Tolkien, le théologien

En ce jour du 50 e anniversaire du décès de John RR Tolkien (1892-1973),  j’aimerais partager ce témoignage: j’ai lu la trilogie des « compagnons de l’anneau » bien avant la sortie des films. Je les ai dévorés et j’étais fasciné par la dimension théologique de l’ouvrage. Je pensais qu’il s’agissait d’une projection de ma part d’y voir un message chrétien, avant de me renseigner et d’apprendre qu’il en était bien ainsi. Tolkien était un catholique fervent, qui ne fit pas mystère de la visée religieuse de son roman.
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Selon moi, « les compagnons de l’anneau » est une des oeuvres théologiques les plus importantes du XXe siècle :
L’Anneau du pouvoir absolu a été retrouvé. Fabriqué quelques millénaires plus tôt par Sauron, maître des ténèbres, il lui assura la domination sur toute créature, jusqu’au jour où le roi Isildur réussit à le lui arracher du doigt. Mais les hommes sont faibles et le roi succomba aux charmes de l’Anneau. Au lieu de le détruire dans les gorges de la montagne de feu, il voulut le garder pour lui et périt dans une embuscade tendue par son entourage, qui convoitait un tel trésor. Lors de l’attaque, l’Anneau tomba dans les eaux profondes d’un fleuve et disparut. Il se fit oublier. Le monde en perdit la mémoire et – privé de tout pouvoir – le maître des ténèbres, lui-même, devint une légende. 
Un beau jour pourtant, l’Anneau fut retrouvé par hasard et sa présence maléfique réveilla l’œil noir de Sauron. Fort heureusement, le bijou était tombé entre les mains d’une créature naturellement dépourvue d’ambition, un hobbit, sorte de demi-homme aux mœurs  agraires.
C’est ainsi que le jeune hobbit Frodo se retrouva porteur de l’anneau, escorté pour sa sécurité par l’élite des guerriers – elfes, sorciers, hommes et nains – ceux qu’on appelle « les compagnons de l’anneau ». Au sein de ce groupe, l’orage gronde en permanence, car l’Anneau attise les convoitises. La tentation est grande pour ces hommes valeureux de s’emparer de cette arme de domination, afin de vaincre Sauron une fois pour toute.
La sagesse du sorcier Gandalf démasque un tel piège. Si une créature de lumière devenait à son tour Seigneur de l’Anneau, ce serait une calamité plus grande encore que la victoire finale de Sauron. En effet, cela signifierait que le Bien s’est laissé corrompre par l’Anneau du pouvoir. Un Seigneur de lumière serait un tyran bien plus à craindre que le maître des ténèbres, car il imposerait la vertu par la force. Avec lui, le Bien deviendrait esclave du pouvoir et sous le masque de la Vertu, c’est l’Anneau qui se soumettrait jusqu’aux forces de lumières.
Non – clame Gandalf – l’Anneau doit être détruit. De par l’humilité de sa condition naturelle et grâce à la pureté de ses intentions, seul Frodo le Hobbit peut en avoir la garde, sans être totalement dévoré par son pouvoir de séduction. Il devra se rendre aux gorges de la montagne de feu, situées au cœur même du royaume de Sauron, afin d’y détruire l’Anneau. Frodo accepte cette folie, bien conscient que la magie noire du bijou maudit est néanmoins en train de le corrompre et que, en acceptant sa mission, il marche vers le sacrifice…    
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Par son conte fantastique, Tolkien dévoile le cœur de l’épopée chrétienne : l’Anneau du pouvoir ne peut être que détruit. Aucun saint et pas même Dieu ne peuvent s’en emparer pour guérir notre monde du pouvoir des ténèbres. Si le Bien se mettait à combattre le Mal avec les armes de ce dernier, il se renierait. Même victorieux, il aurait tout perdu, car la victoire du Bien ne serait que le masque cachant le triomphe définitif du Mal.
Oui, l’Anneau du pouvoir ne peut être que détruit. Un dieu qui combattrait le Mal avec les armes du pouvoir, tomberait dans un piège diabolique. Il emporterait évidemment la victoire (qui donc peut résister à Dieu ?), mais le ferait en s’inféodant à la logique perverse de l’Adversaire. Ecrasé, l’esprit d’injustice et de mensonge serait définitivement vainqueur, car il aurait parasité le cœur même de Celui qui seul est Saint. Ce serait là une sorte d’anti-rédemption, œuvre d’un antéchrist.
Mais non ! Dieu est Dieu. L’épopée chrétienne révèle un Dieu qui prend le Mal à son propre piège. Le Dieu des chrétiens assume l’humble condition charnelle, car seulement ainsi peut-il détruire l’Anneau du pouvoir. Il marche les mains nues à la rencontre des Ténèbres, afin que celles-ci se saisissent de lui et l’étouffent de leur noire pesanteur. Il se laisse anéantir par elles – mais non pas corrompre – et plante de la sorte l’Amour au cœur du Mal, la Lumière au cœur des Ténèbres.

8 réflexions sur « Tolkien, le théologien »

  1. Sa manière d’être catho : on voudrait être comme lui . Pour moi, il est trop tard évidemment. Mais qui sait ? Le temps de Dieu n’est pas notre temps ;-)

    1. chère Muriel,

      Je pense souvent à cette phrase : « Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père » et peut-être que j’en fais une interprétation erronée mais cela me dit qu’il y a différentes façons de vivre sa Foi, avec sa sensibilité personnelle, et que ce qui compte surtout c’est la sincérité !

      cordialement …

  2. chère Marie-Madeleine,
    Vous avez bien raison et nous sommes tous uniques . Dieu nous aime infiniment tels que nous sommes, chacun sur son chemin unique et nous aussi devons aimer autrui tel qu’il est .
    Mais je me suis laissée aller à mon admiration pour John RR Tolkien, personne très attachante. ( voir sa biographie ( 6 p ! ) sur wikipedia fr.
    ……. » econome et généreux  » …..  » écrivait pour son plaisir « ….Il écrivait aussi pour ses 4 enfants et semble avoir été un bon père et un époux romantique malgré le grand chagrin d’avoir perdu sa mère à l’ âge de 12 ans.
    Holly Ordway , dans une biographie, a exploré sa foi catholique.
    Elle y parle , je cite , de « ses convictions fermes mais avec de larges sympathies « .
     » Nous qui sommes tous dans le même le même bateau ne devons pas usurper la place du Juge  » écrivait-il.
    Ces  » convictions fermes  » se sont exprimées dans une vie de prière, disciplinée, certes, mais harmonieuse.
    (( tandis que moi … ) ).
    Enfin, il ne se laissa pas griser par  » l’encens  » de ses succès littéraires .

    Je réalise, chère Marie-Madeleine, que j’exprime ici ma sympathie pour Tolkien de manière assez brouillonne.
    Brouillonne comme ma vie de prière et ……  » mon cher passé « .
    Mais j’ai confiance. Dans sa grande miséricorde , Dieu y décèlera bien une harmonie secrète .

    Très cordialement aussi !

    1. « Dieu nous aime infiniment tels que nous sommes », écrivez-vous avec beaucoup de justesse, Muriel. Jamais il ne confond le pécheur (qu’Il aime) avec le péché (que bien sûr il n’aime pas et qu’Il condamne). Au niveau humain, le piège n’est-il pas justement de confondre les deux? « On n’aime jamais personne, on n’aime que des qualités », écrivait Pascal. C’est hélas une vérité qui risque de nous priver de voir en l’autre un être qui est d’abord aimé de Dieu, tel qu’il est.

  3. «  »Nous qui sommes tous dans le même le même bateau ne devons pas usurper la place du Juge » » Voilà une phrase qui m’interpelle. Merci pour cette citation (je ne connais pas du tout cet auteur)

    Nous avons tous parfois l’impression d’avoir du mal à mettre de l’ordre dans nos « brouillons personnels »; c’est peut-être que, par moments, la passion de la Foi s’accommode mal de l’esprit cartésien ?

    Très bonne soirée à vous, chère Muriel !

    1. Très bien exprimé ( à retenir)  » peut être que, par moments, la passion dela Foi s’accomode mal de l’ esprit cartésien ?  » . Merci ! ( si un jour j’ai besoin d’un avocat ;-) )

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