« Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ». (Marc 8, 27-35)
Jésus est entouré de disciples depuis plusieurs mois déjà. Autour d’eux, les ragots vont bon train : qui est ce rabbi qui parle et agit avec autorité et fait des guérisons surprenantes ? Une réincarnation de Jean le Baptiste ? d’Elie ? d’un des grands prophètes d’autrefois ? Alors le Maître les prend à l’écart et leur pose la question dans le blanc des yeux : « Pour vous qui suis-je ? »Pierre se fait le porte-parole des autres et proclame avec assurance : « Tu es le Messie ».
Bonne réponse…mais demie-vérité : de quel genre de messie s’agit-il ? A partir de ce moment-là, Jésus leur annonce sa passion. Là, Pierre n’est plus d’accord. Si Dieu est tout-puissant, son Elu ne peut être que victorieux. Le prenant à part, le futur prince des apôtres « se mit à lui faire de vifs reproches ». En clair: il engueule Jésus. Alors le Maître le remet publiquement à sa place : « Passe derrière moi tentateur ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ».
Rien n’a vraiment changé : les foules rêvent d’un Messie qui change le monde, alors que Dieu envoie son Fils convertir les cœurs. Le Christ ne promet pas des lendemains qui chantent, mais une vie digne des enfants de Dieu. Chemin exigeant, s’il en est : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ».
Mr l’Abbé, je présume que votre présente homélie est indirectement une réponse au commentaire que je faisais le 7 septembre à votre chronique du 5 septembre, elle-même complémentaire à celle du 23 juillet portant le même titre (?).
D’abord votre réponse n’est que partielle. Vous vous appuyiez pour affirmer la solidité du concept ‘’Eglise’’ (catholique romaine ?) sur Mt 16,18 dont je faisais remarquer qu’il était probablement qu’ironique dans la bouche de Jésus à l’égard d’un ‘’disciple’’ un peu trop fougueux, exubérant et somme toute peu digne de confiance. Jésus n’a, à ma connaissance certes incomplète, jamais prétendu être un ou le Messie, pas plus que Dieu ou fils de celui-ci.
De plus la soi-disant ‘’engeulade’’ que sert Pierre à Jésus est enfantine. Elle ne tient aucun compte de ce que dit Jésus (Mc 8,31 ‘’Il commença à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite’’. Ni de ce que l’apôtre vient de dire lui-même : ‘’Tu es le Messie’’ (ou comme dans Mt 16,16 – version AELF : ‘’Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant !’’, ni de Mt 16,22 : ‘[…]; Dieu t’en garde, Seigneur ! Cela ne t’arrivera pas’’. Tout cela ne justifie en aucune façon la violence ni le sens de la réaction de Jésus. Il ne traite pas Jésus de ‘’tentateur’’ mais carrément de ‘’Satan’’ (même si on peut prétendre qu’il s’agit de la même chose) et son accusation ‘’Tu es pour moi une occasion de chute ; tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes’’ et les versets qui suivent, sont, dans le contexte, bien plus grave que ce que vous laissez à penser.
Dieu n’envoie pas son Fils ‘’convertir les cœurs’’ comme vous dites. ‘’Si quelqu’un veut marcher derrière moi (à ma suite), qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive’’. Le renoncement à soi n’est pas une quête collective et ne procède pas d’un changement du monde. C’est d’un autre renoncement dont il s’agit : ‘’Ce n’est jamais la personne (et ce qu’elle appelle son cœur) qui est libérée, on est libéré de la personne’’ comme le dit un autre Maître. ‘’Elle est (la personne) le résultat d’un malentendu, il n’existe rien de tel’’.
La personnalisation de Jésus par Pierre est une ineptie. Inutile de fonder une église sur un caillou pareil.
Mr Corbisier, je ne connais pas votre échange précédent mais je me permets de vous dire que le texte de Mr l’Abbé est ni plus ni moins l’homélie qu’on a pu entendre dans n’importe quelle église ce dimanche…
Sans vouloir vous vexer je pense que Mr l’Abbé est passé à autre chose.
Cher monsieur Corbisier, cher monsieur Cuvelier,
Celui que vous appelez « monsieur l’abbé » est un ami, quelqu’un qui m’a déjà secouru et que j’apprécie beaucoup. Comme vous, je ne suis pas toujours d’accord avec sa perception et je ne me prive pas pour le dire, mais de grâce, ne sous-entendez pas qu’il y aurait en lui quelque chose de malhonnête, une manière de vouloir cacher la vérité. Vous avez, comme moi, toute la liberté de dire la vôtre sur ce blog; ce blog qui est le sien et qui vous offre une liberté de parole que vous ne trouverez pas nécessairement ailleurs. Ne vous lui en êtes pas reconnaissant? Ce qui ressemble à des attaques ad hominem ne me plaisant pas du tout, j’estime qu’un peu de respect s’impose.
En lisant votre commentaire je me demande si j’écris français? Je ne me vois en rien concerné par ce que vous dite.
D’accord, E Cuvelier. Mes propos ont dépassé ma pensée. Pardonnez-moi d’avoir injustement parlé « d’attaques ad hominem
„qu‘il prenne sa croix et qu‘il me suive“….
Une fois que l‘on atteint un certain âge, ces textes des évangiles nous les connaissons presque par coeur.
Et, ce faisant, notre écoute devient peut-être trop routinière.
Ici en l‘occurrence, et je pense pour la première fois, je fronce les sourcils.
En effet, qu‘a bien pu signifier – in tempore non suspecto – ce „ qu‘il prenne sa croix et me suive“ ?
L‘Evangile de Saint Luc ayant été écrit de nombreuses années après les évènements qu‘il relate, ne devient- il pas apocryphe lorsqu‘il met dans la bouche du Christ une référence à sa crucifixion, un châtiment qui ne venait pas de la société juive de l‘époque, mais de l‘occupant romain?
L‘interprétation de ces paroles comme une annonce de la passion a quelque chose de tautologique.
Vous avez sans doute raison. « qu‘il prenne sa croix et me suive » serait une ajoute, comme beaucoup d’autres, entérinées au IVème siècle lorsque l’église (et l’Empereur Constantin qui aimait les choses « au carré ») voulant mettre le holà aux chamailleries décidât de confier à St Jérôme le tri parmi les nombreuses versions en circulation et choisir celles qui devaient devenir irrévocablement « canoniques ».
Mais je reviendrais et réfléchirais plutôt à la signification de « …qu’il renonce à lui-même… ». Qui est ce « lui-même » ? Et le verset suivant: « Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la trouvera ». Simples oppositions-inversions, d’ailleurs Mt 16, 25 à 28 les clarifient ?… Pas si sûr !
Ce lui-même à qui il faut renoncer est celui-là même qui a pu présumer que M. de Beukelaer s’adressait à lui par ce billet (ce billet étant par ailleurs la copie exacte de celui en date du 15 septembre 2012, ce qui exclue presque entièrement l’idée qu’il pouvait être une réponse à un commentaire récent).
Alors-là ! ….Vous m’avez complètement perdu ! !
Prendre sa croix et suivre Jésus – aujourd’hui – ne serait-ce pas prendre sa part de la douleur humaine, de la misère et des injustices et les « porter » spirituellement voire matériellement ?
Je laisse l’étude de cette phrase aux théologiens : à eux de la situer « dans le temps et dans l’espace » mais il me semble que, sans tomber dans le dolorisme, c’est une parole pour le temps présent !