Sede Vacante… et Caterpillar

Ce soir, nous étions réunis à la cathédrale de Liège et c’est avec émotion que l’Evêque et le diocèse ont rendu grâce pour le pontificat de Benoît XVI, qui s’est clôturé à 20h.
Le siège est désormais vacant et – j’en ai été témoin la dernière fois: cela se sent presque physiquement au Vatican – c’est désormais le collège des Cardinaux qui est à la manœuvre. Prions pour eux. En particulier pour le cardinal Danneels qui, en quelque sorte, représente les catholiques de Belgique.

En même temps, c’est aujourd’hui que Caterpillar annonça des licenciements massifs à Gosselies. Comment ne pas s’unir à l’émotion de tant de familles précarisées? Contrairement à ce qui s’est trop fait ailleurs, la direction est venue communiquer la terrible nouvelle. C’est plus courageux. Cependant, je ne pense pas que la date du 28 février – dernier jour du pontificat – fut choisie au hasard. C’est un vieux truc de communicateur: Faire passer une mauvaise nouvelle, le jour d’un événement planétaire. Noyé dans l’autre événement, l’espoir est d’en atténuer le choc auprès de l’opinion. Apparemment, cela n’a pas vraiment réussi. Et c’est mieux ainsi.

 

Que faut-il attendre du prochain Pape? – La Libre pp.52-53

Dans la Libre de ce jour pp.52-53, se trouve un regard croisé sur l’Eglise entre Raphaël Jacquerye et votre serviteur: « Que faut-il attendre du prochain Pape? » L’exercice a ses limites. Il n’est, en effet, pas facile de s’exprimer de façon profonde sur pareil sujet en quelques mots via une interview téléphonique. (A ceux qui veulent en apprendre davantage sur ma façon de percevoir les choses, je conseille de lire « Pourquoi je ne crois pas à la faillite du christianisme », éditions Nouvelle Cité). S’il est clair que Raphaël Jacquerye et moi-même ne mettons pas les mêmes priorités – et, si on avait creusé, outre des points communs, quelques francs désaccords seraient apparus – c’est surtout sur la façon de répondre aux questions que je constate une différence. Là où lui s’attache surtout à l’institution qu’il souhaite réformer, je considère la foi qu’il s’agit de raviver. Lui semble dire: « L’eau ne passe plus, parce que les canalisations sont bouchées ». Moi, je pose comme question: « Comment faire pour qu’il y ait encore de l’eau dans les canalisations? » Sans engager ici un débat de fond, je pense que la raison de cette différence est également d’ordre générationnel et sociologique. Plus âgé que moi et issu du pilier chrétien, Raphaël Jacquerye part de son éducation catholique et – constatant un décalage entre celle-ci et la culture du temps – semble dire: « adaptez l’Eglise aux temps et la foi se renouvellera ». Issu d’un monde où la plupart de mes copains d’enfance ne pratiquaient déjà plus et ayant « fait les deux écoles », je prêche quant à moi: « Vivez de l’Esprit et l’Eglise se régénérera ». Je suis, en effet, intimement convaincu que le trésor de la foi en un Christ crucifié – « scandale pour les juifs, folie pour les peuples » (1 Cor 1, 23) – n’est pas de l’ordre de l’évidence culturelle. Pour le répandre, il faut s’en laisser pétrir et accepter de parfois vivre à contre-courant de l’opinion commune. Raphaël Jacquerye ne dirait sans doute pas le contraire et nos démarches ne sont pas forcément antinomiques, mais – bien plus encore que les questions de fond qui éventuellement nous diviseraient – c’est surtout ce contraste entre nos regards qui offre ici matière à méditer.

 

 

 

 

Après Benoît XVI, le dernier Pape?

Sur le net ou dans la rue, d’aucuns me demandent si le prochain Pape sera le dernier. Pareille inquiétude se fonde sur la soi-disante « prophétie de saint Malachie », éditée en 1595 par le moine bénédictin Arnold Wion. Il s’agit d’un document de six pages dont il attribuait la composition à saint Malachie, archevêque d’Armagh (1095 env.-1148). Cette liste reprend une suite de cent onze devises qui s’appliquent aux papes, depuis Célestin II (1113-1114) jusqu’à nos jours. Si on suit la liste des Papes, Jean Paul Ier serait De medietate lunae (moitié de la lune); Jean-Paul II De labore solis (le travail du soleill) et Benoît XVI De gloria olivae (la gloire de l’olivier). Après, ne resterait qu’un dernier pape. Saint Malachie le décrit comme « Pierre le romain » qui – après la tribulation – verrait le Jugement dernier.  De quoi agiter les consciences.

Se préparer au retour du Christ, est le devoir de tout chrétien. Mais le faire en se fondant sur la « prophétie » de saint Malachie me paraît moins inspiré. L’ouvrage est, en fait, une composition. (Ici, je m’inspire librement d’un article). Une première partie est historique et décrit les Papes se succédant depuis le soi-disant auteur – Malachie – au XIe siècle, jusqu’à la date réelle de composition de l’ouvrage, fin du XVIe siècle. En effet, jusqu’à Urbain VII (1590), les devises sont accompagnées d’un bref commentaire dont l’auteur serait le dominicain Alfonso Charon, dit Ciacconius. Comme on y retrouve les mêmes erreurs d’armoiries et le même choix d’antipapes que dans les notices des papes publiées en 1557 par Onofrio Panvinio, les historiens pensent que Charon se serait servi de cet ouvrage pour composer sa liste. Après Urbain VII, le ton change. On donne aux Papes des devises vagues qui peuvent s’appliquer à tout un chacun. A une exception près: la devise qui suit Urbain VII. De antiquitate urbis désignait fort clairement le cardinal Simoncelli, évêque d’Orvieto, Urbs vetus. La soi-disante prophétie de Malachie avait donc été fabriquée par un petit malin au XVIe siècle pour influencer un conclave, en invitant les cardinaux à choisir l’évêque d’Orvieto. Malheureusement pour l’auteur, celui-ci ne fut pas élu pape et la « prophétie » sombra dans l’oubli. Ce qui me permet de conclure par un jeu de mot pourri: « Bien Malachie ne profite jamais ». Quoique… Ses prédictions retrouveront une gloire posthume aux XIXe et XXe siècles.

In memoriam Stéphane Hessel

L’histoire est faite de troublantes coïncidences: Au moment où Benoît XVI se retire, Stéphane Hessel  – figure symbolique de la laïcité – quitte ce monde.
Je l’avais rencontré à la Foire du livre de Bruxelles, avant que son manifeste « Indignez-vous » ne le rende mondialement célèbre. La profondeur et la vivacité de ce grand aîné m’avaient impressionné. L’homme était le contraire du cynique et du résigné. Il avait vécu, tout à la fois les camps nazis et la rédaction de la déclaration universelle des droits de l’homme – deux événements hautement symboliques du XXe siècle. Si les générations montantes l’écoutaient avec passion, c’est qu’elles sentaient en lui toute la jeunesse de l’homme debout.

Proche de la laïcité philosophique, Stéphane Hessel était un bâtisseur de ponts qui respectait la croyance, même s’il se montrait critique par rapport au monothéisme. Mais cet ancien diplomate le savait mieux que quiconque: Etre critique de l’autre, n’empêche pas le respect. En entendant la dureté sans nuance de certains commentaires laïques (pas tous – je précise) à propos du Pape ces jours-ci, je me dis que – dans notre pays – pareille attitude n’est pas encore pleinement intégrée.

Viande de cheval et regard sur l’Eglise

L’affaire de la viande de cheval nous dit quelque chose de notre société: Un produit passe d’intermédiaires en intermédiaires et puis – malgré tous les contrôles – plus personne ne sait encore ce qui se trouve dans l’assiette. On pense être informé, car sur la boîte de surgelés se trouve une belle étiquette. Et pourtant…

Il en va un peu de même avec nombre de choses qui se lisent dans l’actualité catholique ces jours-ci. Le flot des rumeurs passe de dépêche en dépêche. Plus personne ne sait encore exactement qui a donné l’info ou comment la recouper. Chacun se croit donc bien informé en la relayant, car « on l’a entendu à la TV ». Et pourtant…

Ainsi, cet intellectuel déclarant aujourd’hui dans un grand quotidien du nord du pays: « Le Pape a réussi à renoncer au job le plus désirable au sein de son organisation, pour faire ce dont il a vraiment envie ». Voilà une grille de lecture représentative de notre société de consommation: Le Pape avait le « job suprême », mais choisit pourtant de se retirer pour jouir de la vie. Bref, tout est question de choix entre désirs à assouvir. Que voilà une information représentative de l’homme postmoderne. Il a renoncé à la naïveté des catéchismes. Lucide, maintenant, il sait. Et pourtant…  Cet homme a des yeux et ne voit pas. Bien sûr que l’Eglise est aussi une réalité dont les membres sont pétris de chair et donc de péché. Mais il y a bien plus que ça. Dans l’analyse du chroniqueur, nulle trace d’élévation ou d’idéal – et encore moins d’Esprit. Il croit être informé sur l’Eglise… Tout comme quelques heures plus tôt, il pensait manger des lasagnes au boeuf.

 

« L’homme en blanc » – 2e dimanche de Carême, Année C

« Ses vêtements devinrent d’une blancheur éclatante » (Luc 9, 28b-36)

Quand on parle de « l’homme en blanc », beaucoup pensent au Pape. La blancheur de sa soutane rappelle, en effet, qu’il est témoin de la Lumière divine. Bientôt, cette blanche soutane passera des épaules de Benoît XVI à celles d’un nouveau successeur de Pierre. Comme chaque baptisé, les Papes passent, car ils ne sont que disciples de Celui qui – seul – rayonne pleinement de la lumière de Dieu. En ce dimanche, c’est ce que le Christ manifeste à ses disciples par sa transfiguration.

La transfiguration de Jésus sur la montagne, c’est l’expérience de l’infinie puissance d’amour de Dieu qui s’exprime à travers Lui. Difficile de décrire ce que les trois apôtres ont vu, mais  leur Maître leur est apparu d’une « blancheur éclatante ».  A ses côtés Pierre, Jacques et jean ont perçu la présence de Moïse, qui donna la loi, et d’Elie, modèle des prophètes. En effet, en Christ sont récapitulés la loi et les prophètes – et donc toute l’histoire sainte d’Israël. Alors, résonna la Voix. Aujourd’hui encore, elle nous dit : « Celui-ci est mon Fils… Ecoutez-le ».

Un désert au cœur des villes

La plupart des grands médias n’en parleront sans doute pas: Le décès du père Pierre-Marie Delfieux vient d’être annoncé. Il était le fondateur des Fraternités Monastiques de Jérusalem.
En quelques mots: Il s’agit d’un prêtre diocésain qui travaille dans les années 60 du XXe siècle, en équipe dans une aumônerie d’étudiants autour de celui qui deviendra le cardinal Lustiger. En plein mai ’68, l’abbé Delfieux ne jette pas de pavés, mais part vivre en ermitage dans le désert. Depuis sa jeunesse, il est – en effet – fasciné par la figure du Charles de Foucauld. A son retour vers la vie moderne, l’homme est habité par une intuition forte: C’est au milieu des villes que nombre de nos contemporains vivent désormais le désert.
Ici, je cite l’agence Cathobel: « En juin 1974, sa décision est prise de devenir moine dans la ville. L’église de Saint-Gervais lui est alors confiée dans le centre de Paris, pour y établir la future fraternité. Proche de l’Hôtel de Ville et du quartier des Halles, l’église se trouve dans un quartier en pleine rénovation. D’emblée l’essentiel est posé : une vie fidèle aux grandes exigences monastiques et professant les trois vœux de chasteté, pauvreté et obéissance, mais adaptée, en sa forme concrète, aux réalités de l’Église postconciliaire et du monde contemporain. L’accent est mis sur la prière personnelle et communautaire, avec d’amples liturgies chantées dans une église ouverte à tous. La vie fraternelle est fondamentale, mais elle se vit en ville, dans des appartements ou des maisons loués, sans que la Fraternité puisse acquérir de propriétés. Le travail, nécessaire pour gagner son pain, se veut aussi solidaire des contraintes vécues par les citadins : il se vit, de préférence, à mi-temps, comme salarié. Les frères veulent ainsi se situer en solidarité avec les citadins qui les entourent, mais aussi en contestation, pour affirmer le primat de l’amour et de la prière ».

Prions pour ce bon et loyal serviteur de l’Evangile et confions sa fondation au Maître de la moisson.

 

 


« Avoir, pouvoir, valoir » – 1er dimanche de Carême, Année C

« Il fut conduit par l’Esprit à travers le désert » (Luc 4, 1-13)

Carême… A la suite du Christ, l’Esprit nous conduit 40 jours au désert. Le désert est retour à l’essentiel : Qu’est-ce qui me rend plus vivant ? Le désert est aussi le lieu où la tentation reçoit son vrai visage : « Ordonne à ces pierres de devenir du pain ». Vais-je vivre pour les biens matériels, plutôt que spirituels ? Tentation de l’avoir. « Prosterne-toi devant moi et je te donnerai les royaumes de la terre » Vais-je vivre en m’asservissant à la logique du prince de ce monde ? Tentation du pouvoir. « Jette-toi en bas du pinacle du temple et les anges viendront pour te porter ». Vais-je vivre en cherchant à séduire la galerie ? Tentation du valoir.

Carême… A la suite du pape Benoît XVI, nous sommes conduits à comprendre que toute possession terrestre n’est qu’un emprunt ; tout pouvoir, un service temporaire ; et toute dignité, une charge à remettre au pied du Christ. Tel est le chemin de la Pâques. Empruntons-le avec Benoît XVI et – uni à lui – prions pour le prochain successeur de Pierre.

Futur conclave – John Allen, un journaliste à suivre

Conseil d’ami aux journalistes et aux lecteurs de ce blog: S’il est un homme qu’il faut lire ces jours-ci, c’est bien John Allen jr. Ce journaliste américain du National Catholic Reporter (NCR), fut – des années durant – correspondant à Rome. Sa réputation est solide. C’est lui que CNN et les autres grandes chaines télévisées américaines se battent pour avoir comme commentateur quand un événement majeur se déroule au Vatican. Pourquoi? Parce que les connaisseurs savent que peu de Vaticanistes ont, tout à la fois une telle intégrité déontologique, une pareille connaissance du terrain et la confiance de tant de hauts prélats romains. Ce n’est un secret pour personne: Si un journaliste doit pouvoir obtenir une interview de la part d’une éminence de la Curie, il y a de fort à parier que ce soit John Allen. Et je pense pouvoir affirmer que certaines de ces analyses sur le rapport entre Eglise et médias furent lues et reçues par les plus hautes autorités ecclésiastiques. Le crédit de celui qui est aussi un catholique engagé est tel que, comme l’homme se trouvait être par hasard à Rome lors de l’annonce surprise de la renonciation faite par Benoît XVI, d’aucuns pensaient qu’il était au courant… Ce qu’il démentit avec humour.

Sur quoi se fonde pareille réputation? Sur le fait que les analyses de l’Américain sont à l’opposé de la dérive tabloïd. Elles écartant le sensationnalisme et l’anecdotique, pour aborder le fond des choses. Ainsi son dernier article, paru hier sur le site du NCR. Pour ceux qui ne lisent pas l’anglais, je résume: D’aucuns ont affirmé que l’ombre de Benoît XVI pourrait planer sur le conclave et empêcher les cardinaux de délibérer en toute liberté de cœur. C’est plutôt le contraire qui est prévisible et ceci pour trois raisons: 1. Benoît XVI lui-même vient de sortir des sentiers battus en prenant une décision grave et inédite. Il invite donc les cardinaux à être audacieux à l’écoute de l’Esprit.  2. Le fait que le Pape renonce à sa charge en déclarant n’avoir plus la santé pour mener à bien les défis de l’heure, alors qu’il n’est nullement grabataire, accrédite le fait qu’il faille un pontificat qui puisse prendre à bras le corps une série de chantiers ouverts – à commencer par le fonctionnement de la Curie. 3. L’ombre d’un Jean-Paul II défunt fut bien plus importante sur le conclave dernier que ne sera probablement celle d’un Benoît XVI se retirant dans la prière. En effet, si le peuple catholique exprime à ce Pape sa tristesse de le voir se retirer, l’émotion il y a huit ans était d’une toute autre ampleur, face à la perte de « l’athlète de Dieu ».

John Allen conclut en écrivant qu’il ne faut pas, pour autant, s’attendre à un changement de cap au Vatican. Plutôt un changement de style et de fonctionnement. L’analyse a le mérite de donner à penser. Quant aux fidèles, en ce début de carême et en cette fête des saints Cyrille et Methode, patrons de l’Europe – elle les invite à confier le futur conclave au Maître de la moisson. Par le jeûne, le partage et la prière.

Carême amoureux – La Libre 13 février p.47

Ce 13 février, jour du Mercredi des Cendres, qui marque l’entrée des catholiques en Carême,  ma chronique du mois a été publiée en p.47 du quotidien La Libre. Ecrite il y a plusieurs semaines déjà, le renvoi que j’y fais à Benoît XVI n’est nullement lié à l’actualité, même si celle-ci rend ma citation d’autant plus actuelle.
Pour lire la chronique, cliquez sur le lien suivant: « Carême amoureux ».
Je souhaite un saint temps de Carême à tous les lecteurs de ce blog.

Merci à la rédaction de « La Libre » de m’offrir cet espace d’expression.