D’abord deux mises au point : Primo, sur le site de RTL, un sondage demande : « Est-ce le rôle de l’Eglise d’accueillir d’anciens condamnés et/ou des délinquants ? » Sans surprise, la réponse est à 83% négative. Mais la question est mal posée. La plupart de ces gens veulent dire (à tort ou à raison, je n’entre pas dans le débat) que Michèle Martin n’aurait pas dû être libérée conditionnellement. Ce que ce sondage aurait dû demander est : « Si une personne est libérée de prison et qu’elle ne sait où aller, un couvent peut-il être une solution ? » Question trop compliquée, m’objectera-t-on. Deuxio, en p.2 des quotidiens du groupe Sudpresse, on me fait déclarer que « je ne puis me résoudre à parler de pardon ». Je n’ai pas dit cela. Pour un chrétien, le pardon doit toujours rester l’objectif à atteindre. J’ai simplement signalé (lire mon ‘post’ de hier sur ce blog) que humainement, ce pardon semblait parfois surhumain à donner. Mais je sais… une fois de plus, l’idée est trop compliquée. Pourtant, la réalité se trouve souvent dans les nuances. Elle ne se réduit pas aux 140 caractères d’une dépêche sur Twitter. Maître Magnée le déclare en p.4 du Soir : « Aujourd’hui, on s’occupe de madame Martin et demain, s’il y a un incendie à l’Inno, on s’occupera de l’incendie à l’Inno. On est dans une civilisation d’événements et de communication où c’est le dernier fait qui marque, surtout quand il a lieu près de nous ». Que certains députés en profitent pour revenir avec leur agenda politique au nom d’un « opportunisme tout à fait assumé » (le Soir p.5), est de bonne guerre. Mais d’autres le rappellent : « on ne légifère pas sous le coup de l’émotion, mais bien au nom de la raison » (RTL). La politique a toujours été influencée par les émotions du moment, mais les médias modernes renforcent cela. Sans garde-fous, pareille évolution est dangereuse, car elle donne un blanc-seing au populisme le plus sombre – celui dont le moteur est alimenté par les colères et peurs collectives.
La politique ne peut être populiste, mais se doit de rester populaire – c’est-à-dire pas déconnectée du peuple. Une fois de plus, la vérité se cache dans les nuances. Ainsi, à l’opposé de l’émotion hyper-médiatisée causée par la libération conditionnelle de Madame Martin, se situe la réunion « secrète-discrète-privée » de vendredi à Luxembourg, rassemblant certains ministres des finances des pays appartenant à l’Eurogroupe. Thème de la discussion : la dette de la Grèce et du Portugal (et de… l’Espagne ?) + – selon certaines sources – une possibilité de sortie de l’Euro pour certains pays trop endettés. Je comprends le besoin de rencontres loin des caméras, surtout pour évaluer des enjeux complexes dont la simple évocation peut faire souffler un vent de panique sur les marchés boursiers. Cependant, à un moment donné, il est important d’informer la population. Car telle serait une autre dérive populiste : confier la politique entre les seules mains d’experts se réunissant loin des regards et laisser le bon peuple à ses émotions collectives. Donnez-leur du pain et des jeux, disaient les patriciens romains qui dirigeaient la République. Mais dans une démocratie digne de ce nom, le souverain ultime est le peuple. Il faut lui expliquer les vrais enjeux du débat politique dans toutes ses nuances. Plutôt que de surfer sur l’émotion du jour, on est toujours gagnant d’inviter à la réflexion. Bref, il s’agit de prendre le peuple au sérieux.
Cher Eric, heureusement que j’avais lu ton blog hier soir, sinon j’aurais avalé de travers en lisant le propos que La Meuse te prêtait…
Merci de ce rappel concernant le « trop compliqué », c’est précieux!