Homélie prononcée en la cathédrale Saint-Paul-et-saint-Lambert de Liège, à l’occasion de ma réception au sein du chapitre:
« Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d‘eux » (Mt 18, 15-20)
Je remercie Mgr l’Evêque pour la confiance qu’il me témoigne en me nommant chanoine du chapitre de Saint-Lambert en notre bonne ville de Liège. Je suis également reconnaissant envers Monsieur le doyen du chapitre et Messieurs les chanoines de m’accueillir en leur sein. Comme jeune prêtre, il m’arrivait – comme tant d’autres de mes confrères d’âge – de gentiment me moquer de la bienheureuse quiétude des « vénérables chanoines »… Me voilà bien attrapé. Désormais, ce seront de plus jeunes confrères qui pourront s’amuser de moi.
Et puis, je me rends compte que cette quiétude est toute relative. Que signifie qu’un prêtre soit attaché au service d’une cathédrale ? La cathédrale, c’est l’église où siège l’évêque et donc – à ce titre – c’est un peu l’église-mère de toutes les paroisses du diocèse. Là où préside l’Evêque, là tout être humain est accueilli comme un enfant de Dieu. Là aussi, chaque baptisé du diocèse est quelque part « chez lui ». C’est ainsi que je fus accueilli par mon évêque, il y a un peu plus de 20 ans dans cette cathédrale, pour y être ordonné prêtre. Mais comme l’évêque ne peut demeurer en permanence dans sa cathédrale, en son absence – c’est le chapitre des chanoines qui est le gardien de cette fonction d’accueil, afin de faire de cette maison de pierre un poumon spirituel au cœur de la cité. D’où la prière de l’Office tous les matins : car, derrière l’évêque ou les chanoines, Celui qui accueille en vérité, c’est le Christ – Lui qui a dit : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d‘eux ». Quand je me joindrai au chapitre pour prier l’office du matin c’est donc le Christ qui se rendra présent au milieu de cette cathédrale…même quand moi, je ne serai peut-être pas toujours pleinement réveillé.
Ce rôle de la cathédrale a-t-il encore un sens dans une ville sécularisée comme Liège ? Ecoutons la parole que Dieu adresse au prophète Ezéchiel et que nous avons reçue comme première lecture : « Fils d’homme, je fais de toi un guetteur ». En ce début de XXIe siècle, les formidables progrès de la société n’ont pas libéré nos contemporains du poids de leur conscience. Les mêmes questions angoissées qu’a l’époque d’Ezéchiel résonnent dans les cœurs : « Quel est le sens de l’existence ? Comment réussir sa vie ? Quel est le secret du bonheur ? » Pour accueillir ce questionnement, les baptisés se doivent d’être des « guetteurs », des femmes et hommes capables de saisir l’enjeu spirituel des choses, d’avertir des impasses, d’inviter à une « conversion » – c’est-à-dire à un retournement de perspective. « Si ton frère a commis un péché, va lui parler », enseigne l’Evangile de ce dimanche. C’est un des rôles tenus par les chanoines de cette cathédrale : être des guetteurs de l’évangile au milieu de la cité.
Mais attention à l’envers de la médaille. Sans l’Esprit, toute mission chrétienne se sclérose. Elle n’est plus qu’un cliché, une triste caricature. Sans l’Esprit, le « guetteur » devient vite une éternelle belle-mère, un insupportable donneur de leçons,…. Vous savez, ces braves personnes qui ont à la bouche en toute circonstance, une parole assassine du genre : « Je te l’avais bien dit… » D’où l’avertissement de saint Paul dans son épitre aux Romains, entendue lors de la deuxième lecture de ce dimanche : « Celui qui aime les autres a parfaitement accompli la Loi. (…) L’accomplissement parfait de la Loi, c’est l’amour ». Soyons donc des guetteurs de l’amour.
Apprendre à aimer – comme le Christ nous aime – vaste chantier ! Pour y parvenir, il s’agit de se mettre à l’école de l’Esprit. En ce temps de rentrée scolaire, voilà bien une école ouverte tous les jours et à tous les âges de la vie. Une école sans redoublement. Mais aussi une école où tous les baptisés restent élèves à vie. Et ceci, même – voire surtout – quand ils deviennent chanoines… Amen.
L’auto-ironie présente la plus aimable face de l’humilité. J’ai aimé cette homélie pour sa brièveté (les prêtres sont toujours trop longs), sa densité et son humour. Merci « Monsieur le Chanoine ». Mais n’oubliez pas : « Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups »…
Merci pour ce beau rappel du service, du sens de la Cathédrale, du poumon spirituel, du sens de la vie et de la prière ! Bon retour dans le coeur de Liège, tu y apportes un flux enthousiasmant, la tension artérielle va monter !
Je suis » belle-mère » et espère beaucoup ne pas être éternellement une donneuse de leçons, ah les belles-mères, on les tournent toujours en dérision !! Sans rancune quand même ! A part cela, très belle homélie!