Le film « la prière » : la religion, opium du peuple?  

Je n’ai pas encore eu l’occasion de visionner le film « la prière » de Cédric Kahn. J’en parle cependant, car à peine sorti dans les salles, il agite les débats. Et le fait que son réalisateur soit agnostique, mais nullement hostile à la foi, brouille les lignes traditionnelles entre cathos et libres-penseurs.
Pour rappel, il s’agit de l’histoire de Thomas, un jeune breton de 22 ans, dépendant de la drogue, qui rentre dans une communauté catholique, où l’amitié, le travail et la prière sont les seuls antidotes.
La critique du film est bonne, mais j’ai été frappé par la question posée par une journaliste, écrivant hier dans les colonnes du quotidien bruxellois « Le Soir » : « A propos du personnage le jeune Thomas a-t-il vraiment trouvé sa voie ou a-t-il troqué sa drogue (l’héroïne) contre une autre (la religion) ? Cela pousse à s’interroger sur l’essentiel : donner un sens à sa vie. »
 
Ici, le doigt est mis sur une des questions-clés de l’époque: L’humain est-il un « individu », soit un être qui se suffit à lui-même? Dans ce cas, tout ajout (amour, religion, engagement) peut devenir une contrainte, voire être perçu comme toxique… un « opium », qui empêche la liberté.
Ou bien, l’humain est une « personne », soit fondamentalement un être de relation? Dans ce cas, toute mise en relation authentique: celle du couple, celle de l’amitié, celle de l’engagement social et politique, et celle de la spiritualité vécue au travers d’une religion (pour le croyant) ou de convictions (pour les athées et agnostiques), est un chemin de libération et de naissance à soi-même. Tout le contraire d’une drogue, qui – elle – est l’archétype de l’aliénation et de la perte d’identité.
Je ne nie donc pas que la religion puisse à un moment donné servir de produit de substitution pour un toxicomane qui cherche à s’en sortir. Ceci n’en fait pas pour autant une drogue.
A la longue, cependant, un chemin de foi est le contraire d’une drogue. Il n’endort pas. Il éveille à la vie.
Pour comprendre cela, il s’agit de se guérir d’un dogme issu de la société de consommation : celui qui voit en tout homme un être se suffisant parfaitement à lui-même, invité à chercher son bonheur sans trop tenir compte des autres et sans « perdre trop de temps » à se poser des questions de sens ultimes.

«  Mourir pour vivre » – 5e dimanche de Carême, Année B

« Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit.  ». (Jean 12, 20-33)

Pâques signifie « passage ». Nous sommes tous des passants : embryon, enfant, adolescent, adulte, vieillard,… Du point de vue de la matière, nous passons de la vie à la mort. Parfois de manière brutale et beaucoup trop tôt. Mais pour tous, la mort terrestre est la seule issue biologique dont nous soyons assurés.

Cependant, il existe un autre regard : celui de l’Esprit (ou de l’esprit avec un petit « e », car ce qui suit vaut aussi – de façon adaptée à leurs convictions – pour les agnostiques et les athées). Spirituellement nous ne vivons pas pour mourir, mais sommes au contraire appelés à mourir pour vivre. Chaque décision que nous prenons est une mort à tous les possibles que pareille décision élimine, en vue de vivre le choix que nous avons fait.

Comment choisir ? Ici, le Christ nous enseigne Sa voie radicale – le chemin de la Pâques : mourir à tout ce qui est repli sur soi pour vivre de la seule réalité spirituelle qui ne passe pas, car elle vient de Dieu et retourne à Dieu – l’amour. « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit.  ». Précision : Il ne s’agit pas de l’amour sentimental ou fusionnel, mais bien de l’amour qui donne et reçoit en vérité. Un amour à l’image de la Trinité – éternel échange d’amour entre le Père et le Fils dans l’Esprit. Le chemin de la Pâques est un chemin exigeant et souvent à contre-courant de notre société de consommation. Mais il n’a rien de masochiste. Il s’agit au contraire d’un chemin de résurrection et de vie : « Celui qui aime sa vie (c’est-à-dire égoïstement) la perd ; celui qui s’en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle ». 

«  Laetare – La joie de l’Evangile » – 4e dimanche de Carême, Année B

 « Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. Celui qui croit en lui échappe au Jugement, celui qui ne veut pas croire est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu ». (Jean 3, 14-21)

Le 4° dimanche de Carême – moment de la mi-carême – est aussi appelé Laetare, c’est-à-dire dimanche de la joie. Non pas une joie provoquée par des excitants externes, mais une joie qui rayonne de l’intérieur. Telle est la joie qu’éprouve celui ou celle qui accepte de se laisser regarder par le Christ en croix. Le Crucifié pose sur chacun de nous un regard sans complaisance, mais aussi sans jugement. Un regard d’amour inconditionnel, qui murmure : « Voilà qui tu es, par-delà tous tes masques. Sache que tel que tu es, Je t’aime ». Celui qui fuit ce regard « est déjà jugé », car il s’enfonce dans les ténèbres de ses propres mensonges et ne vit qu’au niveau des apparences. Au contraire, celui qui accueille le regard du Christ ne cherche plus d’excuses. Il désire la divine Lumière : « celui qui agit selon la Vérité, vient à la lumière ». Telle est l’expérience du salut. « Amazing grace » (grâce surprenante)  chante une vieil hymne écossais – en poursuivant : « j’étais perdu et maintenant, je suis trouvé ». D’où la « joie de l’Evangile » – comme l’appelle notre pape François.

«  Nettoyage de printemps » – 3e dimanche de Carême, Année B

« Il n’avait besoin d’aucun témoignage sur l’homme : il connaissait par lui-même ce qu’il y a dans l’homme » (Jean 2, 13-25)

Le « doux Jésus » n’était pas mièvre. Il décide d’organiser un grand « nettoyage de printemps » dans le temple de Jérusalem et en chasse les marchands sans ménagement: « Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic ! » En s’attaquant aux juteuses rentrées que ce commerce fournissait à la classe sacerdotale, le Nazaréen se fait de puissants ennemis. Ils seront les premiers acteurs de sa condamnation.

Quand ils lui demandent de justifier son acte, Jésus répond : « Détruisez ce temple et en trois jours, je le relèverai ». Ses adversaires le trouvent présomptueux, mais ne comprennent pas que le nouveau temple – c’est le Christ. En effet, c’est en Lui que la présence du Père se manifeste pleinement.

Par notre baptême, nous faisons partie de ce corps spirituel du Christ qui est l’Eglise. Pourtant, notre cœur reste souvent un lieu de marchandage et de sombres trafics. Le Christ n’en est pas dupe car « Il connaît le cœur de l’homme ». Voilà pourquoi, son Esprit nous invite durant ce temps de carême à entreprendre – à notre tour – un grand nettoyage de printemps, afin de vivre Pâques avec une âme qui soit un temple digne du Père.

«  Transfiguration » – 2e dimanche de Carême, Année B

« Il fut transfiguré devant eux. Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille » (Marc 9, 2-10)

Transfiguration – c’est le contraire de défiguration. Le péché, le mal, la souffrance,… –défigurent. Pour comprendre, il suffit d’observer les « tronches » de personnes qui sont submergées par la haine.  L’amour, le pardon, la bienveillance,… – transfigurent. Regardez une photo de Mère Térésa de Calcutta : son regard est comme un brasier qui nous révèle le meilleur de nous-mêmes.

La transfiguration de Jésus sur la montagne, c’est l’expérience de l’infinie puissance d’amour de Dieu qui s’exprime à travers Lui. Difficile de décrire ce que les trois apôtres ont vu, mais ils ont ressenti leur Maître comme « plus blanc que blanc » – et ce n’était pas dû à quelques poudres à lessiver miracles – avec à ses côtés Moïse, qui donna la loi, et Elie, modèle des prophètes. Pierre, Jacques et Jean pressentent donc que le Christ récapitule la loi et les prophètes et donc toute l’histoire sainte d’Israël. Ils ont envie de rester dans cet état de béatitude : « dressons trois tentes », dit Pierre. Mais non, il faut redescendre de la montagne et poursuivre sa route. Une expérience de transfiguration est faite pour nous nourrir spirituellement et nous fortifier. Pas pour nous retirer du monde.

«  Bas les masques » – 1er dimanche de Carême, Année B

« L’esprit Le pousse au désert. Et dans le désert Il resta quarante jours, tenté par Satan » (Marc 1, 12-15)

Le Carnaval est le temps des masques. Chacun se moque gentiment de la condition humaine qui nous fait si souvent jouer la comédie : farce trompeuse des séductions de l’avoir, du pouvoir ou du valoir. Le Carême est le temps du désert. Lieu où sont démasqués Satan et ses tentations. Là, l’Esprit murmure Sa Parole à notre âme. Pendant quarante jours, Il nous invite à nous libérer de tous ces masques qui nous collent à la peau et nous étouffent. Afin qu’apparaisse enfin notre vrai visage : celui d’enfant du Père, appelé à la ressemblance du Christ.

Trois chemins sont proposés pour y parvenir : le jeûne (de nourriture, de TV, de smartphone…) qui crée de l’espace en soi ; le partage (d’argent, de temps, d’écoute…) qui offre de l’espace à l’autre ; la prière (silencieuse, récitée, seul ou en communauté…) qui ouvre à l’espace spirituel.

Saint Valentin – L’amour en Carême – La Libre p.41

Ce mercredi 14 février est le mercredi des cendres, qui marque l’entrée en carême, ainsi que… le jour de la saint Valentin.
C’est sous ce double thème qu’est parue ma chronique du mois dans le quotidien La Libre  en p.41
Pour la lire, cliquez sur Saint Valentin – L’amour en Carême
Merci à la rédaction de La Libre de m’offrir cet espace d’expression et saint Carême aux lecteurs de ce blog.

«  Jésus purifie » – 6e dimanche de l’Année, Année B

« Si tu le veux, tu peux me purifier. » Pris de pitié devant cet homme, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : « Je le veux, sois purifié. » (Marc 1, 40-45)

A chaque époque ses maladies, dites « honteuses » : maladies qui frappent non seulement le corps, mais qui stigmatisent aussi la personne. Le sida, l’épilepsie, la maladie mentale,… A l’époque de Jésus, il s’agissait de la lèpre. Auprès du peuple juif, fort préoccupé de pureté rituelle, elle passait pour une impureté. Pour des raisons tant hygiéniques que religieuses, les lépreux étaient mis au ban de la société et ne pouvaient s’approcher des personnes saines. Le lépreux de ce passage d’évangile transgresse l’interdit en se jetant aux pieds du Christ. En le purifiant, Jésus pose bien plus qu’un acte guérisseur : Il rétablit cet homme dans sa dignité.

Le Christ vient nous guérir de toutes nos lèpres : sous Son regard, personne n’est impur. Et Il nous invite à en faire autant : Ce sans-grade, ce sans-papier, ce sans-abri,… c’est mon frère en humanité. En ce temps de Carnaval, enlevons nos masques de bien-pensants et regardons chaque homme – de cœur à cœur.

«  Jésus prie » – 5e dimanche de l’Année, Année B

 « Le lendemain, bien avant l’aube, Jésus le leva. Il sortit et alla dans un endroit désert, et là il priait ». (Marc 1, 29-39)

La semaine dernière, ce qui frappait ceux qui écoutaient Jésus, était le fait qu’Il enseignait « avec autorité ». Ce dimanche, l’évangéliste souligne un autre trait de la personnalité du Fils de l’homme : « il priait ».

En ce temps-là, la prière collective au temple ou à la synagogue était familière aux Juifs, mais cette forme solitaire de prière – ce « cœur à cœur » dans un lieu désert avec le Père – cela frappait les esprits. Et même – cela dérangeait un peu : « Tout le monde te cherche », lui lance Simon, comme en reproche. Comprenez : « Tu es une vedette maintenant. Alors, va dans la lumière ! ». Mais non, le Christ se retire longuement pour communier à son Père dans l’Esprit. Ce faisant, Il se plonge spirituellement dans la Source de son être et identité.

Si le Fils de Dieu ressentait dans son humanité le besoin de régulièrement se retirer pour longuement prier, cela nous rappelle que la prière individuelle est vitale pour réveiller la grâce de notre baptême. Nous objectons si facilement : « Je n’ai pas le temps de prier ». La vérité est que nous ne prenons pas le temps de prier. Déjà, rien que 10 minutes de prière solitaire tous les jours – cela change une vie. Sur 24 heures, qui d’entre nous n’a même pas 10 petites minutes à consacrer à Dieu ?