Pas vu, pas pris – chronique « Etat d’âme », publiée dans l’hebdo « Dimanche » p.3

« Crise économique… Crise économique ! » Que ce soit en Belgique, à l’occasion des présidentielles françaises, ou ailleurs en Europe, l’expression est sur toutes les lèvres. Et cela depuis… 1973, date du premier choc pétrolier. Avec raison. Comment relancer l’activité économique sans creuser le déficit public, tel est le casse-tête de tous nos dirigeants – de droite comme de gauche. Il existe cependant une autre crise – morale – celle-là. Celle de l’enrichissement devenu pour beaucoup le seul et unique critère de réussite sociale. Vous avez amassé une fortune en jouant à l’économie-casino ? Vous avez bâti un empire médiatique en diffusant des informations qui violent la vie privée ? Vous avez exercé le pouvoir politique en favorisant vos petits copains ? « Pas vu, pas pris. Bravo, si vous  avez réussi ! » Evidemment, celui qui pousse le bouchon un peu trop loin et se fait attraper, aura 150 ans de prison ferme – tel Bernard Madoff.  Mais pour le reste, aucun mea culpa. La crise des subprimes de 2008 ? Un inévitable emballement du système. Un groupe de presse tabloïd anglo-saxon met des personnalités sur écoute ? Personne ne savait. Scandale de corruption dans le monde politique? « C’est pas moi, M’sieur ! » Pas vu, pas pris.

Qu’on me comprenne bien. Je ne demande pas la désignation de coupables et que roulent des têtes. J’en appelle à une société dont les responsables et citoyens valorisent le travail bien fait, plutôt que l’argent facile.  Une société qui met en valeur – à défaut de pouvoir davantage les payer – ces enseignants qui se veulent passeurs de savoir, ces entrepreneurs qui créent des emplois, ces artisans et ouvriers fiers de leur labeur, ces infirmières qui restent humaines malgré la fatigue, ces travailleurs sociaux qui y croient encore, ces policiers qui ne sont pas devenus cyniques, ces fonctionnaires qui aiment rendre service,… Bref, j’en appelle à ce que le « pas vu, pas pris », soit remplacé par un : « vous les anonymes – vous êtes vus – et vous êtes pris dans cette grande chaine de solidarité qui se nomme… la Civilisation ».

8 réflexions sur « Pas vu, pas pris – chronique « Etat d’âme », publiée dans l’hebdo « Dimanche » p.3 »

  1. Ces aînés qui ont mal à leur Eglise

    Mis en ligne le 08/05/2012

    « Ils appartiennent à la génération de mes parents et ont « mal à leur Eglise ». Certains parlent avec amertume de la hiérarchie ecclésiale qu’ils accusent d’avoir trahi l’esprit de Vatican II. D’autres reprochent à ce même Concile d’avoir torpillé la tradition catholique. Tous ont grandi dans un monde où l’Eglise trônait au milieu des villages. Le catholicisme les nourrissait à la maison, en classe, au patro et en paroisse.

    Quand éclata mai 68 et sa sécularisation galopante, leur univers se fissura. »

    Oui, mon père

    Mai 68, pieuse explication, il faut trouver une cause extérieure à l’Eglise réformée et non une cause liée à la réforme intouchable, vénérable.

     » Plusieurs « prophètes de l’heure » leur promirent cependant que Vatican II allait remédier à cela en faisant renaître une Eglise plus pure et plus pauvre, plus vraie, plus authentique, plus Mais si un concile peut remettre quelques pendules à l’heure, il est impuissant à stopper une révolution sociale. Et de fait, il y eut un feu d’artifice d’espoirs fous et puis le quotidien catholique reprit son cours, celui de la grise marche dans le brouillard avec une vague lueur à l’horizon qu’on appelle l’Espérance. »

    Oui, mon père,

    La « nouvelle Pentecôte »,  » l’immense renouveau » , nous avons grandi dans cette logomachie pieuse. Il faut ajouter que les fruits de la réforme étaient à venir et que nous n’avions rien vu…La propagande a tourné un peu à vide très rapidement dans les milieux qui lisaient et n’étaient pas niais et dès le départ étaient très critiques sur ce qui se passait, une véritable déroute par voie d’autorité.

    « Dans un monde où se construisaient des supermarchés remplis de biens à consommer tout de suite et à prix cassés, beaucoup de leurs compagnons d’âge se sont dits que l’Eglise faisait payer bien cher le peu de consolation qu’elle offrait. Que tout compte fait, son offre de ciel n’était plus vraiment compétitive. »

    Une explication commode et partiellement vraie. Avantage, on n’accuse personne. le matérialisme vulgaire cause première de la catastrophe.

    « Cette lente et inexorable hémorragie de fidèles signifiait le naufrage de leur univers, mais ils se convinrent du contraire avec un volontarisme d’acier – héritage de l’éducation reçue chez les bons pères. Pour les uns, il fallait résolument pousser sur la pédale de gaz. Pour les autres, la direction était arrière toute. Puis il y eut le divorce et le remariage civil de leur deuxième fille et le refus du cadet d’encore faire baptiser ses enfants. A cela s’ajoutèrent un nouveau curé maladroit et le scandale de la pédophilie. Telle une bulle d’air qui éclate à la surface de l’eau après avoir été trop longtemps prisonnière des profondeurs, leur désarroi parut enfin au grand jour sous la couleur d’une noire colère. Depuis, ils pointent avec rage vers « ceux » qui sont responsables de ce vaste gâchis. Pour les premiers : le Vatican, ses prélats et ses pompes. Pour les seconds : les chrétiens progressistes qui sabordent la barque de Pierre. »

    Oui, mon père vous voilà cherchant une voie moyenne entre la réaction et la révolution.
    Le réformisme modéré qui vous fait porte-parole acceptable pour les évêques. on cherche un consensus diplomatique et démocratique où tout le monde est compris personne n’est tancé.

    « Cela s’appelle se chercher un bouc-émissaire. Un mécanisme de défense psychologique fort couru. Je suis leur cadet d’un quart de siècle. Mon milieu d’origine était pluraliste. J’ai fait les deux écoles et – dans les années 70 – nombre de mes copains de classe ne pratiquaient déjà pas ou peu. La déchristianisation ne m’a donc pas pris au dépourvu. Elle découle de l’avènement d’une civilisation électronique – puis numérique – qui a vu le crépitement des tweets supplanter l’appel des cloches. »

    Deuxième cause de la déroute la civilisation électronique. Ouf mes chefs ne trouveront rien à redire. C’est la première fois que j’entends cette explication. La faillite due à l’électronique, sympathique pour tout le monde.

    « Enfant de Vatican II, je n’ai jamais pensé que ce grand concile pourrait renverser la vapeur. C’est pourtant dans un tel monde que j’ai ressenti – au cours de mes études universitaires – la présence spirituelle du Ressuscité, d’où découla mon appel à devenir prêtre. Mon message à ces aînés, le voici : restez critiques et vigilants, mais ne laissez pas l’amertume dominer votre vie de baptisé. Que le sentiment « d’avoir bon d’être chrétien » prenne le pas sur celui d’ »avoir mal à son Eglise ». »

    Le pathos avant la doctrine pérenne, le « grand concile » pourquoi grand? il tient à sa place.

     » Croyez-moi – les adolescents que je croise ne se préoccupent pas tant de fonctionnement ecclésiastique ou de tradition liturgique, que de découvrir un sens à leur vie.  »

    Le jeunisme contre les dinosaures. les forces de progrès contre les vieux débris.

    « Plutôt que d’user toutes vos énergies à dénoncer les dérives ecclésiales – réelles ou fantasmées – ensemble témoignons plutôt du Christ. A temps et à contretemps. »

    Il est lucide sur la situation de faillite.

     » C’est cela, le plus durable héritage à transmettre à vos petits-enfants. Le seul qui ne craint pas les krachs boursiers. Par les temps qui courent, bien des analystes financiers vous le confirmeront. »

    Eric DE BEUKELAER

    Pas d’analyse des causes réelles de la chienlit, recherche de causes externes pour ne fâcher personne, fuite dans une adhésion abstraite au Christ ce qui fera l’unanimité, Il fait un bon directeur de la communication en temps de crise.

    Cordialement

    1. Cher Monsieur, dommage que votre analyse se trouve dans la mauvaise rubrique du blog (vous réagissez à tout autre chose). Ceci étant dit, franchise pour franchise: le fait de discréditer tout ce que j’explique par de simples arguments ‘ad hominem’ en dit long sur votre état d’esprit. J’ai sans doute beaucoup de défauts et de péchés et je ne doute pas que vous soyez un preux chevalier sur le chemin de l’Evangile, mais je ne pense pas que l’on puisse dire de moi que je suis un « porte-parole du consensus mou qui ne cherche à ne fâcher personne ». Je n’ai fait qu’exprimer une conviction profonde qui se fonde sur ma pratique – limitée et peut-être même pour vous dévoyée – de pasteur d’âme. En vous lisant, cher Monsieur, je ne fais que me convaincre que le défaut de ma chronique… est de n’avoir pas encore été plus loin dans mon raisonnement. Bien fraternellement.

      1. Merci de votre réponse

        J’ai mis une petite critique de votre papier mis en lien sur le forum thomiste, c’est pour cela que je l’ai recopié ici. Je trouvais qu’il vallait mieux remonter à la source, c’est plus gentil pour son auteur.
        Comme je découvre votre blog, j’ai erré sur la page de commentaires. Veuillez m’en excuser.
        Mon attaque « ad hominem » n’est pas féroce, juste un peu ironique. La situation de l’Eglise est telle que je n’ai jamais attaqué le clergé qui bosse sur le Titanic. Vous n’êtes ni de près, ni de loin responsable du foutoir actuel. Je me contente de signaler avec humour ou une légère ironie aux gens qui exonèrent le mirobolant, merveilleux et sacro-saint concile Vatican II de toutes responsabilités dans la crise par loyalisme avec la hiérarchie divinement instituée, qu’il n’est pas de foi divine que tous les conciles de l’histoire soient irreprochables, qu’ils faillent leur accorder une admiration sans nuances et en faire un superdogme comme dirait Benoit XVI.

        L’analyse des causes de la crise peut être interne ou externe à l’Eglise, propre à Vatican II ou antérieure et postérieure, mais mettre un blanc de respect sur la période 62-65, c’est ériger en vache sacrée les experts du concile et leur fête de la fédération. (j’emploie un ton volontairement léger par lassitude de ce genre de problématique).

        Je veux bien poser en dinosaure du catholicisme pour la commodité de la conversation.

        Cordialement

  2. Mon Père,

    J’ai fait bonne lecture et relecture de votre billet: « Ces aînés qui ont mal à leur Eglise. »
    Je lis bien sous votre plume que la déchristianisation découle de l’avénement de la civilisation électronique.

    A la suite de quoi,vous avez déclaré au Sieur Olivarus que le défaut de votre chronique résidait dans le fait de ne pas avoir poussé plus loin votre raisonnement.

    Par conséquent et sur ce point particulier de la cause de la déchristianisation , pouvez-vous nous faire connaître les ressorts de votre conclusion et si votre conviction en la matière se rattache à une école de pensée,ou n’appartient qu’à vous-même.

    Cordialement.

    1. Vous m’avez pal compris. J’ai écrit que, face à ce que mon contradicteur m’écrivait, ma chronique aurait pu être encore plus radicale quant au mécanisme du bouc-émissaire, qui cherche à blâmer des instances concrètes suite à un changement de société.

  3. Mon Père,

    Il est fort possible que j’ai mal compris.

    Par contre,j’ai un formidable intérêt à connaître votre explication sur la déchristianisation que vous liez à l’avénement de la société électronique.

    Je ne vous cache pas que je trouve-là un formidable scoop , dont l’émetteur n’est autre que l’ancien porte-parole de l’épiscopat belge,quelle aubaine!

    Il y a de quoi renverser tous les penseurs de l’Eglise qui vous ont précédé et depuis que Rosmini a été béatifié vous ne craignez plus rien.

    De vous lire.

    Cordialement.

    1. Aucun scoop ou originalité que de constater que notre monde a vécu en fort peu de temps une révolution sociale et que l’Eglise catholique en a subi les effets, plus que toute autre institution. Mais si le sujet vous intéresse et que vous êtes désireux de l’approfondir, je vous conseille l’ouvrage de votre serviteur « Pourquoi je ne crois pas à la faillite du christianisme » aux éditions Nouvelle Cité. Cordialement,

  4. Mon Père,

    Un trés bon livre,dont Rome devrait même s’inspirer,vous avez le sens de la parabole et surtout vous avez bien appréhendé ce qu’il faut dire et ne pas dire à nos contemporains.

    Vous tenez dans ses pages de Platon et de Vico,un accompagnement d’idées trés vif et le lecteur en sort rassuré sur lui-même.

     » Heureux,celui qui connaît la cause cachée des causes. ».

    Cordialement.

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