Cette semaine, le journal tabloïd flamand « Story » fit ses choux gras des soi-disant SMS sulfureux que le premier-ministre aurait envoyé à une personne qui n’est pas son épouse. Luc Van der Kelen – éditorialiste du Laatste Nieuws et un des grands seigneurs de la presse flamande – écrit dans un billet en p.16 du quotidien « Le Soir » de ce jeudi 23 juin : « D’un côté la Flandre, de l’autre, Bruxelles et la Wallonie. Deux pays distincts, y compris sur le plan médiatique. L’élément personnel occupe une place beaucoup plus importante dans la presse flamande que dans les médias francophones. Au sud, un journalisme nettement plus « traditionnel », généralement attaché au modèle de la presse d’opinion d’autrefois, même si celui du groupe Sudpresse et de La Dernière Heure tire une certaine inspiration de l’exemple flamand. Quant à savoir laquelle est le plus suivie, c’est clair comme de l’eau de roche : la vie privée suscite éminemment plus d’intérêt que la chronique politique. Et elle se vend mieux, raison pour laquelle la presse affiche aussi une meilleure santé économique en Flandre. La loi des faits-divers règne elle-même depuis des lustres, les Romains la subissaient déjà – ils avaient leurs auteurs à scandale –, et l’actuelle impasse politique contribue à en accentuer la portée. Quand aucun fait significatif n’anime la scène politique, les petites querelles intestines entre les Michel et autres Maingain ne suffisant pas à troubler cette quiétude, la presse met en exergue d’autres aspects de la vie des principaux protagonistes. Et les hommes et femmes politiques de saisir cette chance, tirant parti d’une liberté d’expression qui n’existe dans nul autre pays ».
Comment réagir à cette tabloïdisation de nos médias – surtout en Flandre ? Je suis de ceux qui pensent qu’il est hypocrite de crier au scandale. En effet, les médias fonctionnent avant tout comme une loupe qui grossit ce que nous sommes. A cet égard, j’aime beaucoup l’anecdote que me conta un prélat français, ayant travaillé plusieurs années durant dans le monde de la communication. Tout jeune évêque, il se retrouva un jour entre de vénérables confrères qui se lamentaient de la platitude des médias. Il leur tint à peu près ce discours : « Mes chers Pères, imaginez-vous que vous rentrez chez vous un soir, après une tournée harassante de vos paroisses. Votre secrétaire a mis un exemplaire du « Monde » sur votre bureau en soulignant un article. Vous jetez un coup d’œil sur son titre : « Progrès dans l’œcuménisme avec les protestants ? » Le sujet est important, mais vous êtes bien fatigués. Vous allez donc vous coucher. La lecture attendra demain – si vous trouvez du temps. Maintenant, imaginez un instant que le titre de l’article soit plutôt : « Le Pape est-il secrètement amoureux de la Reine d’Angleterre ? », dans ce cas je puis vous assurer que, quel que soit votre état de fatigue, vous lirez tous cet article avant d’aller dormir. Vous voyez – concluait-il – les médias savent cela et publient en conséquence ».
L’évolution des médias vers une peopolisation est donc compréhensible. Mais comme je l’écris dans « Credo politique », pareil glissement n’est pas sans conséquence. La frontière entre une société de l’hyper-information et de l’hyper-désinformation est tenue. Au déficit des analyses répond l’inflation de l’émotivité ; celle qui met au monde une société surfant sur les petites phrases et anecdotes, sur arrière-fond de peopolisation qui fait vibrer par procuration. Les sociologues appellent cela l’ « émocratie ». Phénomène inévitable à l’heure des multimédias, mais qui ne doit pas pour autant devenir totalitaire. Dans la mesure des moyens humains et financiers, j’en appelle donc à un sursaut du journalisme d’analyse qui ne se contente pas de reprendre les dépêches d’agences et ose même parfois un raisonnement à contre-courant des grandes vagues d’indignations made in politiquement correct… Au risque de fâcher le faux-dieu des rédactions : saint audimat priez pour nous.
Certains me rétorqueront que ma position est celle d’un intellectuel naïf. Que le public aime les faits-divers concrets plus que les analyses pointues. Je réponds à cela qu’on a souvent tort de prendre l’homme de la rue pour un imbécile. Que, de plus, si on veut faire dans le fait-divers, il y a matière à tri. Ainsi, il y a l’histoire de ce chômeur américain qui fait un hold-up dans une banque pour… 1$. Histoire de se retrouver en prison, le seul endroit où il puisse se faire soigner par un médecin. Voilà bien un fait-divers qui est facile à comprendre, intéressant à entendre raconter et qui nous informe de l’état des plus démunis dans notre société. C’est tout de même moins idiot que cette histoire de SMS qui ne concerne personne, mis à part l’intéressé et sa famille.
Ces débats sur le secret professionnel dans le cadre d’abus sexuel sont véritablement à mettre en rapport avec la levée de ce secret et l’obligation de dénonciation à la CETIF pour tous les professionnels du droit ou du chiffre dans la découverte de mécanismes de fraude organisée.
Il est paradoxal que la fraude organisée dans le cadre du système financier et juridique paraisse au Législateur plus grave que des crimes contre les personnes !