Libérer la recherche des dogmes religieux? (soupir)

Je reçois de mes amis du Centre d’Action Laïque, le communiqué suivant – intitulé: « Libérer la recherche des dogmes religieux ».
Audition publique Jeudi 15 novembre 2012, 15h-18h Parlement européen, Bruxelles Bâtiment József Antall  (sur l’esplanade) Salle 4Q2. En présence de Marc Tarabella, député européen ; Pierre Galand, président de la FHE ; Philippe Busquin, ancien Commissaire européen pour la Recherche, l’Innovation et la Science ; Pr. Pierre Vanderhaeghen, chercheur FNRS à Institut de Recherche Interdisciplinaire en Biologie humaine et moléculaire (ULB) ;  Julian Hitchcock, avocat spécialisé dans les sciences de la vie et la propriété intellectuelle chez Lawford Davies Denoon.

Je cite le texte du communiqué: « Les institutions européennes négocient actuellement “Horizon 2020”, le nouveau programme-cadre qui déterminera les règles de financement pour la recherche en Europe pour 2014-2020. Le financement de la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) reste très controversé au sein de l’Union européenne. Ces derniers mois, plusieurs Etats-Membres et députés européens, soutenus par diverses organisations religieuses, ont demandé aux institutions européennes de couper tout futur financement public pour cette recherche « contraire à la dignité humaine ».  Le Parlement européen se prononcera sur cette question en décembre  de cette année. Cette audition publique vise à défendre la liberté de recherche en Europe par des arguments éthiques, scientifiques et juridiques. Nous discuterons plus particulièrement les implications éthiques, politiques et économiques du financement par l’UE de la recherche sur les CSEh, les promesses thérapeutiques de ces cellules à la lumière des récents développements scientifiques (par ex. le Prix Nobel de Médecine 2012) et les conséquences pratiques de la décision de la Cour de Justice de l’UE concernant le brevetabilité de la recherche sur l’embryon humain (« Oliver Brüstle c. Greenpeace »)  pour les chercheurs européens. Plusieurs députés européens seront invités à réagir sur le sujet. Députés annoncés : Frédérique Ries, Groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe; Marisa Matias, Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique; Marc Tarabella, Groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen ».

Mon commentaire: Que les laïques européens organisent une audition publique pour défendre leur vision de la recherche dans l’Union européenne – c’est leur droit et c’est le jeu de la démocratie. Mais pourquoi donc – je suis fatigué de le répéter – dé-crédibiliser leurs opposants philosophiques en les présentant comme des obscurantistes?
Je cite leur communiqué: « Cette audition publique vise à défendre la liberté de recherche en Europe par des arguments éthiques, scientifiques et juridiques ». Or que font les défenseurs de la vie humaine à naître quand ils s’opposent à la recherche sur des embryons? Invoquer un dogme ou une révélation? Que nenni. Ils se réclament d’un argument éthique: « Toute vie humaine est inviolable ». Ils se fondent également sur un argument scientifique: « Aucun élément scientifique ne permet de déclarer qu’un embryon n’est pas « humain » à un stade précoce de son développement ».  Enfin, de ce qui précède, ils tirent un argument juridique: « Un état de droit se doit de défendre toute vie humaine, même avant sa naissance ».

Je puis comprendre que les laïques européens ne partagent pas ce point de vue et qu’ils défendent une autre vision de la recherche médicale avec d’autres arguments éthiques, scientifiques et juridiques. Mais le faire en dé-crédibilisant leurs opposants – dépeints comme prisonniers de dogmes religieux – n’est pas digne du débat démocratique. De plus – si l’argument est pris au sérieux – cela signifierait que « la raison éclairée » se trouverait a-priori et préalablement à tout débat, du côté des thèses défendues par la laïcité philosophique. Une vision, somme toute, parfaitement… dogmatique.

 

 

Blog: bilan du mois d’octobre

Ce blog a été ouvert le 11 mars 2011. En mars, il recevait 1467 visites et 2383 pages avaient été vues. Du 3 avril au 3 mai, il recevait 3689 visites et 5483 pages étaient visionnées ; du 1er mai au 31 mai 3322 visites et 5626 pages visionnées. Du 1er juin au 31 juin, le blog a reçu 3464 visites et 5721 pages furent visionnées. La fréquentation baissa durant les vacances, car le blog – aussi – pris du repos. Pour le mois de septembre 4423 visites sont enregistrées et 6683 pages sont visionnées. En octobre, il y eut 3027 visites pour 4689 pages visionnées. En novembre, il y eut 2679 visites pour 3915 pages visionnées. En décembre, 3203 visites pour 4754 pages visionnées. En janvier, 3143 visites pour 4815 pages visionnées. En février, cela donne 3709 visites pour 5501 pages visionnées. En mars, il y eut 3592 visites et 5530 pages visitées. En avril, il y eut 4063 visites pour 6280 pages visitées. En mai, il y eut 4895 visites pour 8100 pages vues. En mai, il y eut 4499 visites pour 5395 pages vues. Je n’ai pas reçu les chiffres de juin. En juillet,  3502 visites pour 4158 pages vues. En août: 3213 visites pour 5059 pages vues. En septembre: 5624 visites pour 8773 pages vues. En octobre 3268 visites pour 5337 pages vues.

Le lectorat reste majoritairement belge (2587 visites). La France suit avec (402 visites), puis la Suisse (22 visites) et les Etats-Unis (20 visites).

L’article le plus fréquenté fut « Pratiquants non croyants » du 1er octobre avec 314 visites. Vient ensuite « Quand le fœtus n’est pas une personne » du 31 octobre avec 293 visites et « Propos d’arrière-saison » du 17 octobre avec 201 visites.
Merci aux lecteurs et suite au mois prochain.

Judéo-christianisme pour les nuls – 31° dimanche, Année B

 « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu ». (Marc 12, 28-34)

Les théologiens de l’époque aimaient se lancer dans de longues dissertations religieuses. Il y avait chez les Juifs 613 commandements : 365 négatifs (« tu ne dois pas ») et 248 positifs (« tu dois »). Le scribe qui interroge Jésus, lui demande donc : « Quel est le plus grand de ces commandements ? » La réponse du Seigneur ne se fait pas attendre : « Aimer – Dieu, son prochain, soi-même. » Pourquoi ? Parce que « Dieu est amour » (1 Jean 4, 8). Comme nous sommes créés à Son image (Genèse 1, 27), l’amour est source de toute vie authentique. Tous les autres commandements dépendent donc de l’invitation à aimer. Saint Paul le rappelle: « J’aurai beau avoir toute la science de la terre et du ciel, si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien. » (1 Co 13).

Contrairement aux illuminés sectaires et leurs enseignements mystérieux, Jésus parle un langage simple… Mais d’autant plus exigeant. En effet, « aimer » c’est tout donner. Le scribe a donc raison quand il ajoute que cela vaut mieux que tous les sacrifices. Le Christ le souligne, en lui lançant avec approbation:  « Toi, tu n’es pas loin du royaume de Dieu ».

Toussaint et commémoration des défunts

«Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu» (Matthieu 5, 1-12)

Mon dernier ‘post’ sur ce blog l’illustre tristement: une vision de l’homme qui ne soit pas « relationnelle » (ou « personnaliste ») mène à l’impasse. Cela vaut dans le domaine bioéthique, dans le monde économique, mais également ailleurs.
La foi chrétienne pousse le raisonnement plus haut, en proclamant que la « relation » avec nos frères humains ne s’arrête pas à la barrière de la mort. C’est ce que la fête de Toussaint et le jour de prière pour les défunts rappellent. Voici ce que j’écrivais à ce sujet l’année dernière:

L’Eglise catholique fête ce 1er novembre tous ses saints, soit ces défunts – connus ou anonymes – qui ont été perméables à l’amour divin sur terre et qui participent désormais à la plénitude du ciel. Leur course terrestre s’est achevée, mais ils sont tout sauf spirituellement morts. En Dieu, ils sont plus-que-vivants. Voilà pourquoi à ceux qui les invoquent, ils servent de premiers de cordée sur le chemin de la conversion. La communion des saints est cette solidarité profonde qui unit spirituellement les vivants sur terre et les vivants en Dieu.
L’Eglise catholique commémore ce 2 novembre plus largement tous les défunts, soit la multitude d’hommes et de femmes qui ont vécu leur grand passage. L’Eglise invite à prier avec eux, mais aussi pour eux. En effet, tout comme l’œil qui sort de la cave doit s’habituer à la lumière éclatante du soleil, de même beaucoup ont besoin d’une transition qui dilate leur cœur – état que l’Eglise du moyen-âge appela le « purgatoire ». La prière pour les défunts est donc une expression de la solidarité spirituelle qui unit les pèlerins de la terre à ceux du ciel.

Le culte des saints et la prière pour les défunts sont bien davantage que des fioritures de notre foi de baptisé. En voyant le nombre impressionnant de nos contemporains qui – en ce début de XXIe siècle – visitent encore les cimetières, nous constatons que l’affection pour « ces chers disparus » rejoint une intuition spirituelle profonde. En priant pour un défunt, nous l’accompagnons sur le chemin de notre commune destinée en espérance – la pleine communion dans l’Amour trois fois saint. Alors, l’adieu devient « à-Dieu ».

Quand le fœtus n’est pas une personne. Quand l’employé est dépersonnalisé. Petites contradictions dans notre société

Je n’aime pas les condamnations à l’emporte-pièce de la société à laquelle j’appartiens. Trop facile. Cependant, la lucidité enjoint de pointer vers certaines de ses contradictions, afin d’aider à une salutaire remise en question.

Ainsi ce procès aux assises de Bruxelles. L’accusé comparait pour le meurtre de sa femme. Derrière ce fait divers sordide, une particularité: l’épouse tuée était enceinte de huit mois et demi. Le bébé était sur le point de naître. Et pourtant on ne parlera pas de lui au procès. Pour la justice il n’a jamais existé. Un bébé sur le point de naître n’existe pas aux yeux du droit, même la veille de sa naissance. Tant que le travail d’accouchement n’a pas commencé, il n’est qu’une extension de sa mère. Nicole Gallus est professeur de droit à l’ULB et chargée de cours de bioéthique. Elle explique : « En droit, il n’y a de personne qui si on a la naissance d’un enfant vivant et viable. Avant la naissance, le fœtus n’est pas une personne au sens juridique du terme. Que la femme ait été enceinte de huit mois et demi changera peut-être au niveau de dédommagement parce que le préjudice est plus lourd mais il n’y a pas d’infraction spécifique concernant la personne de ce fœtus. »  Ceci contraste avec le vécu de nombreux parents pour qui l’enfant bientôt né est plus d’un amas de cellules. Pourrait-on atténuer ce décalage et reconnaitre plus tôt le fœtus comme personne juridique ? Cela remettrait en question d’autres droits. « On parle essentiellement de la loi sur l’avortement. À partir du moment où l’on reconnaitrait qu’un embryon ou qu’un fœtus est une personne, il aurait notamment le droit à la vie et ce droit à la vie viendrait en contradiction avec le droit à la vie privée de la mère ainsi que son droit à l’avortement. » Or un avortement thérapeutique peut être pratiqué jusqu’au dernier jour de grossesse. Une série d’expériences scientifiques seraient aussi remises en question si le droit considérait les embryons comme des personnes en puissance. Bref, cette boite de pandore reste soigneusement fermée. Le débat vieux comme le monde qui est autant philosophique, religieux, que scientifique, peut se poursuivre. Le droit belge a sa réponse: il faut naitre pour exister.
Dont acte. La mort d’un enfant viable à quinze jour de sa naissance, ne donne droit qu’à un dédommagement plus élevé. Je n’exagère pas. Je n’ai fait que copier la dépêche RTBF. Nul besoin de commentaire: Il démontre à suffisance comment notre société s’est éloigné de la défense de l’inviolabilité de toute vie humaine. Durant mes études de droit, on m’enseignait l’antique adage romain, repris dans notre code civil: « infans conceptus pro nato habetur quoties de comodo ejus agitur ».  Traduction: « l’enfant conçu sera considéré comme né chaque fois qu’il pourra en tirer avantage ». On est loin – très loin – du compte. Contradictions… contradictions.

Mais la dignité humaine est – hélas – également battue en brèche dans bien d’autres domaines. Je déjeunais dans un businessclub select le jour de l’annonce des licenciements massifs chez Ford Genk. Ces patrons n’étaient pas insensibles au drame humain – que du contraire – mais en même temps, il y avait chez eux ce fond de fatalisme: « C’est la loi des marchés. Celui qui ne joue pas le jeu, périt » Un langage de froide raison. Le lendemain, je me trouvais dans un milieu d’éducateurs sociaux. La perception du réel est toute différente: ici, c’est l’émotion qui parle et donc l’indignation qui prime. « Où va l’humain dans un tel monde? » martelaient-ils.
Au milieu d’un tel dialogue de sourds, il y a l’affaire Jérome Kerviel. L’ex-trader aurait perdu une somme colossale en spéculations hasardeuses. Selon un récent arrêt de la Cour d’Appel, la banque qui l’employait ne porterait aucune responsabilité dans son comportement. Elle en ignorait tout et ne serait que la victime de son ancien cadre. Pareille conclusion m’étonne, mais – si elle reflète la vérité – c’est encore plus inquiétant. Quelle est cette économie-casino qui laisse un jeune flambeur mettre en danger une des institutions bancaires les plus puissantes d’un grand pays européen? Contradictions… contradictions.
Je ne puis que rappeler ici le n°67 de l’encyclique Caritas in Veritate de Benoît XVI: « Pour le gouvernement de l’économie mondiale, pour assainir les économies frappées par la crise, pour prévenir son aggravation et de plus grands déséquilibres, pour procéder à un souhaitable désarmement intégral, pour arriver à la sécurité alimentaire et à la paix, pour assurer la protection de l’environnement et pour réguler les flux migratoires, il est urgent que soit mise en place une véritable Autorité politique mondiale telle qu’elle a déjà été esquissée par mon Prédécesseur, le bienheureux Jean XXIII. Une telle Autorité devra être réglée par le droit, se conformer de manière cohérente aux principes de subsidiarité et de solidarité, être ordonnée à la réalisation du bien commun, s’engager pour la promotion d’un authentique développement humain intégral qui s’inspire des valeurs de l’amour et de la vérité. Cette Autorité devra en outre être reconnue par tous, jouir d’un pouvoir effectif pour assurer à chacun la sécurité, le respect de la justice et des droits. Elle devra évidemment posséder la faculté de faire respecter ses décisions par les différentes parties, ainsi que les mesures coordonnées adoptées par les divers forums internationaux. En l’absence de ces conditions, le droit international, malgré les grands progrès accomplis dans divers domaines, risquerait en fait d’être conditionné par les équilibres de pouvoir entre les plus puissants. »

Soulquest festival – questions/réponses

Pendant trois jours, j’ai eu la chance de pouvoir partager ma foi avec environ 200 jeunes (15-25 ans) du Soulquest festival, qui se déroula à Beauraing. Je leur ai promis d’essayer de répondre à leurs questions. Voici donc quelques-unes de ces questions et mes tentatives de réponses:

  • Peut-on utiliser la violence pour protéger sa foi? La « légitime défense » est admise: se protéger ou protéger son prochain avec des moyens proportionnés à l’agression. Mais chaque fois que le pardon ou le dialogue est possible, cela doit être préféré. Le christianisme n’est pas une religion du glaive, mais de la croix.
  • Que pensez-vous de la série TV « Ainsi soient-ils? » Je n’ai pas vu cette émission. D’après les échos que j’en ai eus, le scénario voit la vie de l’Eglise à travers nombre de clichés. C’est souvent le cas, quand on parle d’une réalité peu connue et qui fascine. La bonne nouvelle est que ce genre de série montre que la vocation de séminariste intéresse encore le grand public.
  • Pourquoi certaines personnes souffrent beaucoup plus que d’autres? Notre monde est marqué par la finitude humaine et par le mal. Certains en souffrent plus que d’autres. La vie est parfois injuste et cruelle. Cependant, le fait que nous ressentions que la vie est injuste et cruelle, démontre que nous avons en nous un sens inné de la justice. Que donc, nous sommes faits, non pour la souffrance, mais pour le bonheur.  C’est le bonheur exigeant que l’Evangile donne de découvrir.
  • Comment mettre un peu plus de « punch » dans nos églises sans bousculer les « vieux »?  Je pense que les « vieux » sont souvent contents de voir des jeunes encore les bousculer à l’église. C’est quand il n’y a plus de jeunes pour les bousculer, que les « vieux » se sentent vraiment… vieux.  
  • Que peut-on répondre aux gens qui critiquent l’Eglise en disant que tous les prêtres sont pédophiles? Et que tous les Wallons sont tous des fainéants. Ou tous les flamands des nationalistes agressifs… Clichés, clichés.
  • Comment se comporter avec les homosexuels? Voici ce que j’ai publié à la demande d’homosexuels à ce sujet en 2004, sur le site ‘Gaybelgium’: http://www.gaybelgium.be/fr/content/EplZAElZFuqQLxJKiy.shtml
  • Comment trouver la façon de témoigner en restant jeune au milieu des jeunes? Pour témoigner, il est essentiel de rester soi-même. Soyez donc jeunes et surtout ne doutez pas de l’éternelle jeunesse du Christ et de son Evangile.

Clairvoyance – 30° dimanche, Année B

 « Rabbouni, que je voie ». (Marc 10, 46-52)

Une foule opaque entoure le Maître, qui fait son entrée à Jéricho. Jésus est alors au sommet de sa popularité. Aujourd’hui, ses « fans » lui demanderaient sans doute de signer des autographes. Derrière la masse, un homme est assis dans l’anonymat. Il est aveugle. Pourquoi tous ces gens ? Il se renseigne. Apprenant que c’est le guérisseur de Nazareth qui passe, il crie sa détresse. Mais aussi un début de foi : « Fils de David » est, en effet, un titre  messianique. On essaie de le rabrouer, mais il insiste. Jésus entend et le fait venir. « Ta foi t’a sauvé », lui dit-il. Et l’homme voit.

Jésus n’avait pas pour mission de guérir tous les aveugles de Palestine. Il se laissa néanmoins toucher par la demande confiante de cet homme et, ce faisant, nous laissa un signe du Royaume : « les aveugles voient ». Tous, nous souffrons de cécité ou de myopie spirituelle. D’ailleurs, notre pire défaut est celui que nous refusons de voir en nous et qui, dès lors, nous mine de l’intérieur. Ne nous reposons donc pas trop sur notre clairvoyance. Demandons au Christ dans nos prières : « Fais que je voie ». Et Lui nous répondra : « Ta foi t’a sauvé ».

Machtsmisbruik – ‘It’s the responsability, stupid.’

De beslissing om Ford Genk te sluiten is schokerend. Duizende mensen wiens werkomgeving met één droge beslissing ineenstort. Overcapaciteit, dus. Of liever sociale dumping naar Spanje. Een symptoom van wat de Europese Unie mist: een socio-economisch perspectief. Waarschijnlijk dienen de arbeidslasten in ons land wat lager te zijn, maar die van het zuiden hoeven duidelijk naar omhoog. Maar er is meer. In october 2010 sluit de directie van Ford een toekomstplan voor Genk. En nu gaat daar plots een streep door. Zonder dat de Europese topman het nodig acht om dat zelf in Genk te komen zeggen. Dat vind ik erg. Als leiders bittere beslissingen nemen, moeten ze ook de moed opbrengen om die aan de mensen ‘face to face’ te komen uitleggen. Anders verliest het volk niet alleen een job, maar ook vertrouwen in elke economische of politieke machtsdrager. Macht wordt dan gauw bekeken als iets anoniems en verpletterend. Wantrouwen groeit. Gevaarlijk spel voor een democratie. Macht is pas rechtmatig als het gepaard gaat met verantwoordelijkheid. Zo niet, gaat macht gepaard met misbruik.

Ook seksueel misbruik draait om macht. Dat leerde ik van pedopsychiater Peter Adriaenssens, toen ik als perschef van de bisschoppen, regelmatig met hem in contact kwam. Pedofilie binnen de Kerk kan men niet uitsluitend verklaren door te zeggen dat sommige priesters het net te moeilijk hadden met hun celibaat. Het gaat ook hier vooral om kerkelijke bedienaars die vergeten zijn – of niet meer bewust waren –  dat (hier: spirituele) autoriteit samen gaat met verantwoordelijkheid. Dat ervaren we nu eveneens met de recente misbruiksschandalen binnen de psychiatrie of de journalistiek. Nogmaals: Macht is pas rechtmatig als het gepaard gaat met verantwoordelijkheid. Zo niet, gaat macht gepaard met misbruik.

« Propos d’arrière-saison » (La Libre) – un parfum d’amertume?

Une chronique dépressive?
Je voudrais revenir ici sur mon récent billet, publié ce mercredi 17 octobre dans le quotidien ‘La Libre’: « Propos d’arrière-saison ». Il s’agit d’une des chroniques les plus personnelles que j’ai écrite depuis longtemps. Je tenais à partager une évolution spirituelle, en expliquant pourquoi – avec les années – la prière d’intercession avait pris une place plus importante dans ma vie spirituelle. Nombre de lecteurs m’ont exprimé que cet écrit les avait touché, mais quelques personnes se sont aussi manifestées en se disant inquiètes pour moi: « Est-ce que je broyais du noir? Etais-je pris d’un relent d’amertume? Avais-je peur de vieillir? »
Ces remarques partent d’un réel sentiment amical. Je remercie donc ces lecteurs aussi attentifs qu’attentionnés. Cependant, leur regard me laisse profondément perplexe. Ce n’est pas la première fois que mes chroniques attirent des réactions critiques – c’est la règle du jeu – mais jamais mon propos n’avait été aussi mal compris. En effet, je rassure toutes ces personnes sur mon état d’esprit. Je n’ai pas un caractère propice au découragement et, en plus, je suis pleinement épanoui dans ma vie de prêtre du moment. Ce que ma chronique exprimait d’ailleurs – discrètement – en comparant la tranche de vie que je parcours à un « été indien ».

Malentendu?
Comment, dès lors, expliquer un aussi grossier malentendu?
Me suis-je mal exprimé? Possible, mais j’ai beau relire ma chronique, je ne vois vraiment pas ce qui peut prêter à pareille interprétation.
Alors, la présentation rédactionnelle du texte est-elle propice à créer la confusion? Il est vrai que – pour une fois – j’ai trouvé que les deux phrases que ‘La Libre’ avait mises en exergue, étaient mal choisies. La première passe encore: « Avec l’âge, je ressens plus clairement que ce monde est trop lourd pour mes épaules. Que je ne suis pas son sauveur.«  La suite du texte éclaire cependant mon propos d’une toute autre lumière: « Qu’un Autre a porté l’humanité. Que c’est l’Esprit qui vivifie. Voilà pourquoi, l’intercession est devenue un réflexe chez moi. » La seconde phrase me semble carrément mal choisie:  » Plus jeune, j’étais viscéralement optimiste et décidé à me battre pour un monde meilleur« . La citer sans sa suite, me fait dire le contraire de ce que j’affirme. Pour rappel, cette suite est: « Je n’ai pas changé et je crois toujours que – malgré mes inévitables défauts – le bonheur de mon prochain dépend aussi de ma générosité et de mes paroles.«  Inutile de chercher de la malice dans ce travail rédactionnel, mais admettons que cela ait pu influencer la lecture de certains.
Cependant, peut-être qu’il ne s’agit pas d’un malentendu, après tout. En soulignant – volontairement à répétition – qu’à près de 50 ans, on n’est plus un jeune homme et en expliquant qu’avec les années, je suis davantage conscient qu’une part du réel échappe à ma maîtrise, mon article a peut-être fait mouche. Il est parvenu à chatouiller un des dogmes sociaux sur lequel repose notre société occidentale: celui de la performance et du contrôle.

Je suis ce que je fais
Je vis en profonde sympathie avec la culture occidentale qui est la mienne, mais force est de constater qu’elle est toujours dopée au culte du résultat, du Guiness record book et des médailles olympiques. « Sky is the limit ». Notre Occident vit dans l’obsession du « faire ».
Petit détour par l’histoire de la pensée chrétienne:  Les théologiens orientaux se sont intéressés depuis le berceau du christianisme à des questions ayant trait à la contemplation du Mystère divin: filiation divine, nature humaine du Rédempteur, divinité de l’Esprit, etc. Ces querelles laissèrent bien des occidentaux dubitatifs. Ils les considéraient comme trop « byzantines » (le terme vient d’ailleurs de là). Un seul grand débat occupa l’occident, et ce depuis toujours: celui de la morale, de l’action, du faire,… Déjà Tertullien se coupe de l’Eglise officielle au II° siècle, parce qu’il la considère pas assez « rigoureuse ». Au tournant du IVe et Ve siècle, saint Augustin passera la première partie de sa vie d’évêque à combattre les Donatistes – également rigides – et la seconde à répondre à Pélage, ce dernier privilégiant le « mérite » humain sur le don divin. A partir du XIIIe siècle, les courants thomistes et augustinistes se différencient sur ce qui prime dans l’ « action » divine: la sagesse du Créateur ou Sa volonté? Au XVIe siècle, protestants et catholiques, mais aussi le dominicain Banez et le jésuite Molina, s’opposent sur la priorité entre grâce divine et liberté humaine. Idem pour Jansénistes et Jésuites au XVIIe siècle. Sous une forme sécularisée, cette opposition se retrouve même aujourd’hui entre ceux qui soulignent le conditionnement humain et ceux qui magnifient son autonomie.
Bref, moins que de creuser « qui est » Dieu ou « qui est » l’homme, la culture occidentale se focalise sur « que fait » Dieu et « que fait » l’homme. Il est d’ailleurs rare qu’un paroissien demande au prêtre que je suis: « Parlez-moi de Dieu » ou « Apprenez-moi à prier ». Le plus souvent, c’est la question du « faire »  qui prime: « Doit-on encore aller à la Messe? » « Est-on obligé de se confesser? » « Pourquoi les femmes ne peuvent pas « devenir » prêtres? » « Pourquoi l’Eglise est-elle contre ceci ou cela? » Je ne dis pas que ces questions sont sans importance ou pertinence. Je rappelle seulement qu’elles restent  à la périphérie du Mystère, en se focalisant sur le « faire », plutôt que sur « l’être ». Imagine-t-on un époux qui demande: « Dois-je embrasser ma femme chaque soir? » « Faut-il encore souhaiter son anniversaire? »    
L’obsession du « faire » se répercute d’ailleurs dans le langage courant. Lors d’une rencontre, il n’est pas habituel de demander: « Etes-vous heureux? »  La question rituelle sera: « Comment allez-vous? » Ce terme, qui trouve son origine dans le transit intestinal, pourrait être traduit par: « Chez vous, est-ce que tout fonctionne bien? »  Une question « technique », en quelque sorte. Et la réponse sera, presque invariablement: « Je vais bien et vous? »(même si rien ne va). Dans notre monde de performance technologique, il y a ceux qui « fonctionnent » et les « loosers » – ces perdants de la vie qui n’arrivent plus à « progresser », à « se dépasser », à « faire du chiffre »… Et qui souvent essaient de le cacher. Quand il s’agit d’être éternellement « in », il n’est guère confortable de se sentir « out ».

Enfants du Père
Quel rapport entre ces considérations historico-culturelles et ma chronique? Celle-ci exprimait une conviction, de plus en plus ancrée en moi, qu’une part des enjeux de l’existence humaine échappe à notre contrôle. D’où mon besoin de plus en plus pressant, de confier ceux et celles que je croise à Celui qui seul, est la Source de toute vie.
Sans doute que mon ministère me rend plus sensible à cet aspect des choses. En effet, ce sont rarement les personnes riches et bronzées qui se confient au prêtre. Mais je pense aussi que notre obsession de la performance insensibilise. Beaucoup de chrétiens ont été drillés, depuis leur tendre enfance, à faire « de bonnes œuvres pour Dieu », mais peu sont habitués à « se découvrir enfant de Dieu ». Je pense que ceci explique pour une part au moins, pourquoi d’aucuns ont trouvé mon témoignage quelque peu « contre-performant », « défaitiste », voire « angoissé »… Alors que ce billet fut écrit dans une très grande paix intérieure. Il se voulait, en effet, avant tout un hymne à l’espérance et un appel à la confiance. « Regardez les oiseaux du ciel ; ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’ont ni cellier ni grenier; cependant Dieu les nourrit. Ne valez‑vous pas beaucoup plus qu’eux? Considérez les lys, comme ils croissent; ils ne travaillent ni ne filent cependant je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n’était pas vêtu comme l’un d’eux ». ( Luc XII, 23)

 

Tractations postélectorales – 29° dimanche, Année B

 « Vous ne savez pas ce que vous demandez ». (Marc 10, 35-45)

Jacques et Jean – les fils de Zébédée – veulent pousser leur avantage au sein du groupe des douze. Objectif  stratégique: le jour où Jésus aura pris le pouvoir à Jérusalem, se voir attribuer les meilleurs postes ministériels. Pour ce faire, ils prennent le Maître à part et lui demandent : « Accorde-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire ».  On se croirait en pleine tractation postélectorale. Et Jésus de soupirer : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire ? » « Nous le pouvons ! », répondent les présomptueux. Ils n’ont rien compris. Le jour où le Fils de l’homme sera élevé en gloire, ce sera sur une croix. Plus personne ne se battra pour siéger à sa droite ou à sa gauche. Un privilège réservé à deux bandits. La gloire de Dieu – c’est l’amour jusque sur une croix: « Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude ».