Pierre s’approcha de Jésus pour lui demander : « Seigneur, quand mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ? » Jésus lui répondit : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à septante fois sept fois ». (Matthieu 18, 21-22) La réponse du Seigneur est limpide : le pardon ne connaît pas de limites. Ceci est renforcé par la demande du Notre-Père : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ». Cette phrase n’est pas un divin chantage, du genre : « si tu ne pardonnes pas, alors Dieu ne te pardonnera pas non plus ». Non, ce n’est pas un chantage mais une vérité implacable : tant que je ne pardonne pas, quelque chose en moi restera noué et fera en sorte que je ne pourrai accueillir à mon tour le pardon de Dieu. Et de fait… les gens durs avec les autres sont durs avec eux-mêmes. Pour être prêt dans son cœur et ses tripes à accueillir le pardon divin – et à se pardonner à soi-même ses ombres les plus noires et failles les plus profondes – il faut pouvoir vivre ce pardon vis-à-vis des autres.
Ceci étant rappelé, il y a des jours où le pardon semble surhumain, voire – oserais-je ? – inhumain. En pensant à Michèle Martin, chacun ne peut que souscrire à ce qu’écrit Jean-Claude Matgen dans La Libre de ce jour: « On ne parvient pas à imaginer qu’une institutrice, qu’une maman ait pu laisser mourir sans soins des fillettes innocentes, soumises aux caprices pervers de son mari, jetées dans un cul de basse fosse, livrées aux ténèbres d’une cave sordide et succombant, in fine, aux souffrances et à l’angoisse qui les accompagnèrent à chaque seconde de leur agonie sans nom ». Et, en écrivant cela, je me dis : « Si ces petites avaient été mes enfants, comment réagirais-je aujourd’hui ? » Rien que d’y penser, une colère sourde s’élève en moi, alors que je ne suis pas un proche de la famille. Comment, dès lors aussi, ne pas rejoindre Marc Metdeppenningen qui titre son édito dans Le Soir par : « une libération inéluctable mais révoltante » ?
Et pourtant, la parole de l’Evangile demeure : le pardon doit pouvoir avoir le dernier mot. Même quand le remord du coupable semble nébuleux. Chacun comprendra ici qu’il s’agit sans doute d’une des exigences les plus dures de l’Evangile. Bien plus dure que toutes ces balises chrétiennes en matière de sexualité qui mobilisent tant l’espace médiatique en Occident. Je comprends donc mieux la remarque de ce vieux renard de la politique liégeoise qu’un jeune loup venait de débarquer d’un de ses mandats stratégiques. Au journaliste qui lui demandait : « est-ce que vous lui pardonnez ? », ce libre-penseur répondit : « pardonner ? Voilà bien un mot chrétien. Ce n’est pas pour moi ». Je ne pense pas que le pardon soit le monopole des baptisés, mais il reçoit chez les chrétiens la crédibilité d’un Dieu crucifié qui murmure en son dernier soupir : « Père, pardonne-leur. Ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23,34). Quand le mal et l’injustice vous transpercent la chair, il faut être Dieu pour trouver la force de pardonner. Comment, dès lors, ne pas respecter celui qui n’arrive pas encore à le faire, car trop écrasé par la douleur ? Le sage cardinal Danneels donnait à ceux-là le conseil suivant : « Quand c’est trop dur, ne priez pas en demandant : Dieu permets-moi de pardonner. Dites : Dieu, donne-moi un jour la force de pardonner ».
Année : 2011
Le maître-atout des Latins du Nord
La petite phrase prononcée ce dimanche par Louis Tobback lors de l’émission de la VRT, « De Zevende Dag » mérite d’être méditée bien au-delà de la crise institutionnelle que traverse notre pays. Selon ce vieux sage de la politique, la Belgique serait devenue une dépendance de l’Allemagne sur le plan économique et de la France pour sa politique énergétique. Ceci fait écho à la vraie-fausse boutade que le ministre Magnette avait sortie en octobre 2010 : « Si on doit se rattacher un jour, ce sera plutôt avec l’Allemagne. C’est plus dans l’intérêt industriel de la Wallonie ». Joignons à cela une dépêche annonçant ce matin que les exportations allemandes sont les plus élevées depuis 1950, notre grand voisin n’étant que dépassé par la Chine.
Quel intérêt tout ceci a-t-il pour les francophones de Belgique ? Loin de moi l’idée d’évoquer ici un quelconque plan A, B ou C… Une fois de plus, je ne souhaite pas entrer dans le domaine de la politique politicienne, car tel n’est pas mon rôle. A chacun ses options. Mon propos est de souligner une réalité qui doit être mise en avant, quel que soit l’avenir politique des francophones de Belgique : ils sont les Latins habitant le plus au nord de l’Europe. Notre cœur lorgnant tout naturellement vers Paris (TF1 est la chaine de TV la plus regardée chez nous…), la tentation est grande de considérer notre localisation périphérique comme une calamité. Nous serions des Francs encerclés par les hordes germaniques, bataves, saxonnes, etc. Pour résister, il s’agirait donc de se replier en accentuant une francophonie d’autant plus exclusive qu’elle se voudrait défensive. Ce serait une colossale erreur, même – et surtout – en cas d’hypothétique rattachement à la France. En effet, une des forces vitales qui anime l’Europe est la rencontre entre cultures multiséculaires. Et l’atout-maître de la Belgique est de se situer – comme l’Alsace-Lorraine – à un des croisements constitutifs de l’identité européenne : celui qui départage la latinité de la germanité. S’ils veulent se déployer sur l’échiquier européen, les francophones de Belgique ont dès lors pour vocation naturelle de devenir les meilleurs ambassadeurs de l’axe Paris-Berlin – la colonne vertébrale de l’Europe – sans oublier Londres et Rotterdam – les fenêtres sur l’Atlantique. En cela, Wallons et Bruxellois se retrouvent alliés naturels de la Flandre et – plus largement – du Benelux. Concrètement, cela implique que les jeunes francophones de Belgique soient éduqués dans un amour sans complexe de la francophonie, mais pas pour autant dans le mépris des langues et cultures voisines. Pour exister, ils se doivent d’être naturellement polyglotte et curieux de mieux connaître leurs voisins. La connaissance passive du néerlandais et de l’anglais sera bientôt dans nos contrées un minimum vital sous lequel guettera l’analphabétisme socio-économique. Et pour les cadres, une bonne connaissance du néerlandais et de l’anglais est dès maintenant un réel passeport d’avenir, sans négliger la maîtrise de l’allemand.
Utopie ? Allez voir les Luxembourgeois ou les Germanophones de Belgique et vous verrez que cela rien du rêve, mais de l’état d’esprit. Un état d’esprit qui fait la différence entre un territoire qui doute de son identité et une région consciente que sa place sur la carte européenne est un atout à ne pas gaspiller. En ce jour où la RTBF célèbre son implantation liégeoise au centre commercial « Mediacité », il est intéressant de se pencher sur l’origine du chiffre d’affaire de ce nouveau pôle. Les achats par cartes de crédit démontrent que la majorité des clients y sont allemands et néerlandais. Que viennent-ils donc chercher dans la Cité ardente, alors que la riche Maastricht et l’historique Aachen se trouvent à un jet de pierre ? Ils viennent prendre un bain de latinité, tout près de leurs frontières. Voilà un exemple qui montre la voie aux francophones de Belgique. Les Latins du Nord ont une chance unique. Pour nous – et bien plus encore pour les générations à venir – ce serait vraiment idiot de ne pas jouer de notre maître-atout. Un peu comme ce personnage de l’Evangile qui s’en excusait par ces mots : « j’ai eu peur, et je suis allé cacher ton talent dans la terre » (Matthieu 25, 25)
Fête des mères…
Dans un monde où tout se marchande, les mères font de la résistance. Les mères sont à l’image de la vie qu’elles nous donnent : comme la vie, une mère ne s’achète ni ne se vend, mais se reçoit. Parce qu’Il a pleinement partagé notre humanité, le Verbe de Dieu a vécu cela de l’intérieur. Voilà pourquoi, en nous engendrant à la vie de l’Esprit, Il nous donna aussi sa Mère afin qu’elle nous accompagne sur les chemins de la croissance spirituelle.
Koning zonder krant
N.a.v. het boek ‘koning zonder land’ van Samyn en Buxant, heb ik maar één commentaar: Het duo heeft zijn werk gedaan. Wanneer men met een journalist praat, kan men toch niet verwachten dat hij of zij van de info geen gebruik zou maken. Als woordvoerder van de bisschoppen heb ik daarom steeds mijn best gedaan om alleen maar ‘dat’ te communiceren wat ik ook ooit gepubliceerd wilde zien. Zelfs met bevriende journalisten. En dit heeft niets met een ‘doofpotcultuur’ te maken. Ik heb geen weet van ‘stinkende geheimen’ diep verborgen in een kast of in het graf van een overleden aartsbisschop. Neen, het gaat hier om het dagelijks omgaan met leiders – kerkelijke, politieke, economische… noem maar op. Wie denkt dat Barack, Albert (II of Frère – u kiest maar), Benedictus, of nog André-Jozef…. 24 uren per dag en 365 dagen per jaar, alleen maar met geniale uitspraken opkomen die als quote zonder meer de krantenkoppen kunnen halen – is echt, of waarschijnlijk eerder ‘onecht’, naïef. Iedereen beseft inderdaad maar al te goed dat leiders ook flauwe grappen maken, kleine kanten hebben en soms een situatie of een man helemaal verkeerd inschatten. Kortom: ze blijven menselijk. Daarom is er nood aan discretie binnen het vertrouwd entourage. Wanneer een intimus zijn mond voorbijpraat, riskeert hij dat de ‘flauwe grap’ van gisteren, de volgende morgen een zure en dure grap wordt – eens gepubliceerd als ‘statement’ in alle kranten van het koningrijk. Daartoe dient trouwens het ‘colloque singulier’ van een koning, president of bisschop: De verzekerde discretie laat hem toe in vertrouwen luidop te denken, pistes af te toetsten en zich ook binnen gesloten deuren te vergissen. Albert II die in het kader van het ‘colloque singulier’ een ‘over mijn lijf met verkiezingen’ laat passeren – terecht of niet, dat is een politieke analyse waarmee ik hier niet bezig ben – is iets heel anders dan wanneer het staatshoofd met precies hetzelfde zinnetje zijn troonrede afsluit. Wanneer er dan toch lekken zijn – en die komen meer en meer voor in onze twittercultuur – is het dan ook de taak van serieuze politieke commentatoren om het ‘breaking news’ rustig in te kaderen. Een daverende quote buiten context opkloppen, heeft immers weinig te maken met ‘correcte informatie’ of ‘democratische transparantie’. Het komt alleen ten goede aan de uitgever die de krant of het boek verkoopt.
Blog : bilan du mois d’avril
Grâce à Matthieu, le jeune, sympathique et dynamique webmaster du site francophone de l’Eglise de Belgique « Catho.be », j’ai reçu les statistiques de fréquentation de ce blog pour le mois d’avril. Pour rappel, ce blog a été ouvert le 11 mars 2011. En mars, il recevait 1467 visites et 2383 pages avaient été vues. Du 3 avril au 3 mai, il recevait 3689 visites et 5483 pages étaient visionnées. Le bilan d’avril se faisait sur 20 jours et celui-ci sur 30 ; néanmoins, la progression est sensible. Merci à vous, les lecteurs.
Comme au mois dernier, plus de la moitié des visiteurs consultent mon blog via ma page Facebook (55%). L’intérêt est majoritairement belgo-belge : environ 3150 visites viennent de Belgique et (seulement) 210 de France. Suivent l’Espagne (52), l’Allemagne (49), le Luxembourg (32), les Etats-Unis (26), les Pays-Bas (25), le Royaume-Uni (21), l’Italie (16)… La moyenne est d’environ 120 visites par jour, avec des pics aux alentours de 340 visites. Sans surprise, ce sont les articles plus polémiques qui font recettes. Le podium du mois est : 1. « Madame Lalieux, expliquez-moi » 2. « Mgr Léonard entarté : le grand courage citoyen » 3. « Intellectuels cathos, rappelez-vous de votre baptême ». Certains concluraient : « Sois plus combattif et ton blog progressera encore en terme de lectorat. » Sans aucun doute, mais il n’en sera rien. Je souhaite que le profil de ce blog me corresponde. Je ne pense pas fuir le débat ou la critique, mais je choisis de porter – autant que faire ce peut – un regard « inclusif » sur la réalité (approche du genre : « Celui qui n’est pas contre nous, est pour nous » Marc 9,40), plutôt que d’opter pour une vision « exclusive » de celle-ci (approche du genre : « Celui qui n’est pas avec moi, est contre moi » Matthieu 12,30).
Par ailleurs, je ne souhaite pas faire un blog qui sente trop les chuchotements de sacristies. Il existe déjà sur la toile suffisamment de rubriques de style « Curie-Match » (blogs traditionalistes, progressistes, ou centristes – selon les goûts). Sur ce blog-ci, les sujets ayant trait à l’Eglise catholique sont bien évidemment abordés, mais j’essaie aussi de poser un regard qui soit inspiré par l’Evangile sur l’actualité grande ou petite. Je suis conscient que cette macédoine de sujets désarçonne les lecteurs plus habitués à des rubriques homogènes. Mais c’est ainsi : j’assume fort bien mon côté tout à la fois classique et atypique. Merci à tous les lecteurs. N’hésitez pas à intervenir sur le blog en me laissant vos commentaires. Mis à part ce qui est franchement outrancier, tout sera publié – même, et surtout, les avis critiques. En effet, s’il y a bien une chose à laquelle ce blog ne prétend pas, c’est l’infaillibilité.
Passe le message à ton voisin
Nous connaissons tous la symbolique des courses-relais : il s’agit de saisir le témoin du coureur précédant et de le porter au suivant. L’effort individuel est indispensable, mais il n’y a de résultat que collectif. Ce genre de course exprime fort bien ce que veut dire « transmettre » un quelconque héritage, que ce soit un savoir, une éducation, une identité nationale, une révélation religieuse,… En ce jour de grève des enseignants de la Communauté Wallonie-Bruxelles (et sans prendre position sur leur démarche syndicale), comment ne pas saluer le beau et ingrat travail de transmission éducative de tant de profs ? Ils se démènent, en effet, dans un univers scolaire sous-financé et font face à une jeunesse qui soufre de la fragilisation des familles.
« Transmettre » est un des défis fondateurs de toute civilisation. Pour illustrer cela, deux exemples personnels et récents me viennent à l’esprit : Le premier concerne la bibliothèque du Séminaire Saint-Paul de Louvain-la-Neuve. Les séminaristes francophones de Belgique étant désormais regroupés à Namur, se posait la question de l’avenir de l’importante bibliothèque du Séminaire de Louvain-la-Neuve. Avec l’aide de l’œuvre pontificale missionnaire, il fut décidé de l’envoyer en République Démocratique du Congo, afin que ces livres alimentent les séminaires locaux. Les rayons ont donc été vidés et mis en caisse. Hier matin, une chaine de bénévoles s’est formée pour les charger à bord d’un camion qui les conduirait au port d’Anvers. En voyant toutes ces caisses passer de main en main – vivante parabole de la transmission – je me disais que tout ce savoir théologique ne serait pas perdu, mais transmis vers le jeune continent. Et même si j’avais un pincement au cœur, la pensée que ces livres serviraient encore à la formation de futurs prêtres fut ma consolation. Toute réalité sur terre est mortelle – en ce compris les séminaires – mais ce qui finit d’un côté peut devenir fécond ailleurs. Alors, bon vent les livres. Portez avec vous le souffle de l’Esprit et transmettez les semences d’Evangile.
Autre exemple, je me trouvais ce midi au Parlement belge, où se réunissait le « Belgian Women of Faith Network », une association de femmes croyantes de toutes religions. La séance solennelle se déroulait en présence de la Ministre Milquet et des principaux responsables religieux du pays, dont Mgr Léonard. Eh bien, je fus impressionné. Pas de syncrétisme ou de bavardage stérile. Non, simplement le témoignage de femmes qui ancrent leur vie dans la foi et témoignent de ce que cela implique pour elles dans un monde qui reste – quoi qu’on en dise – très masculin. Je pense que ces dames évitent mieux que nous les hommes les pièges de ce genre de rencontre, où il est aisé de se parler longuement pour ne rien se dire. La raison en est que, parce qu’elle porte la vie en elle, la femme possède un plus puissant « instinct de transmission ». Ainsi, ce midi au Parlement, il ne fut pas question de grands accords théologiques ou vastes élans philanthropiques. Il s’agissait simplement de témoigner de la fécondité de son héritage religieux et du défi qu’il y a à le transmettre par petits pas, en évitant que le fils de l’une devienne un jour le bourreau du fils de l’autre. Je ne me suis pas ennuyé. Bien au contraire, cette rencontre m’a nourri. Elle fit œuvre de transmission.
Emotion et Politique: God save the Queen/God bless America
Il y a un vérité humaine que les fils de Descartes ont trop souvent tendance à oublier : La plupart des choix qui constituent notre identité, ne reposent pas d’abord sur une décision froide et réfléchie, mais bien sur une approche affective du monde qui nous entoure. La raison intervient pour analyser, critiquer, débattre, voire justifier – mais seulement ensuite. Ainsi, en tout croyant religieux une petite voix murmure : « c’est beau, donc c’est vrai », alors que chez le non-croyant elle prévient : « ne te laisse pas embobiner. C’est trop beau pour être vrai ». (Pour le chrétien que je suis, j’ajouterai que l’Esprit souffle pour déployer nos affects dans le sens d’un accueil de Dieu, mais tel n’est pas mon propos du jour). Eh bien, ce qui est vrai en matière philosophique, vaut aussi en politique. C’est d’abord l’émotion – et non pas la raison – qui construit nos choix électoraux, tout comme l’identité d’une nation. Illustration concrète de cela ? Dans un « post » du 8 avril, intitulé ‘Monarchie et République : Tintin ou Largo Winch’ j’indiquais que, selon moi, les deux archétypes de régimes démocratiques étaient, d’une part la monarchie britannique et de l’autre, la république américaine. J’y puise donc mes exemples, tirés de l’actualité récente :
Allez revoir la vidéo du mariage royal, montrant toute l’abbaye de Westminster chantant à l’unisson l’hymne « Jerusalem » du poète William Blake (http://www.youtube.com/watch?v=4yIWBO_7nio). Une réelle force se dégage de ces images. Il y a d’abord la beauté du chant, porté par les voix cristallines du chœur. Et puis, cette assemblée qui embraye sans honte : la caméra glisse sur le couple des amoureux princiers, passe sur Elton John et son compagnon, s’arrête sur le premier ministre et son épouse, puis se pose avec respect sur celle qui, drapée de jaune, incarne la Nation. Tous chantent. Alors, l’image sort de l’abbaye de Westminster. Là où fleurissent les Union Jacks. Le peuple, lui aussi, chante. Et que proclame cet hymne ? Si seulement Jérusalem, la cité sainte, pouvait venir s’établir en nos pluvieuses contrées anglaises, balayées par le péché. Un texte à la fois patriotique et sans illusion. Pur exemple du ‘British understatement’. De cette scène se dégage une réelle émotion. Elle ancre sans complexe notre XXIe siècle dans la grande tradition de la nation britannique, c’est-à-dire dans sa mémoire réelle et symbolique, ses rêves d’avenir et l’image qu’elle a d’elle-même. Telle fut d’ailleurs la botte secrète du mariage de William et Kate : Alors que les commentateurs s’attendaient à un remake de l’union « conte de fée » entre Charles et Diana, la cérémonie fut calquée sur le mariage … de la Reine et du duc d’Edimbourg. Même église, même sobriété de la robe de la mariée, même uniforme porté par le prince et son grand-père, même volonté à ne pas en faire « too much » : assez pour être royal, mais pas trop pour paraître bling bling (rappelez-vous la traine kilométrique de Diana !). Bref, un mariage qui, à l’image de l’hymne « Jerusalem », propage une émotion qui renforce un certain way of life, subtil mélange de patriotisme et d’understatement.
Tournons nos regards vers la grande république d’Outre-Atlantique, où une autre scène très significative se joua dimanche soir – heure locale. La vidéo s’ouvre sur un long couloir et, tout devant, le drapeau américain (http://www.youtube.com/watch?v=m-N3dJvhgPg&feature=topvideos_news). Soudain, le président entre et marche vers le spectateur d’un pas assuré. Avec la voix grave du ‘commander in chief’ qui s’adresse solennellement à son peuple, il annonce que Ben Laden a été tué. Suit un hommage aux victimes de 9/11, ainsi qu’aux forces de renseignement et d’intervention. A la fin du discours, le président se fait lyrique : « Ce soir, il nous est rappelé une fois de plus, que l’Amérique peut affronter tous les défis qu’elle se fixe. Tel est le sens de notre histoire. (…) Souvenons-nous que nous pouvons faire ces choses, non pas seulement pour la richesse ou le pouvoir, mais bien à cause de qui nous sommes ». Ici, l’émotion s’ancre dans le rêve américain, que ce président-communicateur avait jadis su résumer dans son célèbre : « Yes, we can ».
Au patriotisme enraciné des britanniques répond l’audace naïve du continent nouveau. Mais des deux côtés de l’Atlantique, l’émotion se ponctue par une référence à ‘God’. Dans l’Abbaye résonnera le traditionnel ‘God save the Queen’ et le Président saluera par le, non-moins traditionnel, ‘God bless America’. Ne nous y trompons pas : la référence à ‘God’ n’annonce pas un retour larvé de la théocratie. Elle ne se réclame d’aucune révélation, mais reconnaît un au-delà de la nation. Quelques soit son prestige passé, son succès présent et ses rêves d’avenir, le peuple se sait mortel et inséré dans une communauté humaine plus vaste. Il est important pour lui de ne pas l’oublier. En effet, si une nation se dissout quand elle n’a plus d’émotions collectives à partager, son identité devient cancéreuse quand elle oublie que ses rêves ne peuvent devenir le cauchemar de l’humanité. Que ‘God’ nous en préserve.
La piété assassine
« Comment un garçon réservé, timide, pieux, issu d’une des plus grandes familles saoudiennes a-t-il pu devenir l’ennemi numéro un des Etats-Unis et l’inspirateur d’une guerre sainte ultraviolente qui a enflammé la première décennie du nouveau millénaire ? » se demande à propos de Ben Laden, le journaliste Christophe Lamfalussy en page 3 de La Libre de ce jour. La question mérite que l’on s’y arrête. A l’instar de tous les grands élans humains, l’idéal spirituel est à double tranchant. Il en va d’ailleurs de même avec l’amour humain. Si l’être cynique passe à côté de sa vie, son voisin qui – par peur de perdre l’affection des siens – étouffe conjoint et progéniture, ne s’en sort guère mieux. Eh bien, il en va de même avec la religion. Celle-ci vise à la purification des cœurs, mais la quête de pureté spirituelle n’est authentique que si elle se conjugue avec une réelle liberté d’esprit. La tentation de la pureté imposée (puritanisme) – voire combattante (guerre sainte) – est de tout temps, mais aboutit inexorablement à une impasse. « Là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté », rappelait saint Paul (2 Corinthiens 3,17). Voilà pourquoi les authentiques martyrs – mot qui signifie « témoin » en grec – se comptent rarement parmi les combattants de Dieu et bien plus souvent auprès de leur victimes. Celui qui massacre au cri de « Dieu avec nous » ne se rend pas compte que son Divin Maître le regarde avec les yeux de celui qu’il égorge. Surtout quand l’innocence sacrifiée aime jusqu’au bout de l’absurde et murmure dans un ultime soupir : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23, 33-34).
Wie draagt er allemaal een boerka in dit land?
Wie mijn twee jongste posts leest (ze werden wel in het Frans geschreven) zal ondervinden dat ik het dragen van een boerka in het openbaar als problematisch ervaar en dus begrip toon voor het verbod gestemd door onze parlementariërs. (Misschien had de wet wat grondiger doordacht moeten worden, maar goed…) Dit gezegd zijnde, moest ik wel eventjes slikken toen ik het stuk van een niet onbekende columnist in De Morgen van vandaag las (p.14): “De Kamer keurde bijna unaniem het verbod op het dragen van de boerka goed. Alleen Eva Brems (Groen!) stemde tegen, en dat vind ik schandelijk. Eva Brems draagt dan wel geen hoofddoek, maar wel een blinddoek.(… ) Het is het hedendaagse equivalent van de Jodenster tijdens de naziperiode. (…) De boerka is net als de Jodenster opgedrongen door een groep die zich superieur acht tegenover anderen. De nazi’s vonden de ariërs superieur tegenover de Joden, vandaag denken orthodox islamitische mannen hetzelfde over hun vrouwen”. Einde citaat. Persoonlijk vind ik dat men respect moet tonen voor een parlementariër die de durf heeft om haar eigen mening te uiten tegen alle collega’s in. Dat is een teken van moed, die beter verdient dan afgeblaft te worden. En de boerka met de Jodenster vergelijken, is ook niet de subtielste analyse van het jaar… Boerka’s zijn democratisch ongezond omdat ze elke vorm van sociaal contact met andersdenkenden op een afstand houden. Maar wie niet oplet, zal misschien ooit ontdekken dat hij/zij mentaal ook een boerka draagt. Onzichtbaar en daarom des te gevaarlijker.
Ben Laden, Burqa et Civilisation démocratique
Le Vatican a raison de le rappeler : un chrétien ne se réjouit pas de la mort d’un homme, quel que soit le poids de ses fautes. Ceci étant dit, je ne vais pas pleurer la mort de Ben Laden, non plus. En apprenant ce matin tôt son décès, ma plus grande surprise fut de réaliser… qu’il était encore vivant. Cela fait dix ans que son nom hante l’actualité à la manière d’un fantôme. J’avoue que j’en étais venu à croire qu’il était décédé depuis belle lurette dans quelque maquis afghan et que ce n’était que son épouvantail que partisans et adversaires agitaient, un peu à la manière d’un étendard. Mais non. Il était bien vivant et se cachait même au cœur du Pakistan… dans une ville – cerise sur le gâteau – qui abrite une importante garnison militaire. Echapper une décennie durant à la première puissance mondiale qui a fait de vous l’Ennemi public n°1, cela fait réfléchir : nos satellites, services secrets et autres écoutes téléphoniques semblent bien impuissants face à une guérilla décidée, reposant sur des alliances tribales.
Ceci étant dit, constatons avec soulagement que tous les états, même les plus islamistes, ont salué l’opération militaire. Le terrorisme se réclamant de la Sharia n’a donc plus aucun soutien public. La plupart des observateurs pensent d’ailleurs que les jours de gloire d’Al-Qaïda appartiennent au passé. Reste la question récurrente posée à nos démocraties – qui est de savoir si d’autres formes de manifestations islamistes, pacifiques elles – sont également à mettre au ban de nos sociétés. Ici, nous revenons au débat sur l’interdiction de la burqa que notre parlement vient de voter. A ce sujet, deux opinions fort contrastées apparaissent dans la presse du jour. En p.8 du Soir, Salil Shetty secrétaire général d’Amnesty International, déclare : « En Europe, au Canada, ou aux États-Unis, nous sommes très inquiets de ce virage vers le populisme qui entraîne un abaissement des droits humains. Ce qui était inacceptable il y a trois ans devient la norme. C’est une grande préoccupation pour nous. Quand on voit ce qui se passe en France ou en Belgique avec le vote de la loi interdisant la burqa, le traitement des Roms… Oui, c’est très préoccupant ». A l’opposé, Dirk Verhofstadt – frère de Guy – écrit en p.14 du Morgen : « La Chambre a approuvé l’interdiction de la burqa, presqu’à l’unanimité. Seule Eva Brems (Groen !) a voté contre et je trouve cela scandaleux. Eva Brems ne porte pas de voile sur la tête, mais un bandeau sur les yeux. (…) A l’instar de la croix juive (sic !), la burqa est imposée par un groupe qui se croit supérieur à un autre. Les nazis jugeaient les Ariens supérieurs aux Juifs, aujourd’hui les hommes islamistes orthodoxes se jugent supérieurs à leurs femmes ». (‘De Kamer keurde bijna unaniem het verbod op het dragen van de boerka goed. Alleen Eva Brems (Groen!) stemde tegen, en dat vind ik schandelijk. Eva Brems draagt dan wel geen hoofddoek, maar wel een blinddoek. (…) De boerka is net als de Jodenster opgedrongen door een groep die zich superieur acht tegenover anderen. De nazi’s vonden de ariërs superieur tegenover de Joden, vandaag denken orthodox islamitische mannen hetzelfde over hun vrouwen’.)
Ce que j’en pense? Tout d’abord, je rappelle à Monsieur Verhofstadt qu’une parlementaire qui se démarque en conscience de l’ensemble de ses collègues, mérite le respect et non pas l’opprobre facile. De plus, que sa comparaison entre burqa et étoile juive me laisse songeur. Pour le reste – je le répète – je ne sais pas si l’interdiction était la meilleure solution (lire dans les pages du Soir de ce WE, l’avis critique d’Edouard Delruelle, codirecteur du Centre pour l’Egalité des chances), mais je maintiens que le port de la burqa pose problème dans une civilisation porteuses de valeurs démocratiques. Une chose est de la porter dans un contexte tribal – où cela fait partie de coutumes ancestrales – autre chose est de s’en revêtir dans notre monde pluraliste et ultramoderne. Je me rappelle un débat à l’ULB entre un représentant du Centre d’Action Laïque, votre serviteur et un professeur d’islam. Alors que le catho et le laïque se livraient au « show » habituel de leur guéguerre fratricide – pour le plus grand plaisir de l’auditoire – l’outsider musulman faisait figure de sage dans le panel. A un moment donné, il dit cependant une chose que personne ne releva, mais que je n’ai pas oubliée : « Pour nous musulmans, la distinction occidentale entre foi et raison n’est pas pertinente ». Ce que cet académique voulait selon moi exprimer, est que la foi du musulman irrigue sa raison. Dans ce cas, tout démocrate digne de ce nom partagera son avis. Un athée, comme Dirk Verhostadt, laisse sa raison être irriguée par sa « foi rationaliste », tout comme je laisse la parole du Verbe fait chair inspirer mes réflexions. Cependant, si cela en vient à signifier que, sans une foi bien particulière, l’homme n’a pas d’usage valable de sa raison et que toute discussion avec lui est donc vaine, alors il y a incompatibilité avec une civilisation démocratique. En effet, notre société pluraliste se bâtit un projet commun sur fond de dialogue, de débat, voire de conflit. Le cœur de notre régime politique ne s’appelle d’ailleurs pas pour rien « un parlement ». Quand une pensée se veut totalisante au point de faire déclarer à ses adeptes: « Tout ceux qui ne croient pas comme moi, ne peuvent pas penser validement. Je n’ai donc rien à dire ou partager avec ces mécréants », alors la possibilité même de la démocratie s’estompe. Ce fut la difficulté durant les années de la guerre froide avec les plus radicaux parmi les Marxistes: tous ceux qui ne partageaient pas leur doctrine étaient disqualifiés comme « penseurs bourgeois à la solde du Capital ». Mon malaise par rapport au voile intégral se situe également là : il manifeste par le langage vestimentaire qu’aucun échange social n’est désiré. Je ne pense pas que ce soit acceptable sur la voie publique, car notre société se doit de défendre les piliers sur laquelle elle repose et l’échange social en fait partie. Fallait-il pour autant l’interdire par voie de loi ? Ici – je le répète une fois de plus – c’est au pouvoir politique de trancher, sans faire l’impasse sur l’inquiétude exprimée par le secrétaire général d’Amnesty.