Le voile intégral, « ze » mariage et l’athlète de Dieu

C’est donc avec une belle unanimité que le parlement belge a voté l’interdiction du port de voile intégral sur la voie publique. Les opposants disent que cela constitue une limitation inacceptable de la liberté religieuse sur base d’arguments sécuritaires fallacieux. En fait, la question qui est ici posée, est celle des codes vestimentaires qui régissent toute vie en société. Pourquoi n’ai-je pas le droit de me promener nu sur la voie publique ? Parce que – dans notre culture de la pudeur – ceci rend mon « langage corporel » offensant pour les autres personnes qui me croiseraient. Autre chose est de se promener sans habits dans sa salle de bain, chez son médecin, voire sur une plage de nudiste. Dans ces lieux particuliers, le langage corporel de la nudité exprime autre chose et est donc socialement acceptable. Mais où commence la nudité ? Puis-je me promener en rue avec une simple feuille de vigne ? Un minishort hyper serrant ? etc. Ici, nous sentons bien que la limite est une question d’appréciation et de bon sens. Il en est de même avec la question des vêtements à caractère religieux et/ou culturels. Notre culture est fondée sur l’échange et le dialogue. Si le cœur de notre démocratie s’appelle un « parlement », c’est parce que notre citoyenneté se fonde sur une vie publique qui se construit en parlant à ses voisins. Dérober son visage au regard des autres est donc tout naturellement perçu comme une barrière à ce dialogue citoyen. Il s’agit dès lors d’une mise en cause du fondement même de la société démocratique. Fallait-il pour autant interdire la burqa? Toute loi restrictive est une arme à double tranchant. Ici, le choix est politique et les avis divergent. Mais il convient d’abord de constater que derrière ce débat ne se cache pas une discrimination larvée, mais bien un réel enjeu de société. « Mais », m’objectera-t-on, « et le voile des religieuses, alors ? » Je réponds que le propre de ce voile est justement de laisser transparaître le visage et donc, de permettre l’échange social. Le seul endroit où pareil voile est parfois plus « intégral » (et encore), c’est chez ces religieuses ayant fait le choix d’une vie cloîtrée – c’est-à-dire retirée du contact avec la société. De façon légitime, elle choisissent de se consacrer exclusivement à la spiritualité en s’aménageant un lieu séparé du monde en vivant dans le célibat consacré. Ceci est symboliquement très différent que de vivre complètement voilé du monde, tout en demeurant pleinement dans le monde. Ici se crée un comportement de ghetto. Et l’histoire nous enseigne que – si dans nos villes des regroupements de population selon l’origine ethnique sont dans l’ordre des choses – ceci ne peut servir de caution à des comportement sociaux qui retranchent radicalement de la société. Cela vaut pour les nudistes, alors pourquoi pas pour les autres ? Rien à voir donc avec le port de signes religieux qui affirment l’identité sans empêcher le contact. Je porte bien une chemise clergy, une femme musulmane ne pourrait-elle porter le voile ? Reste la question de la limite : quand le voile est-il intégral ? quid du port de signes religieux à l’école ou dans la fonction publique ? Ici – une fois de plus – le débat est politique, la peur mauvaise conseillère et le bon sens un allié précieux.

Je le confesse, je n’ai pas résisté à la tentation de visionner en « live » sur internet une partie de « ze » mariage. Voilà une princesse – voilée, elle aussi. Non pas pour se cacher du regard de la foule, mais bien pour souligner son bonheur. Un mariage royal – c’est comme la cuisine anglaise – on aime, ou on n’aime pas. J’apprécie souvent la cuisine d’outre-manche, mais je ne souhaite pas ici entrer dans un débat, déjà tellement étalé dans nos médias. Par contre, j’avoue avoir été touché par la sobriété digne de la cérémonie anglicane. Je souhaite beaucoup de bonheur au jeune couple et espère que leur engagement sera stimulant pour tant d’autres qui hésitent à faire le grand pas.

Dimanche 1er mai, ce sera la fête du travail, mais également le second dimanche de Pâques – appelé aussi « dimanche de la divine miséricorde ». Une appellation que le mystique Jean-Paul II aimait tellement, qu’il la fit inscrire officiellement au calendrier catholique. Il est donc frappant qu’il soit décédé lors des premières vêpres de ce dimanche. Ce n’est pas non plus un hasard, si c’est au cours du dimanche de la divine miséricorde qu’il sera déclaré bienheureux. Trop vite, disent certains. Je leur réponds : pourquoi attendre ? Je ne fais pas partie des thuriféraires qui affirment que ce pontificat fut sans failles. Comme chaque baptisé – et donc aussi chaque pape – Jean-Paul II avait ses limites. Il n’empêche : il se dégageait de lui quelque chose de « hors cadre ». Sa vie de prière avait une intensité peu banale. Son zèle de pasteur l’a porté au quatre coin de la planète. Son discours musclé ne faisait pas que des heureux, mais il était prononcé avec une réelle bonté dans le regard. Beaucoup ont dès lors reconnu en lui, sinon un père, du moins un témoin véridique. Sans surprise, ses funérailles rassemblèrent le plus de responsables politiques depuis celles de Winston Churchill. Personnellement, je me souviens que lors de ses dernières semaines de vie terrestre, alors qu’il était devenu grabataire et quasi-muet, il se dégageait encore de lui une réelle force. Même fragile, il n’a cessé d’être un formidable athlète de Dieu.

L’enfant du divorce

« Terrible drame, hier, en Brabant Flamand. Un adolescent de 12 ans a mis fin à ses jours parce qu’il ne supportait pas le divorce de ses parents». Soyons clairs : le divorce de ces parents n’est pas « la cause » de pareille terrible nouvelle. Le suicide des préadolescents est, hélas, une fréquente cause de mortalité. Ceci étant dit, pareil drame domestique rappelle que le coût social d’un divorce n’est pas à négliger, de par la souffrance qu’il engendre chez de nombreux jeunes enfants ou adolescents. Evidemment, ce n’est pas en criminalisant le divorce ou en culpabilisant les parents que l’ont va améliorer les choses. Par contre, je plaide pour une nouvelle « écologie du mariage » qui promeuve son « développement durable ». Comment ? En faisant à nouveau une paisible promotion du mariage durable et en offrant un coaching adéquat aux jeunes couples qui – à la suite de Kate et William – s’engagent dans l’aventure. Et que, si divorce il y a, celui-ci soit accompagné – surtout en vue du bien des jeunes enfants. Sans culpabiliser, bien entendu. (Qui sait ? Si je n’étais pas prêtre, je serais peut-être aussi divorcé aujourd’hui…) Mais il est tout de même curieux que notre société banalise parfois davantage le naufrage d’un couple que la faillite d’une entreprise. Il y a là quelque chose à rééquilibrer. Je faisais hier un appel aux intellectuels catholiques. Je fus comme exaucé par le bel article du professeur Rudolf Rezsohazy, paru en ce jour dans La Libre (p.55) : « (…) La société a impérieusement besoin de la solidité de sa cellule de base, la famille. (…) Nous sommes dans un domaine où les changements sont lents et à peine perceptibles, car il s’agit de la modification des mœurs et cela ne se commande pas. Cela ne signifie pas que l’action par la politique familiale, la fiscalité, la création d’une infrastructure pour la petite enfance et d’autres services qui appuient les familles, une atmosphère plus positive dans les médias, ainsi de suite – ne soit point nécessaire. Il me semble que ceux qui qualifient ces exigences d’“ultraconservatrices” ou “ringardes” méconnaissent dramatiquement les intérêts vitaux de la société ».

Het kind van de echtscheiding

Het droevig nieuws haalde gisteren krantenkoppen in Het Laatste Nieuws: ‘Een 12-jarige jongen heeft zich dinsdag van het leven benomen in het huis van zijn moeder in Tienen. Volgens zijn afscheidsbrief kon hij de scheiding van zijn ouders niet verwerken’. Laat het duidelijk zijn dat ik de echtscheiding van deze ouders niet aanzie als ‘de oorzaak’ van zijn overlijden. Het risico tot zelfdoding loopt nu eenmaal hoog bij jonge pubers. Het enige waarvoor dit huisdrama ons attent moet maken, is dat het stranden van een huwelijk nooit een banaal gebeuren is. Vooral wanneer er kinderen of adolescenten zijn. Het is niet omdat iets vaak voorkomt – en zelfs soms onvermijdelijk is – dat men rond dat fenomeen geen vragen meer dient te stellen. Echtscheiding draagt n.l. een maatschappelijke kost met zich mee: het lijden van de kinderen. Wat stel ik dan concreet voor? Echtscheiding weer criminaliseren? Uiteraard niet. Wat dan? Wanneer men het heeft over milieubeleid, is “duurzaamheid” een sleutelconcept geworden. Wel, in diezelfde lijn bepleit ik voor een politiek beleid van het ‘duurzaam’ huwelijk. Dit betekend dat men in Vlaanderen de duurzaamheid van het huwelijk gerust weer als ‘trendy’ mag promoten en dan ook ontkoppelen van de conservatieve of devote tintjes waarmee men dit begrip doorgaans kleurt. Tevens, dat men mag zorgen voor een gepaste vorm van ‘coaching’ voor jonge koppels die het avontuur in navolging van Kate en William aandurven, alsook voor een serene vorm van hulp om hen de onvermijdelijke crisissen te helpen doorstaan. Tenslotte, als het echt niet meer kan, dat men dan ook voor een begeleiding van de echtscheiding zorgt. Zonder daarom schuld in te jagen. (Wie weet? Zou ik geen priester zijn, dan zou mijn huwelijk vandaag ook misschien kapot zijn). Maar tevens, zonder daarom het faillissement van het huwelijk te minimaliseren – evenmin als men dat trouwens doet met een onderneming. Ik weet wel dat mijn pleidooi tegen de maatschappelijke stroom ingaat, maar kan me daarvoor beroepen op de mooie column van Rik Torfs, vandaag in De Standaard verschenen (p.25): ‘De ware weg gaat tegen de stroom in. Zeker, in een democratie heeft de meerderheid gelijk, en terecht, maar in het leven dat verder reikt en voller is, heeft zij doorgaans ongelijk. Haar stem klinkt te luid, haar gelijk is te vanzelfsprekend, haar verontwaardiging te gelijkhebberig. De waarheid komt uit diens mond van wie je het niet verwacht’.

NB. Gelezen in De Morgen 29 april p.19:
Als kinder- en jeugdpsychiater heb ik in de afgelopen twintig jaar gelukkig zeldzaam met deze dramatische afloop een duidelijke evolutie gezien van deze maatschappelijke en psychologische trend. We krijgen veel meer kinderen over de vloer die ontredderd geraken door een steeds heftiger (en primitiever) uitgevochten machtsstrijd tussen ouders, die ook over veel meer jaren aanslepen. Van een ‘normaal’, heelbaar verwerkingsproces na een breuk en familiale herschikkingen is soms helemaal geen sprake meer. Persoonlijke conflicten worden dan bitter uitgevochten gedurende lange tijd na de echtscheiding, door mensen die soms de psychologische vaardigheden niet (meer) hebben om deze conflicten op een andere (psychologisch meer gesofisticeerde en communicatieve) manier op te lossen.
Marc Van Bellinghen is kinder- en jeugdpsychiater aan het OLV-Ziekenhuis Aalst.

Intellectuels cathos, rappelez-vous votre baptême.

L’événement n’est pas banal : ce mercredi 27 avril, deux intellectuels catholiques de premier plan en Belgique francophone – le sénateur Francis Delpérée et le Vice-Recteur hre. UCL Xavier Renders – interpellent nos évêques sur leur gestion du scandale des abus sexuels (La Libre pp.52-53). Je ne souhaite pas ici commenter leur prise de position. Je souligne simplement qu’elle mérite qu’on s’y arrête, car il s’agit de deux personnalités qui, à plus d’une reprise, ont « mouillé leur maillot » pour témoigner de leur engagement chrétien. Je constate cependant que, si interpeller les évêques est un droit de tout catholique (canon 212 §3), les soutenir est également un devoir de baptisé. Et là, je pense qu’en Belgique, nous avons encore du chemin à faire. Sans doute parce qu’ils ne se reconnaissent pas dans une série de discours romains, il y a dans ce pays un côté « bébé boudeur » chez nombre d’intellectuels catholiques. Quand j’étais porte-parole des évêques, combien de fois n’ai-je pas perçu l’isolement de la hiérarchie catholique face à des enjeux de société… Ainsi, quand le professeur Adriaenssens s’abimait la santé à la tête de sa Commission et cherchait des collaborateurs, plus d’une porte s’est fermée : aider une commission ecclésiale, n’était-ce pas se compromettre ? Et quand cette même Commission a été perquisitionnée, ce qui la força à se saborder, peu de voix se sont inquiétées. Et quand ces perquisitions furent déclarées illégales, combien en ont tiré des conclusions ? Et quand le Président démissionnaire de cette Commission publia néanmoins son rapport, de nombreux catholiques se sont – à juste titre – joint à l’émoi général devant l’ampleur des abus, mais la seule voix médiatique qui a également souligné le courage des évêques, car ils avaient osé pareille « opération vérité » en mettant sur pied la Commission Adriaenssens, fut… protestante. Il est donc temps que les intellectuels catholiques se réveillent dans ce pays. Parfois pour secouer nos évêques, mais souvent aussi pour les encourager, les soutenir et les aider. Comme je le déclarais au Vif/l’Express de cette semaine (p.34), nous avons 15 ans de retard par rapport à la France de ce point de vue-là. Je ne prétends pas que la hiérarchie catholique ne porte pas sa part de responsabilité dans la situation actuelle. Je reconnais que le clergé en général (et je m’inclus dans le lot) – et la hiérarchie catholique en particulier – n’a pas toujours le réflexe de sortir du « petit cercle paroissial » pour faire appel à d’autres compétences catholiques, bien réelles pourtant, afin d’aborder plus professionnellement nombre de dossiers. Mais s’ils cèdent parfois à la tentation de la tour d’ivoire, c’est aussi parce que nos pasteurs ont perdu l’habitude de recevoir le soutien de la société civile catholique. Pendant mon mandat de plus de huit ans comme porte-parole, j’ai appris à connaître nos évêques avec leurs grands et petits côtés. Croyez-moi ou pas : leur pire tentation n’est pas la vanité, mais bien le découragement. Il en est d’ailleurs de même pour nombre de prêtres en paroisse. Comme Pilate, faut-il s’en laver les mains ? Non et je le répète : il est temps que se réveillent nombre d’intellectuels catholiques dans ce pays. Pas la petite minorité – déjà bien active – des militants. Non, je pense à la majorité habituellement silencieuse des catholiques en situation de responsabilités dans la société belge. Que leur voix s’élève davantage dans les médias. Et pas uniquement pour critiquer leurs évêques, mais aussi pour les encourager, les soutenir et les aider.

Madame Lalieux, expliquez-moi…

Madame,
J’ai lu le rapport de la Commission parlementaire que vous présidiez et – à quelques points près (voir ‘post’ précédant : « Eglise et abus sexuels : trois considérations pour contribuer au débat) – j’ai trouvé qu’il abordait le drame de l’abus sexuel avec le ton juste. Expliquez-moi donc votre impatience actuelle à voir l’Eglise catholique réagir à la proposition de constituer un tribunal arbitral. Pourquoi ne manifestez-vous pas la même impatience par rapport aux autres institutions visées par votre rapport ? Vous répondez en déclarant : « J’entends bien qu’ils réfléchissent à la mise en place du tribunal arbitral mais cela fait un an, depuis le rapport Adriaenssens, qu’on attend. Le parlement et la société n’attendront plus des mois ». Madame, souvenez-vous que le rapport Adriaenssens n’a été possible que parce que, des années plus tôt, l’Eglise avait mis en place une Commission interdiocésaine. Que beaucoup, y compris dans votre parti politique, étaient critiques par rapport à l’indépendance de cette initiative – alors que la Commission parlementaire en a salué la qualité du travail. Que la Commission Adriaenssens aurait pu poursuivre ce travail d’aide aux victimes, si elle n’avait été foudroyée en plein vol par des perquisitions, depuis déclarées illégales. Que lorsque les évêques ont proposé une nouvelle initiative pour répondre au rapport Adriaenssens, ils ont dû renoncer suite aux critiques venues de toute part. Qu’ils ont, dès lors, tout naturellement attendu les recommandations de la Commission parlementaire, avant de réfléchir aux nouvelles mesures à prendre pour aider les victimes. Qu’il est donc conforme à la vérité de reconnaître que l’Eglise catholique avait tenté de prendre ses responsabilités pour aider les victimes des abus sexuels et ce, depuis des années, mais que d’aucuns ne lui ont vraiment pas facilité la vie. Qu’il me semble pour cela plutôt normal de lui laisser un peu de temps – et pourquoi pas jusque fin juin ? – pour réagir aux recommandations de la Commission parlementaire. C’est d’ailleurs ce qu’écrit ce matin Guy Fransen en p.2 du Nieuwsblad: « Encore deux mois. C’est un délai raisonnable, si les responsables d’Eglise viennent avec une réponse valable et, en cas de rejet de la proposition parlementaire, avec une alternative réfléchie et négociable. Dans l’intérêt des victimes ! » Et le Rédacteur-en-chef du Nieuwblad de conclure : « Madame Lalieux ne trouve pas cela un délai raisonnable. Mais – sorry, je me dois de le dire – le monde politique peut-il encore s’arroger le droit de juger du délai raisonnable des autres ? » (‘Nog twee maanden. Dat is een redelijke termijn, op voorwaarde dat de Kerk met een valabel antwoord komt, en bij afwijzing van de parlementaire voorstellen een doordacht en bediscussieerbaar alternatief. In het belang van de slachtoffers! Mevrouw Lalieux vond dat geen eerlijke termijn, maar sorry, ‘t moet hier toch even van het hart. Heeft de politiek nog veel recht te oordelen over billijke termijnen van een ander?’) Ce que je ne comprends pas davantage, Madame, c’est votre déclaration en p.7 du Soir d’aujourd’hui : « Mais je le répète, j’isole Léonard, parce que d’autres responsables ecclésiastiques ont donné des signes encourageants de coopération. Ma réaction s’adresse donc à Léonard ». J’imagine que parmi ces responsables ecclésiastiques doivent se trouver les évêques de Tournai et d’Anvers, qui sont en charge du dossier. Justement, Monseigneur Léonard, au cours de l’interview de Pâques que vous incriminez, n’a fait que répéter que ces évêques étaient à la manœuvre et qu’il souhaitait les laisser diriger ce dossier. Donc, Madame, expliquez-moi : en quoi l’attitude collégiale de l’Archevêque vous semble-t-elle inacceptable ?

Samedi Saint- temps mort

« Vite !… » Combien de fois n’entendons-nous pas l’impatience s’exprimer dans un monde où perdre du temps, signifie perdre de l’argent ? Le jour du Samedi Saint, lui, invite à l’arrêt, à l’attente, à la patience. Le Christ est mort. Il est entré dans cette passivité radicale propre à ceux qui ont quitté l’espace-temps. Une antique tradition explique que, ce faisant, le Christ a visité tous les défunts depuis Adam. En quelque sorte, Dieu s’est non seulement incarné dans la vie des hommes, mais aussi dans leur mort.
Déjà sur cette terre, il nous arrive de vivre des temps morts : accident, maladie, deuil, dépression, revers professionnel,… Dans un monde qui court, cela s’appelle « perdre un précieux temps », alors que – sans nous – tourne la roue de la fortune. Mais sous le regard du Père, ces « temps morts » sont habités par le Christ. Celui qui laisse Son Esprit souffler sur ces petites morts, verra que de tout tombeau peut fleurir la résurrection et la vie. « Eveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts et le Christ t’illuminera » (Homélie ancienne pour le grand et saint Samedi).

Stille Zaterdag

‘Waarom hebben de kerkverantwoordelijken vorig jaar geen duidelijkere taal gesproken ?’, vroeg men mij nog gisteren op Radio één (‘Vandaag”, vrijdag 22 april, 17u30). Mijn antwoord luidde dat het uiteraard altijd beter kan, maar dat m.i. sedert het ontslag van de oud-prelaat van Brugge, de bisschoppen meerdere malen heel duidelijk en openlijk het schandaal van kindermisbruik hadden aangekaart. Tevens besef ik maar al te goed dat het nooit genoeg zal zijn voor sommige slachtoffers, die sedert jaren gebukt gaan onder de oude zwijgcultuur. Alle begrip. Maar na al de mediaheisa die terecht pijnlijke waarheden deed ontwakkeren, komt er ooit weer een tijd voor de innerlijke verwerking. Een vorm van Stille Zaterdag. Waar een graf is, heerst er stilte. Maar als Gods Geest blaast, kan zelfs na het meest onschuldig lijden – die een leven brandmerkt met een vorm van hardnekkige dood – zich opeens weer een poort openen op een onverwachte Verrijzenis.

Vendredi Saint – silence de mort

Le vendredi saint est le temps du silence. Les églises sont dépouillées, les tabernacles sont vides, l’Eucharistie n’est pas célébrée. Alors que les commentaires de presse parlent d’un an sans gouvernement belge, que les « tweets » crépitent sur mon laptop, que je consulte mes mails, que mon regard lorgne vers mon Blackberry, que j’écris sur mon blog…, ce silence se rappelle à mon bon souvenir. C’est la fin du temps de Carême : les masques de Carnaval ont fini par tomber. Sur le croix, Dieu montre son vrai visage : Il est le Dieu qui choisit – viscéralement – le camp des victimes. Il est le Dieu de cette petite Japonaise qui a perdu toute sa famille à Fukushima, de cet homme brisé qui fut jadis abusé sexuellement, de ce Haïtien qui n’a encore rien pu reconstruire, de ce chrétien dont on a brûlé l’église, de ce musulman dont on a souillé la mosquée, de ce sans-diplôme, de ce sans-emploi, de ce sans-abri, de ce sans-papiers, de ce sans-… Aujourd’hui, c’est le temps du silence, car Dieu se fait le porte-parole des sans-voix. Le masque tombe aussi pour notre monde en panne d’aimer. Quand l’Amour se fait homme, ce monde montre son vrai visage en lui dressant une croix. « En Lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes. La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue. » (Jn. 1, 4-5) Aujourd’hui est le jour du silence de mort. Et pourtant, au pied de la croix, une lueur veille. Dans son cœur, la « Mater dolorosa » le pressent confusément: ce silence n’est pas le dernier mot de Dieu.

Jeudi Saint – « Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout » (Jn. 13,1).

La cathédrale de Liège était encore bien plus bondée que d’habitude, hier soir, pour la Messe Chrismale. Après l’ « annus horribilis » passée par l’Eglise catholique en Belgique, c’est réconfortant. Avant de bénir l’huile des malades, l’Evêque fit lever ses prêtres et demanda publiquement pardon pour tous les abus sexuels commis par des membres du clergé. Ce n’était pas misérabiliste. Tout juste digne. Evidemment, l’Eglise n’est pas « que » ça et elle est même « tout sauf » ça. Mais quand son Maître et Seigneur, durant son ultime repas, veut dire Son amour jusqu’au bout, Il lave les pieds de ses disciples. Eh bien, il y avait quelque chose de cela dans la liturgie de hier soir à la cathédrale. Les hommes ont les pieds englués de boue et – trop souvent aussi – de sang ou de merde. L’Eglise est fidèle à son Maître chaque fois qu’elle se baisse pour laver les pieds de cette humanité. Comme prêtre, je dois m’efforcer de ne jamais oublier cela. Et me connaissant, ce n’est pas gagné. En ce jeudi saint, merci donc à tous ces catholiques qui prient pour leurs prêtres, conscients qu’ils sont tout à la fois pécheurs et bergers.