D’accord, il n’est pas totalement roux, ni vraiment catholique. D’accord son accent irlandais n’est pas au point et sa Cadillac un peu lourde pour les casses-vitesses de Dublin. Mais qu’importe. On y croit. Regardez ce gars arpenter avec sa dame, l’unique rue du village de Moneygall et saluer la foule. Pas de doute, c’est l’enfant du pays. Voyez-le entrer chez Ollive Hayes, le pub d’où son arrière-arrière-arrière grand-père partit pour New-York en 1850. Contemplez-le qui salue ses « cousins » Healy, Donovan et Benn, avant de payer une tournée générale. Quelque jours plus tôt, lors de sa visite à l’usine Guinness, la Reine avait poliment refusé de boire le liquide couleur brou de noix. Un étendard vivant, la chope à la main… it is just not done. Mais ici, l’homme le plus puissant de la planète pose négligemment un billet sur le comptoir en blaguant : « je voudrais que vous sachiez que le président paie ses notes de bar ». Allez, slàinte… santé ! Ne me dites pas que ce type n’est pas un gars du pays, lui qui déclara à Dublin : « I have come home to Ireland ». Et on y croit.
Aujourd’hui, après O’Bama l’Irlandais, c’est Mr. Président, le meilleur allié des sujets de Sa Grâcieuse Majesté. Ensuite, ce sera le populaire leader du monde libre au G8 de Deauville et puis le puissant protecteur de l’Europe de l’est à Varsovie. Tout cela n’est pas que de la « com ». Il s’agit d’un état d’esprit. Métis né à Hawaï d’un père africain, éduqué en Asie musulmane, faisant sa carrière dans l’Illinois, cet homme aurait pu être de nulle part, mais choisit de se sentir d’un peu partout. Il aurait pu se résigner à ne jamais trouver sa juste place, mais en conclut qu’il pourrait briguer n’importe quelle place. Même président des Etats-Unis. Et on y croit. Harold Gutman, l’ambassadeur des Etats-Unis en Belgique, raconte que lorsque le sénateur Obama lui demanda de l’aider dans sa campagne à l’investiture, il n’avait pas devant lui un potentiel candidat, mais un futur président.
Le monde est son village, mais ne nous y trompons pas : ses lunettes sont celles du pays qu’il dirige. Ainsi, quand on l’interroge sur les guerres d’Irlande, il fait le lien avec le conflit israélo-palestinien. Le président espère convaincre ses partenaires européen de laisser les Etats-Unis à la manœuvre et de ne pas voter unilatéralement à l’ONU la reconnaissance de l’Etat palestinien.
Bref, on n’aime ou pas Barack Obama, mais l’homme ne peut nous laisser indifférent. En effet, ce président dit quelque chose du monde qui advient en ce XXIe siècle. Non pas un monde sans conflits d’intérêts ou guerres – hélas – mais un monde métissé. Un monde où, pour être de quelque part, il faut aussi être un peu de partout. Un monde dont un des signes annonciateurs fut Jean-Paul II – l’infatigable berger de la planète-village.