Petites contradictions entre humains…

S’il y a bien une chose que la connaissance des hommes enseigne, c’est que nous sommes tous bourrés de petites ou grandes contradictions intérieures. Parfois, ces contradictions s’inscrivent à travers les pages d’un journal. Ainsi, « La Libre » de jeudi dernier, 21 juin – premier jour de l’été. En achetant ce quotidien chez mon libraire, il m’annonce que ceci me donne droit à un paquet de ‘relationship bracelets’. Il s’agit de petits bracelets en caoutchouc qui permettent d’afficher au poignet son statut affectif (marié, célibataire, en couple, libre…) et sa recherche (amitié, plaisir, romance, une relation,…). Voilà une curieuse façon d’étaler sur les plages les possibles contradictions entre son « statut » et sa « recherche ». A la limite, le bracelet pour lequel j’aurais encore une tendresse particulière, est celui qui affiche : ‘it’s complicated’. Il dit quelque chose de notre époque. La révolution sexuelle a voulu libérer le désir, en pensant que cela faciliterait la vie des hommes. Quelques tabous pesants sont tombés – et c’est heureux – mais la vie affective de nos contemporains ne s’est certainement pas simplifiée pour la cause.

Pourquoi ? Une explication se trouve en p.55 du même journal, sous la plume d’Armand Lequeux. Ce professeur en sexologie de l’Université catholique de Louvain ne me contredira pas si je le décris comme un de ces intellectuels qui a œuvré, sans agressivité aucune, pour que l’Université catholique vive moins sous la tutelle de l’Eglise. Or qu’écrit-il dans une chronique intitulée, rien de moins que : « Qui bottera le c… des jeunes ? » Je le cite : « Notre première limite, c’est d’être nous et rien que nous, dans notre existentielle solitude, à tout jamais orphelins du bain amniotique qui nous contint pendant neuf mois. De bonne grâce ou à son corps défendant, notre mère a dû nous en expulser. Ouste. Dehors. Buiten. Voici les premiers mots d’amour qui s’inscrivirent dans notre mémoire extra-utérine ! (…) Qui dira leurs limites à nos « kids » de dix ans qui se comportent comme des ados et s’affichent « en couple » sur Facebook dont l’accès est pourtant officiellement interdit avant 13 ans ? Qui dira leurs limites à ces Lolitas prépubères qui se maquillent et se déguisent en putes avec la bénédiction de leur mère et le malaise de leur père ? Qui bottera le cul de ces jeunes adultes, adolescents jusqu’à 30 ans, qui squattent le domicile parental et tardent à s’engager dans la vie adulte ? Qui dira les limites à nos besoins frénétiques de consommer, de posséder, de nous endetter à titre individuel ou collectif ? Avez-vous une autre explication à la crise financière que traversent nos Etats occidentaux ? A l’évidence, nous vécûmes pendant des décennies au-dessus de nos moyens. Le temps est venu de payer, puisque nous fûmes incapables de nous limiter, de dire stop. Qui dira leurs limites à nos amours ? Pour beaucoup de nos contemporains, le couple est une valeur refuge surinvestie. Tant mieux, mais aussi tant pis ! Les attentes tuent quand elles sont démesurées et qu’on s’imagine recevoir des dividendes sans avoir investi. Notre conjoint n’est pas le remède de notre existentielle solitude. Il n’est pas le bouche-trou des manques que nous n’assumons pas. Il n’est pas tout pour nous et nous ne pourrons jamais prétendre être tout pour lui. Faute de l’avoir compris et assumé, nous risquons de transformer notre déception en amertume et notre amertume en rejet ». Je cite largement le Professeur Lequeux, car je partage son avis sur la question. Mais je pense qu’il reconnaîtra avec moi que – s’il avait écrit cela, il y a 30 ans – il se serait fait gentiment traiter par l’establishment intellectuel de l’époque de réactionnaire, voire de facho. Et que ce qu’il explique, jure quelque peu avec la distribution des ‘relationship bracelets’ à l’achat du même journal. Peut-être conclura-t-il même avec moi que cette Eglise catholique que tant d’intellectuels ont souhaité écarter de la place publique, contribuait à sa façon – parfois maladroitement, sans doute – à mettre des limites au désir. Que les positions morales catholiques furent, dès lors, un peu vite déclarées obsolètes. Contradictions… contradictions…

Et puis, est-ce uniquement aux jeunes qu’il faut « botter le c… » ?  En pp.24-25 du journal, l’excellente journaliste économique Ariane van Caloen, commente le rapport du bureau de recherche parisien indépendant AlphaValue. Ledit rapport décortique les conséquences de la séparation des métiers de banque d’affaires et de détail. Je cite l’article : « Sa conclusion est édifiante : le modèle de banque universelle défendu par des grandes institutions comme BNP Paribas ou Société générale est destructeur de valeur. A contrario, une séparation des métiers de banque de détail (où la collecte des dépôts sert au financement des entreprises) et de banque d’affaires (où les fonds sont alloués à des investissements à risque) en créerait. Les analystes ont même fait des calculs très précis qui ont de quoi intéresser l’Etat belge, premier actionnaire de BNP Paribas avec une participation de 11 %. »  Bref, si j’en crois l’article, c’est aussi aux banquiers qu’il faudrait botter le c… Et pourtant, en p.30 toujours du même journal, on signale que ce même groupe BNP Paribas a décerné son prix de la philanthropie individuelle. Celui-ci récompense « un individu ou un groupe familial reconnu pour son action philanthropique, pour l’éthique, l’exemplarité, l’impact et la constance de son engagement ». Contradictions… contradictions…

Je le répète : s’il y a bien une chose que la connaissance des hommes enseigne, c’est que nous sommes tous bourrés de petites ou grandes contradictions intérieures. La croissance spirituelle consiste à en prendre conscience et à essayer de s’en libérer. Rien n’est plus contraire à la vie spirituelle, que cet aveuglement qui consiste à croire que seuls les autres sont pétris de contradictions. Qu’en nous, tout se vivrait conformément à nos idéaux. Ceci explique l’avertissement du Christ à l’encontre des docteurs de la loi : « Si vous étiez des aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais du moment que vous dites : ‘Nous voyons !’ votre péché demeure ».  (Jean 9, 41)

« Précurseur » – Nativité Jean-Baptiste

«Il marchera devant le Seigneur avec l’Esprit de puissance du prophète Elie, pour faire revenir le cœur des pères vers leurs enfants, convertir les rebelles à la sagesse des hommes droits, et préparer au Seigneur un peuple capable de l’accueillir». (Luc 1, 5-17)

Le 24 juin – exactement six mois avant la Nativité – l’Eglise célèbre la naissance de Jean le Baptiste. Noël est célébré lors du solstice d’hiver : avec la naissance du Christ, la lumière commence à croître dans le monde. La naissance du Baptiste – avec ses feux de la saint Jean – se fête lors du solstice d’été, alors que la longueur des jours commence à décroître : « Lui, il faut qu’Il grandisse ; et moi, que je diminue » (Jean 3, 30), disait le Précurseur du Christ.

Alors que bientôt débutent les mois d’été, qui sont pour beaucoup un temps de repos et de recul, demandons au Baptiste que ce soit aussi un temps qui nous prépare à davantage accueillir le Christ dans notre vie – comme le précurseur avait mission de le faire : « préparer au Seigneur un peuple capable de l’accueillir ».

RIO +20 – la tentation du fatalisme

Il y a quelques années encore, vivaient autour de moi de jeunes intellectuels soucieux du réchauffement climatique. Ils martelaient : « Il faut agir maintenant, sinon on va dans le mur ». Aujourd’hui, nombre d’entre eux sont devenus fatalistes. Ils murmurent – désabusés : « On est dans le mur… A quoi bon des sommets, tels Rio +20, qui polluent par tous les déplacements qu’ils génèrent, plus que ce que les maigres décisions prises font économiser à la planète ? » Les plus durs ajoutent : « L’homme n’a pas pu gérer sa croissance ? La nature se chargera de le faire… En éliminant une bonne part de l’humanité ».  Fait nouveau : des publications de plus en plus sombres commencent à voir le jour. Après avoir lu « Saison brune », la BD de Philippe Squarzoni, une amie me dit : « on a presque honte de vivre ».  

Pareille vision des choses a le mérite de la lucidité. Mis à part une petite tribu de climato-sceptiques, la communauté scientifique voit l’enjeu du réchauffement climatique et sait ce qu’il convient de faire pour y répondre. Notre mode de développement épuise les ressources de la planète. Il s’agit dès lors de développer un modèle durable de développement. La difficulté est qu’aucun responsable politique n’a les moyens de mettre en œuvre pareil changement salutaire. Pourquoi ? Parce que pour que cela se fasse, chacun doit y souscrire. En l’absence d’une autorité mondiale capable de prendre les décisions qui s’imposent, on en est réduit à espérer un consensus de toutes les nations. Or, les puissances émergentes ont pour projet de croître et les puissances déclinantes que nous sommes, ont pour nécessité de relancer leur économie. Bref, le durable n’est plus une priorité pour grand-monde. Enfin – et peut-être plus grave encore – l’opinion publique semble s’être quelque peu lassée d’un sujet qui la dépasse. Pour s’en convaincre, il suffisait de lire ce matin les « unes » des gros tirages de la presse populaire en Belgique francophone : un journal faisait ses choux gras avec les enfants naturels d’un monarque, tandis qu’un autre n’en avait que pour l’Euro de football. « Du pain et des jeux »

La tentation du fatalisme est puissante. Elle assure de ne jamais être déçu. Cependant, celui qui y succombe se condamne à la stérilité. Saluons donc le travail humble de tous ces scientifiques qui continuent à calculer des paramètres de changement climatique pour nous informer. Saluons aussi les grandes religions et spiritualités qui ont intégré l’urgence écologique dans leur enseignement. En ce jour, le cardinal-président des conférences épiscopales des pays de l’Union européenne déclare : «  Nous devons travailler à une nouvelle culture du respect pour la création, de la solidarité et de la justice, afin d’atteindre un développement humain véritable et authentique ». (Reinhard Cardinal Marx, Archevêque de Munich et Freising, Président de la Commission des Episcopats de l’UE – COMECE)

Ce qu’il manque encore ? Selon moi – je le répète – une autorité mondiale capable de faire adopter par toute la planète de nécessaires et impopulaires mesures. Dans son encyclique Caritas in Véritate  (2009), Benoît XVI l’enseigne, en commençant par un avertissement : « Pour ne pas engendrer un dangereux pouvoir universel de type monocratique, la « gouvernance » de la mondialisation doit être de nature subsidiaire, articulée à de multiples niveaux et sur divers plans qui collaborent entre eux.» (n°57). Plus loin, il précise cependant : « Face au développement irrésistible de l’interdépendance mondiale, et alors que nous sommes en présence d’une récession également mondiale, l’urgence de la réforme de l’Organisation des Nations Unies comme celle de l’architecture économique et financière internationale en vue de donner une réalité concrète au concept de famille des Nations, trouve un large écho. (…) Pour le gouvernement de l’économie mondiale, pour assainir les économies frappées par la crise, pour prévenir son aggravation et de plus grands déséquilibres, pour procéder à un souhaitable désarmement intégral, pour arriver à la sécurité alimentaire et à la paix, pour assurer la protection de l’environnement et pour réguler les flux migratoires, il est urgent que soit mise en place une véritable Autorité politique mondiale telle qu’elle a déjà été esquissée par mon Prédécesseur, le bienheureux Jean XXIII. (…) Une telle Autorité devra évidemment posséder la faculté de faire respecter ses décisions par les différentes parties, ainsi que les mesures coordonnées adoptées par les divers forums internationaux ». (n°67)

Personnellement, je verrais bien ce genre de fonctions tutélaires occupées par quelques politiciens de premier rang,  en fin de carrière. Ils seraient élus pour un seul et long mandat, non-renouvelable – quelque chose comme un septennat. Ceci leur laisserait le temps d’agir dans la durée et les libérerait de la contrainte de rester populaires pour être réélus.

Un rêve que tout cela ? Peut-être, mais le rêve à un avantage sur le fatalisme : il laisse une chance à l’avenir.

« No future » – 11° dimanche, Année B

 «Nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit». (Marc 4, 26-34)

Il y a un quart de siècle naissait le mouvement punk. Des jeunes en révolte criaient de rage contre la société. Leur credo était : « no future ». La plupart sont aujourd’hui mariés et parents. Quelques-uns sont cependant morts d’overdose ou de suicide. Aujourd’hui, le « no future » est plus diffus et généralisé. Une enquête parue cette semaine sonne comme un coup de massue : 8% des sondés belges entre 18 et 75 ans auraient déjà tenté de se suicider, 10% souffrirait d’angoisse ou de dépression, 57% sont inquiets pour l’avenir de leurs enfants et le même % aurait besoin d’un accompagnement psychologique. L’augmentation du mal-être, par rapport aux années précédentes est impressionnante. Face à la crise et à la précarité, la foi chrétienne n’a pas de solution magique à proposer. Le christianisme n’est pas un opium qui sert à oublier et accepter. Cependant, la vie avec Christ nous construit intérieurement dans la confiance. Si une dose de stress fait partie de toute vie, l’Esprit du Ressuscité nous rappelle que rien – même pas la mort – ne peut vaincre la puissance de l’Amour. Alors, malgré les épreuves, abordons l’avenir avec confiance: «Nuit et jour, que le semeur dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit».

Intégration ‘blues’ – chronique « Etat d’âme » publiée dans l’hebdo Dimanche p.3

Molenbeek – émeutes urbaines… Les autorités arrêtent un agitateur fondamentaliste et interdisent son mouvement. Mais le fond du malaise demeure. Le quotidien ‘Le Soir’ de mardi 5 juin parle d’une bombe sociale. Je cite Béatrice Delvaux : « plus d’un jeune Bruxellois sur quatre (28 %) quitte l’école secondaire sans diplôme (…) Un tiers des jeunes Bruxellois grandit dans une famille qui ne vit pas de revenus provenant du travail, un quart des familles bruxelloises vit sous le seuil de pauvreté, un quart de la population bruxelloise n’a pas de travail, un jeune sur trois n’a pas de job. (…) Superposez la carte des statistiques du chômage et de la pauvreté et celle des chiffres de la criminalité : elles coïncident ». Bombe sociale, mais aussi jungle linguistique. Claude Emonts, président du CPAS de Liège, écrit dans le quotidien ‘La Libre’ du 7 juin : « nous voyons chaque jour passer par nos services des personnes d’origine étrangère, ou… belge qui ne possèdent pas notre langue. Il y a quelques jours d’ici, un monsieur attendait devant ma porte pour avoir des informations relatives à sa santé… si j’ai bien compris, car il ne s’exprimait qu’à peine dans un anglais  extrêmement limité et mélangé d’un dialecte africain indéterminé. Et qu’elle ne fut pas ma surprise quand il exhiba sa carte d’identité belge… Incompréhensible! »  Bombe sociale, jungle linguistique,… et éclipse de la raison. Créationnisme et pensée magique ne détonnent plus, même parmi nos jeunes universitaires. En tant que principale confession religieuse du pays, les défis de l’intégration sont les nôtres. Offrir aux nouveaux arrivants un avenir dans la société belge, tout en veillant au respect de valeurs fondatrices de la démocratie – tel est l’enjeu. Pas plus que d’autres, les catholiques n’ont de solutions magiques à proposer. Cependant, une chose est sûre : faire l’autruche, soupirer et distiller la peur – telle est la politique du pire.

 

 

Les cathos et l’humour : Non peut-être ?

Un caricaturiste reconnu me demande parfois ce que je pense de ses dessins. Je lui dis qu’ils me font souvent rire, mais que certains sujets sont néanmoins plus touchy : mettre papes, évêques, ou prêtres gentiment en boîte – pourquoi pas ? Par contre, rire d’un dessin montrant le Christ en croix – cela m’est infiniment plus difficile, même si je sais que cela ne part pas d’une volonté de choquer mais bien de dédramatiser.

Cet artiste comprend, mais ajoute : « les religieux ont parfois peur de l’humour ». Sans doute, mais pas toujours. J’en veux pour preuve ces séquences de WebTV, faites par des jeunes proches de KTO (la TV française catholique) et de l’Invisible (mensuel gratuit catholique français). Cela s’appelle le Cathologue et je trouve cela délicieusement drôle et nullement gnagnan. A consulter sans modération.

Déprime des Belges : et la spiritualité ?

Des chercheurs se sont penchés sur l’état de bien-être psychologique de la population en Belgique francophone pour le compte de Solidaris (Mutualité socialiste). La RTBF et Le Soir publient en ce jour les résultats de cette étude. Les réponses des sondés indiquent que le moral des Belges francophones est en berne et que notre société est de plus en plus anxiogène. Et cela s’aggrave depuis 5 ans, selon les auteurs de l’étude. Mis à part la crise économique, d’autres sujets angoissent: l’avenir des enfants, celui des parents ou encore la capacité de la politique à nous tirer de là… Résultat seul un Belge francophone sur quatre échappe à la déprime, et un sur dix exprime un profond mal-être permanent. De plus, 8% ont déjà tenté de se suicider.

Solidaris a intelligemment analysé toutes les causes économiques, psychologiques, sociologiques et politiques du malaise. Tout cela est cruellement vrai, mais le déficit de spiritualité me semble par trop oublié. Une saine sécularisation organise au mieux la cohabitation pacifique entre citoyens de toutes convictions philosophiques, à condition de ne pas remplacer le divin par la seule prospérité matérielle. La bourse est trop souvent devenue le nouveau temple au cœur de la cité, dont les marchés sont les divinités. Ceci fonctionna plutôt bien pendant quelques générations, mais ne peut se maintenir à long terme. Une société principalement fondée sur le matérialisme n’est pas féconde. Au bout de trois générations, elle s’essouffle, avant d’imploser.  Comment, dès lors, s’étonner que les fondamentalismes et leurs recettes de salut prêt-à-penser, prolifèrent sous nos contrées libérées ? Les rangs de Sharia4Belgium sont nourris de jeunes occidentaux. Leur logique est diablement efficace en capitalisant sur l’angoisse existentielle et le repli identitaire.

Quelle réaction avoir ? Comme développé dans mon essai « Credo politique » (éditions Avant-Propos/Fidélité), je plaide pour un « nouveau contrat social » qui éveille davantage nos sociétés sécularisées à la spiritualité – dimension de l’existence à enseigner dans toutes les écoles du Royaume. La spiritualité n’a rien à voir l’opium du peuple, tant décrié par les Marxistes. Une culture spirituelle offre, au contraire, une colonne vertébrale pour affronter la vie avec confiance et lucidité. Son regard invite chacun – croyants, agnostiques ou athées – à se donner une grammaire existentielle qui offre un sens profane à la vie. La culture matérialiste enjoint à nos contemporains d’être heureux à tout prix, ici et maintenant. Le regard spirituel corrige et complète : « Ca ne marche pas comme ça. Vis généreusement ce que l’existence t’offre, y compris les inévitables frustrations, épreuves et souffrances. Alors, le bonheur suivra tes pas comme un chien fidèle. C’est en te retournant et en contemplant le tracé de ta vie que tu pourras te dire que, même si ton parcours n’est pas un sans-faute et qu’aujourd’hui encore tout est loin d’être parfait, :  « Oui, je suis heureux. » »

Blog : bilan du mois de mai

Ce blog a été ouvert le 11 mars 2011. En mars, il recevait 1467 visites et 2383 pages avaient été vues. Du 3 avril au 3 mai, il recevait 3689 visites et 5483 pages étaient visionnées ; du 1er mai au 31 mai 3322 visites et 5626 pages visionnées. Du 1er juin au 31 juin, le blog a reçu 3464 visites et 5721 pages furent visionnées. La fréquentation baissa durant les vacances, car le blog – aussi – pris du repos. Pour le mois de septembre 4423 visites sont enregistrées et 6683 pages sont visionnées. En octobre, il y eut 3027 visites pour 4689 pages visionnées. En novembre, il y eut 2679 visites pour 3915 pages visionnées. En décembre, 3203 visites pour 4754 pages visionnées. En janvier, 3143 visites pour 4815 pages visionnées. En février, cela donne 3709 visites pour 5501 pages visionnées. En mars, il y eut 3592 visites et 5530 pages visitées. En avril, il y eut 4063 visites pour 6280 pages visitées. En mai, il y eut 4895 visites pour 8100 pages vues. Bref, cela représente pour le second mois consécutif une progression sensible par rapport au mois précédent. Comme c’est surtout un article qui a créé le buzz, cela ne signifie cependant pas une progression continue.

Le lectorat reste majoritairement belge (3958 visites). La France suit avec 566 visites. Puis apparaît le Maroc avec 63 visites (les articles sur l’islam, sans doute). L’article le plus fréquenté fut de très… très loin « Homophobie – Triste débat à Mise au Point. Traitement médiatique peu éclairé (RTBF) » du 13 mai avec 1475 visites (!). Comme le mois dernier, mes articles sur le traitement médiatique ont du succès. Reste à savoir s’ils sont écoutés par qui de droit. Vient ensuite « Amère Pentecôte au Vatican » du 27 mai avec 355 visites, suivi de « Retour au Moyen Age (soupir) » du 25 mai avec 291 visites.
Merci aux lecteurs et suite au mois prochain.

« Deviens ce que tu reçois » – Fête du Corps et du Sang du Christ

Homélie prononcée préalablement à la procession du Saint-Sacrement en l’église du Saint-Sacrement de Liège, ce samedi 9 juin
Il est rare que j’écrive mes homélies. Ce samedi fut une exception. Voici donc le texte de ma prédication:

 «Ceci est mon corps… Ceci est mon sang, le sang de l’alliance, répandu pour la multitude». (Marc 14, 12-26)

Le dimanche de la fête du Corps et du Sang du Christ – appelée communément « la Fête-Dieu – est d’origine liégeoise et remonté au XIIIe siècle. Comme le rappela le pape Paul VI en 1965 : « elle fut célébrée la première fois au diocèse de Liège, spécialement sous l’influence de la Servante de Dieu, sainte Julienne du Mont-Cornillon, et Notre Prédécesseur Urbain IV l’étendit à l’Eglise universelle » (encyclique Mysterium Fidei n°63). Il est donc juste que dans notre bonne ville de Liège, ce dimanche de la Fête-Dieu soit particulièrement honoré.

Je remercie le Comité organisateur de m’avoir invité à prêcher en cette occasion. Car ce n’est pas avant tout l’abbé de Beukelaer, mais le Curé-Doyen qui prêche. Or, qui a-t-il de plus connexe que la célébration de l’Eucharistie et l’apostolat du Curé ? Sans doute que celui qui avait le mieux compris cela, fut le curé d’Ars. Quand il avait un trou de mémoire lors de ses sermons, celui-ci se contentait de désigner le tabernacle en s’écriant : « Mes amis… Il est là ! Il est là ! » Tout était dit et je pourrais me contenter de l’imiter. Mais – comme je n’ai pas la capacité de conviction du Saint Curé – je vais tout de même poursuivre encore un peu. En cette fête de l’adoration eucharistique, arrêtons-nous donc sur le sens de tout cela. Qu’est-ce que l’Eucharistie et pourquoi l’adoration?

Parlons d’abord de l’Eucharistie. L’Eucharistie est un sacrement. Un sacrement est un acte liturgique – un ensemble de gestes et de paroles – qui nous donne de vivre une communion avec le Ressuscité. Dans chacun des sept sacrements, l’événement de Pâques est rendu présent par la force de l’Esprit, afin de nous conduire vers le Père. L’Eucharistie est le sacrement qui dit, par excellence, la vie de l’Eglise. Où un baptisé trouvera-t-il la force de demeurer fidèle au Christ dans un monde où tant de choses en éloignent? En se nourrissant du Ressuscité lui-même, qui se donne avec Son Corps et son Sang. En communiant, nous sommes nourris du Christ qui se donne pour l’humanité, afin de devenir à notre tour présence du Christ pour le monde. Reçue au sein de l’Eglise, l’Eucharistie crée aussi l’Eglise en nous rendant « Christophores », c’est-à-dire porteurs du Christ. Comme l’enseignait saint Augustin aux chrétiens qui participaient à l‘Eucharistie : « Chrétien, deviens ce que tu contemples, contemple ce que tu reçois, reçois ce que tu es : le Corps du Christ ».

Devenir « Corps du Christ », ce n’est pas rien. Dans son ouvrage Corpus Mysticum, le cardinal de Lubac a démontré que – durant le premier millénaire – quand on parlait du « verum Corpus », on ne visait pas l’Eucharistie, mais bien l’Eglise. Cela signifiait que la « vérité entière », le déploiement plein, du mystère de l’incarnation, se révélait dans le Christ présent par l’Eglise dans tous les peuples et à tous les siècles. Le « mysticum Corpus » désignait, lui, l’Eucharistie – non pas dans le sens de « simplement mystique et donc pas vraiment réel » – mais bien dans le sens présence sacramentelle – mysterion (mystique) étant le mot grec pour sacramentum.

Donc – et très concrètement – le Christ qui se donne sacramentellement dans l’Eucharistie, ne peut être reçu vraiment – en vérité – que par celui qui accepte de se laisser transformer par l’Esprit pour devenir « présence du Christ pour le monde ». Exemple « comique » vécu : quand j’étais au séminaire, certains d‘entre nous avaient d’interminables querelles pour savoir s’il fallait recevoir la communion sur la langue ou sur la main. Je ne dis pas que cette question est sans importance et que chacun ne peut pas avoir son avis. Mais à force de se focaliser sur cela et s’épier l’un l’autre… nous oubliions totalement ce que nous faisions : recevoir le Christ pour devenir Christophores. Nous faisions mentir l’Eucharistie, en faisant de la forme de réception des saintes Espèces une cause de division et de murmures. Ce que nous ne comprenions pas, c’est que l’Eucharistie est – par excellence – le sacrement du sensus ecclesiae, du sens de l’Eglise. Devenir eucharistique, c’est accepter de mettre en poche ses préférences liturgiques, sa spiritualité personnelle, ses préférences d’hommes d’Eglises, etc… pour recevoir l’Eglise, telle qu’elle se donne à nous. L’Eglise m’invite à aimer et à prier pour les prêtres et les évêques que Dieu nous donne. Même si un baptisé n’est pas toujours sur la même longueur d’onde que son curé, ou que son évêque – ce dernier n’en demeure pas moins le pasteur que Jésus lui envoie. Je suis donc invité à prier pour ce pasteur, à l’aimer et à loyalement collaborer avec lui. A quoi cela sert-il de communier, si – en quittant l’Eglise – je m’empresse de critiquer le sermon, les chants, les autres paroissiens ? « Chrétien, deviens ce que tu reçois… le corps du Christ ». Recevoir le Corps du Christ, ce n’est pas « avoir eu sa Messe » pour être en règle et puis vivre en ennemi de l’Amour.  Recevoir le Corps du Christ, c’est laisser l’Esprit donner corps au Christ à travers notre humanité et – ce faisant – de prendre notre part, selon notre vocation et charismes, à ce grand corps du Christ – qui est l’Eglise. Devenons donc ce que nous recevons.

Parlons ensuite de l’adoration. La prière devant le Saint-Sacrement est née à une époque où peu de fidèles communiaient. D’où le désir de « voir » le don de Dieu. Ceci explique l’attachement à cette forme de prière qu’éprouvent – aujourd’hui encore – ces baptisés qui se trouvent dans une situation canonique ou personnelle qui les empêchent de communier. Mais l’adoration eucharistique est pour tous les fidèles. En effet, « adorer » le Christ-Eucharistique, c’est se laisser transformer par l’Eucharistie. L’adoration nous révèle à nous-mêmes que nous sommes appelés à être des adorateurs, car notre vocation est d’être le temple de Dieu, par la force de l’Esprit – à l’instar de la Vierge Marie. En effet, si la célébration eucharistique est proche du mystère de l’annonciation (Dieu visite son peuple), l’adoration eucharistique est connexe au mystère de la visitation. La visitation d’un Dieu qui dit : « Voici, je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi. » (Apocalypse 3:20) Ou plus simplement, ces paroles du vieux paysan au curé d’Ars, qui lui demandait pourquoi il contemplait si longuement le Saint-Sacrement : « je l’aveuse et Il m’aveuse ». (Traduction libre : Je le scrute et Il me scrute »)

De plus, l’adoration dilate notre cœur aux dimensions de l’Eglise. Celui qui adore le Saint-Sacrement, se laisse remplir du Christ qui nourrit son Eglise. Il prie avec toute l’Eglise, une en Christ mais divisée en ses membres.  Il prie avec toute l’Eglise, sainte en Christ mais pécheresse en ses membres. Il prie avec toute l’Eglise, catholique en Christ mais si peu universelle en ses membres. Il prie avec toute l’Eglise, apostolique en Christ mais si sourde à leur enseignement en ses membres : « Chacun de vous prend parti en disant : « Moi, j’appartiens à Paul », ou bien : « J’appartiens à Appollos », ou bien : « J’appartiens à Pierre » » (1 Cor 1, 12). Non seulement l’adoration Eucharistique dilate notre cœur aux dimensions de l’Eglise, mais elle le dilate même par-delà ses horizons, en nous pressant à aimer – jusqu’à ceux qui se moquent : « Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent » (Matthieu 5, 44). Et puis, comment adorer le Christ qui nourrit son peuple de l’Eucharistie, sans à notre tour nourrir ceux qui ont faim ? « En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Matthieu 25, 40). Voilà pourquoi, par une procession en ce jour, cet esprit d’adoration peut aussi se vivre le long des rues de notre Cité ardente. Vivons cette démarche publique, non pas comme un moment d’affirmation agressive de notre foi, mais telle une visitation que le Seigneur fait à sa bonne ville de Liège. Adorons donc ce que nous contemplons et devenons ce que nous recevons: le Corps du Christ. Amen.