Les cathos et l’humour : Non peut-être ?

Un caricaturiste reconnu me demande parfois ce que je pense de ses dessins. Je lui dis qu’ils me font souvent rire, mais que certains sujets sont néanmoins plus touchy : mettre papes, évêques, ou prêtres gentiment en boîte – pourquoi pas ? Par contre, rire d’un dessin montrant le Christ en croix – cela m’est infiniment plus difficile, même si je sais que cela ne part pas d’une volonté de choquer mais bien de dédramatiser.

Cet artiste comprend, mais ajoute : « les religieux ont parfois peur de l’humour ». Sans doute, mais pas toujours. J’en veux pour preuve ces séquences de WebTV, faites par des jeunes proches de KTO (la TV française catholique) et de l’Invisible (mensuel gratuit catholique français). Cela s’appelle le Cathologue et je trouve cela délicieusement drôle et nullement gnagnan. A consulter sans modération.

Déprime des Belges : et la spiritualité ?

Des chercheurs se sont penchés sur l’état de bien-être psychologique de la population en Belgique francophone pour le compte de Solidaris (Mutualité socialiste). La RTBF et Le Soir publient en ce jour les résultats de cette étude. Les réponses des sondés indiquent que le moral des Belges francophones est en berne et que notre société est de plus en plus anxiogène. Et cela s’aggrave depuis 5 ans, selon les auteurs de l’étude. Mis à part la crise économique, d’autres sujets angoissent: l’avenir des enfants, celui des parents ou encore la capacité de la politique à nous tirer de là… Résultat seul un Belge francophone sur quatre échappe à la déprime, et un sur dix exprime un profond mal-être permanent. De plus, 8% ont déjà tenté de se suicider.

Solidaris a intelligemment analysé toutes les causes économiques, psychologiques, sociologiques et politiques du malaise. Tout cela est cruellement vrai, mais le déficit de spiritualité me semble par trop oublié. Une saine sécularisation organise au mieux la cohabitation pacifique entre citoyens de toutes convictions philosophiques, à condition de ne pas remplacer le divin par la seule prospérité matérielle. La bourse est trop souvent devenue le nouveau temple au cœur de la cité, dont les marchés sont les divinités. Ceci fonctionna plutôt bien pendant quelques générations, mais ne peut se maintenir à long terme. Une société principalement fondée sur le matérialisme n’est pas féconde. Au bout de trois générations, elle s’essouffle, avant d’imploser.  Comment, dès lors, s’étonner que les fondamentalismes et leurs recettes de salut prêt-à-penser, prolifèrent sous nos contrées libérées ? Les rangs de Sharia4Belgium sont nourris de jeunes occidentaux. Leur logique est diablement efficace en capitalisant sur l’angoisse existentielle et le repli identitaire.

Quelle réaction avoir ? Comme développé dans mon essai « Credo politique » (éditions Avant-Propos/Fidélité), je plaide pour un « nouveau contrat social » qui éveille davantage nos sociétés sécularisées à la spiritualité – dimension de l’existence à enseigner dans toutes les écoles du Royaume. La spiritualité n’a rien à voir l’opium du peuple, tant décrié par les Marxistes. Une culture spirituelle offre, au contraire, une colonne vertébrale pour affronter la vie avec confiance et lucidité. Son regard invite chacun – croyants, agnostiques ou athées – à se donner une grammaire existentielle qui offre un sens profane à la vie. La culture matérialiste enjoint à nos contemporains d’être heureux à tout prix, ici et maintenant. Le regard spirituel corrige et complète : « Ca ne marche pas comme ça. Vis généreusement ce que l’existence t’offre, y compris les inévitables frustrations, épreuves et souffrances. Alors, le bonheur suivra tes pas comme un chien fidèle. C’est en te retournant et en contemplant le tracé de ta vie que tu pourras te dire que, même si ton parcours n’est pas un sans-faute et qu’aujourd’hui encore tout est loin d’être parfait, :  « Oui, je suis heureux. » »

Blog : bilan du mois de mai

Ce blog a été ouvert le 11 mars 2011. En mars, il recevait 1467 visites et 2383 pages avaient été vues. Du 3 avril au 3 mai, il recevait 3689 visites et 5483 pages étaient visionnées ; du 1er mai au 31 mai 3322 visites et 5626 pages visionnées. Du 1er juin au 31 juin, le blog a reçu 3464 visites et 5721 pages furent visionnées. La fréquentation baissa durant les vacances, car le blog – aussi – pris du repos. Pour le mois de septembre 4423 visites sont enregistrées et 6683 pages sont visionnées. En octobre, il y eut 3027 visites pour 4689 pages visionnées. En novembre, il y eut 2679 visites pour 3915 pages visionnées. En décembre, 3203 visites pour 4754 pages visionnées. En janvier, 3143 visites pour 4815 pages visionnées. En février, cela donne 3709 visites pour 5501 pages visionnées. En mars, il y eut 3592 visites et 5530 pages visitées. En avril, il y eut 4063 visites pour 6280 pages visitées. En mai, il y eut 4895 visites pour 8100 pages vues. Bref, cela représente pour le second mois consécutif une progression sensible par rapport au mois précédent. Comme c’est surtout un article qui a créé le buzz, cela ne signifie cependant pas une progression continue.

Le lectorat reste majoritairement belge (3958 visites). La France suit avec 566 visites. Puis apparaît le Maroc avec 63 visites (les articles sur l’islam, sans doute). L’article le plus fréquenté fut de très… très loin « Homophobie – Triste débat à Mise au Point. Traitement médiatique peu éclairé (RTBF) » du 13 mai avec 1475 visites (!). Comme le mois dernier, mes articles sur le traitement médiatique ont du succès. Reste à savoir s’ils sont écoutés par qui de droit. Vient ensuite « Amère Pentecôte au Vatican » du 27 mai avec 355 visites, suivi de « Retour au Moyen Age (soupir) » du 25 mai avec 291 visites.
Merci aux lecteurs et suite au mois prochain.

« Deviens ce que tu reçois » – Fête du Corps et du Sang du Christ

Homélie prononcée préalablement à la procession du Saint-Sacrement en l’église du Saint-Sacrement de Liège, ce samedi 9 juin
Il est rare que j’écrive mes homélies. Ce samedi fut une exception. Voici donc le texte de ma prédication:

 «Ceci est mon corps… Ceci est mon sang, le sang de l’alliance, répandu pour la multitude». (Marc 14, 12-26)

Le dimanche de la fête du Corps et du Sang du Christ – appelée communément « la Fête-Dieu – est d’origine liégeoise et remonté au XIIIe siècle. Comme le rappela le pape Paul VI en 1965 : « elle fut célébrée la première fois au diocèse de Liège, spécialement sous l’influence de la Servante de Dieu, sainte Julienne du Mont-Cornillon, et Notre Prédécesseur Urbain IV l’étendit à l’Eglise universelle » (encyclique Mysterium Fidei n°63). Il est donc juste que dans notre bonne ville de Liège, ce dimanche de la Fête-Dieu soit particulièrement honoré.

Je remercie le Comité organisateur de m’avoir invité à prêcher en cette occasion. Car ce n’est pas avant tout l’abbé de Beukelaer, mais le Curé-Doyen qui prêche. Or, qui a-t-il de plus connexe que la célébration de l’Eucharistie et l’apostolat du Curé ? Sans doute que celui qui avait le mieux compris cela, fut le curé d’Ars. Quand il avait un trou de mémoire lors de ses sermons, celui-ci se contentait de désigner le tabernacle en s’écriant : « Mes amis… Il est là ! Il est là ! » Tout était dit et je pourrais me contenter de l’imiter. Mais – comme je n’ai pas la capacité de conviction du Saint Curé – je vais tout de même poursuivre encore un peu. En cette fête de l’adoration eucharistique, arrêtons-nous donc sur le sens de tout cela. Qu’est-ce que l’Eucharistie et pourquoi l’adoration?

Parlons d’abord de l’Eucharistie. L’Eucharistie est un sacrement. Un sacrement est un acte liturgique – un ensemble de gestes et de paroles – qui nous donne de vivre une communion avec le Ressuscité. Dans chacun des sept sacrements, l’événement de Pâques est rendu présent par la force de l’Esprit, afin de nous conduire vers le Père. L’Eucharistie est le sacrement qui dit, par excellence, la vie de l’Eglise. Où un baptisé trouvera-t-il la force de demeurer fidèle au Christ dans un monde où tant de choses en éloignent? En se nourrissant du Ressuscité lui-même, qui se donne avec Son Corps et son Sang. En communiant, nous sommes nourris du Christ qui se donne pour l’humanité, afin de devenir à notre tour présence du Christ pour le monde. Reçue au sein de l’Eglise, l’Eucharistie crée aussi l’Eglise en nous rendant « Christophores », c’est-à-dire porteurs du Christ. Comme l’enseignait saint Augustin aux chrétiens qui participaient à l‘Eucharistie : « Chrétien, deviens ce que tu contemples, contemple ce que tu reçois, reçois ce que tu es : le Corps du Christ ».

Devenir « Corps du Christ », ce n’est pas rien. Dans son ouvrage Corpus Mysticum, le cardinal de Lubac a démontré que – durant le premier millénaire – quand on parlait du « verum Corpus », on ne visait pas l’Eucharistie, mais bien l’Eglise. Cela signifiait que la « vérité entière », le déploiement plein, du mystère de l’incarnation, se révélait dans le Christ présent par l’Eglise dans tous les peuples et à tous les siècles. Le « mysticum Corpus » désignait, lui, l’Eucharistie – non pas dans le sens de « simplement mystique et donc pas vraiment réel » – mais bien dans le sens présence sacramentelle – mysterion (mystique) étant le mot grec pour sacramentum.

Donc – et très concrètement – le Christ qui se donne sacramentellement dans l’Eucharistie, ne peut être reçu vraiment – en vérité – que par celui qui accepte de se laisser transformer par l’Esprit pour devenir « présence du Christ pour le monde ». Exemple « comique » vécu : quand j’étais au séminaire, certains d‘entre nous avaient d’interminables querelles pour savoir s’il fallait recevoir la communion sur la langue ou sur la main. Je ne dis pas que cette question est sans importance et que chacun ne peut pas avoir son avis. Mais à force de se focaliser sur cela et s’épier l’un l’autre… nous oubliions totalement ce que nous faisions : recevoir le Christ pour devenir Christophores. Nous faisions mentir l’Eucharistie, en faisant de la forme de réception des saintes Espèces une cause de division et de murmures. Ce que nous ne comprenions pas, c’est que l’Eucharistie est – par excellence – le sacrement du sensus ecclesiae, du sens de l’Eglise. Devenir eucharistique, c’est accepter de mettre en poche ses préférences liturgiques, sa spiritualité personnelle, ses préférences d’hommes d’Eglises, etc… pour recevoir l’Eglise, telle qu’elle se donne à nous. L’Eglise m’invite à aimer et à prier pour les prêtres et les évêques que Dieu nous donne. Même si un baptisé n’est pas toujours sur la même longueur d’onde que son curé, ou que son évêque – ce dernier n’en demeure pas moins le pasteur que Jésus lui envoie. Je suis donc invité à prier pour ce pasteur, à l’aimer et à loyalement collaborer avec lui. A quoi cela sert-il de communier, si – en quittant l’Eglise – je m’empresse de critiquer le sermon, les chants, les autres paroissiens ? « Chrétien, deviens ce que tu reçois… le corps du Christ ». Recevoir le Corps du Christ, ce n’est pas « avoir eu sa Messe » pour être en règle et puis vivre en ennemi de l’Amour.  Recevoir le Corps du Christ, c’est laisser l’Esprit donner corps au Christ à travers notre humanité et – ce faisant – de prendre notre part, selon notre vocation et charismes, à ce grand corps du Christ – qui est l’Eglise. Devenons donc ce que nous recevons.

Parlons ensuite de l’adoration. La prière devant le Saint-Sacrement est née à une époque où peu de fidèles communiaient. D’où le désir de « voir » le don de Dieu. Ceci explique l’attachement à cette forme de prière qu’éprouvent – aujourd’hui encore – ces baptisés qui se trouvent dans une situation canonique ou personnelle qui les empêchent de communier. Mais l’adoration eucharistique est pour tous les fidèles. En effet, « adorer » le Christ-Eucharistique, c’est se laisser transformer par l’Eucharistie. L’adoration nous révèle à nous-mêmes que nous sommes appelés à être des adorateurs, car notre vocation est d’être le temple de Dieu, par la force de l’Esprit – à l’instar de la Vierge Marie. En effet, si la célébration eucharistique est proche du mystère de l’annonciation (Dieu visite son peuple), l’adoration eucharistique est connexe au mystère de la visitation. La visitation d’un Dieu qui dit : « Voici, je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi. » (Apocalypse 3:20) Ou plus simplement, ces paroles du vieux paysan au curé d’Ars, qui lui demandait pourquoi il contemplait si longuement le Saint-Sacrement : « je l’aveuse et Il m’aveuse ». (Traduction libre : Je le scrute et Il me scrute »)

De plus, l’adoration dilate notre cœur aux dimensions de l’Eglise. Celui qui adore le Saint-Sacrement, se laisse remplir du Christ qui nourrit son Eglise. Il prie avec toute l’Eglise, une en Christ mais divisée en ses membres.  Il prie avec toute l’Eglise, sainte en Christ mais pécheresse en ses membres. Il prie avec toute l’Eglise, catholique en Christ mais si peu universelle en ses membres. Il prie avec toute l’Eglise, apostolique en Christ mais si sourde à leur enseignement en ses membres : « Chacun de vous prend parti en disant : « Moi, j’appartiens à Paul », ou bien : « J’appartiens à Appollos », ou bien : « J’appartiens à Pierre » » (1 Cor 1, 12). Non seulement l’adoration Eucharistique dilate notre cœur aux dimensions de l’Eglise, mais elle le dilate même par-delà ses horizons, en nous pressant à aimer – jusqu’à ceux qui se moquent : « Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent » (Matthieu 5, 44). Et puis, comment adorer le Christ qui nourrit son peuple de l’Eucharistie, sans à notre tour nourrir ceux qui ont faim ? « En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Matthieu 25, 40). Voilà pourquoi, par une procession en ce jour, cet esprit d’adoration peut aussi se vivre le long des rues de notre Cité ardente. Vivons cette démarche publique, non pas comme un moment d’affirmation agressive de notre foi, mais telle une visitation que le Seigneur fait à sa bonne ville de Liège. Adorons donc ce que nous contemplons et devenons ce que nous recevons: le Corps du Christ. Amen.

« Deviens ce que tu reçois » – Fête du Corps et du Sang du Christ, Année B

«Ceci est mon corps… Ceci est mon sang, le sang de l’alliance, répandu pour la multitude». (Marc 14, 12-26)

Le dimanche de la fête du Corps et du Sang du Christ – appelé communément « la Fête-Dieu – est d’origine liégeoise. Comme le rappela le pape Paul VI en 1965 : « elle fut célébrée la première fois au diocèse de Liège, spécialement sous l’influence de la Servante de Dieu, sainte Julienne du MontCornillon, et Notre Prédécesseur Urbain IV l’étendit à l’Eglise universelle » (encyclique Mysterium Fidei n°63).

Instituée au XIIIe siècle, cette fête rappelle que l’Eucharistie est le sacrement qui – par excellence – exprime l’Eglise : si le Christ se rend sacramentellement présent dans l’Eucharistie, c’est afin que ceux qui communient à Lui deviennent présence du Christ dans le monde. Comme l’enseignait saint Augustin aux chrétiens qui participaient à l‘Eucharistie : « Deviens ce que tu contemples, contemple ce que tu reçois, reçois ce que tu es : le Corps du Christ ».

Dénigrer, c’est euthanasier le débat

Pour faire très bref, dans le débat sur l’euthanasie, il y a l’approche de principe et la gestion politique de celle-ci. Le principe est de savoir si le droit à la « bonne mort » (sens du mot euthanasie) peut être octroyé sur demande à des citoyens et – si oui – moyennant quelles conditions. Les partisans de l’euthanasie répondent « oui » au nom du libre-arbitre ; les opposants – dont je fais partie – répondent « non » de par l’interdit fondateur de donner la mort. La gestion politique du « oui » implique de vérifier les conditions d’accès au droit de mourir, en évitant que cette liberté ne se transforme en pressante invitation. La gestion politique du « non », demande de mettre en œuvre une politique de soins qui apaisent la souffrance – quitte à accélérer le décès – sans pour autant provoquer la mort. Si l’honnêteté intellectuelle invite à reconnaître que les partisans du « oui » ne sont pas des êtres privés de respect pour la vie humaine, la même honnêteté, force à admettre que les adeptes du « non » ne sont pas pour autant des obscurantistes imposant le poids de leurs croyances passéistes à toute la société. Le fait que – parmi d’autres grandes nations démocratiques –  la très laïque France n’aie à ce jour aucune loi de dépénalisation de l’euthanasie, illustre assez clairement que le débat existe.

Il est donc bien naturel qu’en Belgique, dix années après le vote d’une loi aussi éthiquement chargée que celle sur l’euthanasie, les tenants des deux thèses fassent leur bilan et qu’ils s’affrontent sur celui-ci. Ceci explique les cartes blanches parues dans le quotidien La Libre du président de la Conférence Episcopale de Belgique (29 mai) et la réponse à celle-ci du président du Centre d’Action Laïque (2 juin). Chacun ira relire leurs arguments et… se fera une religion.
Mais outre le contenu, ce qui différencie les deux articles est le ton. Le président du Centre d’Action Laïque (CAL) aurait pu commencer son plaidoyer comme ceci : « En mai 2002, une majorité parlementaire a voté une loi relative à l’euthanasie. Dix ans après sa promulgation, un bilan s’impose. Lors des débats parlementaires, le CAL avait déjà soutenu cette loi, en exprimant que celle-ci permettait aux personnes les plus vulnérables d’exercer leur liberté de choix jusqu’au bout ». Le lecteur attentif aura noté que je ne fais que paraphraser le sobre début de l’opinion de l’Archevêque, mais en changeant l’argument. S’il avait opté pour le style neutre et respectueux, le Président du CAL aurait pu poursuivre en expliquant sa vision du bilan de la loi et du travail de la commission de contrôle. Il aurait également donné son avis sur l’objection de conscience et ses limites. Mais non. Le billet du Président du CAL s’ouvre sur un tout autre registre :  « C’est sans grande joie que nous retrouvons dans « La Libre » (mercredi 29 mai) la rhétorique habituelle de l’archevêque Léonard dans sa croisade contre les libertés individuelles. L’amalgame, la désinformation, le raccourci facile, le mensonge par omission, le supposé présenté pour vrai, l’argument bâti sur un faux socle : ces techniques sont éculées et archiconnues de tout qui se pique un peu de sémantique. Comme disait Nietzsche : « Quand on a la foi, on peut se passer de la vérité. » ». La suite est du même cru. Imaginons un seul instant que ce soit l’Archevêque qui eut prononcé une pareille charge à l’encontre de son homologue laïque… Point n’est besoin d’être (grand) clerc, pour prophétiser que cela aurait causé un nouvel émoi national, avec son chapelet d’indignations pleuvant de toute part, en ce compris de bon nombre de catholiques. L’inverse semble, par contre, n’émouvoir pas grand monde. Cela en dit long sur notre capacité sélective d’indignation.

Pourquoi une personnalité, par ailleurs responsable et intelligente, opte-t-elle pour le dénigrement ?  Le but poursuivi est sans doute tactique. En politique, railler les intentions de son contradicteur est efficace. C’est aussi pour cela que l’Institut Européen de Bioéthique est traité dans le même billet de « faux institut de recherche et vrai lobby ultra-catholique actif auprès des instances européennes ». Notons le sobriquet « d’ultra-catholique » qui ne veut pas dire grand-chose (pas plus que celui d’« ultra-laïque »), mais qui discrédite celui à qui il s’adresse. Le dénigrement joue également sur le registre émotionnel. Rien de tel que de revivifier la prose des grands affrontements idéologiques et de présenter la hiérarchie catholique comme une force puissante qui chercherait à prendre le contrôle des libertés démocratiques. Ainsi, le Président du CAL qui constate en finale de son billet « que l’Eglise, par la voix de son chef en Belgique, tente une fois encore d’imposer sa vision à tous les citoyens, qu’ils soient ou non adeptes de la foi catholique ». Je résume son point de vue: quand l’Eglise catholique s’exprime sur une question de société, elle est bien inspirée quand ce point de vue rejoint celui du CAL (comme pour demander des critères de régularisation pour les sans-papiers). Sinon, elle est hégémoniste et peu respectueuse de la démocratie. Elle est bien paradoxale, l’assurance qui anime nombre d’adeptes du libre-examen en les assurant qu’ils se trouvent forcément du bon côté de l’histoire… Selon moi, pareil credo s’explique par l’adhésion à une certaine idéologie du progrès : tout ce qui conforte le combat laïque, y est proclamé «  progressiste » et allant dans le sens de l’histoire. Les avis contraires seront, dès lors, nécessairement régressifs et devront être traités comme tel.

Certains applaudissent le ton du discours du Président du CAL. Ils lui trouvent le mérite de la clarté et préfèrent cela à ce qu’ils appellent un consensualisme mou de bisounours. Je ne suis pas d’accord. La démocratie se bâtit sur des affrontements d’idées musclés, certes, mais respectueux du contradicteur. Sinon, c’est la dictature du « prêt-à-penser » sur base d’intimidation intellectuelle. Ce qui est sous-entendu quand on dénigre, est : si vous avez le mauvais goût de penser comme l’Archevêque, vous aussi êtes des « ultra-catholiques », adeptes de « l’amalgame, la désinformation, le raccourci facile ». Prenons un exemple différent : Il y a quelques mois encore, une bonne part de l’establishment belge francophone condamnait en chœur les mesures d’inburgering flamandes (politique d’intégration obligatoire à l’encontre des immigrés primo-arrivants). Ces mesures furent dénigrées par beaucoup, car dénoncées comme volonté d’assimilation nationaliste. Aujourd’hui, et suite aux émeutes dans la périphérie de Bruxelles de jeunes « désintégrés », les mêmes voix semblent découvrir les vertus de l’approche flamande. Plutôt que ce volte-face, il eut été plus constructif d’entrer – de prime abord – en débat avec nos compatriotes du nord pour comprendre et discuter leurs motifs. C’est cela, le beau jeu de la démocratie. De la même façon, le débat sur l’euthanasie mérite des échanges musclés, certes, mais pas le dénigrement. En effet, celui-ci nuit gravement à la culture démocratique, car il a pour unique résultat… d’euthanasier le débat.

« Trois fois Saint » – Sainte Trinité, Année B

«  De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ». (Matthieu 28, 16-20)

La Trinité n’est pas un problème de mathématiques. Pourtant, comme l’amour ne s’additionne pas, mais se multiplie – ne dit-on pas le « Dieu trois fois Saint » ? – chacun peut vérifier que 1 X 1 X 1, cela fait toujours… 1*. La Trinité : 3 Personnes divines en un seul Dieu. Mais bien plus qu’un problème de mathématique, la Trinité est Mystère d’amour. Le peu que la révélation chrétienne nous ait donné de percevoir de l’infinité de Dieu, est que celui-ci est une éternelle Relation de Don : entre le Père qui est Source de tout Don, le Fils à Qui le Don est destiné et qui le rend au Père dans l’unité de l’Esprit – qui est Don.  La Bible nous enseigne que l’homme est créé à l’image de Dieu. Voilà pourquoi nous sommes des êtres relationnels et voilà pourquoi seul le Don de nous-mêmes nous fait rejoindre notre vérité profonde. Devenir disciple du Christ et vivre son baptême, c’est dans l’Esprit s’unir au don du Fils pour devenir enfant du Père.       

(*) Merci à Johnny P. de m’avoir soufflé cette sympathique image.

Amère Pentecôte au Vatican (suite)

Je suis reconnaissant à un téléspectateur vigilant de m’avoir conseillé de regarder l’émission diffusée aujourd’hui sur France 5 : « C dans l’air ». Sans aller tout au fond des choses (il est d’ailleurs trop tôt pour tenter de le faire), il s’agit pour moi d’une fort honnête tentative journalistique d’y voir clair dans le brouillard des Vatileaks.

Même si certains avis me semblent parfois excessivement sévères, je trouve que la personnalité du Pape y est respectée : un penseur et non un manager. Un pasteur parfois bien seul dans sa volonté de nettoyer les écuries. Cela invite à prier pour cet homme âgé, qui porte sur ses épaules l’écrasant fardeau de la papauté.

Chacun peut visionner l’émission de ce 29 mai par internet.

 

 

 

Amère Pentecôte au Vatican

Il est trop tôt pour saisir l’ampleur de la crise des Vatileaks qui souffle sur le siège apostolique. Banale histoire de corruption d’un proche du Pape ou stratégie concertée pour s’en prendre à son autorité ? L’avenir nous le dira – sans doute. Une chose semble établie : Benoît XVI aura vécu douloureusement cette fête de Pentecôte 2012. Qu’un intime dérobe et diffuse du courrier personnel, voilà qui constitue une épreuve pour tout homme. Mais quand on est Pape et que le cercle des proches est trié sur le volet, cela doit être encore plus insécurisant.

Demandons donc à l’Esprit d’envoyer au Pape des collaborateurs loyaux et non serviles. Des aides franchess en interne et discrètes en externe. Une Curie qui œuvre à l’écoute du Souffle divin, plutôt que des sirènes carriéristes. De telles personnes existent à Rome – j’en ai rencontrées. Mais sans l’Esprit, la chair est faible. Prions donc l’Esprit. Comme le rappelait le Métropolite Ignace de Laodicée (Syrie): « Sans l’Esprit Saint, Dieu est loin, le Christ reste dans le passé, l’Évangile est une lettre morte, l’Église une simple organisation, l’autorité une domination, la mission une propagande, le culte une évocation, et l’agir chrétien une morale d’esclave. Mais en Lui : le cosmos est soulevé et gémit dans l’enfantement du Royaume, le Christ ressuscité est là, l’Évangile est la puissance de vie, l’Église signifie la communion trinitaire, l’autorité est un service libérateur, la mission est une Pentecôte, la liturgie est mémorial et anticipation, l’agir humain est déifié! »