Liège – baptême estudiantin (bizutage) qui vire au drame: Pour une salutaire mise à plat

Le drame de la jeune étudiante française en médecine vétérinaire, plongée dans le coma suite à une épreuve de (pré-)baptême folklorique qui tourne mal (elle a dû boire des litres d’eau, vu qu’elle refusait de boire de l’alcool), est sans doute un dérapage dû à l’inconscience, plus qu’à la méchanceté ou au désir de faire souffrir. Mais il révèle un dysfonctionnement que l’on ne peut laisser passer. Les institutions d’enseignement supérieur – et en particulier en leur sein, les organes représentatifs des étudiants – sont appelés à s’interroger une fois encore sur le statut du baptême folklorique. S’il s’agit d’un rite de passage bien encadré pour ceux qui ont librement choisi d’agrémenter leurs études par une vie folklorique, rien à redire. Une forme de remake de la totémisation scoute – en quelque sorte. Mais si cela devient dans certaines facultés une condition sine qua non d’intégration sociale et que même certains enseignants jouent le jeu – alors, il y a problème. A l’Université de Liège, le baptême des étudiants vétérinaires n’est pas soumis à la tutelle de l’AGEL, organe-coupole pour le folklore dans les autres facultés. Traditionnellement, les étudiants qui refusaient le baptême, recevaient le sobriquet de « chroniques » et étaient exclus de toute vie facultaire. On m’avait dit que – par rapport à l’époque où j’étais aumônier des étudiants à Liège – les choses avaient évolué dans le bon sens. Que ces excès étaient une affaire du passé. Le drame du jour démontre que cette évolution n’est pas aboutie. Il invite à une salutaire mise à plat du « on a toujours fait comme ça ». C’est l’affaire des autorités rectorales, bien sûr. Mais également des associations représentatives des étudiants. L’apprentissage de la démocratie commence à ce niveau-là.

Tic tac, tic tac, tic tac… Boum!

Dans son édito du jour, Béatrice Delvaux – éditorialiste en chef du Soir – commente une récente étude sur la richesse des Belges. Les 20% des Belges les plus riches totaliseraient 60% de la richesse nationale; là où les 20% les plus pauvres ne possèderaient que 0,2% de celle-ci. Béatrice Delvaux commente: « L’évolution spontanée creuse, elle, le fossé entre un noyau dur de 10 % de très pauvres qui cumulent tous les handicaps (chômage, logement précaire, assuétudes…) et les plus nantis qui cumulent les avantages, comme la capacité à payer à leurs enfants les très bonnes unifs, les cours particuliers, les spécialisations ». Et l’éditorialiste d’évoquer l’économiste français Thomas Piketty dans Le capital du XXIe siècle, sorti il y a quelques semaines: «  Si vous prolongez la tendance actuelle jusqu’à 2040 ou 2050, prédit Piketty, les inégalités deviennent insoutenables. Même les plus fidèles adeptes du marché doivent s’en inquiéter. Or, les politiques ont les leviers pour résoudre la tension ou éviter l’explosion.  »  Il suggère un impôt progressif sur le capital, parallèle à l’impôt progressif sur le revenu. Non pour se venger des riches mais pour garder le contrôle d’une dynamique mondiale explosive.

Là se situe le cœur de l’enjeu. La richesse n’est pas un péché. C’est la pauvreté qui est le problème. Trop de précarité au milieu de trop de richesse, tue le contrat social et génère la violence. Le pape François ne déclarait rien d’autre ce dimanche. En visite pour une journée en Sardaigne, le souverain pontife a délaissé le texte qu’il avait préparé avant de rencontrer des ouvriers au chômage et des mineurs venus lui parler de leur condition et s’est exprimé spontanément pendant une vingtaine de minutes. « J’ai trouvé de la souffrance, ici (…) On vous affaiblit et on vous vole votre espoir. Excusez-moi si j’emploie des mots forts mais où il n’y a pas de travail, il n’y a pas de dignité », a-t-il déclaré. « C’est la conséquence d’un choix mondial, d’un système économique qui provoque cette tragédie, un système au centre duquel se trouve une idole appelée argent ». « Nous ne voulons pas de ce système économique mondialisé qui nous fait tant de mal. Hommes et femmes doivent être au centre (du système économique) comme Dieu le veut, et non pas l’argent ».

Plus prosaïquement, je rappelais dans ma chronique Quand les riches s’en mêlent’, parue dans les pages du quotidien ‘La Libre’ en septembre 2011, qu’il est dans l’intérêt bien compris des riches de veiller à un minimum de justice distributive. Du moins, s’ils ne veulent pas que leurs gosses partent à l’école munis de gilets pare-balles. Regardons la Grèce… Les tensions sociales augmentent avec les inégalités. Et la colère des pauvres est rarement pacifique . Tic tac, tic tac, tic tac…. Il est temps de rééquilibrer la répartition des richesses – avant qu’il ne soit trop tard.  

 

 

 

Eloge du filou – 25° dimanche, Année C

 « Car les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière ». (Luc 16, 1-13)

Une parabole n’est pas une allégorie. Il est souvent vain de rechercher des correspondances entre les personnages et Dieu. Il s’agit avant tout d’une anecdote, dont Jésus tire un message. Ainsi, la parabole truculente de l’intendant qui vole son maître. Ce dernier s’en rend compte et lui annonce qu’il va le renvoyer. Le gredin met sa dernière journée de travail à profit  pour réduire les dettes des créanciers de son patron, afin que ceux-ci l’accueillent une fois qu’il sera au chômage. Quand son maître découvre l’ultime tromperie, il réagit de façon surprenante en faisant l’éloge du filou. Il se dit : « C’est un roublard – mais un roublard malin. Je vais le garder à mon service, car il me sera encore bien utile ». Parabole immorale, s’il en est. Jésus fait-il donc l’éloge du vice ? Bien sûr que non. Mais Il nous force à réfléchir. Pour payer moins d’impôt, ou augmenter la rentabilité d’un patrimoine – les hommes redoublent de créativité. Mais lorsqu’il s’agit de se battre pour la justice, la paix ou l’annonce de l’Evangile, ils semblent démunis et dépassés : « C’est bien triste, mais le monde est ainsi fait. Que pouvons-nous y changer ? »  D’où la conclusion pleine d’humour que Jésus donne à sa parabole : « Ah, si seulement les fils de la lumière avaient un peu de l’habilité des enfants de ce monde… »

Pape François – « L’Eglise est un hôpital de campagne après la bataille ».

Au cours d’une longue interview donnée en italien à des journaux jésuites, le pape François parle avec franchise de son parcours de vie. Il reconnaît ainsi, avoir été dans sa jeunesse trop autoritaire et y voit un péché de jeunesse. Mais il nous livre surtout quelques-unes de ses intuitions profondes sur le rôle de l’Eglise. « Je vois clairement que ce dont l’Eglise a le plus besoin aujourd’hui, est une capacité de guérir les blessures et de réchauffer les cœurs des fidèles. Cela demande de la proximité. Je vois l’Eglise comme un hôpital de campagne après la bataille. Il est inutile de demander à une personne sérieusement blessée, si elle a trop de cholestérol ou trop de sucre dans le sang! Il faut guérir ses blessures. Après, on pourra parler du reste. Guérir les blessures, guérir les blessures… Et il faut commencer par le début. L’Eglise s’est parfois enfermée dans de petites choses, des règles étriquées. Le plus important est la première proclamation: Jésus-Christ vous a sauvé. Et les ministres de l’Eglise doivent être des ministres de la miséricorde, par-dessus tout. Le prêtre qui confesse, par exemple, risque toujours d’être trop rigoriste ou trop laxiste. Aucune de ces attitudes n’est compatissante, car aucune ne prend toute la personne en compte. Le rigoriste se lave les mains et s’en tient aux commandements. Le ministre laxiste se lave les mains en disant simplement: « Ceci n’est pas un péché », ou quelque chose de ce genre. Dans le minsitère pastoral, nous devons accompagner les personnes et guérir leurs blessures. Comment nous occupons-nous le peuple de Dieu? Je rêve d’une Eglise qui soit mère et bergère. Les ministres de l’Eglise doivent être compatissants, prendre les personnes à cœur en les accompagnant, tel le bon Samaritain – qui lave, nettoie et relève son prochain. C’est cela l’Evangile. Dieu est plus grand que le péché. Les réformes structurelles et organisationnelles sont secondaires – elles viennent ensuite. La première réforme est dans l’attitude. »  

La parabole du bon garçon – 24° dimanche, Année C

« Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi et ce qui est à moi est à toi. Mais il fallait bien festoyer et se réjouir ». (Luc 15, 1-32)

Le personnage central n’est pas toujours celui que l’on croit. Le fils prodigue est un enfant gâté, qui dilapide la fortune familiale et revient parce qu’il a faim. Mais l’aîné, c’est le bon garçon que tout parent espère d’engendrer. Année après année, il se tue à la tâche sans se plaindre. Il n’a jamais rien réclamé. Il veut que ce père, tant admiré, soit fier de lui. Et le voilà qui rentre après une dure journée de labeur. Abasourdi, il entend : musique, danses, ripailles… Il s’approche et demande ce qui se passe. Un serviteur lui répond : « Ton jeune frère est rentré. Alors, ton père fait la fête ». Qui de nous ne réagirait pas de comme suit ? « Cela fait tant et tant d’années que je suis à ton service. Jamais je n’ai désobéi à tes ordres. (…) Mais quand celui-là revient, « ton fils  » qui a mangé ta fortune avec des prostituées, pour lui, tu tues le veau gras. » Ici advient la phrase la plus importante de la parabole : « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi et ce qui est à moi est à toi » Avec cet ajout : « Mais il faut festoyer et se réjouir ». En effet, le vaurien est ton frère. Extérieurement, il prenait du bon temps. Intérieurement, il était mort. Son épreuve commence à le faire revivre. Alors – partage ma joie. En entendant ces paroles, le bon Belge pense : « C’est un peu facile ». Mais non. L’amour inconditionnel d’un père est ce qu’il y a de plus difficile. Demandez à Dieu.

Giel (15 ans) – Une prière et des questions

Si la cour d’appel de Gand ne l’avait pas interdit in extremis, un jeune flamand de 15 ans aurait dû partir aujourd’hui au nord de l’Inde pour passer 15 années dans un monastère bouddhiste. Comment ne pas accompagner une démarche spirituelle aussi radicale de nos prières? Ceci démontre que – malgré la sécularisation – la soif spirituelle reste grande dans ce pays, en ce compris auprès de la jeunesse. Et c’est une bonne nouvelle.

Cependant, des questions demeurent. Comment réagirait-on si cet adolescent partait au bout du monde dans un monastère catholique contemplatif? (Voire dans une école coranique…) Je pense que l’opinion publique s’insurgerait. Le professeur en psychiatrie, spécialiste de l’adolescence, Philippe van Meerbeeck l’a dit: « C’est un âge où la maturation psychologique – qui permet un choix de vie adulte – n’est pas aboutie ». Même le monastère bouddhiste en question n’accepte de véritables « novices » qu’à partir de 18 ans. Alors, pourquoi une telle précipitation? Souhaitons donc beaucoup de bonheur et de courage à Giel dans son projet de vie. Et que l’Esprit l’accompagne. Mais demandons aussi la sagesse et la prudence pour lui et sa famille.

Allo, ici le pape François…

Bientôt, je vais être jaloux de ne pas encore avoir reçu un coup de téléphone du Pape… (Je rigole). Plus sérieusement, je me suis dit que cette curieuse habitude du Pontife romain de téléphoner à des anonymes qui lui ont écrit, faisait partie de ses réflexes d’homme du terrain. Ce contact direct avec des membres du peuple de Dieu, lui permet de garder la fibre pastorale intacte, malgré la distance qu’implique sa haute fonction.

Ce soir – pendant la célébration de confessions et en parlant à un pénitent – quelque chose de plus profond m’est apparu en flash. A la manière de Jésus, le pape François fait ainsi une prédication en acte. Cela nous semble tellement incroyable – limite risible – que « le Pape en personne » prenne son téléphone pour réconforter un quidam. Rien de tel pour envoyer un message fort. « Si donc vous, qui êtes mauvais, savez donner à vos enfants de bonnes choses, combien plus votre Père qui est dans les cieux en donnera-t-il de bonnes à ceux qui les lui demandent! » (Matthieu 7, 11) Si tout anonyme mérite que même le Pape prenne un peu de son temps pour lui, combien plus le Père éternel prend-Il intimement soin de chacun de nous – si humbles et anonymes que nous soyons?

Editorialistes et chroniqueurs – Un peu d’humilité svp. – Marianne Belgique p.32

Ci-dessous ma chronique parue dans l’hebdo Marianne-B de cette semaine:

Les chroniqueurs – j’en fais partie – sont une engeance qui intervient régulièrement dans la presse écrite et audiovisuelle en qualité d’observateur qualifié. Avec son alter ego journalistique – l’éditorialiste – ils font là œuvre d’utilité publique. Cependant, le donneur de leçon médiatique se doit de garder une certaine humilité face à l’acteur social. Là où le premier peut rectifier une chronique moins inspirée d’un trait de plume, le second se mouille dans l’action publique. « Obama et Hollande doivent-ils intervenir en Syrie ? » Facile de distribuer bons et mauvais points dans les colonnes d’un magazine. Mais que ferait le docte analyste à la place du décideur politique?  A l’époque de mon mandat de porte-parole des évêques de Belgique,  je me souviens avoir été mis sur le gril – sourire en coin – par un des éditorialistes politiques les plus influents au nord du pays. Aujourd’hui, l’homme est mandataire NVA et il vient de se faire rappeler à l’ordre par son parti, à la suite de déclarations sur la stratégie à adopter après les élections. Chroniqueurs et éditorialistes se sont gaussés de sa mésaventure. Quelques années plus tôt, il aurait été de leur nombre. D’où ce souhait : Chers collègues éditorialistes et chroniqueurs, un peu d’humilité svp. L’acteur social qui est la cible de votre plume plongée dans le picrate – ce pourrait être vous. …Ce pourrait être moi.

Commentaire: Dans cette chronique,  je souhaitais exprimer, une fois de plus, toute la difficulté du conflit syrien. Trop facile de venir avec des solutions noire sur blanc. Si je soutiens l’appel du Pape François à ne pas intervenir militairement unilatéralement, vu que personne ne voit où pareille intervention mènerait, parfois le « droit d’ingérence humanitaire » doit pouvoir être appliqué. L’impasse syrienne pointe donc aussi sur l’actuel déficit de droit international.
Je rappelle ici le n°67 de l’encylique « Caritas in Veritate » de Benoît XVI – à méditer par tous, mais plus particulièrement par les pays membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU: « Face au développement irrésistible de l’interdépendance mondiale, et alors que nous sommes en présence d’une récession également mondiale, l’urgence de la réforme de l’Organisation des Nations Unies comme celle de l’architecture économique et financière internationale en vue de donner une réalité concrète au concept de famille des Nations, trouve un large écho. On ressent également fortement l’urgence de trouver des formes innovantes pour concrétiser le principe de la responsabilité de protéger et pour accorder aux nations les plus pauvres une voix opérante dans les décisions communes. Cela est d’autant plus nécessaire pour la recherche d’un ordre politique, juridique et économique, susceptible d’accroître et d’orienter la collaboration internationale vers le développement solidaire de tous les peuples. Pour le gouvernement de l’économie mondiale, pour assainir les économies frappées par la crise, pour prévenir son aggravation et de plus grands déséquilibres, pour procéder à un souhaitable désarmement intégral, pour arriver à la sécurité alimentaire et à la paix, pour assurer la protection de l’environnement et pour réguler les flux migratoires, il est urgent que soit mise en place une véritable Autorité politique mondiale telle qu’elle a déjà été esquissée par mon Prédécesseur, le bienheureux Jean XXIII. Une telle Autorité devra être réglée par le droit, se conformer de manière cohérente aux principes de subsidiarité et de solidarité, être ordonnée à la réalisation du bien commun, s’engager pour la promotion d’un authentique développement humain intégral qui s’inspire des valeurs de l’amour et de la vérité. Cette Autorité devra en outre être reconnue par tous, jouir d’un pouvoir effectif pour assurer à chacun la sécurité, le respect de la justice et des droits . Elle devra évidemment posséder la faculté de faire respecter ses décisions par les différentes parties, ainsi que les mesures coordonnées adoptées par les divers forums internationaux. En l’absence de ces conditions, le droit international, malgré les grands progrès accomplis dans divers domaines, risquerait en fait d’être conditionné par les équilibres de pouvoir entre les plus puissants. Le développement intégral des peuples et la collaboration internationale exigent que soit institué un degré supérieur d’organisation à l’échelle internationale de type subsidiaire pour la gouvernance de la mondialisation et que soit finalement mis en place un ordre social conforme à l’ordre moral et au lien entre les sphères morale et sociale, entre le politique et la sphère économique et civile que prévoyait déjà le Statut des Nations Unies. »

 

Drame syrien – prière pour la paix à la Cathédrale de Liège

Relayant l’appel du Pape, l’évêque de Liège invita ce samedi soir à une prière pour la paix en sa cathédrale. L’église était pleine. Dans l’assemblée, des paroissiens, des prêtres, des diacres, des religieuses et des fidèles de tous horizons. Je croise le visage de membres de la communauté de l’Emmanuel, des Conférences Saint-Vincent de Paul, de l’Opus dei et – bien sûr – de la communauté de Sant-Egidio, organisatrice de la veillée de prière. Autour de l’évêque, quelques chanoines et des représentants des Eglises syriaques, grec-orthodoxes et russe-orthodoxes. Un prêtre syrien était également dans le chœur. Et dans l’assemblée, plusieurs musulmans.

La cérémonie se voulait recueillie, mais la surprise vint de l’extérieur. Sur la place Saint-Paul, les décibels s’en donnaient à cœur joie à l’occasion d’un concert public, sans doute offert à l’occasion des journées du patrimoine. Les prières et chants des fidèles furent, à plus d’une reprise, couverts par une musique électronique, diffusée dans toute sa force – au point que les basses firent trembler les vitraux de l’édifice. Et je me suis dit: « Cette perturbation a quelque chose de juste. Ce déchainement acoustique rappelle que, là-bas en Syrie, il y a des gosses qui tremblent sous le fracas de bombes et les cris de haine ». Paradoxalement, ce hurlement des baffles me fit donc entrer en prière.