Blog : bilan du mois de septembre

En septembre 2011, ce blog recevait 4423 visites pour 6683 pages vues ; pour septembre 2012, 5624 visites pour 8773 pages vues ; pour septembre 2013, 3820 visites pour 4386 pages vues ; pour septembre 2014, 3090 visites pour 3627 pages vues. Ce mois de septembre 2015, il reçut 3061 visites pour 4854 pages vues.

Le lectorat belge compte 2564 visites. La France suit avec 241 visites et le Royaume-Uni avec 103 visites.

L’article le plus fréquenté fut « Islamophobie et maçonnerie » du 28 septembre avec 250 visites. Vient ensuite « … » du 13 septembre avec 243 visites et « Cours de rien, clap deuxième » du 16 septembre avec 213 visites.

Merci aux lecteurs et suite au mois prochain.

Pensée du soir – La « petite » Thérèse, dynamite de Dieu

Thérèse de Lisieux (1873 – 1897), que l’on fête le 1er octobre, est cette petite carmélite normande, morte à 24 ans – qui a laissé des manuscrits au langage mièvre. Mais à celui qui gratte par-delà le style sulpicien, si propre à son époque, s’ouvre alors un monde spirituel explosif. Thérèse – sans avoir l’air d’y toucher – a dynamité le puritanisme du XIXe siècle, pour rappeler le cœur de l’Evangile par une spiritualité de l’enfance spirituelle : Non pas désirer de « grandes œuvres et de pieux sacrifices », mais – comme un enfant – laisser l’Esprit agir en nous en faisant avec amour les petites choses du quotidien. Ce n’est donc pas un hasard si Jean-Paul II la proclama « Docteur de l’Eglise », soit une sainte ayant une puissante influence sur la théologie catholique.

De fait – c’est à l’école de Thérèse de Lisieux que j’ai entamé ma vie de séminariste. Et elle fut pour moi une excellente « maîtresse des novices ». Ma spiritualité et ma vie de prière sont, aujourd’hui encore, largement inspirés par sa « petite voie ». Puisse-t-elle continuer à veiller sur l’Eglise et sur les prêtres.

Islamophobie et franc-maçonnerie

Il n’y a pas que dans le monde catholique que le débat sur l’islamisme divise. Denis Rousseau, franc-maçon depuis 25 ans déclare dans le « Vif/l’Express » son islamophobie : « L’Islam, non seulement, n’a jamais fait son aggiornamento (NDLR : son adaptation à l’évolution du monde, à la réalité contemporaine) mais de plus ses autorités, qu’elles soient chiites ou sunnites, prônent sans interruption le dogme de la charia et la lutte pour un état théocratique ».

Edouard Delruelle, également maçon depuis 25 ans, lui répond dans « le Soir » d’aujourd’hui (le texte étant réservé aux abonnés du quotidien, il se trouve ci-dessous en annexe): « Toutes les religions auraient fait leur aggiornamento, mais pas l’islam. Comme si islam = salafisme + Frères musulmans. C’est méconnaître la complexité des islams, et l’émergence récente mais forte d’un islam d’Europe, à laquelle aspirent de très nombreux musulmans. Tarek Oubrou, Rachid Benzine, Ismaël Saïdi – auteur de la pièce Djihad –, etc. : autant d’intellectuels musulmans indépendants qui, contrairement à ce qu’on croit, ne sont pas isolés. La franc-maçonnerie doit les soutenir. Les rejeter, comme le fait ce frère, c’est faire le jeu des groupes fanatisés. Comble du ridicule, il faut savoir qu’il y a aujourd’hui dans les Loges maçonniques de nombreux frères et sœurs de culture musulmane ! »

Personnellement, je suis assez d’accord avec Delruelle, ayant lu Tarek Oubrou, Rachid Benzine, ou Ismaël Saïdi. Cependant – et sans vouloir polémiquer – je suis un peu moins heureux, quand le philosophe en profite pour prêter de bonne grâce à Mgr Léonard des propos sur les homosexuels qu’il n’a jamais tenus (« Les homosexuels seraient des anormaux »… Porte-parole des évêques, j’ai écouté les bandes enregistrée de l’interview en question…), ou quand il condamne apparemment moins sévèrement la « cathophobie » de certains francs-maçons: « Mais à chaque fois que je « planche » (= donner une conférence dans un temple maçonnique), je mets mes frères et sœurs en garde contre la tentation de reporter leur anticléricalisme historique vers l’islam : ce n’est pas la même chose de combattre l’Eglise catholique là où elle est hégémonique, liée aux pouvoirs de l’argent et de l’Etat, ou de s’en prendre à des populations minorisées et prolétarisées. »   
Enfin, quand Edouard Delruelle conclut « Si les milieux « éclairés » se laissent gagner par la peur, le rejet et le populisme, quel avenir pour la démocratie ? », je me pose comme question : Est-il vraiment « éclairé » de se déclarer « éclairé » ? …

Mais, selon moi, quant à ce débat – le mot de la fin revient dans « La Libre » de ce jour, à un musulman, nullement ignorant de la maçonnerie. Chemsi Cheref-khan met le doigt sur la question « théologique » sous-jacente : le texte sacré peut-il être reçu, non seulement avec le cœur qui adhère, mais aussi avec la raison qui interroge ? Il écrit : « Il appartient à chaque musulman, en son âme et conscience, d’interpréter ces textes, de les considérer non pas comme des « textes sacrés qui enferment et qui opposent », mais comme étant des « écritures saintes, sources de guidance et d’inspiration », qui approchent. C’est le point de vue que nous avons défendu déjà, lors d’un colloque à l’Abbaye de Maredsous, en novembre 2007, « Quel islam pour notre pays ? Libérer la pensée musulmane contemporaine pour mieux vivre ensemble ». (… ) Mais nous sommes en droit de nous demander où sont les autres intellectuels, les dirigeants politiques, les élites académiques de ce pays pour accompagner les jeunes musulmans nés ici dans leur élévation spirituelle? Qui soutient les musulmans désireux de concilier leur islamité avec leur citoyenneté, de penser et vivre leur islam dans la démocratie et la modernité, en toute liberté ? Pour que les « portes de l’ijtihad (= interprétation du Coran, aussi bien dans les domaines de la philosophie et de la théologie que dans le domaine de la jurisprudence – minoritaire en Islam à partir du XIè siècle) demeurent ouvertes à jamais », pour que la liberté de conscience prime la liberté de religion, trop souvent prétexte à faire de l’islam un catalogue de « permis/interdits », de « licites/illicites », de « haram/halal », pour que l’islam s’intègre, enfin, dans notre démocratie libérale de pacification, il est urgent de débarrasser les musulmans d’ici des théologiens de la charia et du djihad venus d’ailleurs. Et là, nous sommes en droit d’attendre de l’Europe, de ses démocraties, de ses instances dirigeantes, qu’elles prennent aussi leur responsabilité et qu’elles ne laissent pas seuls les musulmans démocrates face aux islamistes radicaux. »

 

 Annexe: (Texte Edouard Delruelle) Professeur de philosophie politique à l’ULg, on se souvient que M. Delruelle fut, de 2007 à 2013, directeur adjoint du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme. Mais c’est en tant que franc-maçon lui-même qu’il entend d’abord s’exprimer : une appartenance qu’il n’avait jusqu’ici jamais rendue publique.

Vous vous exprimez pour la première fois sur ces sujets en tant que franc-maçon, pourquoi ?

Moi aussi, je suis « franc-maçon depuis 25 ans ». J’ai toujours estimé que cela relevait de ma vie privée. Jusqu’à aujourd’hui, je n’avais aucune intention d’en faire état. Mais puisqu’un maçon se dévoile pour proclamer qu’il est islamophobe parce que franc-maçon, j’estime qu’il est de mon devoir de me dévoiler à mon tour pour dire ce qui me paraît une évidence : on ne peut pas être franc-maçon et islamophobe. L’esprit maçonnique est contraire à toute forme d’islamophobie.

M. Rousseau explique que « l’engrais de son ADN maçonnique » comporte trois éléments : la tolérance religieuse, le renvoi du religieux dans la sphère privée et le droit à la liberté d’expression et en particulier au blasphème. L’islam a du mal à accepter ces trois principes. D’où son « islamophobie ». Qu’est-ce qui vous choque là-dedans ?

Je ne suis pas choqué (j’en ai vu d’autres), mais affligé. La métaphore de « l’ADN maçonnique » est révélatrice de l’imaginaire biologisant, « naturaliste » de ce maçon (que je n’ai jamais rencontré). Les religions sont appréhendées par lui comme des entités naturelles, des essences. Toutes les religions auraient fait leur aggiornamento, mais pas l’islam. Comme si islam = salafisme + Frères musulmans. C’est méconnaître la complexité des islams, et l’émergence récente mais forte d’un islam d’Europe, à laquelle aspirent de très nombreux musulmans. Tarek Oubrou, Rachid Benzine, Ismaël Saïdi – auteur de la pièce Djihad –, etc. : autant d’intellectuels musulmans indépendants qui, contrairement à ce qu’on croit, ne sont pas isolés. La franc-maçonnerie doit les soutenir. Les rejeter, comme le fait ce frère, c’est faire le jeu des groupes fanatisés. Comble du ridicule, il faut savoir qu’il y a aujourd’hui dans les Loges maçonniques de nombreux frères et sœurs de culture musulmane ! Inversement, les autres religions sont-elles vraiment « modernisées » ? Quand j’entends Mgr Léonard dire que les homosexuels sont des « anormaux », quand je vois les discours de certaines églises évangéliques américaines ou le poids des partis religieux en Israël, je doute que l’islam soit la seule religion rétrograde. Etre franc-maçon, c’est exercer son esprit critique et faire triompher sa raison sur ses passions. Au contraire, Denis Rousseau est dans le stéréotype et les passions tristes. Etymologiquement, islamophobie veut dire : peur de l’islam. Ce frère a peur. Paniqué, il rejette la faute de nos malheurs sur l’islam en bloc. C’est totalement opposé au travail maçonnique.

Peut-on être islamophobe, comme on est anticlérical, anticommuniste ou anticapitaliste ? Est-ce une opinion ou une incitation à la haine ?

Le texte n’est pas raciste au sens juridique de la « loi Moureaux ». Là n’est pas la question. Il est raciste au sens moral. Mais pour un maçon, c’est au moins aussi grave. Denis Rousseau procède par clichés, amalgames. Pour déboucher sur quoi, concrètement ? Selon lui, il faut renvoyer (où ?) les « mauvais » musulmans de la 2e ou 3e génération, et priver de leur nationalité nos concitoyens partis en Syrie. Exactement le programme de l’extrême-droite, que la maçonnerie a toujours combattue ! Critiquer l’islam d’un point de vue anthropologique, politique, philosophique, est légitime et nécessaire. Mais à chaque fois que je « planche », je mets mes frères et sœurs en garde contre la tentation de reporter leur anticléricalisme historique vers l’islam : ce n’est pas la même chose de combattre l’Eglise catholique là où elle est hégémonique, liée aux pouvoirs de l’argent et de l’Etat, ou de s’en prendre à des populations minorisées et prolétarisées. La liberté d’expression est-elle menacée par le « politiquement correct » ? Serait-il interdit de critiquer l’islam ? Ridicule. Comme directeur du Centre pour l’égalité des chances, les seules actions judiciaires que j’ai enclenchées pour incitation à la haine, ce fut contre… Sharia4Belgium et Dieudonné ! Je suis pour le droit à la caricature et au « blasphème ». Et aussi pour l’interdiction des signes religieux à l’école et dans les services publics. Mais au nom des mêmes valeurs laïques, je suis aussi pour que nos concitoyens musulmans soient respectés, et que le culte et la culture islamiques soient traités à égalité avec les autres. Ce qui n’est pas le cas actuellement.

Certains ont parfois le sentiment que l’on ne « passe rien » aux chrétiens (jusqu’aux crèches sur les places publiques à Noël) tandis que l’on se montre beaucoup plus « compréhensif » vis-à-vis des musulmans ?

 

Quand j’entends qu’on serait aujourd’hui trop « compréhensifs » envers les musulmans, les bras m’en tombent : pas une heure, dans le champ médiatique et politique, sans qu’on ne parle de l’islam de façon négative, comme d’un « problème », une « menace » ! C’est aussi pourquoi je me dévoile : l’opinion de ce maçon ne vaudrait pas une minute de peine si elle ne révélait une islamophobie décomplexée que je vois grandissante dans les milieux laïques. La question que je pose à mes frères et sœurs est simple : ce message a-t-il sa place dans nos Loges ? Pour moi c’est clair : non ! Si les milieux « éclairés » se laissent gagner par la peur, le rejet et le populisme, quel avenir pour la démocratie?

 

Massacre à la tronçonneuse… – 26° dimanche, Année B

 « Celui qui n’est pas contre nous, est pour nous ». (Marc 9, 38-48)

Jésus offre parfois un portrait bien contrasté. Dans l’évangile de ce dimanche, le Fils de l’homme tient des propos d’une sévérité inouïe : « Celui qui entraînera la chute d’un de ces petits (…) qu’on le jette à la mer. Si ta main t’entraîne au péché, coupe-là (…) Si ton pied t’entraîne au péché, coupe-le (…) Si ton œil t’entraîne au péché, arrache-le… » Prenons ces paroles à la lettre et la vie chrétienne se transformera bien vite en un « massacre à la tronçonneuse », qui laissera nombre d’entre nous borgne et manchot. Pourtant, un peu plus tôt dans l’évangile, le même Jésus fait preuve d’une grande mansuétude : « Celui qui vous donnera un verre d’eau (…) ne restera pas sans récompense ».  Comment comprendre pareil changement de ton? Le Christ utilise le langage des rabbins de son époque. Comme eux, Il force parfois le trait. Non pas pour nous arracher mains et pieds, mais pour avertir que le mal n’est pas qu’une innocente question de faiblesse humaine. En effet, le péché ne corrompt pas que nos membres, mais l’humain tout entier. Surtout quand ce mal s’en prend aux plus faibles (pensons aux souffrances des victimes de la pédophilie). Par contre, ajoute le Christ, celui qui fait un peu de bien – ne fut-ce qu’offrir verre d’eau – rachète bien des péchés. Et cela vaut même pour les plus grands criminels. Car si le mal étouffe notre humanité, le bien – lui – dit notre condition de créature de Dieu. Que l’on soit chrétien ou non :  « Celui qui n’est pas contre nous, est pour nous ».

Le pape communiste?

Dans l’avion entre Cuba et les US, le Pape a répondu aux questions des journalistes. En voici une reprise, telle quelle, par le VIS (Vatican Information Service)

-Certains parlent de vous comme d’un pape communiste parce que vous dénoncez les injustices causées par le système économique. Aux Etats-Unis certains se demandent si vous êtes catholique!

(réponse du Pape) « Je ne dis rien qui ne soit dans la doctrine sociale de l’Eglise. Une fois précédente, un de vos collègues m’a demandé à propos de mon discours aux mouvements populaires si l’Eglise me suivait. Je lui ai répondu que c’est moi qui suit l’Eglise… On peut me suspecter parfois d’être un peu de gauche, mais c’est erroné parce que ma doctrine est de critiquer les effets de l’impérialisme économique. L’encyclique ‘Laudato Si’ appartient à la doctrine sociale de l’Eglise. Si vous voulez que je vous récite le Credo, je suis prêt à le faire! ».

Pensée du soir – Merci, Monsieur le Gouverneur. Bienvenue, Monsieur le Gouverneur.

C’est officiel depuis ce jour. Dans une bonne semaine, Michel Foret cèdera l’écharpe de gouverneur de la province de Liège à Hervé Jamar.

Je pense refléter l’opinion générale en Principauté, en écrivant que le gouverneur sortant est un gentleman, qui a exercé sa fonction avec conscience et élégance. Je sais, par ailleurs, que l’homme ne va pas se retirer de la vie publique, mais s’apprête à soutenir le développement de sa chère province en relevant d‘autres défis. Merci, Monsieur le Gouverneur.

Je n’ai rencontré le futur gouverneur qu’une seule fois – dans les loges du Standard. Il m’est alors apparu comme une personnalité chaleureuse et sans chichis. Voilà pourquoi, je pense qu’il sera apprécié en pays de Liège. Bienvenue, Monsieur le Gouverneur.

Pensée du soir – Coupe Davis… !

Alors que les résultats de foot sont moroses en cité ardente, avec un Standard descendu à l’avant-dernière place du classement, ce sont deux Liégeois qui ont enflammé le pays du tennis, en faisant entrer la Belgique en finale de la coupe Davis – pour la première fois depuis plus d’un siècle. Davis Goffin et Steve Darcis sont deux des héros de l’excellente équipe belge qui a battu l’Argentine.

Créée en 1900, la coupe Davis est l’unique épreuve collective en tennis – disputée en simple, comme en double. Le fait que les joueurs se battent pour leur nation et non pas pour une place au classement mondial, lui donne un cachet tout particulier.

Bravo à notre équipe belge et à son capitaine. Rendez-vous fin novembre en finale contre la Grande-Bretagne d’Andy Murray…

Jaloux, moi ? – 25° dimanche, Année B

 « Sur la route, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand ». (Marc 9, 30-37)

Déjà dans la cour d’école, le besoin de se démarquer nous chatouille. Qui ne s’est jamais vanté que : « Mon papa a une plus grosse bagnole que le tien » ?  Et tout au long de la vie, la tentation d’être au centre des attentions tenaille. Chacun rêve à sa manière d’être la reine du bal, le manager de l’année, la tête de liste politique, le médaillé d’or, etc. La recherche d’excellence n’est pas mauvaise en soi – que du contraire. A condition de se réjouir de l’excellence du voisin. Vouloir être performant – fort bien. Ne pas accepter qu’un autre le soit tout autant, voire bien davantage – cela est problématique. Saine émulation ne rime pas avec jalousie.

La jalousie est un sentiment omniprésent en l’homme. Et pourtant, peu le reconnaissent. Rare est celui qui confesse : « oui, il m’arrive d’être envieux ».  Contemplons les disciples de Jésus : « Sur la route, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand ». Alors le Christ, prenant un enfant, leur enseigne que le plus grand est celui qui accueille les plus petits ; que le premier est celui qui prend la place du serviteur. Même parmi les baptisés, pareil enseignement n’a jamais été évident. C’est ce qu’illustre l’épître de saint Jacques : « Vous êtes jaloux et vous n’arrivez pas à vos fins, alors vous entrez en conflit et vous faites la guerre ». (Jacques 4, 2) Et pourtant, une petite voix nous murmure à la conscience : Jaloux, moi ? Jamais de la vie. L’autre, je ne dis pas… Mais pas moi, moi, MOI…

Neutre, la citoyenneté ? Bien sûr que non ! (Etienne Michel, le Soir p.4)

Je cite ici la fin de l’interview – parue dans le quotidien bruxellois « le Soir » de ce jour – d’Etienne Michel, , secrétaire-général du SeGEC (réseau scolaire libre catholique), qui remet judicieusement quelques pendules à l’heure: Un peu de bagage philosophique, apprend que « liberté-égalité-fraternité » ne sont pas des valeurs neutres, mais engagées. 

Vous acceptez donc l’idée qu’une inspection de la Communauté contrôle le cours de citoyenneté dans le libre ? Le cours de religion sera l’un des lieux où on prendra en considération les éléments de citoyenneté. C’est légitime que l’autorité publique vérifie si les missions  d’intérêt public sont bien exécutées. C’est d’autant plus légitime qu’elle finance ces cours. Mais il est évident que, chez nous, il n’y aura pas de cours de citoyenneté à proprement parler. Nous ne couperons pas le programme de religion en deux.

Le cours de religion est-il le lieu idéal pour faire de la citoyenneté alors qu’elle suppose une certaine neutralité ?  La citoyenneté est-elle nécessairement neutre ? Bien sûr que non ! La citoyenneté renvoie toujours à des valeurs qui n’ont rien de neutre. Un exemple : le décret Missions dit qu’il faut assurer à tous les élèves les chances égales d’émancipation sociale. Il y a là une conception du rôle de l’école, à laquelle nous adhérons, mais qui n’est pas neutre – c’est un choix de société, sous-tendu par des valeurs comme celle de la solidarité. Autre exemple : la démocratie. Nos sociétés démocratiques ne reposent pas seulement sur des procédures – comme le fait d’avoir un gouvernement élu. L’idéal démocratique repose sur des valeurs, comme celle de l’égale dignité de tous les êtres humains. Ce principe n’a rien de neutre. La preuve, c’est qu’il ne se concrétise que dans certaines parties du monde – surtout celles qui ont été imprégnées de la tradition chrétienne. Dire que la citoyenneté devrait être neutre par essence, c’est courir le risque de couper la démocratie d’une partie de ses propres fondements. La démocratie repose sur des fondements pré-politiques, dont le dialogue qui a pu prévaloir en Occident entre le christianisme et la tradition des Lumières. Mais l’égale dignité des êtres humains, c’est une valeur qui n’a rien de neutre. Et j’espère que l’on voudra bien rendre à la tradition chrétienne d’avoir eu une influence dans son émergence dans nos sociétés occidentales démocratiques

 

Pensée du soir – « Cours de rien », clap deuxième ?

J’ai déjà plusieurs fois écrit sur les changements qui ont cours dans les cours philosophiques, en expliquant qu’ils faisaient partie d’une stratégie en 3 phases consécutives : 1. Supprimer graduellement le cours de religion dans l’Officiel pour le remplacer par de la philosophie. 2. Imposer la même chose dans le réseau d’enseignement libre. 3. Plaider pour un réseau unique d’enseignement, vu que les programmes de tous les réseaux sont devenus identiques.

La première phase est en bonne voie de réalisation. En lisant « le Soir » en p.5 de ce jour (ci-dessous), la deuxième semble annoncée. C’est de bonne guerre, mais qu’on ne me resserve plus l’argument : « il fallait bien rassembler les élèves qui étaient divisés en différentes classes, selon leurs options philosophiques ». Dans le réseau libre, cet argument ne joue plus. Ici, il s’agit d’éliminer graduellement l’enseignement de la religion de l’enseignement catholique, en refusant que la philosophie et citoyenneté y soit donnée sur l’ensemble des cours (ce qui me paraît pourtant de simple bon sens). Le masque tombe.

(le Soir p.5) Citoyenneté : Milquet maintient. Seule l’école publique devra organiser un cours à part entière

A partir de cette année scolaire 2015-2016, les élèves de l’école publique pourront se faire dispenser du cours de religion/morale. On leur offrira un « encadrement pédagogique alternatif » (EPA ou « cours de rien »). Cet EPA sera éphémère. Il sera supprimé en septembre 2016 au primaire, en septembre 2017 au secondaire. Il sera alors remplacé par un cours de citoyenneté et de philosophie. Subtilité : ce sera un cours de 2 h/semaine pour l’élève qui a demandé à être dispensé de la religion/morale et de 1 h pour celui qui n’a pas demandé la dispense – pour lui, le cours de religion/morale passera donc à 1 h. Et l’école libre ? Elle devra enseigner des éléments de philosophie et citoyenneté mais elle ne sera pas obligée d’organiser un cours à part entière – elle pourra les enseigner dans sa grille-horaire actuelle, à travers les cours de religion, d’histoire, de français, etc. Arguments – et comme plaidé au Conseil d’Etat par Joëlle Milquet (CDH), la ministre de l’Education : « On ne peut créer un nouvel enseignement, quel qu’il soit, sans en supprimer un autre, en tout ou en partie. » Aussi, imposer au libre un cours de citoyenneté « pourrait amener l’enseignement libre à supprimer une partie de l’éducation religieuse qu’il entend, au nom de la liberté qui est la sienne, procurer à ses élèves ». Pour marquer la différence entre les réseaux, le gouvernement a choisi de ne pas imposer un référentiel commun aux réseaux (un référentiel fixe les objectifs d’un cours, les compétences à atteindre, les savoirs). Un référentiel s’imposera à l’école publique. Le libre devra se référer à un « cadre général. » Tels sont les choix opérés cet été par le gouvernement de la Communauté française, et qui ont été traduits dans un avant-projet de décret. Il a été remis au Conseil d’Etat. Et celui-ci a remisson avis la semaine passée. Il estime que le projet du gouvernement crée une différence de régime entre l’école publique et l’école libre, que les « différences objectives » entre les réseaux (différences de statuts, de caractère confessionnel ou non, etc.) ne suffisent pas à justifier. Les juristes observent donc que l’enfant de l’école publique se verra imposer un véritable cours (de 1 ou 2 heures, donc) avec un référentiel, un programme, des matières à étudier, des évaluations alors qu’il n’y aura pas de véritable cours dans le libre. Parmi d’autres, le Conseil d’Etat invoque la Convention relative aux droits de l’enfant, qui engage à enseigner la citoyenneté. Et les juristes estiment ici que « l’intérêt supérieur de l’enfant » conduit à refuser que les enfants qui « fréquentent les établissements libres soient privés des cours de philosophie et de citoyenneté qui, obligatoirement inscrits au programme dans les établissements de l’enseignement officiel, y feront l’objet d’une évaluation (…) ». Les juristes ajoutent que la différence de régime entre réseaux va « entraver les changements d’école puisque les élèves des établissements libres, dépourvus par hypothèse des compétences et savoirs validés qui sont liés au cours de philosophie et de citoyenneté – lacune tirant son origine dans l’absence d’organisation de ce cours dans ces établissements – auront des difficultés à atteindre ces compétences et savoirs pour la suite de leurs parcours scolaire qu’ils souhaiteraient accomplir dans des établissements officiels ». Milquet relativise l’avis du Conseil d’Etat. Pour elle, il s’agit juste d’une question de termes. Elle estime que le Conseil d’Etat tique parce que l’avant-projet parle de « référentiel » pour l’école publique et de « cadre général » pour le libre. La ministre propose donc – comme elle y avait songé initialement, dit-elle – de retenir l’appellation « référentiel » et de l’appliquer à tous les réseaux. Pour le reste, elle maintient le cap : l’école publique organisera un cours à part entière et l’école libre, certes soumise à un référentiel contraignant, reste libre et pourra enseigner les éléments de citoyenneté en les dispersant dans sa grille. Il n’est pas dit que le PS suivra Milquet. Certains, mardi soir, lisaient l’avis du Conseil d’Etat comme un appel clair à forcer l’école libre à insérer un véritable cours de citoyenneté dans sa grille, quitte à réduire le cours de religion d’une heure. Un argument, parmi d’autres : « L’essence même du cours de philosophie et de citoyenneté, c’est la neutralité. Et l’école libre pourrait enseigner cela dans son cours de religion ? Non, il faut un cours à part. » Si le PS confirme officiellement ce point de vue, il serait prudent de convoquer les casques bleus au prochain gouvernement de la Communauté.