Il y a des changements qui se font à la surface des choses et d’autres dans le secret des profondeurs. C’est cette deuxième alternative qui semble advenir au Vatican. Pour l’observateur externe que je suis, les tensions entre évêques semblent trop importantes pour que le présent synode puisse aboutir à une évolution majeure concernant la discipline catholique sur la famille. Mais paradoxalement, ce manque de décision est peut-être justement un fruit de l’Esprit. L’Eglise à son sommet n’est plus perçue comme une assemblée de prélats qui chuchotent de timides nuances. Elle apparaît désormais comme un lieu de réflexion et de débat où plus personne ne cherche à masquer les désaccords. En ce compris des désaccords avec le Pape. Et ici, nous ne parlons pas de quelques évêques francs-tireurs, mais de puissants cardinaux de la stricte observance. Ceux-ci publient des livres, donnent des interviews, encouragent des suppliques pour contredire les évolutions que d’autres prélats suggèrent.
Cela fait désordre ? Au contraire, il s’agit d’un signe de santé et de vigueur. L’Eglise renoue ce faisant, avec l’antique tradition de la controverse théologique, qui a fleuri en son sein jusqu’à la révolution française. Le Catholicisme n’est pas un bloc monolithique. Il est une famille. Et dans une famille, des options diverses peuvent coexister autour d’un unique credo. Le peuple de Dieu en sortira plus adulte et responsabilisé.
A cet égard, le ‘coming out’ fracassant du secrétaire-adjoint de la Commission Théologique internationale – rien de moins – la veille de l’ouverture du synode, n’est pas anodin. Pas tant de par l’orientation sexuelle du prélat : S’il s’était présenté au bras de Miss Italie, le Vatican aurait réagi de la même façon. (Chacun est libre de plaider pour un changement de la discipline du célibat ecclésiastique obligatoire, mais personne n’ignore que le célibat est actuellement en vigueur dans l’Eglise catholique latine.) Non – ce qui me frappe surtout dans cette histoire, c’est que l’intéressé est un prélat… polonais. La nation de saint Jean-Paul II était devenue, avec la chute du mur de Berlin, un des rocs du catholicisme militant. Aujourd’hui, la sainte Pologne ressent – à son tour – le puissant vent de la sécularisation et de la contestation ecclésiale. Et cette tornade s’abat jusqu’au cœur du Vatican. Comme ce fut le cas en Irlande, Autriche, ou Flandre, les catholiques polonais entament cette laborieuse mutation que connaissent tous les croyants en pays sécularisés : Passer du statut d’Eglise populaire à celui d’Eglise prophétique. Renoncer à être un havre de paix, pour devenir un phare dans la tempête.
Ceci m’amène à la question de fond du synode sur la famille : Selon moi, l’enjeu n’est pas la doctrine. Celle-ci appartient au Christ. Le défi est de trouver un langage et une approche pastorale qui soient pertinents pour annoncer l’Evangile à nos contemporains. Et la réalité des familles est que la parabole de la brebis perdue, s’est aujourd’hui inversée. Il ne s’agit plus de laisser les 99 brebis fidèles pour aller chercher celle qui s’est perdue. Il s’agit plutôt de ne pas se focaliser sur l’unique brebis fidèle – sans pour autant la décourager – pour partir à la recherche des 99 autres, qui se sont échappées. La plupart d’entre elles ne rejettent pas l’Evangile, mais la vie les a conduites à vivre en-dehors du pré-carré proposé par l’Eglise. Tels sont les faits – que ce constat plaise ou non. Reste à savoir ce qu’on en fait. « Un pessimiste voit une difficulté dans chaque opportunité. Un optimiste voir une opportunité dans chaque difficulté » (Churchill).
Si l’Eglise s’évertuait à appliquer le principe de Jésus : » tu ne jugeras pas », elle arrêterait peut-être de décourager la « brebis fidèle » et pourrait accueillir la « brebis perdue ». Le rôle de l’Eglise, c’est de transmettre le message d’amour du Christ à tous. Si elle en rejette certains, elle a raté sa mission. Ne pas juger ne signifie pas accepter n’importe quoi, l’Eglise doit continuer à diffuser un message empreint de valeurs liées au respect de la vie et des autres, mais si une personne, pour une raison qui lui est propre à enfreint ce principe, elle ne doit pas être rejetée de la communauté chrétienne, par le refus de sacrements par exemple ou l’interdiction de communier. Ce n’est pas aux humains à décider, mais à Dieu.
Ô orgueil suprême, que de Dieu, faire son droit,
Le moderne n’a d’élan que dans la vindicte,
Mais les cieux ne se commandent ni ne s’édictent,
Nul n’entre dans la Gloire sans passer par la Croix.
Bonjour Madame,
Le génie du christianisme (ou du catholicisme) est d’avoir opéré la distinction entre l’homme et ses actes, et je crois sincèrement que si l’Eglise se doit de juger les derniers, elle se doit également d’aimer tous ses enfants.
Saint Augustin dissertait d’ailleurs sur l’importance ou plus précisément la justice d’être une Eglise de « bons » et de « méchants », par opposition à un groupe de « Purs » ou de « Parfaits » comme ont voulu le dessiner diverses sectes dans le passé (donatistes, cathares), et comme d’autres le font aujourd’hui.
Par contre, il me semble fortement déplacé de réduire l’hostie à un droit, car pour tout catholique il s’agit de plus que cela, et la Communion à Dieu (j’utilise la majuscule pour éviter l’interprétation « faire la file et manger la pastille ») ne saurait s’exiger.
Cf. je ne communie pas moi-même.
Cordialement.
Merci de cet article qui situe bien le problème Il me réconforte car ce que je lis sur le synode ces derniers jours me décourage beaucoup , les fanatiques et les docteurs de la loi sont entrain de dominer le Synode ,bientôt on dira tout ça pour si peu
Tant qu’à chercher ses comparaisons dans l’élevage ovin, voici un autre petit texte qui, de façon humoristique donne aussi à penser: » Le Royaume des cieux est semblable à un berger qui, ayant cent moutons et en ayant perdu quatre-vingt-dix-neuf, reproche au dernier mouton son manque d’initiative, le chasse, ferme la bergerie, et s’en va au bistrot pour discuter d’élevage des moutons « .
Voilà un texte plein de bon sens et de mesure.
«Le défi est de trouver un langage et une approche pastorale qui soient pertinents pour annoncer l’Evangile à nos contemporains.»
Le Christ a trouvé ce langage et cette approche. Relisons-le !
«Un pessimiste voit une difficulté dans chaque opportunité. Un optimiste voir une opportunité dans chaque difficulté.»
À graver en lettre d’or sur la cheminée et à méditer.
Pour continuer à rire un peu avec Pierre Libert il parait qu’un ecclesiastique à qui on demandait son avis sur le mariage des prêtres catholiques aurait répondu : oh, vous savez du moment qu’on
p oh vous savez du moment qu’on ne m’y oblige pas!
« Mais la vie les a conduites à vivre en dehors du pré-carré proposé par l’Eglise ».
Ah vraiment?
Je pense pour ma part que, Vatican 2 aidant, l’Eglise n’a plus eu le courage de proposer un pré-carré suffisamment carré justement. L’anthropocentrisme est tellement plus facile que le théocentrisme.
Ah… tout est si simple, alors. Cela me fait penser à ces musulmans qui partent chez Daech, car là se vit le « vrai et pur » islam de Dieu; ou encore à ses progressistes qui disent que tout va mal, parce que le Vatican ne bouge pas assez vite. L’explication par le bouc émissaire est simple – à mon goût, beaucoup trop simple.
Ah, parce-que dire comme vous le faites que c’est « LA VIE » qui les a conduites en dehors du pré-carré etc…, ça c’est pas simple?
Ce qui vous a sans doute vexé c’est mon allusion à Vatican 2 et qui m’a valu vos comparaisons avec Daech, les progressistes, le bouc-émissaire et toussa toussa. Quel rapport avec mon argument consistant à remettre en question la solidité du message que l’Eglise a proposé depuis disons…., je vais être prudent cette fois, une quarantaine d’années.
Pas mal, comme approche. Mais sans vouloir m’aventurer trop sur ce terrain, la mécréante que je suis n’ayant pas à interférer dans ces discussions de doctrine catholique, du message du christ, de pré-carré, de brebis catholiques, galeuses ou pas, je suis restée sur ma faim. Peut mieux faire, je pense. Mais je sens comme un frémissement salutaire pour reconnaître des voix autres que celles de doctrinaires dogmatiques.
Courage!
A la suite de mes commentaires précédents, je ne résiste pas à vous communiquer ce que je trouve aujourd’hui 15 octobre sur Belgicatho qui publie un billet de deux « grosses pointures » théologiens américains, intitulé « rappeler l’enseignement de Humane Vitae et de Veritatis Splendor ».
Je lis dans la conclusion de leur billet ceci: « Le manque d’expression de leur ferme soutien à l’enseignement d’Humanæ Vitæ, de la part de théologiens et même d’évêques et de prêtres, a conduit à des décennies de faible rattachement à l’enseignement de l’Église, non seulement dans le domaine sexuel, mais de manière générale. » J’ai même été vérifier la version originale, la voici: The failure of theologians and even bishops and priests to give a robust endorsement to the teaching of Humanae Vitae has led to decades of weak allegiance to Church teaching, not only in sexual matters but across the board.
Dans mes commentaires précédents et avec mes pauvres mots, je ne voulais rien dire d’autre. J’ose espérer que ce que disent les Professeurs David S Crawford et Stephan Kampowski ne soit pas à votre goût trop « simple, beaucoup trop simple. »
Je crois que Vatican 2 a ouvert les portes et fenêtres et qu’un vent rafraîchissant est entré et a surpris bien du monde… Certaines certitudes se sont envolées et c’est bien !