Le hasard à voulu que j’écoute ce jour à la radio le discours de jeunes intellectuels de gauche radicale, tout en lisant une interview d’un penseur de droite ultra-nationaliste.
Cet exercice paradoxal me conforta dans ma conviction: si on creuse, c’est la vision de l’homme qui les sépare.
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La gauche radicale reprend la vision marxiste de l’homme, qui elle-même s’inspire de de Rousseau.
En bref: l’homme est bon et c’est la société qui l’abîme (qui « l’aliène », selon les termes de Marx).
La conclusion est donc simple à tirer: changez la société et rééduquez l’homme pour qu’il retrouve sa bonté originelle.
Il y a une part de vérité dans cette analyse.
La société conditionne et donc, souvent aussi, abîme les hommes.
Cependant, l’inverse est également vrai: ce sont les hommes qui abîment la société.
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La droite ultra-nationaliste part d’une vision de l’homme assez proche de celle du penseur anglais Hobbes, qui avait repris à son compte la formule: « homo homini lupus », c’est-à-dire « l’homme est un loup pour l’homme ».
D’où sa condamnation d’une politique « droite-de-l’hommiste et bisounours » dans un monde qui est est dominé par la survie des plus forts.
Il est vrai que celui qui fait l’ange fait la bête et que la politique doit faire preuve d’un sain réalisme.
Cela ne condamne pas pour autant les politiciens à l’égoïsme national et au cynisme international.
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La vision chrétienne de l’homme est celle d’un être capable du meilleur, mais blessé dans son âme (la doctrine du « péché originel »).
La vision chrétienne de la politique postule donc d’un homme capable du meilleur, mais aussi du pire.
Pour que l’humain puisse se réaliser dans une société à son image, il s’agit de le respecter et de le canaliser dans ses relations humanisantes: la famille, l’école, la société civile, les pouvoirs publics, la religion ou les convictions.
La vision chrétienne de l’homme engendre une vision politique de liberté canalisée: entre la justice économique (le même prix pour chacun) et la justice morale (il n’est pas juste que certains citoyens n’aient pas le minimum pour vivre), il y a la médiation de la justice distributive du politique (par l’impôt des plus riches, permettre au plus démunis de survivre).
Pareille vision du politique croit aux droits de l’homme et à la société internationale, mais sans angélisme quant à leur réalisation concrète.
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Dans une société où beaucoup aspirent à des réponses simples et claires, pouvant être résumées dans un ‘tweet’, la vision chrétienne de l’homme et de la politique souffre d’un handicap: … celui de s’adapter à la complexité de l’homme et d’être, dès lors, tissée de nuances.