De quel côté est la nature – réaction à une chronique de François De Smet

Pour ceux qui ne le connaissent pas, François De Smet est à mon sens un des jeunes intellectuels libre-exaministes les plus prometteurs de Belgique francophone. Formé à l’ULB dans le giron de pointures comme Hervé Hasquin et mon ami Baudouin Decharneux, c’est un penseur réellement « libre » et authentiquement « exaministe ». Je ne retrouve, par exemple, chez lui nulle trace de cet anticléricalisme de salon bien belge qui consiste à défendre tout et son contraire, tant que cela contredit les cathos. Voilà pourquoi, je suis souvent d’accord avec lui. Voilà pourquoi, aussi, je vous invite à lire sa chronique du 15 janvier, diffusée sur les antennes de la radio RTBF « Première »: « La Nature n’est du côté de personne ».  (et sur son blog: www.francoisdesmet.be).

Je résume son argument: Les défenseurs du mariage traditionnel ne sont pas forcément homophobes, mais ils se réclament d’un ordre « naturel ». Or, la science nous démontre à l’envi que la nature n’a pas d’ordre éthique donné. Elle s’adapte pour survivre. Donc, c’est exactement ce que les hommes doivent faire, s’ils veulent exister sans s’enchaîner à un « pseudo-ordre » cosmique – qui n’est qu’un phantasme créé par la peur de vivre tout simplement. Je cite sa conclusion: « Voilà pourquoi le débat français est important. Derrière l’intitulé quelque peu boboïsant de « mariage pour tous » se cache le fond philosophique d’un combat visant à en finir avec ce que les traditions nous ont pris de liberté. Reprendre cette liberté n’empêche pas de garder tout ce qui, dans les traditions et les religions, inspire et élève à la spiritualité. Mais il faut rester intransigeant face à ceux qui estiment que leur doctrine, quelle qu’elle soit, est celle de l’ordre du monde et que la nature est de leur côté. Les opposants au mariage pour tous sont des gens qui veulent continuer à avoir peur ; peur de Dieu, peur du noir, peur du chaos, peur que l’histoire n’ait pas de sens déterminé. C’est pour cela qu’il n’y a que dans la tradition, le passé, l’ordre du monde qu’ils trouvent du sens à la vie. Ils trouvent dans la chaleur du dogme une nature qu’ils croient de leur côté. Ils y trouvent de quoi affronter ce qu’ils estiment sincèrement être la décadence, au lieu d’investir dans l’avenir et dans cette extraordinaire liberté qu’a l’homme devant lui. Or, si la peur est une opinion individuelle respectable, elle ne peut pas servir de guide pour des choix collectifs. En l’occurrence, il ne faut pas sous-estimer la portée universelle de ce débat, dans chaque pays où il se posera. L’enjeu du mariage et de l’adoption pour tous, ce n’est pas d’ouvrir des droits à une communauté en la nommant gay ou lesbienne ; c’est au contraire de ramener tout le monde dans le même giron humain, celui des citoyens libres et égaux ».

Ma réaction: Oui, la nature biologique n’a ni direction, ni morale à proposer. Mais ce n’est pas à un philosophe comme François De Smet que je dois rappeler que le mot « nature » a un sens bien plus large dans l’histoire de la pensée. Un sens qui ne l’oppose pas à la « culture », mais qui au contraire englobe celle-ci. Un sens qui invite l’homme à canaliser les forces aveugles de la biologie pour les transformer en projet humaniste. Prenons l’exemple du langage. Il est dans la nature biologique du singe hominidé de pousser des cris. Mais l’évolution des cordes vocales fit en sorte que ces sons devinrent des mots, des syllabes, des phrases, du chant, de la rhétorique et de la poésie. Où finit la nature? Où commence la culture? Question sans fondement: Il est dans la nature de l’homme de parler – événement tant naturel que culturel. Revenons-en donc à l’institution du mariage. Je partage pleinement l’analyse de François De Smet, qu’aucun modèle de mariage est donné par la nature biologique. Nos ancêtres des cavernes étaient plutôt polygames et sans doute que certains comportements homosexuels y étaient coutumiers. L’avenir consisterait-il donc de revenir à cet état premier – sorte de retour au bon sauvage dépeint par Jean-Jacques Rousseau? Au contraire, si d’aucuns défendent l’idéal du mariage monogame et sexué, c’est parce qu’ils pensent que cette création historique entre le mieux dans la nature de l’homme, pour fonder sa dimension familiale. Sans exclusion d’autres chemins. De tous temps, des personnes n’ont pas choisi le statut d’époux dans le mariage « classique » – à commencer par les célibataires religieux. Ils avaient une autre place dans la société. Est-il pour autant discriminatoire de défendre cette institution comme un idéal? Non. C’est un choix politique. Un choix de société. Et tout choix trace des limites. On peut contester le choix et déplacer les limites. Mais prétendre que la liberté se trouve du côté du « no limit » est un leurre. La limite a sa raison, à condition qu’elle soit une balise qui rende l’homme plus libre. Contrairement à ce que prétend François De Smet (et c’est la partie la plus faible de son argumentation), ce n’est pas la peur qui explique nos différences de point de vue. Entendez: J’aurais peur de l’univers et lui non. Voilà pourquoi, je me raccrocherais à un ordre cosmique. Ce qui nous différencie, est une vision différente de l’humain. Celle de François est représentative du libéralisme philosophique. Pour lui, l’homme est un individu placé dans le cosmos, avec pour trésor cette liberté qui le rendrait autonome… Liberté dont l’origine demeure assez mystérieuse, dans un univers où tout est conditionné. Ma vision de l’homme, est celle du personnalisme. L’humain est un être de relation. Il advient à la liberté en construisant avec son prochain des relations vraies, belles et bonnes. D’où l’idéal d’un mariage pour toujours, qui lie un homme à une femme et fonde la famille. Projet fragile et sans cesse passible d’échec, car l’échec fait partie de la vie. Projet qui n’est pas exclusif d’autres chemins. Nombre d’humains prennent d’autres voies, pour différentes raisons – et votre serviteur en fait partie. Mais projet qui a du sens. Projet qui mérite d’être défendu. Projet de liberté et non de peur.

11 réflexions sur « De quel côté est la nature – réaction à une chronique de François De Smet »

  1. François De Smet rappelle une évidence souvent voilée: la multiplicité des comportements sexuels, de personne à personne et au cours de bien des vies. J’ai expérimenté cela comme tant d’autres. Pourquoi suis-je attaché à la singularité du mariage entre un homme et une femme? D’abord, c’est peut-être hétérodoxe, pour la reconnaissance active qui y est idéalement impliquée d’un plaisir sexuel radicalement différent. Ensuite, pour la possibilité de réunir plaisir sexuel et constitution d’une famille. Je sais que deux personnes du même sexe peuvent éduquer des enfants. Il est parfaitement possible que ces enfants soient aussi heureux que d’autres. Je n’ai pas d’idée claire sur la question mais je trouve moins risqué que les enfants soient élevés par leur père et leur mère.
    Autre point important, François De Smet rappelle combien le choix de la fidélité ne va plus de soi. Pour ceux qui se risquent à la privilégier, il importe de ne pas prendre une attitude de défenseurs du bien contre le mal. Toutefois, il y a là un choix de priorité, l’engagement ou la recherche de la satisfaction parfois appelée épanouissement. Je pense que le balancier va trop dans la direction du second terme et que cela contribue à une crise de civilisation.
    Une remarque incidente pour finir. Je doute fort que les couples homosexuels soient en moyenne aussi durables que les unions hétérosexuelles. Quelles qu’en soient les raisons, il me paraît que le papillonage est plus fréquent dans le premier cas que dans le second. C’est un des motifs pour lesquels j’insiste sans cesse sur l’importance d’un soutien spirituel pour les couples de personnes du même sexe qui le désirent.

  2. Personnellement, je me situe globalement du côté d’Eric de Beukelaer. Je crois que respecter ce qui a été institué de longue date avec l’avènement de la civilisation et de l’idée de « famille » se doit de conserver ses droits pour que l’humanité ne s’aventure pas dans tous les sens. Il est évident que l’homosexualité ne date pas d’hier — elle remonte au moins à l’antiquité — mais les homosexuel n’ont jamais pour autant réclamé les même « privilèges » que les couples hétéros. Pourquoi faut-il qu’à présent les revendications deviennent aussi agressives ? Qu’on m’entende bien, je ne suis nullement contre une sorte de « contrat » entre deux hommes ou deux femmes qui souhaitent faire leur vie ensemble. Ce n’est pas à moi de juger ceux qui vivent différemment leur sexualité et leurs attachements. Mais, comme père de famille et grand-père, je trouve que nous devrions réfléchir sereinement au « message » que nous adressons aux jeunes générations, qui ne voient souvent autour d’eux que adultères et divorces, avec le grand danger d’en faire peu à peu la normalité d’une vie de couple.
    Sachant qu’il leur sera de plus en plus difficile, dans ces conditions, de croire encore à l’amour et la construction d’une famille heureuse et équilibrée. Car voilà bien la vision qu’il leur est donnée de vivre à leur tour. N’oublions pas de rappeler que la vie et le « contrat » entre deux personnes du même sexe ne ressemble pas tout à fait à l’amour d’un homme et d’une femme désireux d’accueillir des enfants. Cela étant clairement établi, il me semble que les jeunes auront pleinement le choix de vivre d’une ou de l’autre manière. On peut respecter la différence et vivre ouvertement ses choix et ses convictions. La question de l’adoption des enfants par les homos est encore une autre question dont il faudra parler aussi.

  3. Je pense sincèrement qu’il y a un apport complémentaire de la femme et de l’ homme dans l’éducation des enfants sur base de qualités différenciées. Je pense également que pour les enfants, il est intéressant d’avoir une référence du féminin et du masculin dans la construction de leur identité de femme ou d’homme. C’est une sorte de début d’ouverture à la diversité.
    Voilà pourquoi, je pense que, dans le cadre d’un désir de fonder une famille, il est peut-être mieux d’envisager un mariage/une union où « la femme quittera son père et sa mère, s’attachera à son homme et ils deviendront une seule chair »… :)

    Petit clin d’oeil :je cite Eric « Oui, la nature biologique n’a ni direction, ni morale à proposer » … OK, alors pourquoi l’Eglise a-t-elle organisé toute sa structure sur une différence avant tout biologique?
    Dans ce domaine, l’Eglise va-t-elle continuer à faire du cabotage ou va-t-elle lâcher le bord et s’aventurer en pleine mer ?

  4. « Mariage pour tous » Et si tout le monde avait raison ?
    Dans le débat récemment fort en vogue et importé de chez nos voisins outre-Quiévrain, je m’interroge si simplement on ne le situe pas sur le mauvais terrain.
    Tentons de recadrer les choses. Depuis la sécularisation de nos Etats (France comme Belgique, et bien d’autres de nos voisins), nous avons entériné la séparation de l’Eglise/religion et de l’Etat.
    La première est la gardienne et promotrice de la morale (ou des morales dans une vision pluraliste). Elle fixe arbitrairement ce qui est bien et ce qui est mal. La morale est arrêtée par des organisations, des personnes cooptées, non élues démocratiquement et non représentatives de la population. A mes yeux, la morale précède les comportements en ce qu’elle indique une route à suivre, une direction, un idéal de vie.
    Le second, l’Etat, définit le droit. Le droit ne cherche pas à distinguer le bien du mal, mais le permis de l’interdit, avec pour objectif de permettre une vie en société équilibrée pour tous les citoyens. Le droit est arrêté par des représentants élus démocratiquement et ainsi présumés représenter l’entièreté de la population. A mes yeux, le droit (au niveau du reflet des choix de société) suit l’évolution de la société. Le plus souvent en interdisant des comportements nouveaux ou devenus trop largement répandus jugés dangereux pour le fonctionnement de la société, et plus rarement autorisant des comportements interdits mais jugés plus tard inoffensifs au regard de l’objectif de la vie harmonieuse ensemble.
    Les deux ne sont pourtant pas incompatibles, même s’il est un fait acquis depuis la consécration de la sécularisation que le droit prime sur la morale. En effet, tout un chacun reste libre de suivre la morale de son choix tant qu’il n’enfreint pas la loi.
    Le débat actuel (dont soit dit en passant, je m’interroge sur son passage chez nous dés lors qu’il a été résolu en Belgique il y a une dizaine d’années sans trop de remous …et que ce changement n’a d’ailleurs pas bouleversé notre société) n’est-il pas une énième réminiscence de la remise en question de la sécularisation de l’Etat ? Les uns à vouloir imposer leur morale comme seul droit. Les autres à vouloir défendre le droit face à la morale. Vu comme ça le débat autour du « mariage pour tous » n’est pas loin de ceux qui agitent certains pays post-printemps arabe où d’aucuns cherchent à imposer la Charia comme seule source de droit avec face à eux une opposition plus ou moins forte.
    Pour conclure, je dirai : que l’on laisse les instances démocratiques faire leur boulot. Quoi qu’on en dise, elles ne le font pas trop mal. Et quoi qu’elles décident, tout un chacun aura toujours le choix d’adapter son attitude. Que ce soit l’ajout d’une couche de morale individuellement et librement choisie sur une obligation nationale imposée. Ou que ce soit celle d’une émigration sous des cieux jugés plus cléments au regard de son mode de vie.
    La Belgique est depuis longtemps une terre d’accueil pour nombre de citoyens français fâchés avec leurs élites dirigeantes. De Victor Hugo à Bernard Arnault l’histoire n’a retenu que quelques grands noms. La Belgique en a elle retenu beaucoup plus qui ont contribué à enrichir notre pays. Après la vague d’exil fiscal, une nouvelle vague se prépare-t-elle ? Qui sait ?
    Roger Dupoignet

    PS. Cet écrit n’engage que moi. Et il est acceptable que d’aucuns ne partagent pas mon avis. Chacun garde sa liberté de penser et le seul crime à mes yeux est de vouloir imposer sa vérité révélée au autres.

  5. L’argumentaire de François est plus gauchisant que libéral, et contient une faiblesse majeure : l’intérêt de l’enfant. Pourquoi les parents adoptants ne peuvent-ils pas excéder les 45-50 ans? Par discrimination? Non, tout simplement parce que l’intérêt de l’enfant prime sur celui des seniors. L’adoption monoparentale transforme l’enfant en droit, pour ne pas discriminer.
    D’un point de vue qualitatif, personne n’est en mesure d’affirmer qu’avoir deux parents moyens du même sexe est équivalent à deux parents moyens – disons ‘traditionnels’. Et les quelques exemples anecdotiques choisis pour affirmer cette équivalence n’ont pas plus de fondement scientifique que le discours du pire (mieux vaut deux parents homosexuels parfaits que deux parents hétéros et héroïnomane).

    Pour avoir une réponse statistiquement correcte, on devra donc faire le test grandeur nature sur des milliers d’individus. Tant pis pour eux, disent clairement les défenseurs de l’adoption monoparentale. Heureusement qu’on n’essaie pas les nouveaux médicaments ainsi!

    Etiqueter ce débat de mariage, c’est déjà le perdre. La vraie question est celle de l’adoption.

  6. Je ne comprends pas le raisonnement de ce Monsieur De Smet. Aucun société civilisée ne peut se fonder et se construire sur la rupture brutale et systématique entre générations, et donc sur l’abandon de ses traditions. Une tradition n’a pas de date de rétention, elle existe même si on veut la nier. Ce fut une telle hérésie qui a conduit aux horreurs de la Révolution culturelle chinoise, où les parents et les enseignants étaient rééduqués ou dénoncés par leurs propre enfants, où les savoirs et les traditions étaient jetés à la poubelle, et remplacés par le seul savoir de Mao écrit dans un petit livre rouge. Et cette hérésie fut aussi copiée en mai 68 par les émules occidentaux des petits gardes rouges.

    Si ce Monsieur rêve de rupture, il délivre quel message aux enfants ? Ne respectez plus vos parents et ancêtres, au contraire, raillez-les, détruisez leurs valeurs et leur monde, créez votre propre monde, de toutes pièces, à votre mesure et à votre mode. Comment est-il possible de proposer aux enfants un tel modèle de société ou plutôt de « non société », où le respect dû à ceux qui nous ont précédés est mis à la poubelle ? Comment peut-on faire croire aux enfants qu’ils seraient forcément plus intelligents et plus sages que la longue lignée de leurs ancêtres ?

    Car enfin, nos ancêtres n’avaient pas la « peur de vivre », où va-t-il cherche cela ? Ce sont nos contemporains qui ont cette « peur de vivre », suite à de telles hérésies propagées. C’est bien aujourd’hui que les gens désespèrent de leur sort, que les gens dépriment, que les gens se bourrent de médicaments ou de drogues, que les gens se suicident ou se font euthanasier, que les gens ne font plus d’enfants. Bref, c’est notre société qui a peur et qui est sans avenir, depuis le moment où l’on a dit aux gens de mépriser leurs ancêtres. Or, ils sentent bien que mépriser ses ancêtres, c’est finalement se mépriser soi-même, puisque c’est de nos ancêtres que nous avons tout reçu.

  7. Si je vous suis bien, Monsieur l’Abbé, votre argumentation prend (habilement) le contrepied de celle de François De Smet. Lui dénonçait la thèse qui fonde le mariage et la famille traditionnelle sur un ordre naturel, tandis que vous semblez abonder (dans un premier temps) en son sens en estimant que ces mêmes valeurs trouvent leur fondement dans la capacité de l’homme « à canaliser les forces aveugles de la biologie pour les transformer en projet humaniste » (sous-entendu de nature religieuse).

    Si l’on exclut vos conclusions finales respectives, vos positions sont en réalité fort proches puisque, tous deux, vous admettez que le mariage n’a pas un fondement naturel mais un fondement culturel, civilisationnel et religieux.

    Ce fondement « non naturel » étant par définition conjoncturel et susceptible d’évolution (fut-ce sur plusieurs siècles ou millénaires), François De Smet nous invite à en faire l’examen, à rejeter ou à modifier ce qui avec le temps aurait perdu de sa pertinence ou de sa raison d’être, et à conserver « tout ce qui, dans les traditions et les religions, inspire et élève à la spiritualité ».

    Déplacer les limites et les balises ne signifie pas supprimer toutes limites ou abolir tous repères. L’idée ne me semble pas non plus être une rupture ou un rejet de principe, ni encore moins un mépris du passé ou de nos aînés, mais de se libérer de ce qui n’a plus lieu d’être et de faire vraiment sien, de se réapproprier par un choix véritable ce qui nous paraît toujours faire sens. J’imagine, M. l’Abbé, que vous devriez encore être d’accord jusqu’à ce point.

    Là où vous commencez à diverger, c’est qu’en application de ce principe, François De Smet considère (sans réellement l’argumenter dans son billet) que le mariage « en tant qu’union d’un homme et d’une femme fondant une famille » est un concept dépassé qui doit être repensé et élargi, tandis que vous estimez que ce projet continue d’avoir du sens et mérite toujours d’être conservé comme tel (tout en n’argumentant pas plus ce point de vue dans votre réponse).

    Si je ne pars pas du postulat que c’est la peur qui vous fait choisir le maintien en l’état, je serais néanmoins intéressé de vous voir développer votre argumentation sur ce point. Le fait que l’homme soit un être de relation (ce dont je suis également convaincu) me semble en effet plaider en faveur d’une union durable entre personnes qui s’aiment, mais je ne vois pas trop bien en quoi il peut en être déduit qu’il doit forcément s’agir d’un homme et d’une femme et que la procréation doit être la finalité de cette union.

    Dans votre autre billet, « mariage pour tous – deux réflexions », vous distinguez le mariage civil du mariage religieux, ce qui me semble en effet une piste intéressante. Ce qui est en débat actuellement en France, c’est le mariage civil. Or, les arguments pour une évolution de la définition du mariage civil me semblent pouvoir être accueillis différemment de ceux pour le mariage religieux. Qu’en pensez-vous ?

  8. Si je vous suis bien, Monsieur l’Abbé, votre argumentation prend (habilement) le contrepied de celle de François De Smet. Lui dénonçait la thèse qui fonde le mariage et la famille traditionnelle sur un ordre naturel, tandis que vous semblez abonder en son sens en estimant que ces mêmes valeurs trouvent leur fondement dans la capacité de l’homme « à canaliser les forces aveugles de la biologie pour les transformer en projet humaniste » (sous-entendu de nature religieuse).

    Si l’on exclut vos conclusions finales respectives, vos positions sont en réalité fort proches puisque, tous deux, vous admettez que le mariage n’a pas un fondement naturel mais un fondement culturel, civilisationnel et religieux.

    Ce fondement « non naturel » étant par définition conjoncturel et susceptible d’évolution, François De Smet nous invite à en faire l’examen, à rejeter ou à modifier ce qui avec le temps aurait perdu de sa pertinence ou de sa raison d’être, et à conserver « tout ce qui, dans les traditions et les religions, inspire et élève à la spiritualité ».

    Déplacer les limites et les balises ne signifie pas supprimer toutes limites ou abolir tous repères. L’idée ne me semble pas non plus être une rupture ou un rejet de principe, ni encore moins un mépris du passé ou de nos aînés, mais de se libérer de ce qui n’a plus lieu d’être et de faire vraiment sien, de se réapproprier par un choix véritable ce qui nous paraît toujours faire sens. J’imagine, M. l’Abbé, que vous devriez encore être d’accord jusqu’à ce point.

    Là où vous commencez à diverger, c’est qu’en application de ce principe, François De Smet considère (sans réellement l’argumenter dans son billet) que le mariage « en tant qu’union d’un homme et d’une femme fondant une famille » est un concept dépassé qui doit être repensé et élargi, tandis que vous estimez que ce projet continue d’avoir du sens et mérite toujours d’être conservé comme tel (tout en argumentant pas plus ce point de vue dans votre réponse).

    Si je ne pars pas du postulat que c’est la peur qui vous fait choisir le maintien en l’état, je serais néanmoins intéressé de vous voir développer votre argumentation sur ce point. Le fait que l’homme soit un être de relation (ce dont je suis également convaincu) me semble en effet plaider en faveur d’une union durable entre personnes qui s’aiment, mais je ne vois pas trop bien en quoi il peut en être déduit qu’il doit forcément s’agir d’un homme et d’une femme et que la procréation doit être la finalité de cette union.

    Dans votre autre billet, « mariage pour tous – deux réflexions », vous distinguez le mariage civil du mariage religieux, ce qui me semble en effet une piste intéressante. Ce qui est en débat actuellement en France, c’est le mariage civil. Or, les arguments pour une évolution de la définition du mariage civil me semblent pouvoir être accueillis différemment de ceux pour le mariage religieux. Qu’en pensez-vous ?

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