Je déjeunais il y a quelques jours avec un jeune philosophe de l’ULB (pour les Non-Belges : Université Libre – c’est-à-dire non-confessionnelle – de Bruxelles). Je trouve cet homme intelligent et d’une belle ouverture d’esprit. Bref, un libre-penseur authentiquement libre et penseur. A un moment donné, nous parlons de nos blogs respectifs et il me demande pourquoi j’ai choisi d’orner le mien d’une croix. Je lui réponds que je n’ai jamais mis mon identité en poche. De plus, cette photo me parle: l’océan atlantique au goût d’horizon, le rayon de soleil qui transperce de gros nuages – telle l’Esprit qui traverse notre opaque humanité – et puis, dressée à l’avant-plan, cette croix en pierre. « Stat crux dum volvitur orbis ». Telle est la devise des Chartreux : « Pendant que tourne la terre, la croix demeure ».
Signe d’un Dieu qui épouse notre humanité jusque dans la souffrance et la mort, la Croix n’a pas fini de nous interroger. Trop souvent, les hommes passent à côté de son questionnement, car à leur yeux la croix est identifiée à une bannière. A l’époque de la splendeur catholique, elle servait d’étendard à une Eglise triomphante. Aujourd’hui, elle serait plutôt un repoussoir pour nombre de ceux qui ont claqué la porte des sacristies. Cachez donc cette croix que je ne saurais voir…
Pourtant, la croix nous parle – que nous soyons chrétiens ou non, que nous nous disions croyants ou pas. Déjà sa simple apparence rappelle que l’humain se situe au croisement entre l’horizontal – notre dimension terrestre – et le vertical – notre aspiration spirituelle. Pour s’épanouir authentiquement, l’un ne peut jamais se vivre sans l’autre.
Mais le signe de la croix nous invite à creuser plus loin encore. Dans l’Evangile de ce dimanche, Jésus déclare : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ». (Jean 14, 6) Le Chemin est celui de la croix : grandit en humanité celui qui aime, même dans la souffrance et le rejet. La Vérité est celle de la croix : un homme nu et humilié, cloué sur une potence, nous en dit plus sur Dieu et sur l’homme que tous les puissants de la terre. La Vie est celle de la croix :à l’époque du Christ, les philosophes stoïciens prêchaient le chemin de la morale et les philosophes épicuriens la voie du plaisir. Mais ni la seule morale, ni l’unique plaisir ne peuvent à eux seul combler le cœur de l’homme. Seul celui qui accepte d’aimer au risque de tout donner… et de tout perdre, découvre le chemin étroit et sinueux vers la plénitude et la paix. Ce que j’écris ici en quelques pauvres lignes, ne suffira pas à convaincre nombre de lecteurs. Tel n’est pas mon objectif. Je leur suggère simplement – qu’ils soient chrétiens ou pas, croyants ou non – de contempler désormais la croix, non pas comme une bannière, mais tel un signe qui interroge les cœurs et laboure les consciences.
« Stat crux dum volvitur orbis ».
symbole si connu, mais dont la portée échappe tant finalement… on s’amuserait presque de la voir objet de tant de luttes, des murs des écoles aux murs des expos, quand elle est renversement d’une logique de valeurs vers une logique de don, mais un don qui semble arraché à celui qui le fait.
Beau blog suivi souvent… et je suis bien content qu’il trouve ses ramifications dans d’autres rencontres…