Un prophète plus rugueux que Saint Nicolas – 2e dimanche de l’Avent, Année C

« L’an quinze du règne de Tibère César, Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée, et Hérode prince de Galilée, son frère Philippe prince du pays d’Iturée et de Traconitide, et Lysanias prince d’Abilène, les grands prêtres étant Anne et Caïphe, la parole de Dieu fut adressée à Jean, le fils de Zacharie, dans le désert. » (Luc 3, 1-6)

Avec l’Avent nous sommes entrés dans une année liturgique nouvelle, consacrée à l’évangéliste Luc. Cet intellectuel grec, disciple de Paul, aime situer son propos dans le temps et dans l’espace. Lisons l’extrait de ce dimanche : Il y retrace règnes et pontificats. Comme pour mieux souligner un paradoxe. Au cœur de ces dynasties, qui complotent et se jalousent, un événement d’un autre type advient. La Parole fut adressée à Jean. Alors, jaillit un cri : « Préparez les chemins du Seigneur ! »

Qui se souvient de Lysanias, prince d’Abilène ? Par contre, la voix du Baptiste – elle – résonne toujours. Plus rugueuse que celle du grand Saint Nicolas, elle n’en est pas moins pertinente. En ce temps de l’Avent, accueillons-la dans nos déserts spirituels.

Un bien brutal réveil – 1er dimanche de l’Avent, Année C

« Restez éveillés et priez en tout temps». (Luc 21, 25-36)

Nos pays vivaient quelque peu assoupis. En Europe, la guerre était loin et concernait les autres. Et puis… il y eu ce brutal réveil : attentats, immigration massive, paupérisation, inondations, pandémie…. Ceci nous invite à nous ressaisir. Qu’est-ce qui fonde notre civilisation ? Les black Fridays et la consommation matérielle ou les valeurs spirituelles ? «Restez éveillés et priez en tout temps». Comment célébrerons-nous Noël cette année ? Comme la fête du pouvoir d’achat ou telle une nouvelle naissance ?

Le temps de l’Avent tombe à pic. Ce temps de préparation à la Nativité est destiné à nous sortir de la torpeur. Le réveil de Dieu a sonné : Soyons prêts à accueillir l’Enfant dans la crèche. Une belle façon de s’y préparer, est d’offrir un calendrier de l’Avent à ceux qu’on aime. Ou encore, d’installer chez nous une couronne de l’Avent. Chaque semaine elle s’illumine d’une bougie de plus. Une invitation à éclaircir notre cœur, afin qu’il devienne une crèche, laissant un peu de place à l’Enfant-Dieu.  

Roi couronné de Vérité – 34° dimanche, Année B

 « Tout homme qui appartient à la vérité, écoute ma voix ». (Jean 18, 33-37)

Pilate – l’homme fort de la région – regarde le Prisonnier qui lui est livré: « Alors, tu es roi ? » Il y a dans la question du gouverneur de la curiosité, de l’incompréhension et sans doute un peu d’ironie. Celle des hommes de pouvoir, qui ne comprennent que le langage du glaive. « Le pape, combien de divisions ? » souriait Staline. Mais Staline est mort dans un isolement total. Son entourage le craignait trop pour intervenir médicalement. L’enfer terrestre, en quelque sorte. Le Christ, lui, marche vers Sa mort – libre et aimant. « Ma royauté ne vient pas de ce monde… Je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité ».

En ce dimanche du Christ-Roi, dernier dimanche de l’année liturgique, ne nous trompons donc pas de royaume. Face aux apôtres de la terreur et du fondamentalisme, il faut se défendre. Mais sans haine et en ne laissant pas la peur diriger nos vies.

La Vérité ne s’impose pas par la violence, mais par la puissance de l’Amour. « Tout homme qui appartient à la vérité, écoute ma voix ».   

Impôt sur la fortune – 32° dimanche, Année B

« Ils ont pris sur leur superflu. Elle a pris sur son indigence ». (Marc 12, 38-44)

Les Juifs pieux contribuaient au culte du temple de Jérusalem en fonction de leur fortune. Si Jésus fait l’éloge d’une pauvre veuve qui ne dépose que deux piécettes, plutôt que des notables qui versent de grosses sommes, ce n’est pas de sa part une exaltation de la pauvreté, ou… une invitation à moins donner à la collecte. Ce que le Christ souligne, c’est qu’un don a plus de prix quand il requiert ce dont nous sommes indigents. Un riche qui verse une grosse somme, ne le sentira que peu. Cette pauvre veuve, qui a du mal à boucler ses fins de mois, donne – quant à elle – une part de ce qui lui est nécessaire pour vivre.

De la même façon, une personne « overbookée », montre à ses enfants qu’ils comptent, en leur consacrant du temps. Et un baptisé qui croule sous les activités, se rappelle l’importance de Dieu en dégageant du temps pour la prière. D’ailleurs, soyons francs : Quand quelque chose est vraiment important, nous nous donnons les moyens pour l’obtenir. Et souvent, nous y parvenons. Voilà pourquoi les adolescent(e)s qui n’ont « vraiment pas le temps » d’étudier et encore moins de prier, trouvent souvent du temps pour leur amoureux(se) et leurs loisirs…  😉

In memoriam Bernard Michelet

En ce 2 novembre, jour de prière pour les défunts dans l’Eglise catholique, j’ai participé aux funérailles d’un apôtre. La petite église de village, dans la campagne gantoise, était bondée et de nombreuses personnes suivaient la célébration à l’extérieur de l’édifice. Une dizaine de prêtres concélébraient autour de l’évêque de Bruges, ami de la famille. Dans l’assemblée, toutes les tendances de l’Eglise de Belgique étaient représentées.
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Bernard Michelet, né en 1960, était un époux et père de famille, engagé dans d’innombrables oeuvres chrétiennes, dont Aide à l’Eglise en Détresse (Aid to the Church in Need) dont il présidait la branche belge depuis trois ans.
Quand il a fallu trouver un nouveau président, je l’ai encouragé à accepter cette responsabilité, ce qu’il finit par accepter par esprit de service.
Toujours calme, mais déterminé, il prenait des décisions avec le souci du bien de l’Eglise et du respect des personnes.
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Une crise de cardiaque aussi fatale qu’inattendue a mis, en début de semaine, un terme à sa vie terrestre.
Puisse le Dieu de l’amour accueillir cet homme de foi, d’espérance et de charité.
Prions pour lui, pour son épouse et ses deux filles, ainsi que pour toutes les oeuvres qu’il portait à bout de bras.
A Dieu, cher Bernard.

« Les Plus-que-Vivants » – Toussaint

«Heureux…» (Matthieu 5, 1-12)

L’Eglise catholique fête ce 1er novembre, tous les saints. La sainteté, ce n’est pas une médaille pour super-chrétiens. La sainteté, c’est la vie de Dieu qui se manifeste dans un homme ou une femme ordinaire. Centrés sur nous-mêmes, nous vivotons avec nos égoïsmes, peurs et frustrations. Bref, tout ce qui fait naufrage avec la mort. Avec l’Esprit de Dieu – soit l’Esprit qui est « saint » – notre humanité se déploie et prend un goût d’éternité.

C’est ce que proclament les Béatitudes : « Heureux les pauvres de cœurs ; heureux les doux ; heureux ceux qui ont faim et soif de justice… » ; car – si leur existence n’en sera pas facilitée – elle deviendra tellement plus vivante. Et même la mort ne pourra rien contre cela, mais ouvrira un passage vers la Résurrection.

Les saintes et saints sont donc ces personnes – connus ou anonymes – qui, sur terre, se sont laissés bouleverser par l’Esprit des béatitudes. Au jour de leur décès, leur course terrestre s’achève, mais – en Dieu – ils deviennent plus-que-vivants. Voilà pourquoi à ceux qui les invoquent, ils servent de premiers de cordée sur le chemin de la conversion. La communion des saints est cette solidarité profonde qui unit spirituellement les vivants sur terre et les vivants en Dieu.

Clairvoyance – 30° dimanche, Année B

« Rabbouni, que je voie ». (Marc 10, 46-52)

Une foule opaque entoure le Maître, qui fait son entrée à Jéricho. Jésus est alors au sommet de sa popularité. Aujourd’hui, ses « fans » lui demanderaient sans doute des selfies et de signer des autographes. Derrière la masse, un homme est assis dans l’anonymat. Il est aveugle. Pourquoi tous ces gens ? Il se renseigne. Apprenant que c’est le guérisseur de Nazareth qui passe, il crie sa détresse. Mais aussi un début de foi : « Fils de David » est, en effet, un titre  messianique. On essaie de le rabrouer, mais il insiste. Jésus entend et le fait venir. « Ta foi t’a sauvé », lui dit-il. Et l’homme voit.

Jésus n’avait pas pour mission de guérir tous les aveugles de Palestine. Il se laissa néanmoins toucher par la demande confiante de cet homme et, ce faisant, nous laissa un signe du Royaume : « les aveugles voient ». Tous, nous souffrons de cécité ou de myopie spirituelle. D’ailleurs, notre pire défaut est celui que nous refusons de voir en nous et qui, dès lors, nous mine de l’intérieur.

Ne nous reposons donc pas trop sur notre clairvoyance. Demandons au Christ dans nos prières : « Fais que je voie ». Et Lui nous répondra : « Ta foi t’a sauvé ».

In memoriam Gustavo Gutierrez (1928-2024)

Etudiant à Rome, il y avait un jeune de la chorale de Rock chrétien du lycée français dont je m’occupais, qui était le fils d’un journaliste péruvien, réfugié politique. Il m’apprit un jour que son parrain était le père Gustavo Gutierrez.
A l’époque, le nom du « père de la théologie de la libération » sentait un peu le soufre, mais je ne suis pas homme à juger sans connaître.
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Quand ce jeune chercha à poursuivre des études universitaires en Belgique quelques années plus tard, je l’accueillis dans le presbytère que je partageais avec mon curé du moment. Il y avait une petite chambre de libre et, comme le curé était malade et que je m’absentais plusieurs jours par semaine pour mes études, je trouvais la solution bonne pour qu’il y ait une présence dans la maison.
Quelques temps plus tard, il demanda de recevoir le sacrement de la confirmation et me proposa de devenir son parrain de confirmation. C’est là que je reçus un coup de téléphone gracieux du parrain de baptême depuis le Pérou, qui m’exprimait sa joie devant ce cheminement.
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Plus tard, devenu recteur du séminaire de Louvain-la-Neuve, je reçus le père Gutierrez et il parla avec profondeur aux séminaristes. Il n’avait rien du guérilléro rouge. C’était même plutôt classique.
Il me dit en aparté: « je suis le premier à avoir utilisé le terme de théologie de la libération… Cela ne signifie nullement que je sois d’accord avec tout ce qui est dit, ou écrit sous ce vocable. »
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Le père Gustavo était un érudit. Je l’avais emmené à la librairie religieuse UOPC et il regardait toute cette littérature comme un enfant dans un magasin de jouet. Il acheta d’ailleurs plusieurs ouvrages qu’il n’aurait pas pu trouver au Pérou.
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RIP, cher père Gustavo.
Merci de veiller sur l’Eglise, afin que le pouvoir libérateur de l’Evangile du Christ puisse souffler sur notre terre.