« Ne pleure pas » – 10° dimanche, Année C

 «Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi». (Luc 7, 11-17)

Parfois, le Christ fait un miracle, presque malgré lui. Parce qu’Il est pris de pitié devant les larmes humaines. Ainsi, cette veuve qui enterre son unique enfant. Le drame est double : Elle enterre son fils et – privée de mari – elle perd le seul soutien de ses vieux jours. Cette femme pleure. La vie peut être si cruelle. Comment encore trouver la force de continuer ? Le Christ n’a pas pour mission de sécher toutes les larmes. Pourtant, Il dit : « Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi ». Le mort est ramené à la vie et sa mère à l’espoir. Cela n’empêchera pas d’autres larmes, car des années plus tard – cet homme mourra pour de bon. Mais le geste du Christ rappelle que Dieu est un Dieu des vivants et non des morts. Un Dieu de la joie et non des larmes. Que même la mort n’a pas le dernier mot. Au-delà, nous attend un Rivage, où le Dieu de la résurrection et de la vie, fera de toute larme – une larme de joie.

Théologiens musulmans : le défi (suite) – Hassem Chalghoumi dans La Libre p.19

Dans le prolongement du débat engendré, suite à ma chronique parue en avril dernier dans Marianne Belgique: « Théologiens musulmans : le défi« , j’invite mes lecteurs à prendre connaissance de l’interview, parue ce jour dans les pages (p.19) et sur le site du quotidien bruxellois « La Libre », d’Hassem Chalghoumi, imam de la mosquée de Drancy et président de la conférence des imams en France.

Morceaux choisis:
Les musulmans modérés se sentent-ils menacés ? Oui et je le comprends. J’ai été agressé physiquement et menacé de mort plusieurs fois. Mais c’est le prix à payer pour s’opposer à cette minorité. Les musulmans modérés sont trop discrets. Je leur dis que la menace du rejet et du racisme est aussi réelle que celle de l’intégrisme. Des sites intégristes recrutent énormément de jeunes. C’est une catastrophe ! Je renvoie la responsabilité vers nos dirigeants européens. Pourquoi bougent-ils pour sauver Benghazi, le Mali, les civils syriens… Alors que nous, citoyens européens, sommes menacés par ces sites internet. Ils doivent faire le nécessaire pour nous protéger, fermer ces sites, chercher et poursuivre ces intégristes qui sont en train de recruter et créer des Merah.

Votre discours est considéré comme “courageux” par de nombreuses personnalités françaises et internationales. Vous sentez-vous courageux ? Il y a beaucoup trop d’amalgames entre islam et intégrisme. Je comprends très bien que les Français et Belges ne comprennent pas pourquoi la majorité silencieuse ne s’exprime pas. Ce n’est plus une question de courage, mais un devoir de protection de notre avenir.

Comment les non-musulmans peuvent-ils vous épauler ? Je rencontre cette semaine le pape François pour lui dire que l’Europe est une terre chrétienne et qu’il faut nous protéger en tant que citoyens, voisins et amis face à l’intégrisme. Le racisme se nourrit de l’intégrisme. Il faut donc rejeter l’intégrisme et soutenir les modérés.

Vous dites “les fanatiques doivent rentrer chez eux”, mais il y a de plus en plus de convertis belges et français… Si vous êtes pour la charia et contre nos valeurs, partez ! Allez trouver des compagnons de votre idéologie ailleurs. Ne détruisez pas notre « vivre ensemble ». Ne gâchez pas notre bonheur ! Les convertis basculent très souvent à l’extrême.

 

Le mariage de Christine Boutin selon le droit canon (Le Soir p. 11)

Cela ressemble un peu à une dispute familiale qui tourne au vinaigre. Au début, on s’engueule avec des arguments de fond. Et puis, quand les esprits s’échauffent, ce sont les attaques les plus basses et gratuites qui sortent. Qu’importe leur justesse – tant que cela fait mal.

Dans le cadre du débat français sur le « Mariage pour tous », un journaliste stagiaire du quotidien bruxellois « Le Soir » fait état en p.11 de l’édition du jour, du buzz qui agite la France autour du mariage de Madame Christine Boutin. La politicienne et militante catholique a épousé son cousin germain et – ainsi affirme l’article – cela serait contraire au droit canon (soit l’ensemble de règles qui régissent l’Eglise catholique). D’où la conclusion jubilatoire: « Ô, la vilaine pécheresse, incestueuse de surcroît ». La suite sur twitter, sous l’élégant hashtag #BoutinCoucheAvecSonCousin.

Pourrais-je suggérer à tous ces joyeux « buzzeurs » de prendre la peine de se renseigner auprès de canonistes? Ils apprendront que l’empêchement de mariage catholique entre cousins germains, prévue au canon 1091 §2, est une mesure de précaution qui peut être levée par simple dispense de l' »ordinaire du lieu » – soit l’évêque diocésain ou son équivalent, selon les termes du canon 1078 §1. Je ne doute pas un seul instant que Madame Boutin ait obtenu pareille dispense. (Pas de mariage à l’église sans celle-ci et il y a lieu à penser qu’elle s’est mariée religieusement). Mais, dans le fond, qui s’en soucie? Qu’importe la justesse de l’argument – tant que cela fait mal. Le débat autour du « Mariage pour tous » mérite mieux. Et je m’adresse ici aux deux camps qui se font face. Est-il possible de vivre un désaccord – même sérieux – sans traiter l’autre de tous les noms? Non, décidément, « l’homme ne naît pas démocrate »(soupir)

 

Blog: bilan du mois de mai

Ce blog a été ouvert le 11 mars 2011. En mars, il recevait 1467 visites et 2383 pages avaient été vues. Du 3 avril au 3 mai, il recevait 3689 visites et 5483 pages étaient visionnées ; du 1er mai au 31 mai 3322 visites et 5626 pages visionnées. Du 1er juin au 31 juin, le blog a reçu 3464 visites et 5721 pages furent visionnées. La fréquentation baissa durant les vacances, car le blog – aussi – pris du repos. Pour le mois de septembre 4423 visites sont enregistrées et 6683 pages sont visionnées. En octobre, il y eut 3027 visites pour 4689 pages visionnées. En novembre, il y eut 2679 visites pour 3915 pages visionnées. En décembre, 3203 visites pour 4754 pages visionnées. En janvier, 3143 visites pour 4815 pages visionnées. En février, cela donne 3709 visites pour 5501 pages visionnées. En mars, il y eut 3592 visites et 5530 pages visitées. En avril, il y eut 4063 visites pour 6280 pages visitées. En mai, il y eut 4895 visites pour 8100 pages vues. En mai, il y eut 4499 visites pour 5395 pages vues. Je n’ai pas reçu les chiffres de juin. En juillet,  3502 visites pour 4158 pages vues. En août: 3213 visites pour 5059 pages vues. En septembre: 5624 visites pour 8773 pages vues. En octobre 3268 visites pour 5337 pages vues. En novembre 3467 visites pour 5777 pages vues. En décembre 3018 visites pour 4411 pages vues. En janvier 3891 visites pour 5419 pages vues. En février 3736 visites pour 5724 pages vues. En mars 5198 visites pour 7740 pages vues. En avril 4415 visites pour 6323 pages vues. En mai – grosse progression, dû à quelques événements – 6693 visites pour 9284 pages vues.

Le lectorat reste majoritairement belge (5731 visites). La France suit avec (502 visites) et puis la Suisse (46 visites) et le Canada (45 visites).

L’article le plus fréquenté fut « Je crois que je vais aller buter un Curé » du 13 mai avec… 1736 visites. Gros succès d’audience donc, sans compter que, repris sur le site du quotidien « La Libre », l’article fut le plus lu du jour avec plus de 220 ‘likes’. Et pourtant, c’est le genre de ‘post’ que je n’aime pas écrire et que – même rédigé – j’ai longuement hésité à publier. La polémique, surtout par le net, ne me ressemble pas et me lasse vite. Rien de tel pour « booster » la fréquentation de mon blog, mais j’aime tellement mieux un article qui fait réfléchir paisiblement, plutôt que ce genre d’exercice – parfois nécessaire – mais qui vous fait entrer dans l’arène, que vous le veuilliez ou non. Vient ensuite  « In memoriam Christian de Duve » du 6 mai avec un impressionant 926 visites et « Nouvel évêque de Liège » du 31 mai avec 471 visites. J’ajoute 286 visites pour « Catholiques et francs-maçons » du 29 mai et 262 visites pour « L’agent n’a pas d’odeur. Vraiment? » du 27 mai. A l’occasion de ce dernier article, certains me demandent pourquoi j’écris sur des sujets apparemment éloignés de la religion. Je leur réponds que toute réalité concerne la religion.

Merci aux lecteurs et suite au mois prochain.

 

Daniel Cordier, d’une brûlante actualité – Marianne Belgique p.12

Ci-dessous ma chronique parue dans l’hebdo Marianne-B de cette semaine:

 « Voici donc (…) cette vie singulière qui commença pour moi le 17 juin 1940, avec le refus du discours de Pétain (…). J’avais 19 ans. Après deux années de formation en Angleterre dans les Forces françaises libres du général de Gaulle, j’ai été parachuté à Montluçon (…) Je fus choisi par Jean Moulin pour devenir son secrétaire. J’ai travaillé avec lui jusqu’à son arrestation, le 21 juin 1943. » Ainsi raconte Daniel Cordier dans « Alias Caracalla », autobiographie parue chez Gallimard en 2009. Popularisé à la télévision par un récent biopic, ce parcours est d’une brûlante actualité. Voilà un jeune Maurassien – antisémite convaincu – que le patriotisme fera entrer en résistance et que Jean Moulin – républicain et fils de dreyfusard – prendra à son service. Daniel Cordier sortira de la grande épreuve en humaniste et consacrera sa vie à l’amour des arts. En ce début de 3° millénaire, trop de jeunes se construisent à nouveau une carapace identitaire sous la forme du fondamentalisme politique, idéologique ou religieux. Parlons-leur de la vie de cet homme. Non pas comme on parle d’un monument du passé. Mais parce que le jeune Daniel leur ressemble. Et rappelons-leur la leçon de vie que Jean Moulin – son mentor – lui a inculquée : Force et courage sont étrangers à la raideur du monolithe. A la manière du peintre, ils honorent la beauté d’un monde bariolé de couleurs.

« Dieu nourrit. Et toi ? » – Fête du Corps et du Sang du Christ, Année C

 «Tous mangèrent à leur faim, et l’on ramassa les morceaux qui restaient. ». (Luc 9, 11-17)

La fête du Corps et du Sang du Christ – appelée communément « Fête-Dieu » – est d’origine liégeoise et fut instituée au XIIIe siècle. Comme le rappela le pape Paul VI en 1965 : « elle fut célébrée la première fois au diocèse de Liège, spécialement sous l’influence de la Servante de Dieu, sainte Julienne du MontCornillon, et Notre Prédécesseur Urbain IV l’étendit à l’Eglise universelle » (encyclique Mysterium Fidei n°63).

Il est intéressant de noter que l’Evangile du dimanche, est le récit de la multiplication des pains, qui nous parle tout à la fois du don de Dieu et de partage humain. En effet, il aura fallu que quelqu’un offre ses 5 pains et deux poissons, pour que le Christ les multiplie et que la foule soit rassasiée. Comme quoi, il ne faut jamais séparer la dimension verticale de l’Eucharistie (le Christ se donne en nourriture) et sa dimension horizontale (l’Eucharistie invite au partage avec les plus démunis). Certains baptisés insistent sur le vertical. D’autres sur l’horizontal. Ces nuances sont humaines. A condition de ne pas oublier qu’il faut les deux dimensions… pour former une croix, symbole des Chrétiens.

Nouvel Evêque de Liège – « Ce qui est né de la chair est chair. Ce qui est né de l’Esprit est esprit » (Jean 3,6)

Pendant des mois, le diocèse de Liège a vécu l’attente de son futur évêque, dans la prière, mais également – et c’est bien humain – sous un bruissement de rumeurs. Des noms furent cités dans la presse et au fond des sacristies. Cela, c’est ce que – à la suite de Jésus – la tradition chrétienne appelle « la vie selon la chair », c’est-à-dire la vie selon la logique humaine. Et puis, en ce 31 mai – fête de la Visitation de Marie – arrive la nomination faite par le Pape. Une « visitation » en quelque sorte et elle remplira le diocèse de joie. En effet, le futur évêque de Liège, Mgr Jean-Pierre Delville, est ce qu’on appelle un « chic type »: Aimable, prudent, bienveillant, drôle, sociable et capable de réflexions pointues – tout comme de bonnes vulgarisations. Il a l’érudition du professeur en histoire de l’Eglise et c’est un conteur-né. C’est également un excellent organiste et un mélomane. Son appartenance à la communauté de Sant Egidio fait comprendre son ancrage spirituel et ecclésial profond, tout à l’écoute des plus pauvres. Cependant, les nombreuses qualités d’un homme – et ses inévitables quelques défauts – ne sont pas l’élément le plus important pour les catholiques liégeois. « Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit » (Jean 3,6) C’est surtout selon la logique de l’Esprit – c’est-à-dire la logique de Dieu – que chaque catholique liégeois est invité à accueillir son nouveau pasteur et à prier pour lui. Notre-Dame de la Visitation et Saint-Lambert – patron du diocèse de Liège – nous vous confions notre futur évêque Jean-Pierre. Donnez-nous de prier pour lui et aidez-nous à collaborer avec lui, afin que s’accomplisse l’œuvre de l’Esprit.

Catholiques et Francs-Maçons – Entre contentieux et dialogue

Qui est à l’origine de la lettre anonyme dénonçant le Curé de Megève comme franc-maçon? Un catholique zélé jouant aux détectives, un membre de son entourage, ou un frère maçon enfreignant la règle sacrée de la discrétion?  Mystère. Quoi qu’il en soit, l’attitude de son évêque demandant au prêtre de choisir entre la poursuite de l’exercice de son ministère et son appartenance à une loge du Grand-Orient, a suscité des réactions en sens divers.
Il y a, d’une part, tous ceux à qui ce genre de faits-divers donne le goût du sang: « Les franc-macs, sont les suppôts du diable – on aurait dû excommunier ce prêtre renégat », d’un côté et  « Les cathos ont, une fois de plus, montré leur vrai visage: celui de la crasse intolérance », de l’autre. Ce genre de posture rassure les esprits friables. Dans un monde où s’effacent nombre de repères, ceux-là se confortent en relançant en ce début de XXIe siècle, des conflits du XVIIIe. Dont acte.
Il y en a d’autres qui – au nom de l’ouverture – regrettent la décision de l’évêque. Pour eux, le mariage entre catholicisme et franc-maçonnerie est possible. Dans l’état actuel de la question, je ne partage pas cet avis. Non pas – selon des propos que me prête le quotidien bruxellois « Le Soir » de samedi dernier (p.17) – parce qu’il est difficilement « acceptable que les catholiques appartiennent à des associations non catholiques » … Car, dans ce cas, à peu près tous les catholiques sont hors-la-loi, à commencer par votre serviteur – membre de plusieurs associations non catholiques.  Mais bien – comme je m’en suis expliqué dans ma préface à l’ouvrage d’Hervé Hasquin: « Les catholiques belges et la franc-maçonnerie », que j’invite le lecteur à (re-)lire – parce que « la fracture ne me semble pas qu’affective – mais également effective. Il est vrai que la maçonnerie ne véhicule aucune doctrine officielle, mais l’anthropologie commune  aux loges me paraît davantage insister sur l’autonomie du sujet, là où la vision catholique souligne la personne en relation ».  

J’en veux pour nouvelle preuve le débat français sur le « mariage pour tous ». Le 5 novembre 2012, le Grand Orient de France (GODF) soutenait ce projet de loi qui « vise à assurer une reconnaissance républicaine du libre choix matrimonial des individus qui le souhaitent, au nom de l’égalité des droits », condamnant par la même occasion le propos du Cardinal-Archevêque de Paris qui – lui – avait dénoncé des « mutations profondes de notre législation qui pourraient transformer radicalement les modalités des relations fondatrices de notre société « . Pareilles positions furent jugées par le GODF « arriérées voire obscurantistes en décalage complet avec les nécessaires évolutions sociales et politiques de notre temps ». Et le GODF de conclure: « Au nom de la Laïcité, le Grand Orient de France rappelle que les Églises doivent se restreindre à la seule sphère spirituelle, et ne pas interférer, par des imprécations stigmatisantes et des amalgames violents et haineux, avec les légitimes débats publics et démocratiques qui président à l’évolution et au progrès des droits civils ».  (Le GODF renouvela cette prise de position le 14 janvier 2013)

Je fais quatre observations et j’y réagis:
Primo – Comme je l’énonçais dans ma préface au livre d’Hervé Hasquin, nous assistons bien à un conflit d’anthropologie. Sans entrer, une fois encore dans le débat de fond concernant le « mariage pour tous », je souligne qu’il y a deux angles d’approche: Là où le GODF défend un projet de loi qui offre plus d’autonomie aux individus, l’Eglise catholique s’y oppose car cette loi touche à une relation sociale fondatrice, soit le mariage comme union des deux sexes. Ma réaction: La différence d’anthropologie est respectable et alimente le débat citoyen. Mais, une fois encore, pareille différence illustre que le contentieux qui oppose Catholicisme et Franc-Maçonnerie, reste d’actualité.
Secundo – Le GODF se veut libre de toute appartenance dogmatique, mais condamne la position catholique, comme étant « en décalage complet avec les nécessaires évolutions sociales et politiques de notre temps ». Je note ici une sacralisation du temps, quelque peu… dogmatique. Ce qui correspond à l’évolution des mœurs est déclaré comme allant forcément dans le sens de l’histoire. Ma réaction: Sacraliser l’évolution me semble peu compatible avec la libre pensée. Pourquoi les mœurs d’aujourd’hui seraient-elles automatiquement meilleures que celles de nos grand-mères?
Tertio – Le GODF enjoint les religions à « restreindre leur parole à la sphère spirituelle », c’est-à-dire à ne pas se prononcer sur un débat de société. Alors que le Grand Orient ne se prive pas de prendre position. Ma réaction: Je considère sain et naturel que le monde maçonnique s’exprime dans des débats de société, mais – au nom de cette même liberté d’expression – je n’accepterai jamais que l’opinion catholique soit exilée de l’espace public. Les Eglises, autant que les loges maçonniques, sont des membres de la société civile. Elles ont donc droit à la libre expression de leurs opinions.
Quarto – Le GODF invite – à juste titre – à la sérénité du débat démocratique, mais use à l’encontre de l’Eglise catholique d’un vocabulaire fort émotionnel, du genre: « imprécations stigmatisantes et amalgames violents et haineux ». Ma réaction: Sans en faire un drame – car cela fait partie de la nature humaine – je déplore les dérapages verbaux d’où qu’ils viennent. Accuser l’autre d’être un mauvais citoyen, simplement parce qu’il ne partage pas votre avis – est indigne de la démocratie. (Lire à cet effet, ma chronique: « L’homme ne naît pas démocrate »). Je ne puis donc accepter que le GODF taxe les prises de position du Cardinal-Archevêque de Paris d' »imprécations stigmatisantes et amalgames violents et haineux ».  Je n’accepte pas davantage l’attitude de cathos ultras français qui traitent d’illégitime, un gouvernement démocratiquement élu. Je fais mien les propos prononcés ce 11 mai dernier à Lyon, par le Ministre de l’intérieur de la République: « La laïcité est un rempart contre tous ceux qui veulent mettre sur la scène publique le refus du débat et l’obscurantisme qui n’y ont pas place (…) Grâce à ce principe, je peux dialoguer de manière régulière, même si ça n’est pas toujours facile – n’est-ce pas monsieur le cardinal ? – sur des questions de société qui font débat » (Manuel Valls s’adressait ici au cardinal Barbarin).

Conclusion: Entre Catholicisme et Franc-maçonnerie, je récuse la guerre des tranchées et la diabolisation mutuelle. Les démocrates français sont tout à la fois héritiers du catholique Charles de Gaulle et du laïque Jean Moulin. Ceci est d’autant plus vrai que les francs-maçons sont au moins aussi pluriels que ne le sont les catholiques. Dans l’état actuel du contentieux, je ne suis cependant pas favorable à forcer une réconciliation. Je me fais donc l’avocat du dialogue, car se parler malgré les oppositions, n’est pas un luxe de salon. Le socle de valeurs communes sur lequel repose une société fondée sur les droits de l’homme, est plus fragile qu’il n’y paraît. Et il existe un domaine où se rejoignent fils d’Hiram et fidèles de Rome – celui de la philosophie. Tant l’Eglise catholique que la Franc-maçonnerie font confiance au pouvoir de la raison humaine et se doivent, dès lors, d’être adeptes d’une vie politique qui fasse droit au débat entre opinions contradictoires. J’en suis persuadé : les frères ennemis sont aussi parfois des alliés naturels. Ainsi, face à toute confusion entre science et foi, comme c’est le cas avec le créationnisme. C’est au nom de ce dialogue que j’ai invité des maçons à parler en milieu catholique et que j’ai été, à plusieurs reprises, honoré d’être invité à participer à une tenue blanche (assemblée maçonnique qui reçoit un non maçon pour dialoguer avec lui). Ce dialogue n’est pas aisé (jusqu’à présent, je n’ai jamais été invité par une loge dans ma propre ville), mais nous ne pouvons nous y soustraire: Pas de démocratie sans débat respectueux de l’autre – quelle que soit la profondeur de nos divergences.

L’argent n’a pas d’odeur. Vraiment?

« Qu’est-ce que l’argent? » Voilà bien une question tout à la fois simple et complexe. La réponse la plus universellement acceptée semble être: L’argent est un étalon symbolique qui mesure la valeur des biens, afin de permettre les échanges commerciaux. Vient alors inévitablement cette nouvelle interrogation: « Et qu’est-ce qui fixe la valeur de cet étalon de valeur? » Avant, la plupart auraient dit: « C’est le Prince qui frappe la monnaie en fonction des réserves en or de la banque nationale qui émet la devise« . Mais ça, c’était avant. Depuis, l’économie est mondialisée et la monnaie s’est numérisée. Le Prince (les états nationaux) est globalement hors-jeu. Quant à l’or, depuis l’effondrement du système de Bretton Woods en 1971, il ne sert plus que de butin de guerre symbolique, mais ne représente plus une garantie de solvabilité obligatoire. Aujourd’hui, le seul étalon pour mesurer la valeur de l’argent est la confiance que les marchés font à chaque devise. La monnaie est devenue « fiduciaire » au sens fort du terme.
L’argent est donc un étalon symbolique fondé sur la confiance de ses utilisateurs. Pas étonnant qu’une notion aussi peu solide, soit appelée « du liquide »… Une des choses que j’apprécie chez l’économiste Bruno Colmant, est sa capacité à prendre du recul quand il analyse la notion même de l’argent. Je vous invite ainsi à lire son article sur le ‘money fiat’ (la création de devise), ainsi que celui sur le rapport à l’argent qu’entretiennent les Américains, les Allemands et les Français. En résumé: Si les grandes nations vivent des tensions par rapport à leur devise en ce temps de crise économique, ce n’est pas uniquement parce que les unes sont cigales et les autres fourmis. C’est aussi – et peut-être davantage qu’on ne le pense – parce que diffère le rapport affectif que chaque nation entretient avec cet étalon symbolique qu’est l’argent. Pas d’odeur l’argent… Vraiment?

Dollar philosophal
Prenons le cas des Etats-Unis. L’empire d’outre-Atlantique est bien plus endetté que l’Europe et pourtant, il continue à doper son économie en y injectant des milliards de dollars. Cela, sans hyperinflation. Pourquoi? Cela s’explique par la fonction tout à la fois pragmatique et impériale de la devise au pays de l’Oncle Sam. Pragmatique: Si c’est par l’endettement que l’économie tourne mieux, l’Américain n’aura pas de scrupule: « Cela fonctionne. Où est le problème? » Impériale: Cette civilisation de pionniers a fait de sa devise la nouvelle frontière. Le billet vert est le socle de l’économie mondiale et un nouvel afflux de dollars sert donc de monnaie de réserve à toutes les économies émergentes dont la balance commerciale est en bonus. De par sa situation éminente actuelle, l’Amérique est donc le seul pays au monde qui peut faire des dettes sans avoir vraiment à les rembourser… Car ses dettes valent de l’or. Une version actualisée de la pierre philosophale, en quelque sorte. Le jour où la place centrale du dollar dans l’économie mondiale cessera, les Américains adapteront leur politique monétaire dans la douleur, mais non sans un même pragmatisme.

L’euro, le beurre de l’euro et le sourire de la Chancelière
Observons l’axe franco-germanique, qui est la colonne vertébrale de l’euro. Je me remémore cet ami de vieille souche française, qui pliait négligemment ses billets dans la poche. Une façon inconsciente d’exprimer son mépris pour l’argent. Comme l’écrit Bruno Colmant, dans une culture de tradition catholique, l’argent est plutôt perçu comme un mal nécessaire. Les citoyens doivent le souffrir et l’Etat le juguler. Pour soulager une population en récession économique, une dévaluation n’est donc pas un drame. Au contraire, elle signifie que l’Etat reste maître de sa monnaie. En bref, dans une culture latine et catholique, l’argent est ce qui permet d’acheter du beurre. Dans une culture nordique et protestante, par contre, l’argent est paré d’une certaine noblesse. Il signale que son possesseur a vendu du beurre et qu’il pourra investir dans une crèmerie. Ici, la monnaie est le fruit d’un juste labeur et la source de nouveaux investissements. Il s’agit donc d’un symbole qui se doit de demeurer fort et respecté. Une dévaluation est toujours un échec – surtout en Allemagne, qui vit encore le traumatisme de l’hyperinflation des années ’20 du siècle dernier. (Bruno Colmant rappelle, bien à propos, que le mot allemand Schuld désigne tout à la fois la dette et la faute). Nombre d’experts conseillent une dévaluation progressive de l’euro par voie d’inflation contrôlée. Cependant, il faut se rendre à l’évidence: Sans une plus grande intégration de la politique monétaire européenne, on ne peut avoir l’euro, le beurre de l’euro et le sourire de la Chancelière.

Smith sur le divan de Freud
Ce que nous constatons en micro-économie vaut en macro-économie: Le « sujet économique standard » est une abstraction. Un patron d’entreprise engage et son concurrent licencie. Un employé dépense et son collègue épargne. Un consommateur achète une moto et son voisin une assurance-vie. Pourquoi? Pour autant de raisons conscientes et rationnelles, qu’inconscientes et affectives. Il en va de même pour les populations. Une analyse ne peut faire l’impasse sur le rapport affectif qui lie les cultures à l’économie en général et à l’argent en particulier. Les pères fondateurs de l’Europe – et leurs successeurs qui signèrent en 1992 le Traité de Maastricht – avaient bien compris que l’orgueil monétaire alimente le ressentiment nationaliste, et que celui-ci conduit à la guerre. Le mouvement de repli identitaire actuel est une réaction de protection compréhensible, mais adolescente. Cela, et malgré leurs puissantes différences, les Texans, Californiens, New-Yorkais et habitants du Midwest, l’ont bien compris. Ceux qui méprisent la devise européenne comme un corps étranger, doivent expliquer où le tribalisme s’arrête et pourquoi. Demain poussera-t-il sur les ruines de l’euro, une monnaie bretonne, écossaise, flamande et – mieux encore – principautaire liégeoise? A l’inverse, ceux qui veulent sauver l’euro, ne peuvent oublier qu’on ne bâtit une communauté de destin qu’en tenant compte de la réalité des peuples. Et le rapport à l’argent de ceux-ci est plus émotionnel qu’il n’y paraît. On dit que l’argent n’a pas d’odeur. Si Adam Smith se couchait un peu plus souvent sur le divan de Sigmund Freud, peut-être en serait-il moins convaincu.

« Trois fois Saint » – Sainte Trinité, Année C

 «  Tout ce qui appartient à mon Père est à Moi ; voilà pourquoi je vous ai dit ; l’Esprit reprend ce qui vient de Moi pour vous le faire connaître ». (Jean 16, 12-15)

La Trinité n’est pas un problème de mathématiques. Pourtant, comme l’amour ne s’additionne pas, mais se multiplie – ne dit-on pas le « Dieu trois fois Saint » ? – chacun peut vérifier que 1 X 1 X 1, cela fait toujours 1. La Trinité : 3 Personnes divines en un seul Dieu. Mais bien plus qu’un problème de mathématiques, la Trinité est Mystère d’amour. Le peu que la révélation chrétienne nous ait donné de percevoir de l’infinité de Dieu, est que celui-ci est une éternelle Relation de Don : entre le Père qui est Source de tout Don, le Fils à Qui le Don est destiné et qui le rend au Père dans l’unité de l’Esprit – qui est Don.  La Bible nous enseigne que l’homme est créé à l’image de Dieu. Voilà pourquoi nous sommes des êtres relationnels et voilà pourquoi seul le Don de nous-mêmes nous fait rejoindre notre vérité profonde. Devenir disciple du Christ et vivre son baptême, c’est dans l’Esprit s’unir au don du Fils pour devenir enfant du Père.