Il y a quelques années, je célébrais les funérailles d’une personnalité liégeoise en la splendide collégiale Saint-Jacques. Jean-Pierre Grafé m’attendait à la sortie. Il me glissa, cigarette à la bouche: « Eric, quand ce sera mon tour, je compte sur toi pour me rendre le même service ». Je lui ait répondu (comme je fais toujours dans ces cas-là): « Si je vis toujours, cher Jean-Pierre ». Il a simplement ajouté : « T’as intérêt… », avant de parler d’autre chose. Je n’étais pas un intime de Jean-Pierre – « JP » pour beaucoup de Liégeois. Mais nous nous étions suffisamment rencontrés pour que je l’estime. Et je pense que la réciproque était également vraie. Mardi martin, je présiderai donc sa célébration d’A Dieu en Saint-Jacques.
JP était un animal politique. Il connaissait ses dossier à fond et ce, jusqu’à la fin de sa vie. Il répondait à tout courrier. C’était aussi un être généreux, qui aidait les petits et sans-grades, sans jamais demander d’allégeance politique. J’en ai été, plus d’une fois, le témoin. C’était un grand noceur, mais aussi quelqu’un de pudique. Ainsi, il faisait partie de cette génération qui vivait son homosexualité avec discrétion. Jamais il n’évoqua le sujet avec moi. Ce n’était pas, non plus, un grand spirituel. A aucun moment, ne parla-t-il de ses convictions religieuses en ma présence. Par contre, l’homme avait des paroles d’une grande justesse, même pour défendre des adversaires politiques… Un beau jour, dans la meilleure société, de braves gens critiquaient un défunt politique socialiste, qui avait de nombreuses casseroles judiciaires. JP aurait pu se taire, mais il parla: « Moi, je défends sa mémoire. Quand j’étais jeune conseiller communal, je cherchais un logement pour une pauvre femme avec enfant. Toutes les portes se fermaient, car la dame n’avait pas la bonne carte de parti. Quand j’ai téléphoné à l’homme que vous critiquez, il m’a simplement demandé si je pensais que la personne à aider était sincère. Je le lui ai assuré et il m’a simplement dit: ‘J’arrange cela’ – ne demandant aucune contrepartie. Je n’ai jamais oublié ce geste de générosité ». Ainsi était la loyauté de Jean-Pierre, envers ceux qu’il estimait.
Et puis… Qui d’autre que Jean-Pierre peut se vanter d’avoir eu Jacques Brel comme « vedette américaine », faisant la première partie de la chorale scoute qu’il dirigeait? Etudiants, ils s’étaient rencontrés – assez éméchés – dans le carré de Liège et sont restés amis. Pour donner sa chance à ce jeune chanteur débutant, Jean-Pierre l’accueillit lors du concert qu’il donnait en paroisse avec la chorale scoute. Qui d’autre était aussi l’ami d’Adamo et Julien Clerc? Sacré JP…
A-Dieu donc, cher Jean-Pierre. Je continue à prier pour toi. Je suis sûr que le Dieu d’Amour accueillera celui qui a été le bon Samaritain pour tant de personnes et qui aimait sa Cité ardente, par-dessus tout. De Là-Haut, continue à étudier tes dossiers. Intercède pour Liège et pour nos politiciens du moment. Leur tâche ne sera pas facile au lendemain des élections. A-Dieu, JP. Et merci.
Très bel hommage qui nous fait découvrir une facette d’un homme qui a été quelque peu malmené dans la presse. La fidélité en amitié, pour moi, cela compte !