« Comment un garçon réservé, timide, pieux, issu d’une des plus grandes familles saoudiennes a-t-il pu devenir l’ennemi numéro un des Etats-Unis et l’inspirateur d’une guerre sainte ultraviolente qui a enflammé la première décennie du nouveau millénaire ? » se demande à propos de Ben Laden, le journaliste Christophe Lamfalussy en page 3 de La Libre de ce jour. La question mérite que l’on s’y arrête. A l’instar de tous les grands élans humains, l’idéal spirituel est à double tranchant. Il en va d’ailleurs de même avec l’amour humain. Si l’être cynique passe à côté de sa vie, son voisin qui – par peur de perdre l’affection des siens – étouffe conjoint et progéniture, ne s’en sort guère mieux. Eh bien, il en va de même avec la religion. Celle-ci vise à la purification des cœurs, mais la quête de pureté spirituelle n’est authentique que si elle se conjugue avec une réelle liberté d’esprit. La tentation de la pureté imposée (puritanisme) – voire combattante (guerre sainte) – est de tout temps, mais aboutit inexorablement à une impasse. « Là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté », rappelait saint Paul (2 Corinthiens 3,17). Voilà pourquoi les authentiques martyrs – mot qui signifie « témoin » en grec – se comptent rarement parmi les combattants de Dieu et bien plus souvent auprès de leur victimes. Celui qui massacre au cri de « Dieu avec nous » ne se rend pas compte que son Divin Maître le regarde avec les yeux de celui qu’il égorge. Surtout quand l’innocence sacrifiée aime jusqu’au bout de l’absurde et murmure dans un ultime soupir : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23, 33-34).
Cher Eric,
J’ai plaisir à constater que depuis ton « soulagement » en tant que porte parole des Evêques, tu trouves davantage de temps à écrire ce qui te viens à l’esprit et au coeur, et cela me (nous ) ravit.
J’imagine que tu espères voir ta réflexion captée par l’un ou l’autre fondamentaliste ou extrémiste ? Ce que tu y dis est précisément fondamental. Combien de fois le mal le plus abject n’a-t-il pas été commis au nom d’une instance supérieure, divine ou non. Comme tu le rappele volontiers, les chrétiens n’y ont pas échappés au cours des siècles.
Les martyrs actuels ne sont plus dévorés par des lions ; ils ont le malheur de vivre sur des territoires convoités pour des raisons stratégiques ou politiques, voire économiques. Ils croisent des terroristes qui se font exploser au milieu d’hommes, de femmes et d’enfants innocents. Ils restent fidèles à leur foi et leurs traditions dans un contexte hostile à leur religion. Ils vivent dans une société cynique et peu respectueuse des droits humains. Ils stagnent dans la misère alors qu’une part importante de la population mondiale mange à sa faim. Etc, etc…
Et c’est précisément avec tous ceux là que Dieu pleure et souffre. Le chercher ailleurs, dans les nuages ou dans le Djihad, est peine perdue.