C’est avec émotion que j’ai appris cet après-midi le décès inopiné de Philippe Grollet, le past-président du Centre d’Action Laïque (CAL).
La vie est parfois étonnante. En réel avocat qu’il était, Philippe avait l’art de pratiquer l’excès et l’ironie dans nombre de ces débats télévisés – surtout à l’égard du monde catholique. Mon premier contact avec lui dans ma fonction de porte-parole des évêques, fut donc de me dire : « ce type est un fou furieux ». Puis, j’appris à le pratiquer comme partenaire de débat… un peu comme on s’habitue à un adversaire régulier au tennis. Nous commencions à mieux nous connaître et à nous respecter. Un soir, après un solide débat à l’ULB, nous avions été prendre ensemble quelques verres de bière. Et là, à un moment donné, j’ai vu Philippe changer de regard. Je ne l’avais pas converti, non… mais il voyait désormais l’homme en moi et non plus simplement l’adversaire idéologique. Tout naturellement, nous nous sommes mis à nous tutoyer et depuis lors, notre relation est devenue amicale – ce qui n’empêcha nullement la poursuite vigoureuse de nos échanges publics.
Je découvris, depuis lors, en Philippe Grollet un homme passionné par ses combats et délicat dans ses attentions. Ainsi, lors de sa passation de pouvoir comme président du CAL à Pierre Galand, il insista pour m’inviter et me cita dans son allocution… tout en décochant par après quelques flèches à l’égard des catho’s – histoire de faire bonne mesure :-)…
Plus tard, alors que je me débattais en pleine opération « calice », il m’invita à manger un bout avec lui au restaurant que tenait Anne-Françoise, sa compagne – afin de me remonter le moral durant ces heures sombres. Il refit cela à plusieurs reprises, même quand je n’étais plus porte-parole. Anne-Françoise – sachant que c’était un de mes péchés mignons – me faisait alors goûter ses nouveaux champagnes. Toutes ces attentions m’ont vraiment touché.
Lors d’une de nos dernières rencontres, je lui lançai en boutade : « Philippe, je serai toujours gagnant sur toi. En effet, nous allons tous les deux mourir un jour. Or, si Dieu n’existe pas – comme tu l’affirmes – je n’en saurai rien. Par contre, s’Il existe comme je le crois, j’aurai l’éternité pour te rappeler que c’est bien moi qui avait raison ». Philippe sourit et me répondit : « Voilà bien une version particulièrement malveillante du pari de Pascal…. », avant de conclure par un habituel : « mais qu’espérer de mieux avec ces curés de malheur ».
Eh bien, Philippe, tu m’as devancé sur ce chemin. Tu ne m’en voudras pas – je suis incorrigible – de prier pour toi. A Anne-Françoise et à tes enfants, je présente toute ma sympathie. Tu étais un honnête homme et un être plein de délicates attentions. Je te dis donc « adieu » ou « à Dieu » – là, nous n’étions pas d’accord – mais je te le dis en amitié. Adieu, cher Philippe – et merci.
Merci pour ce texte plein d’émotion et de sensibilité. Philippe m’avait encore dit récemment toute la sympathie qu’il éprouvait pour vous.
Merci à vous.
Cher Eric,
Je pleure aujourd’hui un patron mais surtout un ami. Ces trois dernières années passées à son service personnel et professionnel ont faites que j’ai souvent entendu Philippe parler de vous. Votre texte, que je viens de découvrir reflète parfaitement, à ma connaissance, toute l’estime qu’il avait pour vous, tant en amitié, que combativement par rapport à la religion que vous représentez. Il aimait « bouffer du curé » et se délectait de vos échanges par courriel qu’il me lisait et commentait.
Dire « paix à son âme » n’est pas le trahir, je me permets donc de l’écrire ici.
Recevez, cher Eric, l’expression de mes salutations bien attristées
André
Merci André
Merci pour ce témoignage ! Ce que vous avez tous deux vécu en dehors de la lumière des projecteurs est bien plus beau et bien plus riche que ce qui fut médiatisé…
Tellement vrai…
Bien cher Eric,
Merci beaucoup de ce beau témoignage; ayant participé à l’un de ces repas, je peux en confirmer la sincère franchise et la réelle amitié qui présidait à ces échanges où la joute intellectuelle l’emportait souvent sur l’opposition des idées. Puissions-nous ensemble continuer de porter ces échanges qui nous rapprochent en tant qu’hommes de bien.
Merci Yves!
Cher Monsieur,
Je me permets de réagir à ce billet écrit en hommage à feu Philippe Grollet. Je fais partie de ses connaissances et nous partagions (que cet imparfait n’est pas agréable à écrire) les mêmes convictions philosophiques et la même aversion pour la religion.
Votre billet est d’une rare justesse et m’a touché. Philippe pouvait être redoutable dans la défense de ses convictions mais il savait aussi reconnaître les qualités humaines de son contradicteur et c’était quelqu’un d’extrêmement fidèle en amitié.
Jamais je n’aurais cru devoir – à cause de lui – remercier un de ces « curés de malheur » en de pareilles circonstances,…. Merci pour cet hommage.
Merci à vous pour ce signe d’amitié.
J »ignorais son décès; je n’en reviens pas.
Merci Eric pour ce beau témoignage vis-à-vis de ce « bouffeur de curé »
nicole
Espérer pour tous…
Que la vie (et la mort) est belle lorsque les « rivalités » sont empreintes de respect.
Un homme qui croit qu’il croit.
J’avais été touché par l’intervention de Monsieur Grollet lors de son passage dans l’émission « Noms de Dieux ». Je rends hommage à cet homme de convictions.
Merci Eric. Philippe était ce « libertin irréligieux » revendiqué mais tant proscrit au 18ème siècle et pourtant si disponible pour l’humain, dans le respect et la différence assumés, dans l’excès parfois mais toujours avec l’engagement de l’homme honnête. Homme d’engagement, il se faisait parfois critiquer en laïcité pour avoir présidé à sa reconnaissance et en avoir fait (comme disent certains) une « religion comme les autres ». Je pense que son héritage est bien plus vaste et que la laïcité lui doit une visbilité et un accès au forum public officiel, un forum où vous vous êtes confrontés, découverts et appréciés. Merci pour ton bel hommage. Et merci à Philippe pour le travail loyalement accompli et les outils savamment mis en oeuvre.
Pour avoir connu Philippe Grollet comme adversaire, je dirais que l’homme de la rue ne partage pas ces convictions énoncées sur cette page … qu’elles viennent de catholiques ou de laïcs.
Mais chacun sa … « foi »… et ses croyances.
Euh… Je ne comprends pas tout, mais la seule chose à ajouter à ce commentaire est: « dont acte ».
Eric, j’aimerais vous demander quelle est la qualité de vos relations avec Gabriel Ringlet. Je suis laïc et même athée (je crois en l’être humain) mais je considère que Ringlet est un homme prodigieusement intéressant. Avez-vous pu développer une amitié semblable avec lui? Quant à Philippe, mes voeux l’accompagnent
Gabriel Ringlet et moi-même appartenons à une autre génération et nous avons, de par nos personnalités et formations, une approche de la réalité parfois différente. Ceci étant dit, outre que nous partageons la même foi et la prêtrise, nous sommes des communicateurs et des personnes qui cherchons à faire le lien entre l’Evangile et la culture d’aujourd’hui. C’est tout cela qui nous rapproche… en plus du fait que nous sommes tous les deux liégeois!
Je suis triste d’apprendre son décès seulement maintenant et encore plus d’apprendre cecic: « son décès, seul et sans témoin dans son domicile de Lasne.. » J’ai moi aussi eu le privilège de le connaître personnellement et de l’accueillir parmi nous un samedi soir à Morlanwelz lors d’une soirée concert-théâtre organisée par les jeunes de notre église protestante. Paradoxal.. parmi les personnalités que j’ai invitées, même catholiques, seul Philippe Grollet est venu, avec son chien dans la voiture. Un homme d’apparence coriace, et quand bien même il ne se soit pas « converti à Christ » ce soir là, j’ai pu sentir et entendre de sa bouche que notre soirée l’avait ému.. il était impressionné par l’enthousiame de nos jeunes et je cite « cette capacité de rassemblement que vous avez »… Puis on est sorti dehors à la fin de la soirée et on a discuté de choses et d’autre. Je me souviens que la mort de sa mère l’avait marqué. Il était très humain. Un homme tendre. Il était pressé parce qu’il devait aller chercher sa fille, si je me souviens bien. J’ignore ce qui a bien pu se passer le soir de son décès, mais j’espère le revoir un jour là-haut.. qui sait. Je suis convaincu que j’y verrai des gens que je n’aurais jamais imaginé voir..