Ce jeudi 29 septembre eut lieu au CAL (Centre d’Action Laïque, situé sur le campus de l’ULB), une cérémonie d’hommage laïque à Philippe Grollet. Elle fut digne et belle, ressemblant bien à celui qui était commémoré. J’ai particulièrement été touché par la sincérité et la profondeur de ses deux enfants, qui ont rendu hommage à leur père. Philippe était fier de sa progéniture – à juste titre. J’ai également été honoré par la demande de sa famille, qui a souhaité que je prenne la parole à cette occasion – dans le prolongement de mon billet publié sur ce blog. Voici donc le texte de ma prise de parole:
Mon cher Philippe,
Tu ne t’attendais sans doute pas à ce qu’un Curé prenne la parole lors de tes funérailles – et cela, de surcroît au sein de ton cher bâtiment du CAL. En apprenant qu’il s’agit de moi, tu te serais sans doute exclamé : « Eric, tu es incorrigible ! Une fois de plus, tu t’arranges pour avoir le dernier mot ». Mais non, Philippe. Cette fois, ce n’est pas moi qui ai le dernier mot, mais bien l’amour et l’amitié. L’amour de ta compagne Anne-Françoise, de Liliane – ta complice de toujours – et de Gaëlle et Bruno, tes enfants. Ils ont souhaité me laisser prendre la parole en ce jour, afin que toutes les facettes de ta personnalité soient ici évoquées. L’amitié, aussi – celle qui unit les hommes – par-delà les frontières idéologiques. C’est d’ailleurs une expérience assez particulière que d’éprouver de la sympathie pour quelqu’un qui n’appartient en rien à votre famille philosophique. La relation qui se construit n’est alors, en effet, parasitée par rien de ce qui fait la complexité des relations entre proches : rivalité, jalousie, lien d’autorité ou de subordination. Rien de tout cela entre toi et moi, Philippe. Tu ne me devais rien, pas plus que moi, je ne te devais quelque chose. Nous appartenions à deux planètes philosophiques différentes : Tu étais l’avocat de l’autonomie souveraine du sujet. Moi, je me voulais le chantre de l’homme en relation – face à son Créateur et ses frères. Et pourtant… A force de débattre et de polémiquer, nous avions fini – comme ces vieux couples impossibles – à nous respecter, puis même à nous apprécier. Je me souviens de la première fois que je suis entré dans ce beau bâtiment du CAL. Nous étions à l’époque déjà devenus copains et tu étais toujours président de la laïcité. A la fin d’une conférence commune à l’ULB, je t’ai dit : « Philippe, je ne l’ai jamais vu le bâtiment que tu as fait construire ». « Aucun souci », me répondis-tu, « on y va.». Il n’était pas loin de minuit et voilà que tu m’introduisis dans l’immeuble complètement désert, que tu me fis visiter avec une certaine fierté. Je me rappelle que tu me désignas une pièce du 1er étage, comme le lieu stratégique où se débattaient les décisions. Observant qu’il s’y trouvaient des valves, j’y épinglai ma carte de visite de porte-parole des évêques, en y ajoutant un smiley et un commentaire blagueur du genre : « Dieu vous regarde ». Tu étais enchanté, en t’imaginant la tête de tes collaborateurs le lendemain. Ce côté potache nous rassemblait. Derrière l’avocat passionné et polémiste se cachait un être joyeux et sensible. Un homme fidèle aussi : plusieurs fois, Anne-Françoise et toi m’avez invité à un repas – et ceci, par pure sympathie.
D’ailleurs, tout ne nous séparait pas – loin de là. Plusieurs combats nous étaient communs : la défense de la démocratie contre le repli populiste ou identitaire ; l’opposition à toute confusion entre foi et science – comme c’est le cas avec le créationnisme – et puis aussi la lutte contre l’injustice sociale. Poursuivant ton œuvre, ton successeur Pierre Galand proposa ainsi au cardinal Danneels de signer un appel commun pour la régularisation des sans-papiers – appel qui fut suivi d’effets.
Mais, Philippe, ni toi, ni moi, n’aimions le consensualisme plat. Notre mutuelle sympathie n’effaça jamais nos profondes différences. Celles-ci culminaient dans notre approche de la mort, à laquelle nous donnions une signification fondamentalement différente. Cette mort, nous rassemble désormais. Par ton décès inopiné et prématuré, tu m’as précédé sur un chemin, qu’un jour aussi j’emprunterai. Ce jour-là – que ce soit un Dieu d’amour qui nous accueille, comme je le crois – ou que seul le néant soit notre compagne, comme tu le pensais – nous serons pleinement frères de destin. C’est cela, Philippe, qui est si beau avec les hommes : ce qui les oppose durant la vie, les rassemble dans la mort. Alors « à – Dieu Philippe ». Si je le dis en deux mots – « à-Dieu » – d’autres ici, le prononcent en un seul – comme tu le faisais. Mais qu’importe : la sincérité et l’émotion sont la même. Adieu donc, Philippe. Et merci.
je n ai pas aimé
au dela du rigolo, on n est pas laique pour rien
c est un manque de … respect
que de voulkoir, QUAND MEME, avoir le dernier mot sur quelqu’un qui n est plus en état de se défendre
c est très catho …
et c est … de la récup
pouah !
Je réponds avec la même sincérité: Ou bien je m’exprime très mal en français. Ou bien vous n’avez rien compris à ce que j’ai dit et à ce que de très nombreux laïques ont compris ce jour-là, en me remerciant. Ou bien – et c’est ce que je pense – vous ne souhaitez pas, ou êtes incapable pour des raisons émotionnelles, de comprendre… Comme vous dites: pouah!
Vous vous exprimez remarquablement en français.
Merci pour ce texte exceptionnel qui confirme et renforce la confiance que nous Laïques plaçons dans l’homme (sui generis)
vs avez profité de ce drame pour prendre le dessus sur le mort et vendre votre camelotte Pas bien !!!!
Philippe l aurait il fait si vs aviez passé l arme à gauche avant lui ???? ….
J’ai pris la parole à la demande de la famille et je n’ai nullement cherché à vendre ma camelote. Une amie de Philippe, laïque et franc-maçonne a lu votre commentaire sur le blog et m’a dit: « Eh oui, nous aussi avons nos sectaires ». « Pas bien » – comme vous dites.
madame tihon, votre réaction est une clef à molette, populiste elle va sur tout et se veut vouloir récupérer qqchose qui ne vous appartient pas de juger, elle est déplacée dans le cas présent.
J’ai pris connaissance de tout ce fatras de relations « d’amitié » entre le démoniaque curé des biscuits (je veux dire « de Beukelaer ») et le laïc Philippe Grollet. Moi, je reste persuadée que les cathos et les athées ne doivent tout simplement pas se rencontrer, ni se fréquenter. Ils vivent sur des planètes tellement opposées, tellement différentes, que le mieux à faire est de s’ignorer mutuellement. Je ne crois pas un seul instant que Philippe Grollet ait été accueilli par le « dieu » imaginé par ces satanés cathos, puisque lui n’y croyait pas. Pourquoi les croyants veulent-ils en effet avoir perpétuellement le dernier mot ? Qu’ils nous laissent mourir sans cette invention divine aberrante.
Une fois n’est pas coutume, je vous laisse bien volontiers le dernier mot.
Sacré-sucré
Je reviens – sur un blog où il ne me viendrait jamais à l’idée de venir – après m’être faite incendier par l’une ou l’autre personne fort blessée qui a souhaité me blesser à son tour et me rendre « la monnaie de ma pièce ». Je ne suis pas politiquement correcte. Philippe Grollet ne l’était pas à ma connaissance et avait de solides « coups de gueule ». C’est d’ailleurs en grande partie pour cela qu’on l’appréciait. Rien chez Philippe de mièvre, de mielleux ou de faux … mais de l’humour et une capacité de … regarder l’autre avec un … sourire, sourire qui … en disait long. Et avec … beaucoup de distance. Après tout, ça ne mange pas de pain (si j’ose dire !). Un grand observateur des êtres humains comme je l’ai remarqué peu avant son départ. Un fin observateur de l’Homme sous toutes ses formes. Car, pour combattre et contrer et devenir de plus en plus soi-même, il faut connaître et « comprendre ». De là, sans doute, sa volonté de « se frotter » à tout et son contraire. Comme je le comprends ! Repoussons les limites… Allumant mon pc une nuit où un Homme devait encore être exécuté aux Etats-Unis, j’ai vu, de mes yeux vus, non pas le visage de cet homme exécuté (ce qui me rend chaque fois malade) mais le visage de … Philippe … décédé !!!! Sans commentaire … La PREMIERE réaction sur le net, et la dernière dont on parle aujourd’hui fut et est celle d’un … curé. Comme cela m’a choquée, cette façon de saisir la balle au bond ! Ouf ! Même le meilleur journaliste n’a pas osé. Mais le monsieur qui officie ici et que je ne connais que de nom et de ce que je vois sur ce blog (et qui est très loin de me … rassurer) y est allé franco pour ne pas dire gaiement et avec … légèreté. Sans se demander si, des fois, cela n’allait pas choquer. Si c’était bien adéquat. S’il ne convenait pas de se mettre en retrait du moins jusqu’au moment où … on l’aurait sonné si j’ose dire. Voilà, la mort de … Philippe Grollet fut soulignée d’abord par un curé. Et si j’écris « récupérée » à bon escient, on me dira malveillante etc. Il fallait oser ! Philippe méritait mieux. Il ne méritait pas ce pied de nez moqueur, beaucoup trop facile. Souvent, les gens brillants et fins s’observent et se reniflent dans le cadre d’une espèce de jeu (voire de jeu de pouvoir) où il doit par définition il y avoir un gagnant. Cela ne me concerne pas mais je n’appelle pas cela non plus de « l’amitié » mais une façon de « socialiser » et de jouer. On ne badine pas avec l’identité profonde d’un être.
Pourquoi ce nouveau commentaire incendiaire de madame Thion sur mon blog? Pour réagir à la fille de Philippe, Gaëlle, qui lui a écrit son mécontentement. La famille de Philippe m’a laisse la liberté de placer ou non le message de sa fille Gaëlle sur mon blog. Je ne l’aurais pas fait, pour ne pas mettre de l’huile sur le feu, mais puisque Madame Thion ne se prive pas de publier sa propre réaction sur ce blog, laissons parler la fille de Philippe. Quant à moi, j’ajouterai simplement ceci: Madame Thion, la laïcité philosophique compte nombre de personnes remarquables, mais aussi – comme les religions – son lot de talibans. Pensez-y. Sachez que je n’ai jamais essayé d’être « le premier à réagir » à la mort de Philippe. J’ai simplement laissé parler mon coeur. J’espère que vous savez ce que cela veut dire.
Laissons maintenant la parole à la fille de Philippe Grollet. Elle écrit en son nom. Je la remercie. Bon sang ne saurait mentir: elle est la digne fille de son père:
Madame Thion,
Je ne vous remercierai pas de votre message, car, sans vous connaître, je ne vous aime pas.
Papa est un homme dont la valeur essentielle est le respect.
Respect que vous n’avez pas.
En bafouant le blog De M. De Beukelaere, vous avez non seulement heurté un ami de papa mais également notre famille entière.
Votre esprit est tellement étroit que vous n’avez même pas eu la justesse d’esprit de lire son texte.
C’est nous : Anne-Françoise, Bruno et moi qui avons invité M. de Beukelaer – comme introduit dans son message – pour que l’hommage à papa lui soit fait pour l’homme qu’il était, sous toutes ses facettes.
Papa ne partageait pas les mêmes idées que M. de Beukelaer. Evidemment. Vous non plus, et moi non plus – peut-être notre seul point commun. Mais au-delà du combat d’idées, il faut savoir reconnaître derrière l’adversaire idéologique l’homme et le complice de l’architecture de notre société.
Sur ce fait, vous avez été aveugle et profondément impolie.
En outre, la publication de messages positifs sur un site catho aurait pu grandir l’image des libres penseurs.
Au contraire, votre message puéril et dénué de fondement vous a fait passer pour une piètre bouffeuse de curé exempte de dialectique – cela, vous le méritez bien – mais à surtout jeté l’opprobre sur le monde laïque entier, directement associé à votre manque de discernement.
Voici donc ma réponse à votre arrogance et à votre pseudo encouragement.
Bien à vous,
Gaëlle, la fille de Philippe