Une pétition contre la proposition de la loi élargissent les conditions d’accès et le délais d’avortement, a recueillis la signature de 2280 professionnels de la santé (et plus de 5000 citoyens). Cela fait une semaine qu’une contre-pétition – soutenant la proposition de loi – était annoncée, via les réseaux laïques et même pluralistes. Vu la puissance politique et médiatique de ceux-ci, je m’attendais à plusieurs milliers de signatures. Or, ce ne sont « que » 1500 professionnels de la santé qui font face au plus de 2000 opposants.
Il semble donc bien qu’une part importante du monde médical et de l’opinion, ne suive pas la majorité parlementaire dans ce débat. Lors des auditions au parlement en 2018 ayant abouti sur la sortie de l’avortement du code pénal, la majorité des experts sont restés silencieux ou opposés à un allongement du délai légal à 18 semaines. Seuls 6 sur les 20 experts s’y sont montrés favorables. Par ailleurs, il est étonnant de vouloir présenter, aux yeux de la loi, l’avortement comme un simple acte médical ou soin de santé, et parallèlement de supprimer dans la loi l’obligation de mentionner les alternatives possibles. Les femmes enceintes seraient-elles donc les seules bénéficiaires de soins de santé en Belgique, à ne pas pouvoir être éclairées sur toutes les différentes alternatives à la “prise en charge médicale” qui leur est proposée?
Dans un article paru dans La Libre du jour, le Dr Piquard, responsable du département d’obstétrique au CHR de Namur, explique une part du malaise des praticiens:
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la notion de viabilité est fixée à 22 semaines d’aménorrhée (soit l’absence de règles) – ce qui correspond à 20 semaines de grossesse – et un poids de 500 grammes. La proposition de loi autorise une IVG jusqu’à 18 semaines de grossesse. « On serait là dans une quasi-zone de recouvrement qui conduirait à des situations compliquées à gérer pour les équipes soignantes », estime le praticien. Dans l’hypothèse d’une IVG médicamenteuse, un fœtus de 20 semaines, s’il ne décède pas pendant le travail, peut présenter des mouvements respiratoires (des « gasps »). (…)
Comment pourrais-je, comme obstétricien qui prend en charge des fœtus de trois semaines de plus, considérer que ce que je fais n’a aucune conséquence en termes de souffrance ou de ressenti ? Évacuer cette problématique, c’est une vue de l’esprit. Je vois mal comment on pourrait confier cette tâche à des hôpitaux généraux où les équipes ne maîtrisent pas la technique ni la charge émotionnelle liée à ce type d’acte. Cela devrait se faire dans un centre où les gens sont à l’aise et en paix avec eux-mêmes pour pratiquer cela. Le groupe d’action des centres extra-hospitaliers pratiquant l’avortement (Gasp), dont les demandes ont motivé l’extension du délai à 18 semaines comme on le lit dans l’introduction de la proposition de loi, ne dit pas autre chose : quand des patientes sont confrontées à des situations où les équipes ne sont pas entièrement convaincues de ce qu’elles font, c’est une catastrophe pour elles. » (…)
On nous dit que l’IVG sera désormais un acte médical qui devra entrer dans le cadre de la loi sur les droits du patient de 2002. Cette loi dit que le patient a droit à toutes les informations qui le concernent et qui lui sont nécessaires pour comprendre son état de santé et son évolution probable. Qu’est-ce que je vais faire avec ça dans ma pratique de dépistage des anomalies congénitales, dans un contexte où la décision de mettre un terme à la grossesse jusqu’à 18 semaines, éventuellement motivée par des informations que j’aurais transmises et qui seraient incomplètement comprises, peut m’échapper ? (…)
Mais, dans cette pratique, qui est mon patient ? Le fœtus n’est évidemment pas visé par cette loi parce qu’il ne répond pas à la définition de ce qu’est un patient. Je veux bien qu’on considère qu’il n’a pas de personnalité juridique, mais, pour moi, médecin de la périnatalité, il a une existence et je dois introduire cet élément dans la discussion. Je l’examine, j’essaie de détecter une éventuelle pathologie et de déterminer si elle peut grever sa qualité de vie quand il sera né. J’essaie de comprendre son état de santé et son évolution probable. Je peux être amené à le confier à un milieu plus spécialisé dans une véritable démarche de médecine fœtale. En ce sens, il est mon patient au même titre que la mère.
Les autres « alternatives possibles » disparaissent effectivement, pourquoi ? Serait-ce devenu « politiquement incorrect » ?
Ce médecin soulève des points intéressants, bien plus dans la réalité que toutes les théories actuellement présentées !
Et alors, l’image qui me vient en lisant cette phrase « s’il ne décède pas pendant le travail », fait froid dans le dos…