Esprit de Noël, es-tu là?

J’ai de la sympathie pour Roland Duchatelet. Tout d’abord parce qu’il est né au nord d’Anvers, mais avec un solide ancrage liégeois – un peu comme moi. Ensuite, parce qu’il est le propriétaire du plus formidable club de football de l’univers – ceci dit, sans la moindre ombre de chauvinisme, bien entendu. Enfin, et surtout, parce qu’il s’agit d’un entrepreneur dynamique, qui n’est pas hostile à sauvegarder une protection sociale pour les personnes en situation de précarité (Il se dit libéral de gauche).

Cependant, je ne puis le suivre quand il déclare, vendredi dernier, lors d’une interview au quotidien « La Libre » (p.5) (avant de poursuivre en affirmant que – si nécessaire – il s’exilerait fiscalement en Suisse, comme Gérard Depardieu le fit en Belgique.): « Un système développé sur une base non réaliste ne survit pas, car l’homme n’est pas naturellement altruiste et solidaire. Il suffit donc de savoir que les gens sont égocentriques pour éviter les erreurs. »  Roland Duchatelet n’est pas la première personne riche que j’entends affirmer cela. Un peu comme si l’argent troublait le regard en faisant projeter sur toute l’humanité, la cupidité qui préside à la recherche obsessionnelle de biens. Je comprends donc mieux la lamentation du Christ: « Pauvre de vous les riches! » (Luc 6, 24)

Oui, Monsieur Duchatelet, l’homme est un être spirituellement blessé et donc faible face à la tentation. Et la tentation de ne « vivre que de pain » (Matthieu 4, 4) est puissante – surtout dans un monde matérialiste. Mais non, Monsieur Duchatelet, l’homme ne se réduit pas à cela. Lors de l’horrible massacre de Newtown ce WE, des institutrices ont fait de leur corps un rempart pour tenter de sauver la vie de leurs élèves. Comment peut-on entendre cela et affirmer que l’homme n’est pas capable d’altruisme et de solidarité?

Ce dimanche, j’étais au centre de Liège. Les commerces étant ouverts, il y avait donc autour de moi pas mal de comportements matérialistes. Mais j’ai également assisté à de beaux concerts de Noël. L’un d’entre eux, était mené par une chorale de personnes non-voyantes. J’ai également vu des jeunes de la Communauté de l’Emmanuel et des Béatitudes faire de l’évangélisation dans la cathédrale et au pied de la statue de la Vierge de Delcour. C’était beau et fort. Alors non – je ne pense pas que les « gens sont égocentriques ». Mais je constate qu’ils le deviennent quand on anesthésie la part spirituelle qui sommeille en eux. En ce temps de Noël, puisse cette part se réveiller dans de nombreux cœurs croyants, agnostiques ou athées. « Paix aux hommes de bonne volonté » (Luc 2,14)

3 réflexions sur « Esprit de Noël, es-tu là? »

  1. Merci ! Merci Père Eric pour cette belle analyse et … le rappel d’une réalité qui existe ! Mais … mais dont on ne parle pas, et qui faute de petites ou grandes, mais nombreuses « agressions diverses » qui parcourent nos journées, notre regard, enfin mon regard, n’est plus attentif aux belles choses qui parsèment nos journées.
    Je vis un moment difficile et je vais faire de mon mieux pour bien me souvenir de votre analyse et cheminer vers Noël, attentive à vivre pleinement cette part spirituelle, attentive à ne plus la laisser sommeiller, mais la vivre pleinement. Cela ne résoudra pas mes problèmes, mais je sais, j’en suis certaine, que cela en changera « le poids ».
    Marie Laure

  2. Mon cher Eric,

    Dans ce cas-ci, je ne peux pas totalement te suivre… et pourtant, je ne suis pas vraiment riche (et certainement pas comme Roland Duchatelet )

    Des hommes et femmes ordinaires peuvent se montrer extraordinaire dans des circonstances exceptionnelles. Tu évoques la tuerie aux USA. Je pense à Schindler, Sophie Scholl, Maximilien Kolbe et tant d’autres.

    Nous espérons tous pouvoir être capable d’un pareil héroïsme dans de telles circonstances. Mais seules ces situations exceptionnelles révéleront notre capacité à donner la vie pour notre prochain.

    Mais il y a une différence entre des êtres humains qui sont face au train-train quotidien et qui s’enferment et s’endorment dans leurs égoïsmes et ces mêmes êtres humains qui tout d’un coup font face à une situation exceptionelle et qui peuvent faire preuve à ce moment-là d’une bravoure remarquable.

    Pour un patron de PME que je suis, il est par moment tellement difficile de galvaniser les forces d’une équipe et de les unir pour réussir un projet, face aux individualités que chacun peut avoir. Par moment, le « vilain patron » se sent bien seul dans ce contexte !

    Malheureusement, l’ouvrier, l’employé, l’homme de la rue oublie bien trop vite que le réel risque pris par des patrons* pour créer des activités économiques fait vivre de très nombreuses familles. (*Attention, par patron, j’entends les « vrais » patrons, ceux qui ont pris des risques pour créer une activité, pas les « employés » de multinationales affublés du titre de CEO et qui jouissent de parachutes dorés en cas d’échec.)

    Il est par moment plus facile de fustiger le riche que de regarder la poutre dans son œil ;-). J’aime à croire que Monsieur Duchatelet s’est exprimé ayant été frustré et blessé par bons nombres d’expériences humaines négatives au sein de son entreprise. Au sein d’une entreprise, entourés de syndicats suspicieux à l’égard du patron et qui par moment peuvent être égocentriques, il peut être difficile pour un patron tel que Monsieur Duchatelet de voir l’altruisme de l’homme.

    Pour ma part, l’homme et la femme ne sont ni fondamentalement égoïstes, ni fondamentalement altruistes. Ils ont un choix à faire, et ce choix est à renouveler tous les jours que Dieu fait.

    Bien affectueusement.

    Ton petit frère.

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