un chant avec brio. Pourquoi donc, si peu de temps après, ce geste aussi incompréhensible qu’irrémédiable ? Sans doute a-t-il emporté avec lui la réponse aux questions qu’il nous laisse. Cependant, quand pareil drame gifle une communauté humaine, chacun se rend mieux compte que chaque instant de vie est précieux et mérite d’être vécu. Sans trop se retourner en arrière en regrettant le temps passé. Sans trop se comparer aux autres pour se reprocher le temps perdu. Sans trop se projeter dans le futur au risque de laisser s’échapper le temps présent. Vivre tout simplement. Minutes après minutes. Heures après heures. Jours après jours. Années après années. Recevoir de la vie et donner autant que possible. Et partager un peu de ce si précieux temps avec ceux-là pour qui le temps semble s’être arrêté et qui sont cloués au bord de la route. Les aider à se relever. A retrouver le goût de repartir.

Ce 2 juin, je n’ai pas eu l’occasion d’aller écouter un des chanteurs de ma jeunesse : après des décennies d’absence, Cat Stevens – devenu Yussuf Islam – donnait un concert à Forest-National. Ma chanson préférée de lui est « Morning has broken » – un hymne à chaque nouvelle journée, à accueillir comme le premier matin. Je ne pense pas que, durant toutes ces années, Yussuf-Cat ait beaucoup utilisé la crème magique que vante Anna de pas-tout-à-fait-41 ans. Pourtant, à comparer sa mine à celle de tant de rockers de sa génération, défoncés à l’alcool et à la drogue, on se dit que l’hippie devenu suni, ne fait pas vraiment son âge et que – oui – un peu de religion, cela conserve aussi. Je sais bien que sa conversion à l’islam n’a pas été sans risque de repli fondamentaliste. Mais l’artiste semble s’en être sorti par le haut et avoir trouvé un réel équilibre humain. Pub pour pub, mon conseil le voici : au lieu de crèmes magiques – voire de chirurgie esthétique – essayez de vivre une vie saine, et pourquoi pas, une vie sainte. Et puis surtout, faites votre âge. Vous le valez bien !

 

 

 

Quand le débat citoyen tourne au débat de sourds

« L’homme est un animal politique, parce que l’homme est un être qui parle », enseignait Aristote. La démocratie se fonde sur le discours, le débat, voire le conflit. Elle exige de reconnaître à son contradicteur le statut d’interlocuteur citoyen et non d’obstacle à écraser. Celui qui se sent investi d’une forme d’infaillibilité politique et qui considère dès lors comme insupportable agression, toute remise en question de ce qu’il est, se met en dehors du jeu démocratique. Cela vaut tant pour les catholiques que pour les musulmans, les laïques, ou les autres. Deux événements récents m’invitent à me pencher sur cette question.

Think Tank « Vigilance musulmane »

« Vigilance musulmane » fait œuvre utile. Souvent, je me suis dit que les catholiques feraient bien de leur emboîter le pas, en fondant à leur tour un organe de vigilance. Cependant, je m’étonne de la plainte que ce think tank vient d’introduire auprès du Centre pour l’Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme (CECLR) contre le professeur Mark Elchardus. Les plaignants reprochent au sociologue de la VUB (Vrije Universiteit Brussel) ses propos établissant un lien entre l’islam et l’antisémitisme tenus dans le quotidien De Morgen. Le 12 mai dernier, dans le cadre d’une étude intitulée « Jong in Brussel » (dont les résultats ont été publiés dans le quotidien flamand De Morgen), Mark Elchardus avait déclaré : « l’antisémitisme chez les élèves a une inspiration théologique et il y a un lien direct entre le fait d’être musulman et celui d’éprouver des sentiments antisémites ».
Vigilance musulmane estime que ces propos établissent une corrélation entre le fait d’être musulman et celui d’éprouver des sentiments antisémites et conclut : « Ils reviennent à poser le principe que tout musulman est antisémite. Ces propos incitent l’opinion publique à la haine envers l’ensemble des citoyens de confession musulmane (…) sur la base de leur conviction religieuse ». Le Think tank estime que les propos du sociologue tombent sous le coup de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination, au regard du critère protégé de la « conviction religieuse ». Par ailleurs – ajoute Vigilance musulmane – pareils propos s’inscriraient également dans le cadre de l’article 444 du Code pénal puisqu’ils ont été tenus dans des écrits imprimés exposés au regard du public,. Le groupe de réflexion demande au CECLR d’apprécier la nature de la déclaration publique effectuée par Mark Elchardus au regard de l’arsenal juridique et, le cas échéant, d’engager les actions qui s’imposent.
J’ai parlé de l’étude de Mark Elchardus dans mon « post » du 12 mai dernier, intitulé Antisémitisme à l’école – Forcer la rencontre entre élèves. J’y citais les propos du professeur de la VUB dans leur contexte. Pour rappel, les voici : “Ce qui est grave, c’est que ces sentiments anti-juifs n’ont rien avoir avec un niveau social ou culturel peu élevé, ce qui est le cas parmi les autochtones racistes. Chez les élèves bruxellois autochtones, 10pc sont antisémites. L’antisémitisme chez les élèves à une inspiration théologique et il y a un lien direct entre le fait d’être musulman et celui d’éprouver des sentiments antisémites”. A bien le lire, le professeur Elchardus ne posait donc nullement le principe que « tout musulman est antisémite », mais bien que de nombreux jeunes bruxellois sont antisémites parce qu’ils sont musulmans. La nuance est de taille. Une chose est de dire : « Les musulmans sont depuis toujours et pour toujours antisémites », ce qui est discriminant et… faux. L’islam fut, des siècles durant, plus accueillant pour les populations juives que la chrétienté. Une autre est de dire : « Vu la situation du conflit israélo-palestinien, de nombreux jeunes musulmans font l’amalgame entre judaïsme et sionisme. Leur appartenance religieuse est, dès lors, source d’un rejet du judaïsme qui peut s’avérer problématique pour la paix sociale ».
Que cette analyse soit correcte ou non, est objet de débat. La conclusion que je veux tirer est la suivante : Je salue l’engagement démocratique de « Vigilance musulmane ». Par les temps qui courent, il ne faut pas laisser se développer un anti-islamisme de comptoir aussi nauséabond que l’antisémitisme. Mais attention à la paranoïa qui nous guette tous – en ce compris les catholiques, ce sentiment qui porte à croire que toute remise en question est nécessairement une attaque. Pareille dérive mentale part du présupposé que certains sont détenteurs d’une excellence qui les distingue des autres et que, dès lors, tout qui critique de leur comportement ou pensée, est stigmatisant et abusif.

Plateforme pour le droit à l’avortement

S’il existe bien une question qui mérite de faire partie du débat démocratique, c’est le sujet de l’avortement – ou plutôt de la protection légale à apporter à la vie humaine dès l’instant de sa conception. Depuis la loi Lallemand-Michielsen, l’interruption volontaire de grossesse est dépénalisée en Belgique. Ceci a été justifié par les conditions sanitaires déplorables dans lesquelles des femmes avortaient clandestinement. Cependant, la dépénalisation de l’interruption de grossesse s’est insidieusement muée en un « droit à l’avortement » et donc en banalisation d’un acte qui est et reste – quoi qu’on en dise – une interruption de vie humaine en devenir. C’est ce que tentent de dénoncer les « marches pour la Vie » dans Bruxelles – manifestations familiales ayant lieu, depuis deux ans, fin du mois de mars. Pour y avoir participé, je puis témoigner que l’humeur de ces marches est nullement belliqueuse. Je suis, par contre, stupéfait par le ton guerrier utilisé à leur encontre par certains partisans du droit à l’avortement. J’ai évoqué cela à plus d’une reprise, dans ce blog : Coup de pouce inattendu à la Marche pour la Vie :-) (23 mars) ; Marche pour la Vie : « Frappez sur le ballon. Pas sur les joueurs ! » (25 mars) ; Marche pour la Vie : « Heureux les doux » (27 mars). J’apprends que les pro-choice viennent de créer une plateforme pour le droit à l’avortement – une initiative du Centre d’Action Laïque, de la Fédération Laïque de Centres de Planning familial, de la Fédération des Centres de Planning familial des FPS, du GACEHPA et de l’Université des Femmes.
Je les cite : « Le droit à l’avortement, la liberté des femmes de choisir de poursuivre une grossesse ou non, est un acquis. Nous refusons qu’on le remette en cause. Pourtant, la vigilance reste nécessaire :
– en Belgique, en 2010, ils étaient environ 2000 à marcher contre l’avortement. En 2011 ils étaient presque 3000.
– Partout dans le monde, de tels mouvements fleurissent
– en Europe certains pays ne reconnaissent toujours pas ce droit (Irlande, Malte, Chypre, Pologne) ou reviennent en arrière (Hongrie)
– sans oublier la réalité d’autres pays, où les conditions dans lesquelles sont pratiquées les IVG sont loin d’être optimales, les moyens accordés sont faibles, comme d’ailleurs la considération professionnelle envers les personnes impliquées, …
Les mouvements « anti-IVG » pourraient nous sembler marginaux mais le fait est qu’ils trouvent un écho dans les médias, dans les Parlements, ce qui leur donne du poids. Ils sont organisés et soutenus par de puissants lobbys. Nous souhaitons mettre en place une plateforme de vigilance et d’action pour garantir le maintien de nos acquis, pour garantir le droit à l’avortement et le libre choix. Les anti-IVG veulent continuer d’organiser chaque année leur « marche pour la vie » afin d’abolir la Loi Lallemand-Michielsen, dépénalisant partiellement l’avortement. Nous devons nous mobiliser pour que leur voix reste perçue comme ce qu’elle est : un retour en arrière inadmissible ! Si ces menaces vis-à-vis du droit à l’avortement vous choquent et que vous souhaitez :
– vous mobiliser pour maintenir nos acquis (sans entrer dans une discussion sur une modification de la loi)
– vous investir dans une plateforme de vigilance : à l’échelle belge dans un premier temps, puis à l’échelle européenne (voire mondiale), selon les partenaires et réseaux que nous pourrons mobiliser
– participer à une journée d’action annuelle
Rejoignez-nous en nous contactant par email ou par téléphone. Ils sont organisés, soyons-le aussi ! »

Une fois de plus, je n’ai rien à redire contre le principe de pareille initiative citoyenne. Je me permets simplement de sourire en entendant affirmer que les marcheurs pour la vie seraient soutenus « par de puissants lobbys ». S’il s’agit des médias ou des forces politiques de Belgique, alors ce sont des soutien aussi puissants que… discrets. Plus sérieusement, je regrette le ton de ce communiqué. A lire cet appel, il y aurait d’une part, les forces éclairées qui seraient pro-avortement et de l’autre, les avocats de l’obscurantisme : les marcheurs pour la vie. A aucun moment, il n’est reconnu que la dignité de la vie humaine à naître soit un enjeu citoyen qui mérite débat. Cela équivaut, une fois encore, à se draper dans une forme d’infaillibilité politique : une fois obtenue la dépénalisation de l’avortement, cette question deviendrait tout bonnement « onbespreekbaar ». Les démocrates qui ont été mis en minorité sur ce dossier et qui n’ont pas changé d’avis parce que la loi a changé, n’auraient donc plus d’autres droits que celui de se taire et de se repentir. Une attitude qui confine à la paranoïa et est contraire à la liberté d’expression.

Débat citoyen et laïcité politique

Notre démocratie se fonde sur la dignité humaine – telle que reconnue par la déclaration universelle des droits de l’homme. Cette dignité implique que tout citoyen a voix au chapitre et que – s’il le demande – la parole doit lui être donnée. Que l’on soit vigilant pour dénoncer toute opinion dénigrante, est une bonne chose. Par contre, taxer d’inacceptable une parole – simplement parce qu’elle dérange la haute idée que l’on a de soi-même – est une attitude paranoïaque qui étouffe le débat citoyen.
Il est curieux que pareil état d’esprit se retrouve parfois chez ceux-là mêmes, qui se disent les défenseurs de la tolérance et du droit à la liberté d’expression. Je leur suggère de méditer cette pensée de Didier Viviers, recteur de l’ULB (Université Libre de Buxelles): « On n’affaiblit pas nos valeurs par un minimum de remise en question de soi ». (Le Vif/l’Express, 3 juin p.34)

Ascension – fête de la foi adulte

La fête chrétienne par excellence est la Pâque du Christ. C’est dans la victoire de l’Homme-Dieu sur la mort et le péché que tout baptisé est plongé. Cependant, à nous qui vivons dans le temps et non encore dans l’Éternité, il est utile de pouvoir conjuguer le mystère du salut au passé, au présent comme au futur… D’où – en amont – la Nativité et l’Épiphanie, qui font mémoire de l’incarnation du Verbe. D’où aussi – en aval – la fête de l’Ascension et celle de la Pentecôte.

L’Ascension, c’est un peu la fête de la foi adulte. Le Christ ressuscité ne reste pas sur terre, pour apparaître à tous les coins de rue. « Dommage », me direz-vous, « tout le monde serait convaincu ». Convaincu, sans doute, mais pas plus croyant pour la cause. Dieu s’adresse à des hommes qu’Il veut adultes. Le Créateur veut être servi librement – et donc par un acte de foi. Jésus a rejoint la « gloire de son Père ». Il ne reste pas physiquement sur terre, afin de ne pas s’imposer. Il demeure là où est notre ultime demeure. Désormais, ce sont les chrétiens qui sont appelés à prolonger sa présence vivifiante au coeur de ce monde.

L’Eglise face aux victimes d’abus sexuels : le « tikoun »

Comme ils s’y étaient engagés, les évêques et responsables religieux ont donc pris position face aux conclusions de la Commission Lalieux. La plupart des acteurs de ce dossier et commentateurs de presse, ont accueilli leur réaction avec satisfaction et/ou avec le bénéfice de la bienveillance (ainsi les quotidiens La Libre et Le Soir).
D’autres voix ont cependant exprimé des humeurs moins positives. Je voudrais ici en épingler quelques-unes :

« Le méfiant » : Il n’y croyait pas et n’y croit pas davantage aujourd’hui. Son point de vue est que tout ceci n’est qu’une manœuvre dilatoire de la part de la hiérarchie catholique. Si cette personne est une victime d’abus sexuels, je comprends pareille réaction. Chez certaines victimes, en effet, aucune réparation ne parvient à apaiser la souffrance et la colère. Le fait de diaboliser tout ce qui leur rappelle le viol de leur enfance, les aide alors à remonter quelque peu une pente à jamais glissante. Par contre, il y a aussi ceux qui ne sont nullement victimes, mais qui – pour des raisons politiques ou psychologiques – ne veulent pas d’une Eglise catholique qui recouvre quelque peu son statut d’instance morale dans la société belge. A ceux-là, je n’ai pas grand-chose à dire, car quoique fassent les évêques, ils continueront à dépeindre le catholicisme sous ses traits les plus noirs.

« Le déçu » : Il regrette que l’Eglise ait pris sept semaines pour répondre aux recommandations de la Commission Lalieux et trouve que la hiérarchie catholique aurait dû dire plus ou faire mieux. Il ressemble à ces professeurs qui mettent invariablement aux élèves : « peut mieux faire ». Je lui fait remarquer qu’avec des moyens humains et financiers autrement plus importants, la banque « Dexia » a déjà eu besoin de trois années pour consolider ses comptes suite au crash de 2008. Et je ne parle même pas du temps qu’il faut à nos politiciens pour former un gouvernement fédéral… Bref, je rappelle à ces éternels déçus qu’il faut laisser du temps au temps, d’autant plus que l’Eglise manque de moyens et d’expérience pour affronter ce genre de dossiers complexes. D’où son incapacité à réagir en deux jours aux recommandations du Parlement. Un évêque me confiait récemment : « Je m’occupe énormément de ce dossier, souvent au détriment du diocèse dont j’ai la charge ». Je propose donc aux donneurs de leçons – s’ils sont catholiques – de plutôt proposer leurs services bénévoles aux évêques, afin de quelque peu les décharger. Je rappelle aussi ce que j’ai déjà exprimé à plusieurs reprises dans ce blog : si les perquisitions faites dans le cadre de l’opération « calice » n’avaient pas torpillé l’excellent travail de la Commission Adriaenssens, tout aurait été beaucoup plus vite.

« Le terre-à-terre » : Je l’ai surtout rencontré ce matin dans la presse du nord du pays. Sa lecture des événements est pécuniaire : « l’Eglise va payer » . Et son unique questionnement est : « combien ? Où va-t-elle chercher l’argent ? » Evidemment, il n’a pas tort : derrière les belles paroles et les gestes symboliques, il y a la compensation financière destinée à quelque peu alléger la souffrance des victimes. Cependant, je trouve qu’il est indécent de ne voir ce dossier qu’en terme de cash. Le professeur Adriaenssens l’a assez répété : « la première chose qu’une victime souhaite, n’est pas de l’argent mais de la reconnaissance ». Que cette reconnaissance s’exprime dans un second temps en termes monétaires – pourquoi pas ? Mais la reconnaissance doit primer.

« Le consterné » : C’est celui qui pense que « l’Eglise s’est faite avoir » par les politiciens. Il lance : « si son ancien directeur est reconnu coupable, verra-t-on le FMI ou les socialistes français se déclarer moralement responsable de ses agissements ? Alors pourquoi l’Eglise est-elle poussée à le faire ? » Juridiquement, il n’a pas tort, mais il n’est pas ici question de responsabilité juridique. Politiquement, il met le doigt sur un élément que – avec le recul du temps – seuls les historiens pourront analyser sereinement : dans ce dossier et outre la légitime défense des victimes d’abus, la société belge n’a-t-elle pas non plus inconsciemment voulu commettre un « meurtre symbolique du père » sur la religion qui avait tant façonné son passé et dont la génération au pouvoir s’était largement détachée ? Reste cependant la question morale. Et c’est bien de cela qu’il s’agit quand on parle de « responsabilité morale ». L’abus sexuel sur mineur va tellement à l’encontre de l’ethos du christianisme, que le fait que ce phénomène ait existé parmi une minorité de clercs catholiques, est un fardeau que toute la communauté catholique se doit aujourd’hui de porter. J’illustre cela avec un exemple d’un tout autre ordre. Ce soir, à 22h40, la « Une » (RTBF-TV) présente « l’héritage infernal », un reportage réalisé par de Marie-Pierre Raimbault et Michael Grynszpan : « Il existe un certain nombre de descendants de nazis qui vivent, parfois anonymement, en Israël. Certains se sont convertis au judaïsme et en ont épousé les préceptes. Ils portent parfois la kippa, sont mariés avec des orthodoxes et leurs enfants fréquentent les yeshivas, les écoles religieuses ! Ces gens-là n’étaient pas nés au moment de la Shoah et pourtant, ils semblent porter en eux le poids de leur ascendance. Comme s’ils se sentaient coupables par hérédité. On appelle ça ici le « tikoun » la réparation, la repentance ». D’aucuns trouveront cela un transfert absurde de culpabilité. Ils se trompent. Il y a là une application très profonde d’un mot que nous avons trop chassé de notre vocabulaire théologique : l’expiation. L’expiation ne peut être prise dans un sens morbide et masochiste, qui consisterait à « se punir pour les fautes d’un autre ». Elle doit être utilisée dans son sens libérateur, qui implique de « se charger du poids des fautes commises par d’autres pour en réparer les effets ». Alors que le Christ était sans péché, c’est ce qu’Il fit en se chargeant librement du poids des péchés de l’humanité entière, afin d’y substituer Son Amour rédempteur. Est-il donc si surprenant que la communauté catholique – qui, comme le rappelait Mgr Léonard lors de la Pâques 2010, s’est jadis rendue complice de la coupable culture du silence de toute une société, face aux abus sexuels – fasse de même en se déclarant aujourd’hui moralement responsable des agissements de ses prêtres abuseurs ?